Présentation de la loi de finances pour 2019

Publié le 06/02/2019

Le 20 décembre 2018, l’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi de finances pour 2019. Ce texte, publié au JO du 30 décembre 2018, repose sur trois choix politiques fondamentaux : « mieux rémunérer le travail, rétablir la compétitivité des entreprises et restaurer nos finances publiques ». Il intègre une partie des mesures annoncées par le président de la République et le gouvernement au cours du débat parlementaire, notamment l’annulation de la hausse de la taxe carbone et de la convergence diesel-essence sur 2019.

Dans sa décision n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018, le Conseil constitutionnel a validé la quasi-totalité du projet de loi de finances qui comporte des mesures fiscales importantes. S’agissant des particuliers, on relèvera notamment les mesures accompagnant la mise en place du prélèvement à la source, l’annulation de la hausse des taxes sur les carburants, la prorogation d’un an du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et le remplacement de l’exit tax par un dispositif « anti-abus » ciblé sur « les cas d’optimisation fiscale les plus avérés ». S’agissant des entreprises, on retiendra en particulier la simplification de la fiscalité en cas de transmission d’une entreprise familiale (« Pacte Dutreil ») ainsi que plusieurs mesures relatives à l’impôt sur les sociétés (IS) comme la modification du régime de l’intégration fiscale ou l’instauration d’un droit de révocation de l’option pour l’IS.

La loi de finances pour 20191 présente un « important volet de mise en conformité avec le droit de l’UE »2. Elle contient aussi des mesures de simplification de la fiscalité avec la suppression de taxes à faible rendement. Elle met l’accent sur l’investissement avec des mesures comme la « sanctuarisation » du crédit d’impôt recherche (CIR) ou la mise en place d’un dispositif de suramortissement temporaire de 40 % pour les investissements de transformation numérique et de robotisation des PME3.

Enfin, le texte budgétaire a été modifié en seconde lecture à la suite des mesures de pouvoir d’achat annoncées par le président Macron, le 10 décembre 2018, en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». Pour financer ces mesures « d’urgence économiques et sociales » (prime exceptionnelle défiscalisée, heures supplémentaires défiscalisées, suppression de la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2000 €, revalorisation de la prime d’activité), qui figurent dans la loi n° 2018-2013 du 24 décembre 2018, le gouvernement a demandé un effort aux plus grandes entreprises.

I – Les principales hypothèses et mesures du budget 2019

Le budget de l’État pour 2019 s’appuie sur une prévision de croissance de 1,7 % pour l’année 2019. Cette hypothèse de croissance, qui est identique à celle retenue dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022, est cependant inférieure à celle du programme de stabilité budgétaire d’avril 2018 (1,9 % en 2019).

Le déficit public devrait atteindre 3,2 % du PIB en 2019, contre 2,8 % prévu initialement (article liminaire). Cette hausse s’explique par les mesures de pouvoir d’achat annoncées par le président Macron, le 10 décembre 2018, qui vont coûter autour de 10 Mrd€.

Le déficit structurel de la France, c’est-à-dire le déficit calculé hors effets de la conjoncture, devrait être en 2019 de 2,3 %, avec un ajustement structurel de 0 %. Le gouvernement avait initialement prévu un ajustement structurel de 0,3 %, lequel avait été jugé insuffisant par le haut conseil des finances publiques dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2019.

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a indiqué qu’il souhaitait rapprocher le déficit public « le plus possible » du seuil de 3 % fixé par les traités européens. Il a observé que ce déficit public s’établira en réalité autour de 2,3 % si l’on soustrait le coût exceptionnel de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité des entreprises (CICE) en baisse de charges pérennes pour les entreprises. L’État devra faire face à une dépense exceptionnelle de 20 Mrd€ liée à la transformation du CICE.

Le 19 décembre 2018, Bruno Le Maire a affirmé bénéficier de la « compréhension » de la Commission européenne sur les dépenses supplémentaires engagées par la France à cause de la crise des « gilets jaunes »4.

Ces dépenses sont de nature à mettre en danger l’objectif initial du gouvernement de stabiliser le niveau de la dette publique (98,6 % du PIB prévu en 2019 selon le texte gouvernemental initial). La requalification par l’INSEE de SNCF réseau en administration publique a également eu pour effet d’accroitre le niveau de la dette publique, laquelle frôle la barre symbolique des 100 % du PIB5.

