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Immobilier : quel logement pour demain ?

Publié le 29/11/2021
Maison, bail
faber14/AdobeStock

Dans le cadre de sa réflexion sur l’habitat d’avenir, le gouvernement entend rehausser les standards de la qualité d’usage des logements, comme la surface minimale, et en faire une condition d’éligibilité au dispositif de défiscalisation immobilière Pinel à taux plein en 2023 et 2024 : le dispositif Pinel +.

À quoi ressemblera le logement de demain ? Comment concilier les aspirations individuelles, les exigences environnementales et les enjeux économiques et sociaux dans les constructions de logements neufs et la transformation du bâti existant ? C’est à cette question que le Gouvernement s’est attelé, initiant une politique du logement qui devrait se déployer au-delà du mandat présidentiel actuel.

Des défis à conjuguer

Début 2021, la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, a lancé un projet « Habiter la France de demain » destiné à orienter les futurs projets de construction et de transformation du bâti, en répondant aux grands défis actuels.

Les exigences environnementales imposent de limiter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols qui en résulte et d’améliorer les performances énergétiques des logements. Les épisodes de confinement successifs ont augmenté l’importance du logement pour leurs occupants : ils aspirent à plus d’espace, plus de verdure, plus de fonctionnalité domestique et des logements qui peuvent s’adapter aux évolutions de la famille et des modes de vie. Enfin, les constructions doivent répondre à des besoins de mixité sociale, d’accès aux services et de redynamisation du territoire.

Dans cette optique, une mission avait été confiée à Laurent Girometti, aménageur, et François Leclercq, architecte-urbaniste, d’élaborer le nouveau référentiel du logement de qualité, ou comment « améliorer la qualité d’usage des logements construits pour mieux répondre aux besoins de leurs occupants et retrouver le désir d’habiter en ville ». Fruit d’une concertation avec les acteurs du secteur, le rapport Girometti-Leclerc a été présenté le 8 septembre au gouvernement. Une synthèse riche en enseignements sur les évolutions de la société ainsi que le cadre juridique positif relatif à l’habitat, y figurent aussi des éléments de comparaison internationale, des analyses des facteurs bloquants et des pistes d’amélioration.

Un siècle de législation sur le logement

La loi du 5 décembre 1922 est la première à préciser la dimension des logements : les pièces habitables ne peuvent faire moins de neuf mètres carrés et la superficie d’un logement de deux pièces doit être au minimum de 25 mètres carrés, et celle d’un logement de trois pièces de 35 mètres carrés.

En 1928, la loi du 13 juillet 1928, dite loi Loucheur, confirme l’exigence – qui devint ensuite générale – de surface minimale des pièces à neuf mètres carrés et apporte de nouvelles précisions :

  • superficie totale minimale de 46 mètres carrés pour un logement de deux pièces avec cuisine et cabinets ;

  • superficie totale minimale de 58 mètres carrés pour un logement de trois pièces ;

  • superficie totale minimale de 70 mètres carrés pour un logement de quatre pièces,

  • À titre de règle générale, cette superficie totale minimale du logement va en augmentant de 12 mètres carrés par pièce supplémentaire.

En 1931, Corbusier plaide pour que chaque habitant dispose de 14 mètres carrés, soit 42 mètres carrés pour une famille avec un enfant et 56 mètres carrés pour une famille avec deux enfants – chiffres qui resteront retenus, en 2021, par le Code de la construction et de l’habitation. Tout au long de la première moitié du XXe siècle, les conditions d’habitabilité se mettent en place (surface, confort, ventilation, proportions, etc.), notamment pour les réalisations sociales. La seconde moitié du XXe siècle, est marquée par l’encouragement par les pouvoirs publics de l’accession à la propriété pour la classe moyenne. Des textes règlementaires de 1954 fixent les surfaces habitables des programmes de logements économiques et familiaux, des surfaces proches de celles de la loi Loucheur. Les années 1950 et 1960 connaissent une nouvelle étape de l’augmentation significative des surfaces, avec 10 mètres carrés de plus pour les trois pièces et au-delà.

Enfin, les Trente glorieuses voient une amélioration progressive des surfaces des logements, jusqu’à atteindre un niveau qui se maintiendra durablement jusqu’aux années 2000. Au début des années 1970, qui voient l’éclosion des « villes nouvelles », l’innovation devient le maître-mot de l’architecture et de la construction, les préoccupations strictement urbaines font passer l’habitat au second plan.

Si les normes ainsi peu à peu définies par les pouvoirs publics s’imposent aux logements réalisés par les bailleurs sociaux, les logements en accession à la propriété répondent aux lois du marché, lesquelles dépendent des capacités financières des acquéreurs. C’est pourquoi, le rapport s’inquiète de constater « une diminution significative des surfaces des logements lorsqu’il n’est pas rare, par exemple, de trouver des logements de trois pièces ne dépassant pas 55 mètres carrés ».

