Présentation du décret n° 2019-441 du 13 mai 2019 relatif à la réquisition temporaire de terrains et de bâtiments nécessaires à l’organisation et au déroulement des Jeux olympiques et paralympiques de 2024

Publié le 21/06/2019

Le régime de la procédure de réquisition temporaire des terrains bâtis et non bâtis nécessaires à la réalisation du village olympique et paralympique, du pôle des médias et des ouvrages nécessaires à l’organisation et au déroulement des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 est fixé.

La loi ELAN du 23 novembre 20181 prévoit des dispositions relatives à l’aménagement pour les Jeux olympiques et paralympiques et, notamment, la possibilité pour le préfet de procéder à des réquisitions temporaires de terrains. La loi (I) renvoyait à un décret en Conseil d’État le soin d’en fixer les conditions d’application. C’est chose faite avec le décret n° 2019-441 du 13 mai 2019 relatif à la réquisition temporaire de terrains et de bâtiments nécessaires à l’organisation et au déroulement des Jeux olympiques et paralympiques de 20242 (II).

I – Rappel du dispositif légal

L’article 10 de la loi ELAN a créé un nouvel article 13-1 à la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 autorisant, pour assurer dans les délais la réalisation des infrastructures nécessaires à l’organisation et au déroulement des Jeux, le préfet, à titre exceptionnel et à défaut d’accord amiable, à procéder à la réquisition temporaire de terrains et bâtiments pour une durée 12 mois prenant fin au plus tard 3 mois à compter de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques, au bénéfice des personnes publiques ou privées chargées de l’organisation ou du déroulement des Jeux.

L’arrêté de réquisition

La loi prévoit que l’arrêté préfectoral doit :

  • être publié au plus tard le 1er janvier 2022 ;

  • fixer les dates de début et de fin de la réquisition ;

  • préciser le bénéficiaire de la réquisition ;

  • préciser l’usage pour lequel elle est prononcée ;

  • opérer le transfert de droit d’usage et autorise le bénéficiaire à prendre possession.

Indemnisation

La loi prévoit que les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par la réquisition.

À défaut d’accord amiable, elles seront fixées par le juge de l’expropriation, qui peut statuer par provision.

Le bénéficiaire ne peut prendre possession qu’après paiement ou, en cas d’obstacle au paiement, consignation d’une somme dont le montant est au moins égal à l’indemnité, le cas échéant provisionnelle, fixée par le juge de première instance. L’appel n’est alors pas suspensif.

Si, à défaut d’accord amiable, le juge n’a pas été saisi par le bénéficiaire dans un délai de 3 mois à compter de la notification à ce dernier de l’arrêté de réquisition, la réquisition est réputée levée à l’expiration de ce délai.

État des lieux

La loi prévoit qu’il doit être procédé contradictoirement, aux frais du bénéficiaire, à un constat de l’état des lieux au moment de la prise de possession et à l’issue de la réquisition.

Restitution

La loi autorise bénéficiaire de la réquisition à réaliser toutes installations et tous équipements, dont il reste propriétaire, mais il devra restituer les terrains et les bâtiments dans leur état d’origine au plus tard à l’expiration de la réquisition. Les litiges sont portés devant le juge de l’expropriation, à peine de forclusion, dans un délai de 2 ans à compter de l’expiration ou de la levée de la réquisition.

Toutefois, les parties peuvent convenir, par stipulation expresse, du maintien de certains équipements ou installations et des conditions financières de ce maintien.

Maintien du loyer

Le cas échéant, le locataire, la loi précise que le sous-locataire ou occupant de bonne foi du bien requis ou titulaire d’un droit d’usage sur ce bien, reste tenu au paiement du loyer, du fermage ou de la redevance.

Libération du bien requis

En cas de besoin, la loi permet au préfet de recourir à la force publique pour libérer les terrains ou les bâtiments de leurs occupants tant au moment de la prise de possession qu’au moment de la restitution à l’issue de la réquisition.

II – Présentation des précisions réglementaires

La demande de réquisition (article 1)

La réquisition doit être demandée par la personne publique ou privée chargée de l’organisation ou du déroulement des Jeux olympiques et paralympiques qui en sollicite le bénéfice au préfet du département dans lequel sont situés les terrains et bâtiments qui en sont l’objet. Elle doit être déposée avant le 1er octobre 2021.

