Le nouveau rapport d’activité de Tracfin

Publié le 23/07/2018

La cellule française de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme a communiqué le bilan de ses activités en 2017. Il souligne la mobilisation durable et croissante des professionnels en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, les fraudes aux finances publiques et le financement du terrorisme.

Tracfin, la cellule française de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, a pour mission de recueillir, analyser et exploiter le renseignement financier. Le blanchiment est défini à l’article 324-1 du Code pénal comme un délit qui consiste à faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Constitue également un blanchiment, le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou délit. Le délit de blanchiment est une infraction générale, distincte et autonome qui ne nécessite pas une plainte préalable de l’administration fiscale, il suffit que soient établis les éléments constitutifs de l’infraction principale ayant procuré les sommes litigieuses. Tracfin est un service de renseignement placé sous l’autorité du ministère de l’Action et des Comptes publics. Il concourt au développement d’une économie saine en luttant contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le service est chargé de recueillir, analyser et enrichir les déclarations de soupçons que les professionnels assujettis sont tenus, par la loi, de lui déclarer. Tracfin n’est pas habilité à recevoir et traiter les informations transmises par des particuliers. Le dispositif juridique actuel en vigueur en matière de lutte anti-blanchiment s’applique exclusivement aux professionnels déclarants soumis au Code monétaire et financier.

Les missions de Tracfin

Tracfin est un service administratif de traitement du renseignement financier qui dispose d’une large autonomie et d’une indépendance opérationnelle pour mener à bien ses missions. Celles-ci consistent à recueillir, analyser et exploiter tout renseignement propre à établir l’origine ou la destination des sommes ou la nature des opérations ayant fait l’objet d’une déclaration de soupçon ou d’une information reçue des professionnels déclarants, des organismes publics chargés d’une mission de service public, de l’autorité judiciaire, des juridictions financières, des autorités de contrôle et des cellules de renseignement étrangères. Lorsque ses investigations mettent en évidence des faits susceptibles de relever du blanchiment, Tracfin saisit le procureur de la République par une note d’information. Celui-ci est également informé lorsque les investigations conduisent à mettre en évidence un crime ou un délit. Pour accomplir ses missions, Tracfin dispose de prérogatives spécifiques. Il bénéficie d’un accès direct à de nombreuses sources de données publiques ou confidentielles. Il dispose également d’un droit de communication à l’égard de tout professionnel assujetti au dispositif, pour demander, en fixant un délai, des pièces et documents relatifs à une opération, soit pour reconstituer l’ensemble des transactions effectuées par une personne physique ou morale à la suite de la réception de la déclaration de soupçon, soit pour renseigner les services étrangers exerçant des compétences analogues, soit auprès de la sphère publique (administrations publiques, collectivités territoriales, établissements publics, ou toute autre personne chargée d’une mission de service public). Il peut échanger directement des informations financières avec ses homologues étrangers des cellules de renseignement financiers (CRF) sous réserve du principe de réciprocité et du respect de la confidentialité des données communiquées. Il bénéficie également d’un droit d’opposition à l’exécution de l’opération déclarée pendant une durée maximale de 10 jours ouvrables à compter de la date de réception de la déclaration pour notifier son opposition à l’auteur de la déclaration. Les informations recueillies par Tracfin dans le cadre de ses missions de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme sont confidentielles et protégées par le secret professionnel. Leur divulgation est strictement encadrée par la loi et tout manquement est sanctionné pénalement (C. pén., art. 226-13).

Une activité en hausse

En 2017, l’action de Tracfin s’est développée sur l’ensemble de ses missions : lutte contre la fraude fiscale, douanière, sociale, la criminalité financière et le financement du terrorisme. L’activité de ce service de renseignement, qui compte près de 120 agents est en augmentation constante ces dernières années. En 2017, les effectifs du service ont augmenté de 14 % en 1 an, de 27 % en 2 ans et de 74 % en 5 ans. Sur le plan des ressources humaines, d’un service exclusivement douanier en 2000, les profils se sont diversifiés ces dernières années. Au quotidien, se côtoient des agents de la douane (34 %), de la Direction générale des finances publiques (27 %) et 10 à 15 % des agents d’autres directions de Bercy (INSEE, DGCRF, Trésor et de direction des entreprises). Tracfin comprend 15 % d’agents contractuels, une tendance à la hausse de ce type de recrutement pour engager des personnes du secteur privé, des personnes d’autres services de l’État et des services de renseignement comme la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ou la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Cela permet également le recrutement d’informaticiens et de Data scientist. Il faut ajouter à cette liste deux magistrats et des officiers de liaison, mis à disposition de leur administration d’origine, issus de la police et de la gendarmerie, des administrations sociales, fiscales, de la douane et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). L’accroissement soutenu de l’activité de Tracfin ces dernières années s’explique notamment par l’évolution des missions confiées au service : la lutte contre le blanchiment en 1990, le financement du terrorisme en 2001, la fraude fiscale en 2009 et la fraude sociale en 2012. L’apport du renseignement financier dans la lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme et contre les fraudes conduit à favoriser cette dynamique. Elle est également la conséquence de la mise en place de nouveaux instruments juridiques notamment par l’accès direct à certaines bases de données dont les fichiers transporteurs, passagers aériens (PNR), traitement d’antécédents judiciaires (TAJ), personnes recherchées (FPR) et par l’utilisation de techniques de renseignement. Elle est également le fruit de la mise en œuvre de nouvelles méthodologies de travail facilitant le partage de l’information. Tracfin a notamment mis en place le traitement prioritaire et rapide de certaines informations permettant l’externalisation de « rapports flash » et l’approfondissement des techniques d’analyse par la montée en puissance du pôle Data science de Tracfin.

