Obligations d’amélioration de la performance énergétique dans certains bâtiments à usage tertiaire en monopropriété
Mise en place d’une obligation de réduction des consommations énergétiques dans les bâtiments à usage tertiaire.
La loi n° 2015-992 de transition énergétique, relative à la croissance verte du 17 août 20151, renforce l’obligation d’améliorer la performance énergétique pour les bâtiments tertiaires, en prévoyant que le parc global concerné réduise ses consommations d’énergie d’au moins 60 % en 2050.
Le décret n° 2017-918 du 9 mai 2017, relatif aux obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire2, fixe les modalités d’application de cette nouvelle obligation pour l’étape de 2020. Il crée, à cette fin, dans le chapitre I du titre III du livre Ier de la partie réglementaire du Code de la construction et de l’habitation, une section 8 sur les obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments à usage tertiaire en définissant l’objectif de niveau d’économie d’énergie à atteindre (I), les bâtiments concernés (II), la mise en œuvre (III) et le suivi de l’obligation de réduction de la consommation d’énergie (IV), y compris dans des situations particulières (V). Il n’en reste pas moins que le nouveau dispositif devra faire l’objet d’un arrêté d’application pour en préciser les modalités définitives (VI).
I – Objectif de niveau d’économie d’énergie (CCH, art. R. 131-38 et R. 131-39)
La nouvelle sous-section 1 définit le niveau d’économie d’énergie à atteindre d’ici 2020.
Ainsi, il est désormais prévu par l’article R. 131-38 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) que, afin de maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité et la sobriété énergétiques, des travaux d’amélioration de la performance énergétique devront être réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public d’ici le 1er janvier 2020, conformément aux dispositions des articles R. 131-39 à R. 131-50.
Selon l’article R. 131-39, ces travaux d’amélioration de la performance énergétique devront permettre de diminuer la consommation énergétique totale du bâtiment, jusqu’à un niveau de consommation, exprimé en kWh/m2/an en énergie primaire, qui soit inférieur soit :
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à la consommation de référence, diminuée d’une valeur équivalente à 25 % de la consommation de référence, exprimée en kWh/m2/an d’énergie primaire. Étant précisé que la consommation énergétique de référence prise pour le calcul de la diminution des consommations énergétiques est la dernière consommation énergétique totale connue, sauf dans le cas où des travaux d’amélioration de la performance énergétique auraient été entrepris depuis le 1er janvier 2006. Dans ce cas, la consommation prise comme base pour le calcul du gain peut être la dernière consommation d’énergie connue avant la réalisation de ces travaux ;
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à un seuil exprimé en kWh/m2/an d’énergie primaire.
II – Domaine d’application de l’obligation (CCH, art. R. 131-4)
La nouvelle sous-section 2 précise le champ d’application de l’obligation qui, en vertu de l’article R. 131-40 du CCH, concerne uniquement les bâtiments ou parties de bâtiments existants appartenant à un propriétaire unique, à usage de bureaux, d’hôtels, de commerces, d’enseignement et les bâtiments administratifs, regroupant des locaux d’une surface supérieure ou égale à 2 000 m2 de surface utile, à l’exception des :
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constructions provisoires prévues pour une durée d’utilisation égale ou inférieure à deux ans ;
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monuments historiques classés ou inscrits à l’inventaire en application du Code du patrimoine, pour ce qui concerne les travaux qui auraient pour effet de dénaturer leur caractère ou leur apparence de manière significative et ainsi attestées par l’architecte des bâtiments de France.
III – Mise en œuvre de l’obligation
La nouvelle sous-section 3 explicite les modalités de mise en œuvre du nouveau dispositif qui se concrétisent par la réalisation d’une étude énergétique (A), qui doit donner lieu à un plan d’action (B), voire le cas échéant à un nouveau plan d’actions définissant un nouvel objectif de consommation (C).
A – L’étude énergétique (CCH, art. R. 131-41 à 131-43)
Il est désormais prévu que dans les bâtiments ou parties de bâtiments concernés3, les occupants doivent accompagner les travaux d’amélioration de la performance énergétique d’actions de sensibilisation visant à inciter leur personnel à utiliser, en adéquation avec leur mode d’occupation, les équipements liés à leur confort et à leur activité et sur lesquels ils peuvent agir, afin d’en diminuer les consommations énergétiques4.
Dès lors, il résulte de l’article R. 131-42 du CCH que, afin de prendre en compte l’état initial et évaluer l’atteinte de l’objectif réglementaire de diminuer la consommation énergétique, une étude énergétique, portant sur tous les postes de consommations du bâtiment, doit être réalisée par une personne compétente qui doit proposer des travaux d’économie d’énergie et des recommandations hiérarchisées selon leur temps de retour sur investissement, et préciser les interactions potentielles entre ces travaux.
