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Affectation sociale des biens immobiliers confisqués : les modalités d’application du 9e alinéa de l’article 706-160 du CPC sont fixées

Publié le 28/12/2021
Affectation sociale des biens immobiliers confisqués : les modalités d'application du 9e alinéa de l'article 706-160 du CPC sont fixées
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Cet article présente le décret n° 2021-1428 du 2 novembre 2021 pris pour l’application du neuvième alinéa de l’article 706-160 du Code de procédure pénale relatif à l’affectation sociale des biens immobiliers confisqués.

D. n° 2021-1428, 2 nov. 2021, pris pour l’application du neuvième alinéa de l’article 706-160 du Code de procédure pénale relatif à l’affectation sociale des biens immobiliers confisqués, NOR : JUSD2132474D : JO, 3 nov. 2021

L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) est un établissement public de l’État à caractère administratif, placé sous la tutelle conjointe du ministre de la Justice et du ministre chargé du Budget. En vertu de l’article 4 de la loi n° 2021-401 du 8 avril 2021 améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, elle est désormais chargée d’assurer, sur l’ensemble du territoire et sur mandat de justice, notamment la mise à disposition, le cas échéant à titre gratuit, d’un bien immobilier dont la gestion lui est confiée au bénéfice de certaines associations. Le nouvel alinéa 9 de l’article 706-160 du Code de procédure pénale prévoit que les modalités de cette mise à disposition sont définies par voie réglementaire.

C’est chose faite avec le décret n° 2021-1428 du 2 novembre 2021 pris pour l’application du neuvième alinéa de l’article 706-160 du Code de procédure pénale relatif à l’affectation sociale des biens immobiliers confisqués1, qui s’applique en vertu de son article 12 sur l’ensemble du territoire de la République et est entré en vigueur, conformément au droit commun le 4 novembre 2021.

Le décret précise le domaine d’application (I) et le régime (II) de cette mise à disposition.

I – Le domaine d’application de la mise à disposition

Le décret précise quels sont les biens qui peuvent être mis à disposition (A), ceux qui ne le peuvent (B), ainsi que les personnes morales qui sont exclues du dispositif (C).

A – Les biens immobiliers pouvant être mis à disposition (art. 1)

L’AGRASC peut mettre à disposition des associations, fondations et organismes qui y sont mentionnés les biens immobiliers libres d’occupants dont elle a la gestion et ayant fait l’objet d’une décision de confiscation définitive.

B – Les biens ne pouvant être mis à disposition (art. 2)

Le décret exclut la possibilité d’affecter les biens immobiliers dont la cession est nécessaire au désintéressement de créanciers (1) ou à l’indemnisation des victimes (2), ainsi qu’aux immeubles dangereux (3).

1 – Les biens immobiliers nécessaires au désintéressement de créanciers

Ne peuvent pas faire l’objet d’une mise à disposition les biens immobiliers grevés d’une mesure de sûreté réelle antérieure à la décision de saisie ou, en l’absence de saisie préalable, à la décision de confiscation2.

Cette exclusion n’est toutefois pas applicable aux contrats de mise à disposition dans lesquels la personne morale bénéficiaire s’engage à ses frais à désintéresser les créanciers titulaires des sûretés.

2 – Les biens immobiliers nécessaires à l’indemnisation des victimes

Ne peuvent pas faire l’objet d’une mise à disposition les biens immobiliers dont la cession est nécessaire à la mise en œuvre de l’article 706-164 du Code de procédure pénale, selon lequel toute personne qui, s’étant constituée partie civile, a bénéficié d’une décision définitive lui accordant des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait d’une infraction pénale ainsi que des frais3 et qui n’a pas obtenu d’indemnisation ou de réparation4, ou une aide au recouvrement5, peut obtenir de l’AGRASC que ces sommes lui soient payées par prélèvement sur les fonds ou sur la valeur liquidative des biens de son débiteur dont la confiscation a été décidée par une décision définitive et dont l’agence est dépositaire6, et cela même si les biens immobiliers pouvaient entrer dans le cadre de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales prévoyant que dans le cadre de la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, les recettes provenant de la cession des biens confisqués aux personnes définitivement condamnées pour certaines infractions sont restituées, au plus près de la population de l’État étranger concerné7.