Enfin, le déficit budgétaire de l’État devrait atteindre 107,7 Mrd€ en 2019 contre 99,1 Mrd€ prévus initialement. Cette hausse du déficit sera en partie financée par un relèvement du programme d’emprunt à moyen et long termes qui sera porté à 200 Mrd€. Par ailleurs, la trésorerie disponible sera mobilisée à hauteur de 5,1 Mrd€.

II – La décision du Conseil constitutionnel

Les parlementaires requérants ont notamment fait valoir que la loi de finances pour 2019 aurait insuffisamment pris en compte les conséquences des mesures prévues par la loi n° 2018-2013 du 24 décembre 2018.Ils ont reproché à ce texte d’avoir retenu des prévisions de déficit fondées sur des mesures non encore adoptées comme la taxe sur les grandes entreprises du numérique6 que le gouvernement veut mettre en place en 2019.

Dans sa décision n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018, le Conseil constitutionnel a écarté les griefs relatifs à la sincérité du budget 2019. Il a relevé que « la loi de finances n’est pas tenue d’intégrer à ses prévisions de déficit des mesures non encore acquises à la date de son adoption ». Il a toutefois précisé qu’un projet de loi de finances rectificative sera nécessaire « si l’évolution des charges ou des ressources était telle qu’elle modifierait les grandes lignes de l’équilibre budgétaire ».

Pour le gouvernement, « le budget 2019 confirme ainsi la sincérisation budgétaire initiée dès le début du quinquennat, qui se traduit également par le respect des autorisations votées par le Parlement et l’absence de tout décret d’avance en 2018 »7.

III – Les avis du Haut conseil des finances publiques et de la Commission européenne

Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 20198, rendu public le 24 septembre 2018, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) a jugé « réaliste » le scénario macroéconomique retenu par le gouvernement dans son projet de loi de finances.

Mais le HCFP a notamment déploré que le déficit structurel de la France demeure « à un niveau élevé » et « ne se réduirait que lentement au regard des règles européennes »9. Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2018, il avait déjà jugé faible le rythme de réduction du déficit public structurel.

Le 21 novembre 2018, la Commission européenne a estimé quant à elle que les prévisions budgétaires de la France pour 2019 présentaient « un risque de manquement » avec les exigences du pacte de stabilité et de croissance. Comme le HCFP, elle a constaté que la France ne réduit pas suffisamment son déficit structurel et le niveau de la dette publique. « (…), nous avons mis la France dans la catégorie des pays présentant un risque de non-conformité » aux règles européennes, a expliqué le commissaire européen aux affaires économiques, Pierre Moscovici10.

IV – Les principales mesures fiscales intéressant les particuliers

A – Les mesures d’accompagnement du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu

Dans le cadre de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source au 1er janvier 2019, le législateur prévoit la mise en place d’une avance de 60 % pour les contribuables bénéficiant de certains crédits et réductions d’impôt. Il s’agit d’éviter qu’ils n’aient à supporter le coût en trésorerie pouvant résulter du décalage entre la date du prélèvement et celle du versement de l’avantage fiscal (art. 12).

Les réductions et crédits d’impôt concernés sont les réductions d’impôt en faveur des investissements locatifs, la réduction d’impôt au titre des dépenses d’hébergement en EHPAD, la réduction d’impôt au titre des dons effectués par les particuliers et le crédit d’impôt au titre des cotisations syndicales.

Les particuliers employeurs seront dispensés d’effectuer une retenue à la source sur les salaires qu’ils verseront en 2019. Afin de faciliter leurs démarches en tant que collecteurs de l’impôt prélevé à la source, l’entrée en vigueur du prélèvement à la source sera décalée d’un an pour les salaires qu’ils versent. Ce décalage a été justifié par le fait qu’ils ne disposent pas « des outils, de la formation et des connaissances auxquels ont accès les employeurs professionnels ». À compter du 1er janvier 2020, ils utiliseront les dispositifs CESU et PAJEMPLOI pour effectuer la retenue à la source sur les salaires qu’ils versent.

Les salariés des particuliers employeurs devront verser un acompte de septembre à décembre 2019 afin d’éviter un double prélèvement en 2020 (prélèvement à la source sur les revenus perçus en 2020 et impôt sur les revenus perçus en 2019). Le montant de cet acompte sera calculé sur la base des revenus perçus au titre de 2018.