Elle doit, en outre, proposer plusieurs combinaisons d’actions cohérentes pour répondre aux objectifs de diminution des consommations énergétiques, en indiquant pour chacune des actions et combinaisons d’actions, la diminution des consommations énergétiques engendrée, son coût estimatif ainsi que son temps de retour sur investissement.
Elle doit, enfin, proposer notamment un ou plusieurs scénarios permettant de diminuer, d’ici 2030, la consommation énergétique totale du bâtiment jusqu’à un niveau de consommation qui soit inférieur aux nouveaux seuils réglementaires5.
Ce prestataire chargé de la réalisation de l’étude énergétique devra satisfaire à des critères d’expérience professionnelle, de niveau d’études et de références de réalisations6.
B – Le plan d’actions initial (CCH, art. R. 131-44)
Sur la base des coûts estimatifs et des temps de retour sur investissement des travaux et combinaisons de travaux proposées par l’étude énergétique, les propriétaires occupants ou, dans le cas des locaux pris à bail, les bailleurs et les preneurs concomitamment, dans le respect des responsabilités et obligations de chaque partie, doivent définir et mettre en œuvre un plan d’actions cohérentes permettant d’atteindre les objectifs de réduction des consommations énergétiques. Le programme d’action doit prendre en compte les contraintes techniques exceptionnelles du bâtiment et les exigences de l’accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite7.
L’étude énergétique et le plan d’actions sont pris en compte dans le cadre de la mise en œuvre de l’annexe environnementale de l’article L. 125-9 du Code de l’environnement8.
En ce qui concerne les collectivités territoriales, l’étude énergétique et le plan d’action doivent être présentés annuellement à leurs organes délibérants9.
C – Le nouveau plan d’actions (CCH, art. R. 131-45)
Il résulte de l’article R. 131-45 du CCH, que si, pour répondre à l’obligation de diminution de consommation énergétique, les parties démontrent, sur la base de l’étude énergétique, qu’ils ne peuvent définir qu’un plan d’actions cohérentes dont le temps de retour sur investissement est supérieur à 10 ans pour les collectivités territoriales et l’État ou supérieur à 5 ans pour les autres acteurs, ou dont le coût estimatif total est supérieur à 200 € HT/m2 de surface utile, ils doivent définir, sur la base de la même étude énergétique, un nouveau plan d’actions et un nouvel objectif de diminution des consommations énergétiques correspondant à ce plan d’actions.
Ce nouveau plan d’actions doit inclure a minima les actions proposées par l’étude présentant un temps de retour sur investissement inférieur à 10 ans pour les collectivités territoriales et l’État ou inférieur à 5 ans pour les autres acteurs et dont le coût estimatif total est inférieur à 200 € HT/m2.
IV – Le suivi de l’obligation (CCH, art. R. 131-46 et R. 131-47)
La nouvelle sous-section 4 précise les modalités de suivi de l’obligation, en particulier les documents à transmettre périodiquement afin d’alimenter un observatoire (A). Ces justificatifs devront, le cas échéant faire l’objet d’une attestation par une personne indépendante (B).
A – Les justificatifs à transmettre à l’organisme compétent (CCH, art. R. 131-46)
Il résulte de l’article R. 131-46 du CCH que, selon les modalités et les formats électroniques, les propriétaires occupants ou, si les locaux sont donnés à bail, les bailleurs et les preneurs concomitamment, dans le respect des responsabilités et des obligations de chacun, devront transmettre à un organisme qui sera désigné par le ministre chargé de la construction :
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à compter de l’année 2018, avant le 1er juillet de chaque année civile, et une fois par an, les consommations énergétiques de l’année civile précédente par type d’énergie exprimées en kWh et en kWh/m2 ;
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avant le 1er juillet 2020, un bilan complet sur les travaux menés et les économies d’énergie réalisées.
Les propriétaires occupants ou, dans le cas des locaux donnés à bail, les bailleurs et les preneurs, doivent conserver ces éléments pendant une durée minimale de dix années.
Si l’objectif réglementaire10 n’est pas atteint, les propriétaires occupants ou, dans le cas des locaux donnés à bail, les bailleurs et les preneurs, devront tenir à disposition de l’autorité compétente tous les justificatifs de nature technique ou juridique dont ils disposent et qui expliquent la non-atteinte de ces objectifs. Ces justificatifs doivent expliquer la non-atteinte des objectifs malgré les actions et travaux entrepris par ailleurs visant à diminuer les consommations énergétiques des bâtiments ou parties de bâtiments concernés.