Une mobilisation continue des professionnels déclarants

Dans le cadre de ses missions, Tracfin ne peut s’autosaisir. Régi par le Code monétaire et financier, le service est habilité à recevoir différents types d’informations nécessitant une analyse : les déclarations de soupçon émanant des professionnels assujettis au dispositif LCB/FT, les informations transmises par les services de l’État et les informations en provenance des cellules de renseignement financier (CRF) étrangères. Après une hausse sans précédent du nombre de déclarations de soupçon émanant des professions financières et non financières en 2016, le nombre de déclarations de soupçon reçues par Tracfin en 2017 continue d’augmenter. En 2017, Tracfin a reçu et analysé 71 070 informations, soit une augmentation de + 10 % depuis 2016, de + 57 % depuis 2015 et + 160 % depuis 2012. Près de 96 % des informations reçues par Tracfin émanent des professionnels déclarants, soit 68 661 déclarations de soupçon.

Ces chiffres témoignent d’une prise de conscience et d’une mobilisation continue, année après année, des professionnels déclarants, soit une quarantaine de professions financières (banques, établissements de paiement, assurances, etc.) et non financières (notaires, secteur immobilier, casinos, administrateurs judiciaires, experts-comptables, commissaires aux comptes, etc.), en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, les fraudes aux finances publiques et le financement du terrorisme. Sous l’effet du travail de sensibilisation de Tracfin et de l’action des superviseurs, les professionnels assujettis sont de plus en plus impliqués dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et la culture de conformité se développe peu à peu chez presque tous les déclarants. La participation des professionnels déclarants du secteur financier représente 93 % du nombre de déclarations de soupçon reçues en 2017. Parmi les professions financières, si le nombre des déclarations de soupçon émanant des établissements de crédit est stabilisé à un niveau élevé (46 882 déclarations de soupçons), celui des établissements de paiement est en forte hausse (8 603 déclarations de soupçon soit + 68 % par rapport à 2016), comme celui des compagnies d’assurance (4 939 déclarations de soupçon soit + 54,3 % par rapport à 2016).

La participation des professions non financières augmente également (+ 23,4 %) du fait notamment de l’accroissement du nombre de déclarations de soupçon reçues en provenance des notaires (+ 34,2 %) et des casinos (+ 54,6 %). La hausse est également sensible pour les professionnels de l’immobilier (+ 111,9 %), même si le nombre de déclarations demeure modeste, et les huissiers de justice (+ 49,3 %). Néanmoins, souligne le rapport, si la forte participation des professionnels à la lutte contre le blanchiment, les fraudes aux finances publiques et au financement du terrorisme est à saluer, elle masque de très fortes disparités selon les professions, selon les secteurs, selon les zones géographiques, traduisant une implication variable.

L’évaluation de la France par le GAFI en 2020 doit conduire à encore améliorer les aspects quantitatifs et qualitatifs des déclarations de soupçon.

En 2017, le service a réalisé 12 518 enquêtes, issues d’informations reçues en 2017 ou antérieurement. Ces enquêtes ont débouché sur l’externalisation de 2 616 notes, soit une hausse de 38 % de notes d’informations diffusées par Tracfin à ses partenaires, soit 891 notes à l’autorité judiciaire (dont 468 notes portant sur une présomption d’une ou plusieurs infractions pénales permettant d’initier une enquête policière) et 1 725 notes aux administrations partenaires (administrations fiscale, sociale, douanière et services de renseignement). Parmi ces autres destinataires légaux l’administration fiscale a été destinataires de 625 notes, soit + 79 %, les organismes de protection sociale de 223 notes, soit + 35 %, les services de renseignement de 614 notes, soit + 26 %, et les cellules de renseignement financier étrangères de 202 notes, soit + 67 %. Les externalisations sociales et fiscales se traduisent par des propositions de contrôle dans près de 90 % des cas. Membre de la communauté du renseignement depuis 2008, Tracfin a poursuivi cette année le développement des échanges et les liens avec chacun des membres de la communauté. L’effort a également porté sur la judiciarisation du renseignement financier vers la section anti-terroriste du parquet de Paris. En 2017, Tracfin a adressé 685 notes « Lutte contre le financement du terrorisme ». Cela constitue une augmentation de 73 % par rapport à 2016 et de 115 % par rapport à 2015.

LPA 23 Juil. 2018, n° 137s3, p.3

Référence : LPA 23 Juil. 2018, n° 137s3, p.3

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