Les députés ont adopté un amendement prévoyant la communication au contribuable, par l’administration fiscale, des modalités de calcul des taux de prélèvement à la source.

B – Le plafonnement de la réduction d’impôt sur le revenu dans les DOM

Le dispositif d’abattement d’impôt sur le revenu (IR) dont bénéficient les contribuables domiciliés dans les départements et régions d’outre-mer fait l’objet d’une réforme (art. 16). Cet abattement fiscal a été instauré en 1960 pour compenser des écarts de prix importants entre l’hexagone et les territoires concernés. Il permet aux contribuables de réduire leur impôt sur le revenu, selon les territoires, de 30 % à 40 %.

La loi de finances pour 2019 vient abaisser les limites de la réduction d’IR applicable aux contribuables domiciliés dans les départements d’outre-mer.

Le montant de l’impôt sur le revenu résultant de l’application du barème progressif sera réduit de 30 %, dans la limite de 2 450 €, au lieu de 5 100 €, pour les contribuables domiciliés dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, et de 40 %, dans la limite de 4 050 €, au lieu de 6 700 €, pour les contribuables domiciliés dans les départements de la Guyane et de Mayotte.

Cette réforme qui concernera 4,34 % des foyers fiscaux d’outre-mer, soit les contribuables ultramarins dont les revenus sont les plus élevés11, contribuera au financement des mesures annoncées dans le Livre bleu des outre-mer qui a été publié en juin 2018. Elle s’inscrit dans le respect des recommandations du rapport sur l’égalité réelle outre-mer remis au Premier ministre en mars 2016.

Les économies permises par cette réforme fiscale seront intégralement mobilisées au profit du fonds exceptionnel d’investissement (FEI), « marquant la volonté du gouvernement d’intensifier son engagement en faveur du rattrapage structurel et des conditions de vie outre-mer »12.

C – Les mesures concernant l’environnement

  • Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE)

La période d’application du CITE, qui cherche à favoriser la rénovation énergétique des logements, est une nouvelle fois prolongée d’une année, soit jusqu’au 31 décembre 2019 (art. 182). La transformation du CITE en un système de prime, qui devait intervenir initialement en 2019, est repoussée en 2020. C’est à cette date que le CITE devrait prendre la forme d’une prime afin d’accompagner de manière plus efficiente les ménages qui rénovent leur logement.

L’assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant la remise, par le gouvernement, avant le 1er septembre 2019, d’un rapport sur les différents moyens envisagés pour transformer le CITE en prime.

Elle a aussi adopté un amendement du gouvernement qui étend le champ d’application du CITE « aux coûts de main-d’œuvre pour l’installation d’équipements de chauffage utilisant des énergies renouvelables » et « à la dépose de cuve à fioul ». Cette mesure, qui est soumise à des conditions de ressources, vise selon le gouvernement, à « inciter les ménages modestes à se chauffer par le biais d’énergies renouvelables en lieu et place des énergies fossiles ».

Enfin, le remplacement des fenêtres sera de nouveau inclus dans le dispositif du CITE. Le crédit d’impôt sera plafonné à 100 € par fenêtre et ne portera que sur le remplacement des simples vitrages.

  • L’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ)

Le dispositif du PTZ, qui constitue un outil important de soutien à l’accession à la propriété des ménages à revenus modestes et intermédiaires, est prolongé pour trois années supplémentaires, soit jusqu’au 31 décembre 2021 (art. 184). Il s’agit de la troisième prorogation de ce mécanisme qui a été institué par la loi de finances pour 2009.

Ce dispositif d’avances remboursables sans intérêt destinées au financement de travaux de rénovation afin d’améliorer la performance énergétique des logements anciens est « simplifié et renforcé ».

Il sera étendu à tous les logements achevés de plus de deux ans à la date de début d’exécution des travaux. La condition liée au bouquet de travaux sera supprimée. La durée d’emprunt sera uniformisée à 15 ans, indépendamment du nombre d’actions financées, « ce qui permettra aux ménages d’emprunter sur une durée plus longue ». Le cumul entre un premier éco-PTZ et un éco-PTZ complémentaire sera possible pendant cinq ans, et non plus trois ans comme c’est le cas actuellement.

