Présentation du décret n° 2019-184 du 11 mars 2019 relatif aux conditions d’application de l’ordonnance n° 2018-937 du 30 octobre 2018 visant à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l’innovation

Publié le 10/05/2019

Les conditions d’application de la possibilité pour les maîtres d’ouvrage des opérations de construction de bâtiments de déroger aux règles de construction sont précisées.

L’ordonnance n° 2018-937 du 30 octobre 2018 visant à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l’innovation, autorise le maître d’ouvrage à déroger à certaines règles de construction et à mettre en œuvre une solution d’effet équivalent. C’est-à-dire qu’il devra rapporter la preuve que la solution retenue parvient à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des règles de droit commun dès lors que les moyens mis en œuvre présentent un caractère innovant d’un point de vue technique ou architectural1. Le caractère équivalent de la solution proposée devant être attesté par un organisme tiers, indépendant de l’opération.

Pris en application de l’ordonnance, le décret du 11 mars 20192, abrogeant le décret n° 2017-1044 du 10 mai 2017 portant expérimentation en matière de construction (D. n° 2019-184, 11 mars 2019, art. 10), précise la liste des règles pour lesquelles une solution d’effet équivalent peut être proposée, ainsi que les objectifs généraux assignés à ces règles et définit le contenu et la procédure d’instruction du dossier de demande d’attestation d’effet équivalent et les compétences requises pour les organismes délivrant ces attestations.

I – Définitions (articles 1 et 3)

Selon l’article 1 du décret, au sens et pour l’application de l’ordonnance du 30 octobre 2018, les moyens retenus sont réputés innovants, d’un point de vue technique et architectural, dès lors qu’ils ne sont pas pris en compte dans les règles de construction en vigueur3.

Les règles de construction4 s’entendent des seules obligations de moyens résultant ou prises en application des dispositions visées par le décret5, à l’exclusion des obligations formulées en termes de performances ou de résultats à atteindre (éventuellement quantifiés) ainsi que des règles imposées par le droit de l’Union européenne6.

II – Champ d’application (article 2)

Le maître d’ouvrage des opérations7 peut être autorisé à déroger aux règles de construction suivantes :

Domaine

Règles de droit commun auxquelles il peut être dérogé

Sécurité incendie

Résistance au feu et au désenfumage :

– des bâtiments d’habitation (CCH, art. R. 111-13, al. 3) ;

– établissements destinés à recevoir des travailleurs (C. trav., art R. 4211-1 ; C. trav., art. R. 4216-16 ; C. trav., art. R. 4216-29).

Aération

Aération des logements (CCH, art. R. 111-9, al. 2).

Accessibilité du cadre bâti

– construction des bâtiments d’habitation collectifs et leurs abords (CCH, art. R. 111-18-1, al. 2), sauf règles d’application de la possibilité ouverte au maître d’ouvrage de recourir à des solutions d’effet équivalent ;

– construction d’ERP et aménagement d’IOP (CCH, art. R. 111-19-2, al. 2), sauf règles d’application de la possibilité ouverte au maître d’ouvrage de recourir à des solutions d’effet équivalent ;

– ERP existants ou créés dans un cadre bâti existant et IOP (CCH, art. R. 111-19-7, III et IV), sauf en ce qui concerne les règles d’application de la possibilité ouverte au maître d’ouvrage de recourir à des solutions d’effet équivalent.

Caractéristiques et performance énergétiques et environnementales

Bâtiments et parties de bâtiments nouveaux (CCH, art. R. 111-20, livre I, titre I, chap. I, sect. 4, ss-sect. 1 ; CCH, art. R. 131-26, livre I, titre III, sect. 5, ss-sect. 1).

Caractéristiques acoustiques

Logements (CCH, art. R. 111-4 ; C. envir., art. L. 571-10 ; arrêtés préfectoraux prévus par l’art. R. 111-4-1).