Ces justificatifs doivent permettre d’évaluer les actions entreprises par les propriétaires occupants ou, dans le cas des locaux pris à bail, par les bailleurs et les preneurs, chacun pour ce qui le concerne sur les surfaces dont il maîtrise la consommation énergétique, et dans quelle mesure ces actions s’inscrivent effectivement dans la nouvelle obligation de diminution de la consommation énergétique globale.
B – L’attestation par un tiers indépendant (CCH, art. R. 131-47)
Si le prestataire visé chargé de la réalisation de l’étude énergétique est lié par un contrat de travail aux propriétaires occupants ou, dans le cas des locaux donnés à bail, aux bailleurs ou aux preneurs, ces justificatifs doivent être attestés par une tierce partie indépendante.
V – Les dispositions spécifiques (CCH, art. R. 131-48 et R. 131-49)
La nouvelle sous-section 5 concerne des cas particuliers relatifs à la possibilité de mutualiser l’obligation sur l’ensemble d’un patrimoine (A) et le cas d’un changement de propriétaire ou de preneur (B).
A – Mutualisation de l’obligation sur l’ensemble d’un patrimoine (CCH, art. R. 131-48)
Le nouvel article R. 131-48 du CCH prévoit que pour satisfaire aux obligations de travaux d’amélioration de la performance énergétique permettant de diminuer la consommation énergétique totale du bâtiment11, le propriétaire d’un ensemble de bâtiments ou de parties de bâtiments concernés par le nouveau dispositif12 peut remplir globalement ses obligations sur l’ensemble de son patrimoine.
B – Changement de propriétaire ou de preneur (CCH, art. R. 131-49)
Toutefois, en cas de changement de propriétaire ou de preneur, l’ancien propriétaire ou l’ancien preneur doit fournir au propriétaire, au plus tard lors de la cession du bâtiment ou à l’échéance du bail les documents et informations prescrites13 qui sont rassemblés dans un dossier annexé au contrat de vente ou de bail.
Si le changement de propriétaire ou de locataire occasionne une modification de l’usage du bâtiment ou l’installation d’équipements énergétiques nouveaux, l’étude énergétique et le plan d’actions doivent être modifiés ou complétés pour s’adapter à la nouvelle situation14.
VI – Les modalités d’application à préciser (CCH, art. R. 131-50)
La nouvelle sous-section 6 prévoit les modalités d’application du dispositif qui seront précisées par arrêté. En effet, selon le nouvel article R. 131-50 du CCH un arrêté doit préciser, selon les catégories de bâtiments, les modalités d’application du nouveau dispositif et notamment :
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les seuils de consommation d’énergie15 ;
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le contenu et les modalités de réalisation des études énergétiques16 ;
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les modalités et les formats électroniques de transmission des documents17 ;
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la méthode utilisée pour déterminer les corrections à apporter aux consommations énergétiques au cours du temps, en fonction notamment des variations climatiques et des modifications relatives aux modes d’occupation des bâtiments ;
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les éléments justificatifs18.
Si, conformément au droit commun, l’entrée en vigueur du nouveau dispositif était prévue pour le lendemain de sa publication, outre que son efficacité était subordonnée à la publication d’un arrêté d’application, ainsi qu’à la détermination de l’organisme étatique compétent, il se peut que ce texte ne trouve jamais à s’appliquer. En effet, le conseil d’État s’est prononcé par deux fois sur ce décret cet été. Il a, tout d’abord, suspendu la mesure imposant la réalisation avant le 1er juillet 2017 de rapports d’études et de plans d’action (CE, 28 juin 2017, n° 411578). Mais ensuite, et surtout, il a suspendu l’intégralité du décret en raison d’un doute sérieux sur sa légalité (CE, 11 juillet 2017, n° 411578).
Notes de bas de pages
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1.
JO, 18 août 2015.
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2.
JO n° 0109, 10 mai 2017, texte n° 169, NOR:LHAL1532790D.
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3.
CCH, art. R. 131-40.
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4.
CCH, art. R. 131-41.
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5.
CCH, art. R. 131-39.
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6.
CCH, art. R. 131-43.
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7.
CCH, art. R. 131-44, I.
-
8.
CCH, art. R. 131-44, II.
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9.
CCH, art. R. 131-44, III.
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10.
CCH, art. R. 131-39.
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11.
CCH, art. R. 131-39, I.
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12.
CCH, art. R. 131-40.
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13.
CCH, art. R. 131-46.
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14.
CCH, art. R. 131-49.
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15.
CCH, art. R. 131-39, I, b.
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16.
CCH, art. R. 131-42.
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17.
CCH, art. R. 131-46.
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18.
CCH, art. R. 131-47.