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TRACFIN appelle les professionnels de l’assurance à la vigilance

Publié le 26/08/2021
Fraude
madedee/AdobeStock

TRACFIN souligne l’importance des déclarations de soupçon dans le secteur de l’assurance où le risque de blanchiment et de fraude est avéré. Les professionnels de l’assurance-vie sont confrontés à des risques de fraude fiscale qui doivent les inciter à la vigilance.

TRACFIN est la cellule de renseignement financier nationale et l’acteur central du dispositif français de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. La lutte contre la fraude fiscale est entrée dans le périmètre de compétence de TRACFIN en 2009. Depuis l’activité du service en la matière n’a pas cessé de croître.

En juin 2021, TRACFIN a fait le point sur son activité dans le secteur de l’assurance et plus particulièrement de l’assurance-vie dans le cadre d’une lettre d’information dédiée aux problématiques que rencontrent les professionnels du secteur dans leurs démarches déclaratives. Le secteur de l’assurance est considéré comme à risque modéré en matière d’assurance-vie principalement exposée au risque de fraude fiscale et faible pour le reste du secteur où le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme est étroitement lié à la fraude à l’assurance. Cependant, l’ensemble des signalements effectués par le secteur assurantiel constitue une source essentielle à la détection et au traitement des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (BC-FT). Les informations détenues par les assureurs sont d’une grande qualité et se montrent souvent très précieuses pour la conduite des investigations menées par le service. Ils apportent des éléments d’information originaux qui vont souvent venir compléter et enrichir un signalement effectué par une autre catégorie de déclarants. Les fonds investis dans les produits d’assurance peuvent être d’origine illicite, l’assurance peut ainsi être un élément d’un montage plus complexe, et les fonds retirés de l’assurance peuvent ainsi être employés à des fins illicites, y compris le financement du terrorisme.

Assurance-vie et fraude fiscale

En 2020, le secteur de l’assurance comptait 683 organismes d’assurance agréés, soit 281 compagnies d’assurance, 369 mutuelles et 33 institutions de prévoyance. Il représente un marché concentré sur l’assurance-vie où 82 % des actifs relèvent de 20 organismes contre 72 % des actifs pour les 20 plus gros organismes relevant du secteur non-vie. Tandis qu’on dénombrait 141 milliards d’euros de primes acquises en assurance-vie fin 2020, on n’évaluait qu’à 117 milliards d’euros les activités non-vie. Fin septembre 2020, l’encours des contrats d’assurance-vie s’élevait à 2 103 milliards d’euros. L’hétérogénéité du secteur de l’assurance marque d’une empreinte forte son activité déclarative. Cette diversité résulte des différents statuts des acteurs qui composent le secteur, de tailles et de structures différentes : compagnies d’assurance (sociétés anonymes d’assurance, faisant partie de groupes de bancassurance ou non, sociétés d’assurance mutuelles), institutions de prévoyance, mutuelles et intermédiaires d’assurance. Cette diversité résulte également de la variété des risques couverts. Le secteur offre des typologies de fraudes variées, en raison de la nature transverse des produits d’assurance portant sur les personnes et les biens, et couvrant des risques liés aux personnes physiques et morales. En assurance-vie, les déclarations portent en générale sur des soupçons de fraude fiscale : donations non déclarées, rachat de bons de capitalisation, détention non déclarée d’avoirs à l’étranger et d’abus de faiblesse. En assurance non-vie, les produits offerts concernant à la fois les biens et les personnes (responsabilité civile, garantie accidents de la vie, contrats de prévoyance, santé) offre des typologies de fraude variées : blanchiment d’activités illicites par recours à l’assurance dommage ou l’utilisation de faux constats aux fins de dissimuler l’origine des fonds, escroquerie aux contrats de prévoyance à l’aide de salariés fictifs, souscription de contrats d’assurance par un montage complexe de personnes morales destiné à dissimuler le bénéficiaire effectif, travail dissimulé détecté lors de la reprise du contrat d’assurance responsabilité civile et décennale, activité non déclarée de commerce de véhicules au travers de l’enchaînement d’assurances de véhicules sur une courte période. Nombre de typologies de fraude repérées par TRACFIN rappellent que la fraude aux assurances fait partie des canaux de blanchiment fréquemment utilisés par des réseaux criminels ou des réseaux de financement du terrorisme. Une déclaration de soupçon peut permettre de mettre au jour ces activités et contribuer utilement à la cartographie des réseaux de financement du terrorisme.

