Quelles sanctions pourront être prononcées à l’encontre des compagnies d’assurance refusant d’élaborer un document d’information normalisé sur le produit d’assurance (dit IPID) ?

Publié le 22/10/2018

L’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018 relative à la distribution d’assurances impose depuis le 1er octobre 2018 au distributeur de produits d’assurance de fournir au souscripteur ou à l’adhérent (pour les contrats groupes) un document d’information normalisé sur le produit d’assurance (dit IPID). Cette obligation est impérative et relève des articles L. 112-2 et suivants du Code des assurances dans leur rédaction issue de l’ordonnance. Il est important de regretter la transposition parfois à la hâte de la directive européenne n° 2016/97 du 20 janvier 2016 entraînant ainsi diverses incohérences regrettables. En effet, tant l’ordonnance que le décret de transposition ont effectué plusieurs modifications textuelles importantes. Néanmoins, ces évolutions législatives n’ont pas nécessairement fait l’objet de relecture approfondie entraînant de facto plusieurs lacunes textuelles. La présente note a pour objectif de mettre en évidence les manquements et les incohérences inhérentes au document d’information normalisé sur le produit d’assurance.

L’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018 ajoute des sanctions susceptibles d’être prononcées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après ACPR) exclusivement dans le cadre des contrats d’assurance-vie et de capitalisation1.

Classiquement, les manquements aux dispositions législatives sont sanctionnés par la sous-section 2 (liste des sanctions), de la section 7 (pouvoir disciplinaire), du chapitre II (l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution), du titre I (les institutions compétentes en matière de règlement et de contrôle), du livre VI (les institutions en matière bancaire et financière).

L’article L. 112-2 du Code des assurances dispose que : « Avant la conclusion d’un contrat d’assurance portant sur un risque non-vie, le distributeur fournit au souscripteur ou à l’adhérent un document d’information normalisé sur le produit d’assurance élaboré par le concepteur du produit, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État ».

Les obligations à la charge des compagnies d’assurance contenues dans ce texte sont issues d’une disposition législative au respect de laquelle l’Autorité a pour mission de veiller.

Cette dernière pourra vérifier que le document précontractuel est conçu par le concepteur du produit, soit a minima la compagnie d’assurance et a maxima la compagnie d’assurance et le courtier co-concepteur du produit.

Ainsi, les sanctions susceptibles d’être prononcées par l’Autorité de contrôle doivent impérativement et en toute cohérence s’appliquer à l’ensemble des « concepteurs de produits d’assurance » sur qui repose l’obligation de fournir le document d’information normalisé sur le produit d’assurance (ci-après IPID).

À défaut, le courtier ou le mandataire intermédiaire d’assurance (dernier maillon de la chaîne de distribution) serait le seul susceptible d’être sanctionné alors même que la conception dudit document n’est pas à sa charge.

Il est également important de conserver à l’esprit que le document IPID fait partie de la distribution des produits d’assurance telle que prévue dans l’esprit de la transposition de directive relative à la distribution de produit d’assurance.

Ainsi, le refus d’élaboration des IPID pourra être sanctionné par l’ACPR.

I – L’identification du champ d’application matériel du texte applicable en cas de manquement aux obligations relatives aux IPID

Le Code monétaire et financier prévoit divers articles relatifs aux sanctions applicables. Ces articles s’appliquent à des catégories juridiques distinctes.

En effet :

  • l’article L. 612-39 du Code monétaire et financier est applicable aux personnes mentionnées au I de l’article L. 612-2, à l’exception de celles mentionnées aux 4 bis, 5° et 11° du A et au 4° du B ;

  • l’article L. 612-40 du Code monétaire et financier est applicable uniquement à un établissement de crédit, une entreprise d’investissement ou une société de financement ;

  • l’article L. 612-41 du Code monétaire et financier s’applique aux personnes mentionnées au 4° du B du I ou au II de l’article L. 612-2 ;

  • l’article L. 612-42 du Code monétaire et financier est applicable à l’ensemble des sanctions précédentes (de L. 612-39 à L. 612-41).

Une compagnie d’assurance relève donc de la compétence de l’ACPR sur le fondement de l’article L. 612-2, I, B, 1°, du Code monétaire et financier, mais également sur le fondement de l’article L. 612-41 du même code car ce texte renvoie à l’article L. 612-2, II, qui lui-même renvoie à l’article L. 511-1 du Code des assurances relatifs à la distribution de produits d’assurance.

Ainsi, en regard des textes précédents, les articles L. 612-39, L. 612-41 et L. 612-42 du Code monétaire et financier sont applicables aux compagnies d’assurance.