L’accès à l’éco-PTZ sera facilité pour les copropriétés grâce à deux types de mesures. Le seuil de 75 % des quotes-parts afférentes à des lots affectés à l’usage d’habitation est supprimé. Le cumul entre un premier éco-PTZ attribué à un syndicat de copropriétaires (éco-PTZ copropriété) et un éco-PTZ complémentaire attribué soit à ce même syndicat de copropriétaires soit à un copropriétaire est autorisé « afin de faciliter le financement des travaux de rénovation énergétique en copropriété et son étalement dans le temps ».

  • La modification du barème du malus automobile

Le dispositif de bonus-malus automobile, décidé en 2007 dans le cadre du Grenelle de l’environnement, se traduit par l’octroi d’aides à l’achat de véhicules neufs émettant peu de CO2 (« bonus ») et par l’application d’une taxe additionnelle perçue sur le certificat d’immatriculation des véhicules les plus polluants (« malus »).

Le barème du bonus-malus est une nouvelle fois modifié afin de favoriser l’achat de véhicules neufs émettant le moins de CO2, de décourager l’achat de modèles plus polluants et de stimuler l’innovation technologique des constructeurs (art. 91).

La taxe additionnelle graduelle sur le certificat d’immatriculation se déclenchera pour les véhicules émettant 117 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, contre 120 grammes actuellement. Les recettes de cette taxe, qui est due à l’occasion de la délivrance du certificat d’immatriculation d’un véhicule automobile neuf, sont affectées au compte d’affection spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres. »

Le nouveau barème de malus permettra de dégager 40 M € de recettes supplémentaires, lesquelles permettront notamment de financer la prime à la conversion qui est prévue dans le cadre du Plan climat13.

  • La fiscalité écologique

L’Assemblée nationale a décidé en seconde lecture « de réduire d’environ 4 milliards d’euros la hausse initialement prévue sur la fiscalité écologique, préservant d’autant pour 2019 le pouvoir d’achat des ménages et le taux de marge des entreprises »14.

Elle s’est ralliée à la position du Sénat qui a souhaité geler la trajectoire carbone sur les taxes intérieures de consommation, laquelle avait été définie à l’article 16 de la loi de finances pour 2018 (art. 64).

L’Assemblée nationale a considéré qu’il s’agit d’une « solution technique aux annonces politiques faites par le Premier ministre lors de son discours prononcé devant l’Assemblée nationale le 5 décembre 2018 »15, en réponse à la crise des « gilets jaunes ».

Elle a également suivi le Sénat en supprimant l’article 19 du projet de loi de finances dont l’objet était de mettre un terme au tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au « gazole non routier ».

Par ailleurs, la loi de finances renforce l’augmentation des tarifs de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) afin d’inciter les différents acteurs économiques à privilégier les opérations de recyclage par rapport aux opérations de stockage ou d’incinération polluante (art. 24). Elle prévoit une hausse de la TGAP entre 2021 et 2025 afin d’assurer que le coût du recyclage soit inférieur aux autres modalités de traitement des déchets. Les recettes de la TGAP doivent passer d’environ 450 Mrd€ en 2017 à environ 800 Mrd€ en 2025. Enfin, les députés ont adopté un amendement qui exclut l’huile de palme de la liste des biocarburants ouvrant droit à un taux réduit de la TGAP (art. 192).

D – La réforme de l’exit tax

Afin de renforcer l’attractivité de la France pour les entrepreneurs et les investisseurs, le gouvernement a souhaité remplacer le dispositif actuel d’exit tax par un nouveau dispositif anti-abus, moins contraignant (art. 112).

Cet impôt institué en 2011 en vue de lutter contre l’exil fiscal est dû par les contribuables qui s’établissent hors de France et qui détiennent plus de 800 000 € en actions ou qui possèdent 50 % du capital d’une entreprise. Ces derniers sont redevables d’une taxe de 30 % sur les plus-values latentes, c’est-à-dire théoriques, appliquée sur la valeur prise par leur patrimoine entre le moment où ils l’acquièrent et leur départ de France. Ils bénéficient cependant d’un sursis d’imposition leur permettant de ne payer qu’à la vente effective des titres. Avec le dispositif actuel, les contribuables établissant leur domicile fiscal hors de France doivent conserver leurs titres pendant 15 ans pour pouvoir échapper à l’exit tax.

