Seine-Saint-Denis (93)

Seine-Saint-Denis : nouvelle réglementation et valeur verte des biens immobiliers

Publié le 30/11/2021
Seine-Saint-Denis : nouvelle réglementation et valeur verte des biens immobiliers
paris pao / AdobeStock

Les performances énergétiques et environnementales impactent la valorisation du parc immobilier ancien et énergivore de Seine-Saint-Denis (93). Les changements réglementaires accentuent ce phénomène.

La loi n° 2021-1104 Climat et Résilience du 22 août 2021 (L. n° 2021-1104, 22 août 2021) impose de nouvelles obligations aux propriétaires immobiliers. Ces règles destinées à inciter les propriétaires à réhabiliter leur bien s’appuient sur les classifications utilisées dans le cadre du diagnostic de performance énergétique (DPE). Le DPE est obligatoire pour les ventes depuis novembre 2006 et les locations de logements depuis juillet 2007. Il permet de faire le point sur la performance énergétique d’un bien immobilier grâce à un classement énergétique allant de A (meilleure performance énergétique) à G (plus mauvaise performance énergétique). Ces règles ainsi que la récente réforme DPE mettent en lumière la notion de valeur verte, un sujet auquel le Conseil supérieur du notariat vient de consacrer sa dernière étude (La valeur verte des logements en France, étude des notaires de France, novembre 2020). La valeur verte d’un bien immobilier correspond à la variation de valeur générée par la performance énergétique et environnementale d’un bien immobilier. À quelques exceptions notables, la valeur verte n’était jusqu’ici que partiellement prise en compte lorsqu’il s’agissait de valoriser un bien immobilier. Ces changements de réglementation modifient la donne. Le département de Seine-Saint-Denis est particulièrement concerné par le sujet. En effet, le parc immobilier y est ancien, les deux tiers des logements ayant été construits avant 1975 qui correspond à la date d’entrée en application des premières réglementations thermiques. La rénovation énergétique est une priorité du département qui s’est donné pour objectif d’engager une rénovation thermique soutenue et planifiée des logements privés et publics en priorisant le bâti ancien. Avec quelque 615 000 logements, l’habitat est la deuxième source d’émission de gaz à effet de serre du département. Dès 2015, le département s’est doté de sa plateforme locale de rénovation énergétique (Pass’habitat 93) afin d’accompagner les habitants dans l’optimisation de la consommation énergétique de leurs logements.

Un parc immobilier ancien et énergivore

D’après une étude réalisée par la plateforme d’annonces SeLoger.com réalisée en septembre 2020, parmi les villes de plus de 100 000 habitants dont l’habitat est le plus énergétivore, Saint-Denis arrive en tête du classement, derrière Paris, avec respectivement 228 kWh/m2/an et 237 kWh/m2/an. À titre de comparaison, le parc immobilier de Villeurbanne qui caracole en tête de classement a une consommation énergétique de 128 kWh/m2/an. Le rapport est presque du simple au double. Les biens les plus énergivores, qualifiés de passoires thermiques, correspondent aux classes F et G du DPE, soit une consommation entre 330 et 440. D’après les chiffres du ministère de la Transition écologique de 2020, ces passoires thermiques représentent 17 % du parc immobilier français. Ces passoires thermiques sont inégalement réparties sur le territoire. On en dénombre environ 5 % dans le département de Seine-Saint-Denis, soit 34 545 logements concernés (Étude Fideli 2018, basée sur les DPE réalisés entre 2017 et 2018 par l’ADEME). Le département de Seine-Saint-Denis se mobilise contre la précarité énergétique, dont il a fait un de ces objectifs prioritaires. La notion de précarité énergétique concerne les ménages qui consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses d’énergie dans leur logement. Au plan national d’après les chiffres de l’ADEME, ils sont 3, 3 millions, soit 14 % des ménages à être concernés. La précarité énergétique est en relation avec la mauvaise qualité thermique du parc de logements et constitue un phénomène particulièrement présent dans le 93, où un tiers des ménages vit sous le seuil de pauvreté. On peut citer à cet égard le programme ambitieux mis au point par l’intercommunalité Paris Terres d’envol qui regroupe huit villes du département. Dans le cadre du Programme d’intérêt général de lutte contre la précarité énergétique (PIG) mis au point par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), l’établissement public territorial finance la réhabilitation de 885 pavillons qui devrait être achevée d’ici la fin de l’année 2020.