En effet, depuis le 1er octobre 2018, les compagnies d’assurance agissent :

  • en qualité d’entreprise exerçant une activité d’assurance ;

  • en qualité de distributeur de produits d’assurance.

Le manquement des obligations liées à l’IPID devrait être sanctionné sur le fondement de la qualité de distributeur de produits d’assurance (soit l’article L. 612-41 du Code monétaire et financier).

II – La sanction pécuniaire applicable aux compagnies d’assurance (en qualité de distributeur) en cas de manquements liés à l’IPID prévue à l’article L. 612-41 du Code monétaire et financier

L’article L. 612-41 du Code monétaire et financier dispose que :

« Si une personne mentionnée au 4° du B du I ou au II de l’article L. 612-2 a enfreint une disposition européenne, législative ou réglementaire au respect de laquelle l’autorité a pour mission de veiller ou un code de conduite homologué applicable à sa profession, n’a pas tenu compte d’une mise en garde ou n’a pas déféré à une mise en demeure, la commission des sanctions peut prononcer à son encontre ou, le cas échéant, à l’encontre de ses dirigeants, associés ou tiers ayant le pouvoir de gérer ou d’administrer, l’une ou plusieurs des sanctions disciplinaires suivantes, en fonction de la gravité du manquement ».

L’article L. 612-2, II, 1°, dispose que :

« Toute personne ayant reçu d’un organisme pratiquant des opérations d’assurance un mandat de souscription ou de gestion ou souscrivant à un contrat d’assurance de groupe, ou exerçant, à quelque titre que ce soit, une activité d’intermédiation en assurance ou en réassurance mentionnée à l’article L. 511-1 du Code des assurances ».

L’article L. 511-1 du Code des assurances est applicable à la distribution d’assurance.

Selon l’article L. 511-1 du Code des assurances, l’IPID est inclus dans la distribution d’assurance.

Ainsi, malgré la rédaction trompeuse et ambiguë de l’article L. 612-2, II, 1°, du Code des assurances, il apparaît que l’esprit du législateur est de sanctionner les manquements aux obligations de la distribution d’assurance sans distinguer l’auteur du manquement.

En outre, admettre que seul l’intermédiaire d’assurance est responsable de la non-remise d’un IPID aux clients, alors même que la rédaction de ce document incombe aux compagnies d’assurance serait contraire au principe d’égalité devant la loi.

Le refus d’élaboration des IPID par une compagnie d’assurance aura nécessairement pour conséquence de mettre en difficulté les intermédiaires d’assurance qui ont l’obligation de remettre, avant la conclusion du contrat, ce document au potentiel adhérent et souscripteur.

Par conséquent, si les compagnies d’assurance ne respectent pas leurs obligations liées à l’IPID, elles méconnaissent une obligation inhérente à la distribution de produits d’assurance qui pourrait être sanctionnée par :

  • « 1° l’avertissement ;

  • 2° le blâme ;

  • 3° l’interdiction d’effectuer certaines opérations d’intermédiation et toutes autres limitations dans l’exercice de cette activité ;

  • 4° la suspension temporaire d’un ou plusieurs dirigeants de l’organisme qui exerce une activité d’intermédiation ;

  • 5° la démission d’office d’un ou plusieurs dirigeants de l’organisme qui exerce une activité d’intermédiation ;

  • 6° la radiation du registre mentionné à l’article L. 512-1 du Code des assurances ;

  • 7° l’interdiction de pratiquer l’activité d’intermédiation.

Les sanctions mentionnées aux 3°, 4° et 7° ne peuvent, dans leur durée, excéder 10 ans.

Lorsque la procédure de sanction engagée peut conduire à l’application de sanctions à des dirigeants, la formation de l’Autorité qui a décidé de l’engagement de la procédure l’indique expressément dans la notification de griefs, en précisant les éléments susceptibles de fonder leur responsabilité directe et personnelle dans les manquements ou infractions en cause, et la commission des sanctions veille au respect à leur égard du caractère contradictoire de la procédure.

La commission des sanctions peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire au plus égale à cent millions d’euros ».

En conclusion, toute compagnie d’assurance en qualité de distributeur de produits d’assurance pourrait faire l’objet d’une sanction pécuniaire de 100 000 000 €.