Le nouveau dispositif anti-abus prévu initialement par le texte gouvernemental devait être limité aux seules personnes qui, ayant quitté le territoire français, cèdent leurs titres moins de deux ans après leur départ. L’Assemblée nationale a voulu durcir ce dispositif anti-abus en rallongeant la période durant laquelle un contribuable, parti à l’étranger, doit conserver ses titres pour ne pas être soumis à l’imposition de ses plus-values en France. En effet, le délai passe de 2 à 5 ans après le départ hors de France du contribuable « pour les participations les plus importantes », soit celles d’une valeur supérieure ou égale à 2,57 M€.

Ce délai rallongé doit permettre de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale. Le député Joël Giraud, rapporteur général du budget, a justifié le renforcement du dispositif proposé par le gouvernement par la nécessité de prévoir un système « beaucoup plus coercitif à partir d’un certain niveau de plus-value latente » afin de « faire en sorte d’avoir un dispositif qui fonctionne mieux que l’exit tax » pour dissuader les comportements d’optimisation excessive.

E – Les mesures sociales

Afin de soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs modestes, il a été prévu la création d’une seconde bonification individuelle intégrée au calcul de la prime d’activité (art. 265).

Pour mettre en œuvre les engagements pris par le président de la République le 10 décembre 2018, le législateur a prévu d’avancer au 1er janvier 2019 la mise en œuvre effective de cette nouvelle bonification. « Afin de tenir compte des délais nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme par la caisse nationale des allocations familiales et la caisse centrale de mutualité sociale agricole, le versement de la nouvelle bonification pourra intervenir à titre rétroactif dans les premiers mois de l’année 2019 »16.

En seconde lecture, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du gouvernement prévoyant une ouverture de crédits de 2 Mrd€ sur la mission « Solidarités, insertion et égalité des chances » destinée à financer la revalorisation de la prime d’activité. Cette hausse vient s’ajouter aux crédits ouverts en première lecture par le Sénat (600 Mrd€).

Par ailleurs, la revalorisation de l’allocation adultes handicapés (AAH) se poursuit. En effet, l’AAH sera revalorisée en novembre 2019 de 40 € et verra son montant passer de 860 à 900 €17.

Enfin, pour des raisons de procédure, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de revalorisation de ces aides qui s’appliquaient à 2020.

V – Les mesures fiscales intéressant les entreprises

A – La suppression de la « TVA non perçue récupérable »

Il existe en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, un dispositif spécifique de TVA désigné « TVA non perçue récupérable » (TVA NPR)18. Ce mécanisme mis en place par une décision ministérielle de 1953 permet aux entreprises qui y sont établies de bénéficier d’une déduction de TVA fictive calculée sur le montant de certains biens neufs d’investissement qui sont importés dans les DOM en franchise de TVA.

Le législateur vient supprimer ce dispositif qui a pour but de compenser le coût du transport occasionné par l’éloignement insulaire, au moyen de l’exonération et de la récupération de la TVA (art. 17).

Le gouvernement a indiqué que la suppression de la TVA NPR sera compensée par la création d’un « dispositif de crédits d’intervention mieux ciblés, pour un montant budgétaire équivalent, soit 100 Mrd€ par an ». La TVA NPR a été présentée dans le Livre bleu des outre-mer publié le 28 juin 2018 comme étant « une dépense fiscale peu traçable, mal pilotée et dont les effets sur le développement économique sont illisibles ».

B – La réforme de l’impôt sur les sociétés

L’impôt sur les sociétés (IS) est réformé dans une logique de convergence européenne.

  • La modification du régime d’intégration fiscale

Prévu aux articles 223 A à 223 U du CGI, le régime de l’intégration fiscale est un régime particulier d’imposition à l’IS des groupes de sociétés. Il permet de mutualiser et de compenser, au sein du groupe, les gains et les pertes des différentes entités membres du groupe. Ce régime auquel les entreprises françaises sont attachées est modifié afin d’assurer sa mise en conformité avec le droit de l’UE (art. 32).

Parmi les modifications apportées, l’une porte sur la quote-part de frais et charges (QPFC) de 12 % imposable dans le cadre d’une plus-value de cession de titres de participation. Actuellement, la quote-part de 12 % n’est pas retenue pour déterminer le résultat d’ensemble d’un groupe fiscalement intégré lorsqu’elle se rapporte à une cession intragroupe : « elle est neutralisée »19. La loi de finances vient mettre fin à cette neutralisation, rendant la QPFC imposable.