Le contenu de la demande de réquisition (article 2)

La demande de réquisition, adressée au préfet et, dans la semaine qui suit cet envoi, aux propriétaires et, le cas échéant, aux locataires, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et bénéficiaires de servitudes, doit comprendre :

  • identité et la qualité du demandeur ;

  • toutes informations permettant d’identifier les terrains et bâtiments, ou les parties de ceux-ci, objet de la demande, notamment :

    • références cadastrales ;

    • adresse ;

  • l’usage qu’il est prévu de faire des terrains et bâtiments et la nécessité de disposer de tout ou partie de ceux-ci pour assurer dans les délais la réalisation des sites et ouvrages ;

  • la durée souhaitée pour la réquisition, qui comprend celle des travaux éventuels et celle de la remise en état, et les dates de début et de fin de la réquisition qui en résultent ;

  • les nom et adresse des propriétaires des terrains et bâtiments et, s’il y a lieu, ceux des locataires, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et bénéficiaires de servitudes ;

  • les démarches effectuées auprès du propriétaire et, le cas échéant, des locataires, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et bénéficiaires de servitudes, afin d’obtenir la disposition du bien par accord amiable, le montant des indemnités proposées ainsi que le mode de calcul de celles-ci et les raisons pour lesquelles le recours à la procédure de réquisition s’avère nécessaire ;

  • le cas échéant, les travaux envisagés et la situation des terrains et bâtiments au regard des règles et documents d’urbanisme et des servitudes d’utilité publique ;

  • les conditions de la remise des terrains et des bâtiments dans leur état d’origine et la date à laquelle cette remise en état est prévue.

De plus, la demande doit être assortie de tous justificatifs et documents utiles à son appréciation.

La notification du préfet de son intention de réquisition (article 3)

Dans le mois qui suit la réception de la demande, le préfet doit, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, notifier son intention de procéder à la réquisition, en indiquant les dates et la durée de la réquisition envisagée au propriétaire des terrains et bâtiments et, le cas échéant, aux locataires, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et bénéficiaires de servitudes.

Les destinataires de cette notification disposent d’un délai de quinze jours pour faire connaître leurs observations.

Les effets du silence du préfet (article 4)

Le silence gardé par le préfet pendant un délai de 3 mois à compter de la réception du dossier de demande de réquisition complet vaut décision de rejet.

Le contenu de l’arrêté de réquisition (article 5)

L’arrêté de réquisition doit indiquer :

  • le bénéficiaire de la réquisition ;

  • les terrains et bâtiments qui en font l’objet, leurs propriétaires et, le cas échéant, les locataires, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et bénéficiaires de servitudes ;

  • la durée de la réquisition, qui ne peut excéder celle mentionnée dans la notification (cf. article 3) ;

  • l’usage qui en sera fait ;

  • les motifs pour lesquels elle est prononcée.

L’arrêté doit comporter la mention qu’un recours peut être exercé auprès de la cour administrative d’appel de Paris3, dans un délai de 2 mois à compter de la date soit :

  • de la publication de l’arrêté pour les tiers (v. article 6) ;

  • de sa notification, pour les personnes concernées (v. article 7) ;

  • de la fin de l’affichage en mairie, pour les personnes concernées (v. art. 7,dern. al.).

L’arrêté doit enfin reproduire en annexe, et en caractères apparents, les dispositions de l’article 13-1 de la loi du 26 mars 2018 ainsi celles du décret.

Publication de l’arrêté de réquisition (article 6)

L’arrêté de réquisition doit :

  • être publié au recueil des actes administratifs de l’État dans le département ;

  • et faire l’objet d’un avis inséré, par les soins du bénéficiaire de la réquisition et à ses frais, dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département.

Le dossier de la demande est tenu à la disposition du public à la préfecture et à la mairie de la commune dans laquelle est situé le bien réquisitionné.

Notification de l’arrêté de réquisition (article 7)

Le préfet doit notifier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’arrêté :

  • au bénéficiaire de la réquisition ;

  • ainsi qu’au maire de la commune de la situation du terrain ou du bâtiment réquisitionné.

Le bénéficiaire de la réquisition notifie individuellement l’arrêté de réquisition au propriétaire du terrain ou du bâtiment et, le cas échéant, aux locataires, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et bénéficiaires de servitudes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Au cas d’indivision, la notification à l’un des indivisaires vaut à l’égard de tous les indivisaires.