Les professionnels doivent se mobiliser davantage

Le secteur est assujetti au dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme (LCB-FT) depuis 1990 pour les assurances et depuis 1996 pour les intermédiaires en assurance. « La participation des professionnels du secteur est en baisse alors que ce secteur constitue un vecteur de risques de blanchiment et de fraude avéré », constate la cellule de renseignement financier, qui appelle à une mobilisation accrue. Après les hausses successives du flux déclaratif entre 2010 et 2018, particulièrement accentuées entre 2015 et 2017 (+ 108 % entre 2015 et 2017), le secteur a enregistré une baisse inédite de – 9 % en 2019. Cette baisse s’est confirmée en 2020 (- 4 %). Si TRACFIN souligne que la qualité des déclarations de soupçon provenant du secteur s’est améliorée, la cellule précise qu’elle doit continuer à être renforcée notamment en la structurant de la façon suivante : motif du signalement, identification précise des personnes physiques ou morales visées dans le corps de la déclaration, éléments de connaissance du client, faits motivant le signalement, analyse de l’opération et montants des flux financiers. Ainsi, les déclarations de soupçon d’activité non déclarée dans le domaine de l’assurance non-vie devraient systématiquement comporter des éléments chiffrés tels que la valeur des biens assurés, leur situation, le nombre des véhicules, le modèle, l’année d’acquisition, etc. « Si la vérification de l’origine des fonds intervient bien, désormais, au moment de la conclusion du contrat chez un certain nombre de déclarants (cas des assurances-vie notamment, mais aussi assurances incendie, accidents et risques divers avec la recherche des bénéficiaires effectifs), un trop grand nombre de déclarations dans le domaine vie sont toujours effectuées au moment de la sortie des fonds », souligne la cellule. Le service relève également la faiblesse du nombre de personnes morales déclarées, alors que la recherche du bénéficiaire effectif et de l’origine des fonds peut mettre en évidence des schémas de blanchiment d’infractions pénales (abus de biens sociaux, abus de confiance). La typologie des fraudes recensées par TRACFIN met ainsi en évidence qu’un abus de biens sociaux peut être décelé grâce à une bonne vigilance sur les multiples contrats d’assurance souscrits pour des biens de luxe (voitures et œuvres d’art), par une personne morale. La connaissance de la relation d’affaires apparaît clé en la matière. La vigilance constante des professionnels de l’assurance leur permet de repérer les opérations qui paraissent peu adaptées aux principales caractéristiques de leur clientèle et de leurs produits (vie et non-vie) afin de détecter toute transaction inhabituelle ou suspecte. En témoignent deux signalements adressés à TRACFIN. La première affaire relative à une demande de rachat de contrat de capitalisation avec exonération des plus values suite au licenciement de l’épouse cliente a permis de mettre en évidence une fraude fiscale grâce à la bonne connaissance par le professionnel de la situation professionnelle de cette cliente suspectée, inscrite comme sans profession dans le dossier de l’assureur, le dossier étant régulièrement actualisé, confortée par l’origine de l’attestation de licenciement à l’initiative de l’employeur, qui émanait de son mari chirurgien-dentiste suite à une embauche réalisée deux mois avant la cessation de son activité. L’information a été transmise à la DGFiP. La deuxième affaire a permis de mettre en évidence un abus de faiblesse, à l’occasion d’une demande de rachat d’un contrat d’assurance-vie. Les critères d’alerte initiale, là encore, ont reposé sur une bonne connaissance du client une personne âgée résidant en EPHAD ayant multiplié les demandes de rachat, représentant 45 % des encours de la cliente. En outre, le rachat était destiné à une association culturelle de bienfaisance mais transitant par le compte d’un parent et les enfants de la cliente présentaient des signes de radicalisation religieuse. Un signalement a été transmis aux services en charge de la lutte contre le terrorisme

Le rôle décisif des intermédiaires en assurance

À l’exception de ceux agissant sous l’entière responsabilité de l’entreprise d’assurance comme les mandataires d’assurance ou les agents généraux, les intermédiaires en assurance sont assujettis au dispositif de LCB-FT, même s’ils n’encaissent pas les fonds de leur clientèle. Ils sont donc responsables de la mise en place d’un dispositif de vigilance propre à leur activité, dont l’efficience doit leur permettre de satisfaire à leur obligation déclarative, comme les autres professionnels du secteur. Or les derniers rapports d’activité de TRACFIN mettent en évidence le faible nombre d’intermédiaires en assurance enregistrés en tant que déclarants auprès de la cellule. À la fin du 3e trimestre 2020, seuls 3 020 d’entre eux s’étaient inscrits auprès de TRACFIN. En conséquence, le nombre de déclarations de soupçon reçues reste encore trop limité au regard du potentiel déclaratif de la profession. Le nombre de déclarations de soupçon ne traduit pas la réalité économique des intermédiaires en assurance qui représentent 11 milliards d’euros du chiffre d’affaires du secteur, dont 1,6 milliard pour l’assurance-vie. Les intermédiaires en assurance sont en contact direct avec la clientèle et sont, de fait, bien placés pour comprendre la finalité de l’opération qui leur est demandée, sa cohérence avec le profil du client, les informations qu’ils détiennent peuvent donc utilement concourir à des dossiers d’enquête.

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