Afin de compenser l’impact négatif que la fin de la neutralisation aurait pour les groupes intégrés, le texte gouvernemental initial avait prévu de baisser le taux de la QPFC de 12 % à 5 % ; cette baisse ne concernant pas uniquement les groupes intégrés, mais toutes les entreprises.

En première lecture, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur du budget, Joël Giraud, visant à cantonner la baisse du taux de la quote-part aux groupes fiscalement intégrés et aux situations assimilées à l’intégration fiscale au regard du droit de l’UE.

En seconde lecture, l’Assemblée nationale a décidé de maintenir le taux actuel de la quote-part de la niche Copé à 12 %, pour toutes les entreprises. Cette révision de la niche Copé sur les opérations intra-groupe des entreprises, qui devrait rapporter environ 200 M€, a vocation à participer au financement des « mesures d’urgence économiques et sociales » prévues par la loi n° 2018-2013 du 24 décembre 2018.

  • La déductibilité des charges financières

La directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 (dite directive ATAD pour anti-tax avoidance directive) met en œuvre plusieurs recommandations du projet BEPS sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (Base erosion and profit shifting) conduit sous l’égide de l’OCDE. Elle comporte plusieurs mesures de nature à renforcer les outils nationaux contre l’évasion fiscale.

L’article 34 de la loi de finances réforme les règles d’encadrement de la déductibilité des charges financières en transposant l’article 4 de la directive ATAD.

Le dispositif du « rabot » actuellement en vigueur, qui limite la déductibilité des charges financières nettes d’une entreprise à 75 % de leur montant, est remplacé par une nouvelle règle plafonnant la déductibilité des charges financières nettes au plus élevé des deux montants suivants : 30 % du résultat avant impôts, intérêts, provisions et amortissements (EBITDA) ou 3 M€.

  • L’insertion d’une clause anti-abus générale en matière d’IS

L’article 108 de la loi de finances transpose en droit français, à travers un nouvel article 205 A du CGI, la clause anti-abus générale en matière d’IS prévue à l’article 6 de la directive ATAD. Cette clause « est conçue pour combler les lacunes que peuvent présenter les clauses anti-abus spécifiques adoptées par un pays pour lutter contre l’évasion fiscale »20.

La formulation de cette clause anti-abus, qui s’applique à l’ensemble des contribuables assujettis à l’IS dans un ou plusieurs États membres, est analogue à celle prévue à l’article 119 ter du CGI. L’Assemblée nationale a adopté un amendement mettant en place un nouveau rescrit, propre à cette nouvelle clause anti-abus générale.

  • La mise en place d’une révocabilité possible en cas de passage à l’IS

Les sociétés et groupements mentionnés à l’article 206-3 du CGI relèvent par principe du régime des sociétés de personnes. L’article 239-1 du CGI autorise ces sociétés, sauf celles visées par une exclusion expresse, à opter pour le régime des sociétés de capitaux. Cette option a un caractère irrévocable.

Comme le précise l’exposé des motifs de l’article 17 du projet de loi de finances, l’irrévocabilité de l’option pour l’IS peut pénaliser les entreprises lorsqu’elles constatent que ce choix est inadapté aux réalités de leur exercice.

C’est la raison pour laquelle le législateur vient créer une exception au principe d’irrévocabilité de l’option pour l’IS dans le cas où le dirigeant de l’entreprise considère avoir effectué un choix de régime fiscal qui s’avère pénalisant pour l’entreprise (art. 50). Il introduit un « droit au remords » permettant aux entreprises ayant opté pour l’IS de renoncer à cette option dans les cinq ans qui suivent, « leur offrant ainsi une souplesse bienvenue »21.

Les sociétés et groupements qui ont opté pour le régime des sociétés de capitaux seront autorisés à renoncer à leur option avant la fin du mois précédant la date limite de versement du premier acompte d’IS de l’exercice au titre duquel la renonciation à l’option s’applique.

En l’absence de renonciation avant la fin du mois précédant la date limite de versement du premier acompte d’IS du cinquième exercice suivant celui au titre duquel l’option pour l’IS a été exercée, l’option devient irrévocable.