3 – Les biens immobiliers dangereux

Ne peuvent pas faire l’objet d’une mise à disposition les biens immobiliers qui font l’objet d’un arrêté d’insalubrité ou de péril. Cette exclusion n’est toutefois pas applicable aux contrats de mise à disposition dans lesquels la personne morale bénéficiaire s’engage à ses frais à réhabiliter le bien immobilier.

C – Les personnes ne pouvant bénéficier de la mise à disposition (art. 3)

Les personnes morales dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire ou celui de leurs dirigeants comporte une ou plusieurs condamnations incompatibles avec les exigences de moralité et d’honorabilité requises ne peuvent bénéficier de la mise à disposition d’un bien immobilier.

II – Le régime de la mise à disposition

Le décret organise les régimes de la publicité pour la mise en concurrence (A), des candidatures (B) et du contrat de mise à disposition (C).

A – Le régime de publicité pour mise en concurrence (art. 4, al. 1)

Le décret définit la procédure de passation des contrats de mise à disposition, cette dernière ayant lieu après publicité et concurrence.

À cette fin, le directeur de l’AGRASC organise une procédure comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester dans un délai qu’il détermine.

B – Le régime des candidatures

Le décret détermine les conditions de moralité et d’honorabilité requises pour bénéficier du dispositif en précisant les critères relatifs à la sélection des candidats à la mise à disposition des biens (1), ainsi que le contenu des dossiers de candidature (2). Il organise, enfin, leur instruction (3).

1 – Les critères de sélection (art. 4, al. 2)

L’article 4, alinéa 2, du décret, prévoit que les critères d’appréciation et de sélection des dossiers de candidature comprennent l’usage qui sera fait du bien immobilier et de sa contribution à l’intérêt général, l’aptitude à gérer et exploiter le bien immobilier, ainsi que, le cas échéant, le lien entre l’infraction en répression de laquelle la confiscation a été prononcée, l’objet social de la personne morale bénéficiaire et l’usage qu’elle souhaite faire de l’immeuble.

2 – Le contenu des dossiers de candidature (art. 5)

Les dossiers de candidature sont adressés au directeur de l’AGRASC. Ils contiennent notamment :

  • une description de l’usage qui sera fait du bien immobilier et de sa contribution à l’intérêt général ;

  • des renseignements permettant d’apprécier l’aptitude à gérer et exploiter le bien immobilier du candidat, de ses capacités financières et techniques ;

  • une attestation de régularité sociale et une attestation de régularité fiscale concernant la personne morale.

3 – L’instruction des dossiers (art. 6)

Le directeur de l’AGRASC instruit et sélectionne les dossiers de candidatures.

Il peut, à cette fin, solliciter toute personne dont l’avis lui paraît utile.

C – Le régime du contrat de mise à disposition

Le décret précise le régime de l’adoption tout d’abord du projet de contrat de mise à disposition (1), puis du contrat en lui-même (2), dont il précise la nature (3), ainsi que sa forme et sa durée (4). Il fait peser aussi sur le bénéficiaire de la mise à disposition une obligation d’information (5).

1 – L’adoption du projet de contrat de mise à disposition (art. 7)

Dans un délai qui ne peut excéder 1 an à compter de la réception de la décision de confiscation par l’AGRASC, le directeur général de l’agence soumet au conseil d’administration le projet de contrat de mise à disposition qu’il propose de conclure.

En sus du projet de contrat et du dossier de candidature, il lui transmet :

  • les éléments relatifs au bien immobilier dont la mise à disposition est proposée, notamment un état des mesures de sûreté grevant le bien ;

  • la décision définitive de confiscation ;

  • les informations relatives au bénéficiaire de la mise à disposition ;

  • une estimation des coûts supportés par l’État comprenant notamment :

    • le coût résultant de l’éventuel écart entre le loyer acquitté par l’affectataire et le loyer de marché ;

    • le coût d’immobilisation du bien, défini comme le produit de la valeur estimée du bien affecté par le taux d’intérêt des obligations ou bons du Trésor public de même échéance que la durée du contrat ou, à défaut, de l’échéance la plus proche ;

    • le coût de gestion supporté par l’agence ;

  • un avis motivé justifiant la conclusion du contrat de mise à disposition, au regard notamment de sa contribution à l’intérêt général.