Construction à proximité des forêts

– régime forestier à Mayotte (CCH, art. L. 112-15) ;

– autorisations administratives (C. for., art. L. 275-13 à L. 275-16).

Protection contre les insectes xylophages

Termites et insectes xylophages (CCH, art. R. 112-4, al. 2).

Prévention du risque sismique ou cyclonique

Prévention du risque sismique (CCH, art. R. 112-1 ; C. envir., art. R. 563-5).

Matériaux et leur réemploi

Matériaux issus de la démolition ou de la réhabilitation lourde de bâtiments et à leur réemploi (CCH, art. L. 111-9 ; CCH, art. L. 111-10-4).

III – Vérification de l’équivalence des solutions (article 4)

En cas d’objectif à atteindre. L’équivalence entre le moyen innovant dont la mise en œuvre est proposée par le maître d’ouvrage et l’obligation imposée par les règles constructives de droit commun8 à laquelle il est dérogé est vérifiée si le maître d’ouvrage apporte la preuve que sa solution permet d’atteindre les mêmes performances ou résultats et de respecter les mêmes objectifs que ceux assignés à cette obligation.

En l’absence d’objectif à atteindre. Si la règle de droit commun n’énonce ni performance attendue, ni résultat ou objectif à atteindre, cette équivalence est vérifiée au regard des objectifs généraux suivants :

Sécurité incendie

Les bâtiments d’habitation et les établissements destinés à recevoir des travailleurs sont conçus et construits pour que, lors d’un incendie, la stabilité des éléments porteurs de l’ouvrage puisse être assurée pendant une durée déterminée et suffisante pour permettre aux occupants de quitter indemnes le bâtiment. La conception du bâtiment et le désenfumage permettent de limiter l’éclosion, le développement et la propagation d’un incendie à l’intérieur de celui-ci ainsi que par l’extérieur et de faciliter l’intervention des secours.

Aération

Les logements bénéficient d’un renouvellement d’air et d’une évacuation des émanations tels que l’air intérieur des locaux ne constitue pas un danger pour la santé des occupants et que puissent être évitées les condensations, sauf de façon passagère.

Accessibilité du cadre bâti

Les maîtres d’ouvrage doivent s’assurer que les dispositions architecturales, les aménagements et les équipements, intérieurs et extérieurs, des locaux d’habitation, des établissements recevant du public et des établissements destinés à recevoir des travailleurs sont tels que ces locaux et installations permettent un usage normal et sont accessibles à tous, notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique.

Caractéristiques et performance énergétiques et environnementales

Les bâtiments ainsi que leurs installations de chauffage, de refroidissement, de production d’eau chaude sanitaire, d’éclairage et d’aération sont conçus et construits de manière que la consommation d’énergie requise pour une utilisation normale reste la plus basse possible. Ils doivent assurer à leurs occupants des conditions de confort suffisantes et des conditions de santé à un niveau équivalent à celui que permettent d’atteindre les règles de droit commun.

Caractéristiques acoustiques

Les bâtiments sont conçus et construits de façon à permettre aux occupants de se reposer, de dormir et d’user de leur logement dans des conditions satisfaisantes de confort acoustique, en limitant les bruits transmis à l’intérieur de chaque logement, que ces bruits proviennent des autres locaux de l’immeuble ou de l’espace extérieur ou des équipements techniques du bâtiment, intérieurs ou extérieurs au logement.

Construction à proximité des forêts à Mayotte

Ce qui concerne la construction à proximité des forêts relevant du régime forestier à Mayotte, les bâtiments sont construits à une distance des forêts suffisante pour empêcher l’aggravation de leur exposition à l’incendie de forêts et la pénétration de celui-ci à l’intérieur des bâtiments, pour sauvegarder les personnes présentes dans les bâtiments et pour éviter tout risque de mise à feu des forêts due à la proximité des bâtiments.