Si, à l’inverse, la renonciation à l’option intervient dans ce délai, la société n’aura plus la possibilité de demander à être de nouveau assujettie à l’IS.

  • La baisse du taux de l’IS

Le taux normal de l’IS devait passer de 33 % à 31 % en 2019.Mais cette baisse ne concernera que les entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 250 M€. Les autres entreprises verront leur taux d’IS baisser à partir de 2020. Cette mesure qui devrait rapporter à l’État 1,8 Mrd€, participera au financement des mesures annoncées par le président de la République, le 10 décembre 2018. Cela étant précisé, la trajectoire de baisse du taux de l’IS qui sera réduit à 25 % en 2022 est maintenue. Elle a été prévue par la loi de finances pour 2018. Il s’agit de ramener progressivement pour l’ensemble des entreprises le taux normal de l’IS au niveau de la moyenne européenne.

C – La réforme du régime d’imposition des produits de cession ou concession de brevets

Le régime fiscal des brevets, qui permet de bénéficier d’un taux d’IS réduit pour les revenus tirés des brevets déposés en France, est modifié afin de le rendre compatible avec les standards internationaux et européens (art. 37).

L’approche « nexus » prévue par l’OCDE pour l’imposition préférentielle des revenus tirés d’actifs incorporels est consacrée en droit français. Elle conditionne le bénéfice d’un régime préférentiel à la réalisation sur le territoire national des dépenses de recherche engagées pour le développement de cet actif.

Le texte gouvernemental initial prévoyait d’appliquer le même taux de 15 % aux entreprises, qu’elles soient soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu. Pour assurer une compensation partielle des effets de la réduction d’assiette induite par l’approche « nexus » de l’OCDE, l’Assemblée nationale a souhaité ramener le taux préférentiel à 10 %.

Elle a souhaité ouvrir ce nouveau dispositif à tous les logiciels protégés par le droit d’auteur, y compris ceux qui ont généré un revenu avant le 1er janvier 2019. Elle a également adopté un amendement du gouvernement permettant aux inventions brevetables non brevetées des PME de bénéficier de ce régime fiscal préférentiel lorsque « la brevetabilité a été certifiée par l’INPI, à l’occasion d’une procédure de demande de certificat d’utilité ou brevet ».

D – La modification des règles de calcul des acomptes d’IS

Le législateur a décidé d’accroître l’effort contributif des plus grandes entreprises au titre du dernier acompte (« 5e acompte ») d’IS dont celles-ci sont redevables en vertu de l’article 1668 du CGI (art.39). Contrairement aux autres acomptes dont le montant est calculé à partir de l’IS dû au titre de l’exercice précédent, le « 5e acompte » est calculé à partir de l’IS dû au titre de l’exercice en cours. Il correspond à la différence entre, d’une part, une fraction de l’IS estimé dû au titre de l’exercice en cours et, d’autre part, la somme des acomptes déjà versés au cours de cet exercice.

La quotité du montant de l’IS estimé servant au calcul de ce dernier acompte sera portée pour un exercice à 95 % (au lieu de 80 %) pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires compris entre 250 M€ et 1 Mrd€ et à 98 % (au lieu de 90 %) pour celles ayant un chiffre d’affaires compris entre 1 Mrd€ et 5 Mrd€. La quotité de 98 % prévue pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 5 Mrd€ demeurera inchangée.

L’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à rendre pérennes ces nouvelles modalités de fixation du 5e acompte.

E – L’assouplissement du pacte Dutreil

Le dispositif dit pacte Dutreil prévu à l’article 787 B du CGI cherche à préserver la pérennité des entreprises au moment de leur transmission. Instauré par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, il permet une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit à hauteur de 75 %. Seules les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peuvent bénéficier de cette exonération partielle. Le bénéfice du dispositif Dutreil est subordonné au respect de trois principales conditions : un engagement collectif de conservation des parts ou actions de deux ans minimum ; un engagement individuel de conservation des parts ou actions de quatre ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif ; l’obligation pour l’une des personnes engagées d’exercer une fonction de direction au sein de la société durant la phase d’engagement collectif et pendant trois ans à compter de la transmission.

Le texte budgétaire prévoit plusieurs assouplissements du pacte Dutreil, lesquels devraient faciliter encore davantage les transmissions d’entreprises (art. 40).

