Essonne (91)

Essonne : quel est l’impact de la loi Climat sur le marché immobilier ?

Publié le 14/09/2022
Environnement, écologie
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La loi Climat prévoit l’interdiction progressive de la location des logements les plus énergivores à compter du 1er janvier 2023. Des études commencent déjà à prévoir certaines conséquences sur le marché immobilier pour les logements classés F ou G par le diagnostic de performance énergétique (DPE), comme la baisse de l’offre de locations. Éclairage sur cette réalité en Essonne.

Dans le département de l’Essonne, comme en France, le marché de l’immobilier subit l’évolution de la réglementation sur les passoires thermiques. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et résilience » (ou simplement « loi Climat »), prévoit un certain nombre de mesures qui devraient impacter le marché immobilier. Le but est d’« d’accélérer la rénovation de nos logements pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 – le bâtiment représentant un quart des émissions annuelles de la France – et permettre que les Français vivent dans des logements décents où ils n’ont pas froid l’hiver et chaud l’été. L’objectif (…) est d’atteindre un parc de logements de niveau basse consommation en moyenne d’ici à 2050 ». Depuis le 24 août, il est en effet interdit d’augmenter les loyers des logements classés F ou G. Les locations saisonnières à vocation touristique ne sont pas concernées.

Au 1er janvier 2023, seront interdits à la location les logements dont la consommation excède 450 kilowattheures/m²/an, soit une large partie de la classe énergie G. 70 000 logements environ dans le parc privé seraient concernés. En 2028, aucun bien de classe F ou G ne pourra être loué. Outre ces interdictions, le locataire recevra une information bien plus précise dans l’annonce et le contrat de location.

Les premiers effets sur l’offre de location

La loi Climat s’accompagne d’une nouvelle mouture du diagnostic de performance énergétique (DPE) qui a relégué bon nombre de logements à des classes inférieures. Dans un article du 26 janvier 2021, France Info relevait déjà des effets de ces nouvelles réglementations sur le marché dans l’Essonne. Dans le bourg de Saint-Vrain, un studio de 19 mètres carrés peinait à trouver acquéreur. En trois mois, aucune offre. « Des gens ont carrément refusé de visiter, s’étonnait alors Fabien Gorgelin, l’agent du réseau IAD France chargé de la vente. Ce sont principalement des investisseurs et ils me demandent tout de suite le classement du diagnostic de performance énergétique du bien. Quand je leur annonce qu’il est en G, ils me disent qu’ils ne le visiteront pas. Peu importe le prix. La loi Climat va faire fuir les investisseurs qui veulent mettre en location car c’est un frein. On le sent déjà. Ça bloque le marché » !

Les logements classés F, qui ne seront impactés par la loi Climat qu’à partir de 2028, en font aussi les frais. Ce ne sont pas les seuls à pâtir de l’inquiétude des investisseurs. « C’est systématiquement sujet à discussion », témoignait Léa Miguet (IAD France dans l’Essonne). Les ventes peuvent désormais être conditionnées par le DPE. « La future acheteuse a demandé au propriétaire de faire des travaux pour que l’on passe de F à E ». Pour la première fois dans sa carrière, la demande était formulée jusque dans le compromis de vente signé chez le notaire, dans la liste des clauses suspensives pour la vente.

D’après les données récoltées par le portail d’annonces immobilières Bien’ici, entre 2021 et 2022, la part de logements T1 à louer (de classe F ou G) est passée de 86 % à 59,2 % en France. 1 bien sûr 4 est à louer en 2022 contre 1 sur 3 deux ans plus tôt. L’étude note d’ailleurs que l’offre globale de biens à louer a chuté de 13 % entre 2021 et 2022 et que ce sont les petites surfaces qui souffrent le plus. L’offre de T1 à louer a chuté de 17,5 % alors que les T5 restaient stables (+0,5 %), l’offre de T3 de son côté reculait de 13,5 %.

Selon Bien’ici, une partie des logements auparavant en location rejoignent le marché de la vente, faisant ainsi baisser l’offre locative. Dans un article publié cet été sur Actu.fr, Régis Sebille, data analyst chez Bien’ici affirme que « certains propriétaires préfèrent vendre leur logement considéré comme passoire thermique plutôt que d’effectuer des rénovations pour des raisons de coût mais aussi en raison de la pénurie de main-d’œuvre pour effectuer ces travaux avec les chantiers qui se multiplient depuis la levée des restrictions liées à la pandémie ». Il ajoute : « La nouvelle réglementation bouleverse une situation qui depuis au moins trois ans se dégrade sur la location avec un marché déjà en tension avec de moins en moins de logements disponibles et de plus en plus de demande », poursuit l’analyste pour qui la situation « ne va pas se réguler rapidement »…

En Essonne, « ce n’est pas encore traduit en acte de vente notarié »

En ce qui concerne les actes notariés, nous avons interrogé Me Hervé Coric, président de la Chambre des notaires de l’Essonne. Pour les mises en vente de 2022 par rapport à l’année précédente, les chiffres ne sont pas encore disponibles. « Sur les transactions écoulées l’année passée, on ne constate pas d’augmentation de volume de vente de classes F ou G, même si ça peut augmenter le volume de mises en vente », affirme-t-il.

Selon lui, « les nouvelles réglementations vont toutes dans le même sens », autrement dit dans la rénovation des passoires thermiques. Cela commence donc à infuser dans la tête des propriétaires qui se dirigent vers la vente après un départ du locataire. « Mais ce n’est pas encore traduit en acte de vente notarié », insiste-t-il.

Là où Me Hervé Coric confirme l’analyse des agents immobiliers, c’est l’importance du DPE dans les nouvelles négociations, devenu un levier assez puissant. « Les négociations sont beaucoup plus importantes. Il faut tout de même noter qu’il y a deux marchés dans l’Essonne : le marché de la maison individuelle et le marché du collectif. Une maison, même classée F, arrivera toujours à se vendre et sans négociation parce que l’acquéreur reste maître des rénovations. Pour le collectif, c’est plus compliqué pour la mise en œuvre des travaux de rénovation et les prix sont négociés nettement plus fermement ». Il est devenu habituel de faire des devis estimatifs des travaux sur les logements mal classés pour faire baisser les prix.

Côté investisseur, ce type de biens anciens intéressent toujours pour l’avantage de défiscalisation. « Le client lambda qui souhaite investir en locatif, en général, se dirige dans le neuf ou la loi Pinel dans notre département ».

Selon le président de la Chambre des notaires de l’Essonne, le marché reste actif en Essonne et très dynamique sur la maison individuelle, « un peu moins sur le collectif ». Comme partout, les problématiques de prêts refusés ont perturbé les ventes. « Depuis le mois d’août, on sent qu’il y a eu un frein. On espère que le nouveau taux d’usure va redébloquer les financements »… Affaire à suivre donc !