CEDH : pollution environnementale possiblement créée par une ligne à haute tension

Publié le 12/07/2022

La société Réseau Transport d’Électricité (RTE) ayant présenté une demande auprès du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer afin que les travaux envisagés pour la création d’une ligne très haute tension soient déclarés d’utilité publique, qui fut approuvé, l’association, des communes et des élus formèrent un recours gracieux auprès du ministre de l’Environnement en vue du retrait de l’arrêté portant déclaration d’utilité publique.

L’absence de réponse de la ministre valant décision implicite de rejet, certaines des associations qui avaient formé le recours gracieux, dont l’association dont les requérants sont membres, des communes et une communauté de communes, saisirent d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’arrêté ministériel déclarant les travaux d’utilité publique le Conseil d’État qui rejeta la requête.

La Cour rappelle que, bien que la Convention ne reconnaisse pas expressément le droit à un environnement sain et calme, une question peut se poser sous l’angle de l’article 8 lorsqu’une personne pâtit directement et gravement du bruit ou d’autres formes de pollution ou de nuisances. Cette disposition s’applique ainsi lorsqu’une personne est exposée à une pollution ou une nuisance ayant une répercussion directe et grave sur sa vie privée, sa vie familiale ou son domicile. Elle peut également trouver à s’appliquer en cas de danger environnemental, en particulier lorsque les effets dangereux d’une activité auxquels un individu risque d’être exposé ont été déterminés dans le cadre d’une procédure d’évaluation de l’impact sur l’environnement, de manière à établir un lien suffisamment étroit avec sa vie privée et familiale ou son domicile au sens de l’article 8 de la Convention.

La Cour constate que l’on ne se trouve pas dans le premier de ces cas de figure en l’espèce, les requérants ne se plaignant pas des effets environnementaux d’une infrastructure existante mais des effets qu’aurait, si elle était installée, une ligne THT en projet, destinée à remplacer la ligne THT actuelle.

Quant au danger environnemental que représenterait le projet de ligne THT en question, la Cour relève que les requérants font essentiellement valoir que l’exposition aux champs électromagnétiques générés par les lignes THT augmente les risques de leucémie infantile.

Elle constate à cet égard que le Conseil d’État a estimé qu’il ressortait des pièces du dossier que, si aucun lien de cause à effet entre l’exposition résidentielle à des champs électromagnétiques de très basse fréquence et un risque accru de survenance de leucémie chez l’enfant n’avait été démontré, plusieurs études concordantes avaient, malgré leurs limites, mis en évidence une corrélation statistique significative entre le facteur de risque invoqué par les requérants et l’occurrence d’une telle pathologie supérieure à la moyenne, à partir d’une intensité supérieure à un seuil compris selon les études entre 0,3 et 0,4 microtesla, correspondant à un éloignement égal ou inférieur à une centaine de mètres d’une ligne à très haute tension de 400 000 volts. Le Conseil d’État en a déduit que l’existence d’un tel risque devait être regardée comme une hypothèse suffisamment plausible en l’état des connaissances scientifiques pour justifier l’application du principe de précaution.

La Cour note cependant que les requérants sont adultes, qu’ils n’indiquent pas s’il y a des enfants dans leur foyer, et que leur domicile ne se trouve pas à proximité immédiate du tracé du projet mais à un peu plus de 115 mètres.

Elle observe de plus que les requérants ne produisent aucun élément dont il ressortirait que la réalisation du projet les exposerait à un champ électromagnétique excédant des normes internes ou internationales.

Plus généralement, la Cour note que les requérants n’étayent pas leurs allégations relatives au risque auquel ils seraient personnellement exposés.

À titre d’exemple, la Cour renvoie à l’affaire Calancea et autres (CEDH, 6 févr. 2018, n° 23225/05), dans laquelle des riverains d’une ligne haute tension de 110 000 volts, dont le domicile était situé à environ dix mètres de celle-ci, dénonçaient les risques auxquels ils se trouvaient exposés du fait de cette proximité. La Cour a constaté que les requérants n’avaient pas démontré que l’intensité du champ électrique enregistrée sur leurs terrains était telle qu’il y avait un risque réel pour leur santé. Elle a relevé surabondamment que l’intensité du champ électrique mesuré sur les propriétés des requérants était largement en-dessous de la limite recommandée par l’Organisation mondiale de la Santé. S’agissant du champ magnétique, elle a noté que le dossier ne contenait pas de mesure de son intensité. Elle a de plus constaté que les pathologies dont certains des requérants faisaient état avaient été diagnostiquées avant l’achèvement de la construction de leur maison, de sorte qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre elles et la ligne à haute tension, ou que les éléments dont elle disposait ne lui permettaient pas d’établir dans quelle mesure elles avaient été causées ou aggravées par la présence de la ligne électrique. La Cour a en conséquence estimé qu’il n’avait pas été prouvé que les valeurs des champs électromagnétiques générés par la ligne à haute tension avaient atteint un niveau propre à avoir un effet néfaste sur la sphère privée et familiale des requérants, et a conclu au défaut manifeste de fondement du grief tiré de l’article 8 de la Convention.

En l’espèce, il apparaît que les requérants n’ont pas démontré que la réalisation du projet de ligne THT qu’ils dénoncent les exposerait à un danger environnemental tel que leur capacité à jouir de leur vie privée et familiale ou de leur domicile en serait directement et gravement affectée.

En conséquence, même si l’article 8 trouvait à s’appliquer en l’espèce, le grief tiré de cette disposition est manifestement mal fondé.

Sources :
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