Il supprime l’obligation de fournir annuellement à l’Administration une attestation permettant de contrôler le respect des engagements souscrits. Il élargit les possibilités de cession ou donation des titres soumis au pacte Dutreil pendant la phase de l’engagement collectif de conservation, à condition que la cession soit opérée au profit d’un autre associé de l’engagement collectif de conservation. Il élargit également les possibilités d’apport de titres à une société holding au cours de l’engagement de conservation.

Il divise par deux les seuils de détention requis pour bénéficier de l’exonération « Dutreil ». Les seuils de détention s’élèveront à 10 % des droits financiers (et 20 % des droits de vote) pour les sociétés cotées et à 17 % des droits financiers (et 34 % des droits de vote) pour les sociétés non cotées.

F – Les dispositifs de déduction exceptionnelle

La loi de finances encourage les PME à investir dans la robotique et la transformation numérique en facilitant le financement de ces investissements par le biais d’une déduction diminuant le montant du bénéfice imposable des entreprises concernées (art. 55). Elle instaure aussi un mécanisme de suramortissement fiscal destiné à permettre aux armateurs d’acquérir plus facilement des navires à propulsion au gaz naturel liquéfié, à l’hydrogène ou à tout mode de propulsion favorisant la transition énergétique (art. 56).

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2018-1317, 28 déc. 2018, de finances pour 2019 : JOAN, 30 déc. 2018, p. 231.
  • 2.
    V. rapp. AN, 11 oct. 2018, t. I, p. 133, n° 1302.
  • 3.
    V. La déclaration de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, à l’Assemblée nationale, le 15 octobre 2018.
  • 4.
    Le commissaire européen aux affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, a estimé qu’un dépassement de la limite des 3 % du PIB est « envisageable de manière limitée, temporaire, exceptionnelle ». « Le dépassement éventuel des 3 % ne doit pas se prolonger sur deux années consécutives, ni excéder 3,5 % sur un an » (V. Le Parisien,11 déc. 2018).
  • 5.
    À la fin du 3e trimestre 2018, la dette publique s’élevait, selon l’INSEE, à 99,3 % du PIB (2 322,3 Mrd€).
  • 6.
    Cette taxe sur les « GAFA » ne figure pas dans la loi de finances pour 2019.
  • 7.
    Communiqué de presse de Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, 28 déc. 2018.
  • 8.
    Avis n° HCFP-2018-3 du 19 sept. 2018 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2018 : JO n° 0221, 25 sept. 2018.
  • 9.
    Le HCFP a également constaté que l’ajustement structurel initialement prévu pour 2019 (0,3 point de PIB) par le gouvernement n’est pas conforme aux dispositions de l’article 5 du règlement européen n° 1466/97 qui prévoient un ajustement supérieur à 0,5 point de PIB. Il a relevé en outre que cet ajustement bénéficie de la non-prise en compte en opération ponctuelle et temporaire de la mesure relative à l’augmentation du cinquième acompte de l’IS.
  • 10.
    https://www.lepoint.fr/economie/budget-2019-moscovici-appelle-la-france-a-faire-encore-un-effort-21-11-2018-2273378_28.php.
  • 11.
    V.AN, comm. fin, compte rendu, 9 oct. 2018, p. 26, n° 5.
  • 12.
    Livre Bleu outre-mer 2018, p. 93.
  • 13.
    V. rapp. AN, 11 oct. 2018, t. II, p. 918, n° 1255.
  • 14.
    V. rapp. AN, 14 déc. 2018, p. 18, n° 1504.
  • 15.
    V. rapp. AN, 14 déc. 2018, p 269, n° 1504.
  • 16.
    Pour reprendre le texte de l’amendement du gouvernement adopté par le Sénat en première lecture : http://www.senat.fr/enseance/2018-2019/146/Amdt_C-2.html.
  • 17.
    V. rapp. AN, 11 oct. 2018, n° 1255 ; Annexe, p. 33, n° 41.
  • 18.
    CGI, art. 295.
  • 19.
    Amendement n° I-CF1439 au PLF pour 2019 déposé le 7 octobre 2018 par Joël Giraud, au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale.
  • 20.
    Proposition de directive n° 2016/0011 (CNS).
  • 21.
    V. rapp. AN, 11 oct. 2018, t. II, p. 590, n° 1255.
X