Protection contre les insectes xylophages

Les bâtiments sont conçus et construits de façon à résister à l’action des termites et des autres insectes xylophages.

Prévention du risque sismique ou cyclonique

En ce qui concerne la prévention du risque sismique, les bâtiments exposés à un risque sismique doivent garantir la sécurité des personnes présentes dans les bâtiments ou à proximité de ceux-ci et permettre leur évacuation en toute sécurité. Les choix constructifs doivent également limiter les dégâts susceptibles d’être occasionnés aux bâtiments.

Matériaux et leur réemploi

En ce qui concerne la gestion de matériaux et de déchets issus de la démolition de bâtiments, le maître d’ouvrage, responsable de ces déchets, est tenu de s’assurer du réemploi des matériaux ou de la bonne gestion des déchets issus de la démolition de bâtiments.

IV – Dérogation procédurale (article 5)

Sous réserve des règles de procédure issues du droit de l’Union européenne, lorsqu’à une obligation technique est attachée une obligation procédurale mise à la charge du maître d’ouvrage, notamment sous la forme d’attestations à fournir, l’autorisation de déroger à cette obligation entraîne nécessairement l’autorisation de déroger à l’obligation procédurale correspondante, selon les cas, soit totalement, soit seulement en ce qui concerne la mise en œuvre de cette obligation.

V – Organismes compétents pour délivrer l’attestation de solution d’effet équivalent (article 6)

Domaine

Organisme

Sécurité incendie

Laboratoires agréés ou organismes reconnus compétents par le ministre de l’Intérieur (A., 25 juin 1980, art. DF4, portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public ; A., 22 mars 2004, art. 15, relatif à la résistance au feu des produits, éléments de construction et d’ouvrages).

Construction à proximité de forêts à Mayotte

Organismes détenteurs d’un agrément de l’État (CCH, art. L. 111-25) ou organismes techniques (CCH, art. L. 142-1 ; L. n° 2013-431, 28 mai 2013, art. 44).

Lutte contre les insectes xylophages

Organismes détenteurs d’un agrément de l’État (CCH, art. L. 111-25) ou organismes techniques (CCH, art. L. 142-1 ; L. n° 2013-431, 28 mai 2013, art. 44).

Risque sismique

Organismes détenteurs d’un agrément de l’État (CCH, art. L. 111-25) ou organismes techniques (CCH, art. L. 142-1 ; L. n° 2013-431, 28 mai 2013, art. 44).

Aération

Accessibilité du cadre bâti

Caractéristiques et performance énergétique et environnementale

Caractéristiques acoustiques

Gestion des matériaux et leur réemploi

Organismes techniques (CCH, art. L. 142-1 ; L. n° 2013-431, 28 mai 2013, art. 44) ou détenteurs d’un certificat de qualification avec le plus haut niveau possible de compétence, délivré, selon les exigences générales relatives aux organismes de qualification, par un organisme accrédité par le comité français d’accréditation ou par tout autre organisme d’accréditation signataire de l’accord multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d’accréditation.

VI – Instruction de la demande d’attestation d’effet équivalent (article 7)

Auteur de la demande. Le dossier de demande de l’attestation d’effet équivalent est présenté par le maître d’ouvrage à l’organisme compétent.

Contenu :

Objet

Pièces

Description du projet de construction

– plan détaillé du site d’implantation du projet de construction ;

– justification du caractère innovant de la solution proposée ;

– liste des compétences et qualifications des constructeurs (CCH, art. L. 111-14, 1°) intervenant au cours de l’opération dans le domaine concerné par la solution d’effet équivalent et la liste des missions qui leur sont confiées.