Lorsque ces personnes sont inconnues ou à défaut de domicile connu, la notification est remplacée à leur égard par l’affichage pendant un mois d’une ampliation de l’ordre de réquisition à la mairie du lieu de la situation du terrain ou du bâtiment réquisitionné. Le maire établit un certificat d’affichage qui tient lieu d’avis de réception.

Indemnisation de la réquisition (article 8)

Si le montant de l’indemnité résultant de la fixation judiciaire définitive est supérieur à la somme payée ou consignée par le bénéficiaire de la réquisition avant la prise de possession, le bénéficiaire de la réquisition doit payer ou, en cas d’obstacle au paiement, consigner le surplus dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle la décision judiciaire est devenue définitive.

À défaut, le propriétaire et, le cas échéant, les locataires, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et bénéficiaires de servitudes, mettent le bénéficiaire de la réquisition en demeure de procéder au paiement ou, le cas échéant, à la consignation, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Copie de cette mise en demeure est adressée au préfet.

La prise de possession par le bénéficiaire (article 9)

Au moins un mois avant la date de début de la réquisition fixée par l’arrêté, le bénéficiaire doit notifier le jour et l’heure auxquels il entend prendre possession du terrain ou du bâtiment au propriétaire et, le cas échéant, aux locataires, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et bénéficiaires de servitudes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il en informe le préfet.

État des lieux (article 10)

À la prise de possession, un constat de l’état des lieux réquisitionnés, complété s’il y a lieu d’un inventaire descriptif des biens mobiliers, est dressé contradictoirement par les parties.

En cas de désaccord ou en cas d’absence du propriétaire et, le cas échéant, des locataires, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et bénéficiaires de servitudes, il y est procédé par d’huissier aux frais du bénéficiaire.

Les meubles dont le bénéficiaire de la réquisition n’entend pas faire usage sont ensuite entreposés dans une pièce ou dépendance fermée, ou transportés et conservés dans un garde-meubles choisi par le bénéficiaire et à ses frais. Le propriétaire des biens meubles non réquisitionnés ainsi entreposés ou conservés peut les en retirer contre reçu régulier.

Un exemplaire du constat d’état des lieux et, le cas échéant, de l’inventaire du mobilier est remis à chacune des parties.

Il en sera fait de même à l’expiration ou à la levée de la réquisition. Le cas échéant, l’acte par lequel les parties sont convenues du maintien de certains équipements ou installations sur le terrain et des conditions financières de ce maintien4 est annexé au constat d’état des lieux.

À défaut, les dommages au terrain ou au bâtiment qui pourraient être constatés à l’issue de la réquisition sont, à défaut de preuve contraire, présumés avoir été occasionnés par le bénéficiaire de celle-ci.

Remise en état (article 11)

Si le terrain ou le bâtiment n’a pas été remis dans son état d’origine, ou dans celui qui devrait résulter de la convention5, à l’expiration ou à la levée de la réquisition, le propriétaire et, le cas échéant, les locataires, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et bénéficiaires de servitudes, mettent en demeure le bénéficiaire de la réquisition de procéder à cette remise en état par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Le juge de l’expropriation peut être saisi du litige à défaut de remise en état par le bénéficiaire dans le délai d’un mois suivant la réception de cette mise en demeure.

Entrée en vigueur

Conformément au droit commun, le texte est entré en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 16 mai 2019. Il ne reste plus qu’à attendre la publication des arrêtés préfectoraux.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Pour une présentation de la loi ELAN, v. Battistini P., La loi ELAN décryptée pour les professionnels de l’immobilier, 15 fiches pour appréhender les nouveautés majeures de cette réforme, 2019, Gualino, Droit en Poche ; Battistini P., Logement social, Construction, Urbanisme… ce que change la loi ELAN, 21 fiches pour décrypter la réforme, 2019, Gualino, Droit en Poche.
  • 2.
    JO, 15 mai 2019, n° 25.
  • 3.
    En application du 5° de l’article R. 311-2 du Code de justice administrative.
  • 4.
    En application du quatrième alinéa du IV de l’article 13-1 de la loi du 26 mars 2018.
  • 5.
    En application du quatrième alinéa du IV de l’article 13-1 de la loi du 26 mars 2018.