III – La sanction pécuniaire applicable aux compagnies d’assurance (en cette qualité) en cas de manquements liés à l’IPID prévue à l’article L. 612-39 du Code monétaire et financier

L’article L. 612-39 dispose que la commission des sanctions peut prononcer une ou plusieurs des sanctions disciplinaires suivantes, en fonction de la gravité du manquement :

  • « 1° l’avertissement ;

  • 2° le blâme ;

  • 3° l’interdiction d’effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l’exercice de l’activité ;

  • 4° la suspension temporaire d’un ou plusieurs dirigeants ou de toute autre personne mentionnée à l’article L. 612-23-1 ou, dans le cas d’un établissement de paiement ou d’un établissement de monnaie électronique exerçant des activités hybrides, des personnes déclarées responsables, respectivement, de la gestion des activités de services de paiement ou des activités d’émission et de gestion de monnaie électronique, avec ou sans nomination d’administrateur provisoire ;

  • 5° la démission d’office d’un ou plusieurs dirigeants ou de toute autre personne mentionnée à l’article L. 612-23-1 ou, dans le cas d’un établissement de paiement ou d’un établissement de monnaie électronique exerçant des activités hybrides, des personnes déclarées responsables, respectivement, de la gestion des activités de services de paiement ou des activités d’émission et de gestion de monnaie électronique, avec ou sans nomination d’administrateur provisoire ;

  • 6° le retrait partiel d’agrément ;

  • 7° le retrait total d’agrément ou la radiation de la liste des personnes agréées, avec ou sans nomination d’un liquidateur ».

Les paragraphes suivants sont exclusivement réservés à des cas très particuliers comme les établissements de crédit et certains manquements limitativement énumérés concernant principalement les obligations en matière de lutte anti-blanchiment, les contrats d’assurance-vie et de capitalisation2.

Néanmoins, l’alinéa 7 de l’article L. 612-39 dispose :

« La commission des sanctions peut assortir la sanction d’une astreinte, dont elle fixe le montant et la date d’effet. Un décret en Conseil d’État fixe la procédure applicable, le montant journalier maximum de l’astreinte et les modalités selon lesquelles, en cas d’inexécution totale ou partielle ou de retard d’exécution, il est procédé à la liquidation de l’astreinte ».

L’article R. 612-52 du Code monétaire et financier dispose :

« Lorsque la commission décide d’assortir sa décision de sanction d’une astreinte, en application des dispositions des articles L. 612-39 à L. 612-42, elle le fait par la même décision. Son montant journalier ne peut excéder 15 000 €.

En cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive, la commission procède à la liquidation de l’astreinte qu’elle avait prononcée. Le montant de l’astreinte est liquidé en tenant compte du comportement de la personne concernée et des difficultés d’exécution qu’elle a rencontrées. L’astreinte n’est pas liquidée ou n’est liquidée qu’en partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère ».

Par ailleurs, l’article L. 612-41 du Code monétaire et financier dispose :

« Les sanctions pécuniaires prononcées en application de la présente section peuvent faire l’objet d’une majoration, dans la limite de 10 % de leur montant, mise à la charge de la personne sanctionnée et destinée à financer l’aide aux victimes ».

Force est de constater qu’en qualité de compagnie d’assurance et non plus de distributeur de produits d’assurance, ces entreprises pourraient être soumises à une sanction pécuniaire en cas de manquements à leurs obligations en matière d’IPID.

Ainsi, une compagnie d’assurance pourrait être sanctionnée financièrement à hauteur de 16 500 € par jour tant que l’IPID ne sera pas réalisé.

En conclusion, malgré la rédaction et la transposition de la directive parfois hasardeuses du législateur, diverses sanctions sont susceptibles d’être prononcées à l’encontre des compagnies d’assurance refusant de respecter leur obligation de rédaction d’un document d’information normalisé sur le produit.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Ord. n° 2018-361, 16 mai 2018, art. 12.
  • 2.
    C. assur., art. L. 113-5, L. 132-5, L. 132-8, L. 132-9-2 et L. 132-9-3 ; C. mut., art. L. 223-10, L. 223-10-1, L. 223-10-2 et L. 223-19-1 ; aux chapitres Ier et II du titre VI du livre V du présent code et aux dispositions européennes portant sur les obligations liées à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ainsi que sur les mesures restrictives ; C. assur., art. L. 516-1, L. 521-1 à L. 521-6 et L. 522-1 à L. 522-6 ; par les personnes mentionnées aux 1° à 5° du B du I de l’article L. 612-2 du présent code lorsqu’elles distribuent des contrats d’assurance-vie individuels comportant des valeurs de rachat, des contrats de capitalisation ou des contrats collectifs facultatifs comportant une valeur de rachat ou de transfert mentionnés aux articles C. assur., art. L. 132-5-3 ; C. mut., art. L. 223-8 et CSS, art. L. 932-15 ou des contrats mentionnés aux articles C. assur., art. L. 441-1 ; C. mut., art. L. 222-1 et CSS, art. L. 932-24.
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