Conditions de réalisation du projet de construction

– règles de construction de droit commun (CCH, D. n° 2019-184, 11 mars 2019, art. 2) pour lesquelles une solution d’effet équivalent est proposée ;

– objectifs et résultats assignés à ces règles de construction ;

– démonstration que la solution proposée ne porte pas atteinte au respect des autres dispositions applicables à l’opération, notamment celles relatives à la santé et à la sécurité ;

– présentation des moyens ou des dispositifs constructifs envisagés ;

– preuve que ces moyens ou dispositifs permettent d’atteindre les objectifs assignés aux règles de droit commun qui, en matière de sécurité incendie, s’effectue en recourant à l’ingénierie de désenfumage ou de résistance au feu (A., 25 juin 1980, art. DF4, portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public ; A., 22 mars 2004, art. 15, relatif à la résistance au feu des produits, éléments de construction et d’ouvrages) ;

– attestation sur l’honneur du maître d’ouvrage de s’engager à souscrire une assurance dommage (CCH, art. L. 111-30).

Contrôle de la bonne mise en œuvre de la solution d’effet équivalent

– protocole décrivant les modalités permettant de contrôler, au cours de l’exécution des travaux, que les moyens mis en œuvre sont conformes à ceux décrits dans la présentation ;

– consignes d’exploitation et de maintenance, le cas échéant.

Bonne compréhension de la solution proposée

Tout autre document complémentaire que le maître d’ouvrage estime nécessaire de produire.

VII – La validation de la demande d’attestation d’effet équivalent (article 8)

Appréciation de la solution d’effet équivalent. L’organisme compétent se prononce sur la validité de la solution d’effet équivalent au vu des preuves fournies par le maître d’ouvrage.

Il évalue l’impact de la solution d’effet équivalent sur les autres dispositions applicables à l’opération et produit un rapport d’analyse comparative.

S’il valide la solution et les dispositions prévues, il joint l’attestation d’effet équivalent à son rapport d’analyse comparative et les transmet au maître d’ouvrage.

Dématérialisation. Cette attestation est établie au moyen d’un formulaire électronique normalisé disponible sur une application mise à la disposition de l’organisme, qui lui permet de joindre l’attestation au dossier de la demande d’autorisation d’urbanisme9, déposée par le maître d’ouvrage.

Contenu de l’attestation. L’attestation doit au moins contenir :

  • la liste des règles de construction de droit commun pour lesquelles une solution d’effet équivalent est proposée et des objectifs qui leur sont assignés ;

  • une présentation sommaire de la solution d’effet équivalent proposée et de son caractère innovant ;

  • la mention des conditions de mise en œuvre de la solution d’effet équivalent préalablement définies par le maître d’ouvrage ;

  • la validation du protocole de contrôle, au cours de l’exécution des travaux, de l’atteinte des résultats attendus ;

  • les conditions de contrôle périodique et d’exploitation de la solution d’effet équivalent, le cas échéant ;

  • l’attestation de l’assurance couvrant l’activité de délivrance de l’attestation d’effet équivalent de l’organisme10.

On précisera que le nouveau dispositif, qui présente des règles spécifiques prévues pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte (D. n° 2019-184, 11 mars 2019, art. 9), conformément au droit commun est entré en vigueur le lendemain de sa publication.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Ord. n° 2018-937, 30 oct. 2018, art. 1.
  • 2.
    JO n° 0060, 12 mars 2019, texte n° 23.
  • 3.
    D. n° 2019-184, 11 mars 2019, art. 1.
  • 4.
    V. Ord. n° 2018-937, 30 oct. 2018, art. 1 et 3.
  • 5.
    D. n° 2019-184, 11 mars 2019, art. 2.
  • 6.
    D. n° 2019-184, 11 mars 2019, art. 3.
  • 7.
    Sur la notion des opérations visées, v. Ord. n° 2018-937, 30 oct. 2018, art. 2.
  • 8.
    V. D. n° 2019-184, 11 mars 2019, art. 2.
  • 9.
    V. Ord. n° 2018-937, 30 oct. 2018, art. 2.
  • 10.
    V. Ord. n° 2018-937, 30 oct. 2018, art. 5, I, dernier al.