La quête de rentabilité et le dispositif Pinel

Les investissements immobiliers par leur poursuite de défiscalisation, parce qu’ils reposent sur la quête de la rentabilité économique, auraient, selon les auteurs du rapport, participé à la tendance à la dégradation du foncier. « Le dispositif Pinel, pour ne citer que lui, génère selon certains une tendance inflationniste sur le foncier et une dégradation de la qualité dues en partie à l’effet de seuil de l’abattement fiscal et au fait que l’acquéreur n’est pas occupant. 60 % à 80 % des logements libres seraient vendus à des investisseurs. Or on comprend aisément qu’il est plus intéressant d’acquérir de petites surfaces avec des rentabilités locatives plus élevées », estiment les auteurs.

Puisque l’aide fiscale est conditionnée, le dispositif est identifié comme constituant le levier national le plus solide pour influer sur les caractéristiques des logements collectifs neufs.

Une qualité dégradée

Alors qu’au cours des dernières décennies la qualité des logements s’est fortement améliorée selon des critères techniques, d’abord pour des raisons énergétiques, puis environnementales, les standards de qualité d’usage ont, quant à eux, diminué, constate le rapport. La métropolisation et la recherche d’optimisation des constructions pour offrir performance économique ont abouti à « une réduction de certaines qualités fondamentales des logements : ainsi principalement les surfaces et les systèmes de distribution des immeubles en ont souffert », indique le rapport. « Beaucoup ont atteint des minima guère imaginables il y a peu, faisant disparaître fréquemment la cuisine comme pièce, parfois l’entrée et souvent les rangements. De la même manière, les appartements traversants sont devenus rares pour réduire les circulations verticales en allant au bout des logiques de distribution en couloir autorisées par les normes de sécurité incendie et desservant donc majoritairement des logements mono-orientés, climatiquement fragiles ».

Les cinq critères-clés

Cinq critères ont été déterminés pour améliorer la qualité d’usage du logement – privé comme public, collectif mais aussi individuel. Le premier est le critère de l’évolutivité du logement (aussi appelé critère de mutabilité ou de modularité). Il s’agit de la faculté à adapter la disposition intérieure à ses besoins, à modifier facilement la distribution, comme par exemple de fermer ou d’ouvrir la cuisine, ou d’adopter des dimensions de pièces qui laissent plusieurs possibilités pour agencer les meubles. Évidemment, la surface est à cet égard un critère-clé.

Le deuxième critère est celui de la luminosité : doubles orientations, hauteur sous plafond, surface vitrée, etc. Le troisième critère porte sur la sensation d’espace, qui résulte du volume, du rapport entre la surface et la hauteur sous plafond. Le quatrième critère retenu est celui de la capacité du logement à répondre pratiquement à des fonctions de base telles que ranger, faire sécher du linge, trier les déchets ; ici encore la surface et l’agencement intérieur sont déterminants. Enfin, le cinquième critère est celui du rapport à l’espace extérieur : balcons, terrasses, loggias, jardins.

Certains de ces critères vont être utilisés pour le paramétrage de l’avantage fiscal Pinel à compter de 2023.

« Pinel + » : une plus grande superficie

Pour mémoire, le dispositif Pinel (CGI, art. 199 novovicies), qui devait prendre fin le 31 décembre 2020 a été prolongé par la loi de finances pour 2021 (L. n° 2020-1721, 29 déc. 2020) jusqu’en 2024 mais avec une diminution progressive de l’amortissement fiscal en 2023 et 2024. Actuellement, le taux de réduction applicable en présence d’un engagement de location de six ans est de 12 %, il passera à 10,5 % en 2023 et 9 % en 2024. En cas d’une première prorogation triennale, le taux actuel de 6 % passera à 4,5 puis 3 % en 2023 et 2024, et le taux de 3 % applicable à une seconde prorogation triennale sera ramené à 2,5 et 2 %. Enfin, en présence d’un engagement initial de neuf ans, le taux actuel de 18 % passera à 15 puis 12 % en 2023 et 2024. En cas de prorogation triennale, le taux de 3 % passera à 2,5 et 2 %.

Certains critères du référentiel mis au point dans le rapport Girometti-Leclerc vont être utilisés pour le paramétrage de l’avantage fiscal Pinel à taux plein à compter de 2023, a annoncé Emmanuelle Wargon à la mi-octobre. La construction devra respecter des exigences environnementales (non encore précisées), des surfaces plus grandes déterminées par une typologie de logement (28 mètres carrés pour un T1, 45 mètres carrés pour un T2, 62 mètres carrés pour un T3, 79 mètres carrés pour un T4 et 96 mètres carrés pour un T5). À partir du T3, le logement devra comprendre un espace extérieur privatif et une double exposition.

Calendrier de mise en œuvre

Les logements répondant à ces critères pourront bénéficier du taux d’amortissement à taux plein après 2023 et 2024. Ainsi, pendant ces deux années deux dispositifs fiscaux – Pinel à taux réduit et Pinel + à taux plein, pourraient coexister. Le décret fixant l’ensemble de ces critères est attendu avant la fin de l’année.