Un enjeu pour les propriétaires du parc privé

Alors que le parc social affiche de bonnes performances en termes d’efficience énergétique, c’est beaucoup moins vrai pour les propriétaires privés. En moyenne, un logement du parc social consomme 30 % d’énergie et 50 % d’eau en moins qu’un logement du parc privé. Et un tiers des logements sociaux sont aujourd’hui classés parmi les logements les moins énergivores. 22 % des logements du parc immobilier social figurent parmi les biens immobiliers émettant le moins de gaz à effet de serre. Les organismes HLM ont en outre engagé un effort de réhabilitation thermique du parc existant et développent des bâtiments neufs sobres en besoins énergétiques, voire à énergie positive lorsque c’est possible. En comparaison le parc privé a donc une large marge de progression. Il comporte, en effet, une grande part de logements anciens. La réhabilitation de ces biens constitue, donc, un enjeu majeur. À terme ces travaux revalorisent le patrimoine de leurs propriétaires. C’est tout l’enjeu de la valeur verte. Un vrai sujet quand on sait que pour neuf acquéreurs sur 10, les performances énergétiques d’un logement constituent un critère important pour leur futur logement d’après un sondage réalisé en février 2021 par le site Seloger.com. En Seine-Saint-Denis, un dispositif de ressources et d’aides a été mis en place pour accompagner les propriétaires dans les travaux à initier. Le département a lancé en 2015 une aide aux travaux de rénovation thermique des bâtiments, complémentaire à celle de l’Anah qui a bénéficié à quelque 3 500 foyers, pour un coût annuel d’un million. Les établissements publics territoriaux se mobilisent également. On peut ainsi citer l’initiative de Plaine Commune qui alliée à l’Anah a mis en place une Opération programmée d’amélioration de l’habitat (Opah) permettant aux propriétaires de bénéficier d’un soutien financier pour réhabiliter les parties communes de leur co-propriété et améliorer la qualité de leur logement sur la période 2017-2022.

Quel impact pour la valeur verte ?

En Seine-Saint-Denis, environ 9 % des logements vendus chaque année sont de construction récente, après 2010, (La valeur verte des logements en France, étude des notaires de France, novembre 2020). La très grande majorité des transactions immobilières concerne donc des biens anciens. Plus d’un quart de l’habitat est constitué de maisons individuelles. Et la proportion d’immeuble en micro-collectif ou en mono propriété y est forte (environ 200 000 logements). Le marché immobilier est dynamique. Au premier semestre 2021, plus de 2 000 transactions y ont été recensées par les notaires. Les villes les plus prisées sont les plus proches de Paris et aussi celles où les prix augmentent : Les Lilas, le Pré-Saint-Gervais, Saint-Ouen, Pantin, Montreuil dans lesquels les prix moyens s’échelonnent entre 7 000 euros par mètres carrés et 6 500 euros par mètres carrés lorsqu’à Aubervilliers ou Saint-Denis, les prix se situent aux alentours de 4 000 euros par mètres carrés. Les perspectives ouvertes par le Grand Paris Express et les prochains Jeux olympiques contribuent à booster le dynamisme immobilier du département notamment dans le bâti ancien. Dans ce contexte, observe les notaires, l’effet valeur verte reste encore marginal. En effet, sur les marchés immobiliers tendus comme en grande et petite couronne, l’effet des moins bonnes étiquettes énergie du DPE (classes F et G) sur les prix des appartements anciens reste faible (-2 % de moins-value). Il est toutefois un peu plus important pour les maisons. De même, la plus-value apportée par les meilleures étiquettes du DPE reste modérée. Au plan national, la plus-value engendrée en moyenne sur les prix des appartements anciens qui disposent d’une étiquette énergie de classe C, par rapport à ceux de classe D, ne dépasse pas + 6 %. Mais les nouveautés législatives qui interdisent à moyen terme la mise en location des biens classés F ou G pourraient venir changer la donne.

De nouvelles obligations

Depuis le 1er juillet 2021, dans les zones tendues et en cas de relocation, l’augmentation du loyer est plafonnée pour les biens classés F et G. Au 1er janvier 2023, la performance énergétique sera prise en compte afin d’apprécier le caractère décent du logement. Les biens dont la consommation dépasse 450 kWh par mètres carrés an ne pourront plus être loués. En 2028, l’ensemble des passoires énergétiques, ces biens classés F et G, soit près de 5 millions de biens, ne pourront plus être proposés à la location. Afin de le rendre plus lisible et plus fiable, le DPE a été réformé. L’étiquette finale attribuée est une synthèse de deux informations : la consommation énergétique et la quantité d’émission de gaz à effet de serre émise par le logement. Elle est fonction de la plus mauvaise performance, en énergie primaire ou en gaz à effet de serre (système des doubles seuils). Cette réforme est susceptible de provoquer des changements de classes énergétiques pour de nombreux biens. Autant de changements réglementaires qui auront un impact significatif sur la valeur verte.