2 – L’adoption du contrat de mise à disposition (art. 8)

La conclusion du contrat de mise à disposition par le directeur général de l’AGRASC est autorisée par une délibération du conseil d’administration.

Les délibérations sont soumises à l’approbation expresse et conjointe du ministre de la Justice et du ministre chargé du Budget.

3 – La nature gratuite ou onéreuse du contrat de mise à disposition (art. 9)

Le contrat de mise à disposition peut être conclu à titre gratuit ou onéreux. Dans tous les cas, les coûts liés à l’exploitation et à l’entretien courant du bien immobilier sont à la charge exclusive du bénéficiaire, de même que l’ensemble des taxes et contributions afférentes au bien.

Lorsqu’il est conclu à titre onéreux, le montant des sommes dues par la personne morale bénéficiaire peut prendre en compte les coûts de gestion supportés par l’AGRASC.

4 – La forme et la durée du contrat de mise à disposition (art. 10)

Le contrat de mise à disposition, qui ne relève pas d’une nouvelle catégorie juridique, puisqu’il peut prendre la forme de deux mécanismes déjà connus (a), voit sa durée de principe limitée à 3 années (b), qui peuvent être renouvelables (c).

a – La forme du contrat

Le contrat de mise à disposition peut prendre l’une des deux formes suivantes :

  • une convention d’occupation précaire du domaine privé ;

  • un contrat de bail.

b – La durée du contrat

Le contrat de mise à disposition prévoit les conditions dans lesquelles le non-respect des engagements pris entraîne sa résolution.

Le décret limite, sauf dérogation, la durée de la mise à disposition à 3 années. Ainsi, par principe, sa durée ne peut excéder 3 ans renouvelables pour la même durée dans les conditions prévues par les articles 8 et 9 du décret.

Toutefois, cette limitation de durée n’est pas applicable s’agissant des contrats de bail à construction, emphytéotique ou à réhabilitation conclus avec un organisme exerçant des activités de maîtrise d’ouvrage d’opérations d’acquisition, de construction ou de réhabilitation de logements ou de structures d’hébergement en tant que propriétaire ou preneur de bail à construction, emphytéotique ou de bail à réhabilitation.

c – Le renouvellement du contrat

Le décret décrit les modalités du renouvellement du contrat de mise à disposition.

Ainsi, par principe, les dispositions des articles 4 à 7 du décret ne sont pas applicables en cas de renouvellement du contrat de mise à disposition.

Toutefois, lorsque le contrat de mise à disposition a déjà fait l’objet d’un renouvellement, chaque renouvellement supplémentaire a lieu après publicité et concurrence dans les conditions prévues aux articles 4 à 7 du présent décret.

5 – L’obligation d’information pesant sur le bénéficiaire de la mise à disposition (art. 11)

Le décret prévoit les conditions permettant de contrôler la bonne exécution du contrat par le bénéficiaire de la mise à disposition.

Ainsi, le bénéficiaire de la mise à disposition doit rendre annuellement des comptes à l’AGRASC à propos de l’usage qu’elles ont fait du bien immobilier.

Il lui communique notamment les renseignements nécessaires à la vérification de la bonne exécution du contrat de mise à disposition et au maintien en bon état de l’immeuble.

L’AGRASC peut également solliciter la transmission de tels renseignements à tout moment et procéder sur place aux vérifications qu’elle estime nécessaires.

Notes de bas de pages

  • 1.
    JO, 3 nov. 2021.
  • 2.
    Prise en application de l'article 706-150 du code de procédure pénale.
  • 3.
    En application des articles 375 ou 475-1 du Code de procédure pénale.
  • 4.
    En application des articles 706-3 ou 706-14 du Code de procédure pénale.
  • 5.
    En application de l'article 706-15-1 du Code de procédure pénale.
  • 6.
    En application des articles 706-160 ou 707-1 du Code de procédure pénale.
  • 7.
    L. n° 2021-1031, 4 août 2021, art. 2, XI.
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