Seine-Saint-Denis (93)

Le département de Seine-Saint-Denis lutte contre l’habitat indigne

Publié le 10/03/2022
Bâtiment abandonné
nihat boy/AdobeStock

Mise en place d’un permis de louer, lutte contre les marchands de sommeil… le point sur la mobilisation du département de Seine-Saint-Denis en faveur du logement.

D’après la définition qu’en donne la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (L. n° 2009-323, 25 mars 2009), l’habitat indigne correspond aux locaux et installations utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé. La lutte contre l’habitat indigne est une priorité en Île-de-France. L’habitat indigne y prend des formes multiples. Et le phénomène touche des parcs immobiliers divers : copropriétés fragiles, quartiers anciens dégradés, zones pavillonnaires… Les logements dégradés ne respectent pas les règles d’hygiène fixées dans chaque département par le Règlement sanitaire départemental (RSD). Les logements non décents laissent apparaître des risques pour la sécurité physique ou la santé des occupants ou s’il n’est pas doté des éléments essentiels à son utilisation à des fins d’habitation. Les logements insalubres désignent tout immeuble, vacant ou occupé susceptible d’altérer d’aggraver ou de constituer un risque pour la santé physique, mentale et sociale des occupants ou de leurs voisins. Les immeubles en situation de péril ou menaçant ruine sont des immeubles qui pourraient par leur effondrement ou l’effondrement d’un plancher ou d’une toiture compromettre la sécurité des occupants ou des riverains. Déployés dans chaque département d’Île-de-France depuis 2014 et pilotés par un préfet ou sous-préfet, les pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne (PDLHI) sont en charge de l’actualisation des plans départementaux de lutte contre l’habitat indigne, qui fixe les actions prioritaires et les objectifs sur trois ans. Ils sont co-animés par les unités départementales de la DRIHL ou les Directions Départementales des Territoires (DDT), et les directions départementales de l’Agence régionale de santé (ARS). Ils réunissent les différents acteurs de l’État et des collectivités locales engagés dans la lutte contre l’habitat indigne, dans des structures de pilotage et de travail. En conformité avec la circulaire du 8 février 2019 relative au renforcement et à la coordination de la lutte contre l’habitat indigne, les parquets sont associés à leurs travaux et des groupes locaux de traitement de la délinquance dédiés à la lutte contre l’habitat indigne, en vue d’un renforcement de l’action pénale, sont actifs dans plusieurs départements.

L’habitat indigne, une réalité en Seine-Saint-Denis

D’après les chiffres de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) d’Île-de-France et la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl), la région francilienne compte 157 000 logements privés potentiellement indignes, soit 4 % du parc privé francilien. Et près de 1,3 million de ménages seraient confrontés à un habitat dégradé (IAU, Drihl, 2018, L’habitat dégradé et indigne en Ile-de-France). En Seine-Saint-Denis, le phénomène est particulièrement prégnant : il touche 7,4 % du parc privé total, soit 2,8 % du parc occupé en propriété et 15,8 % du parc locatif privé. À Paris, seul 6,5 % du parc immobilier est concerné, soit 3 % du parc occupé en propriété et 9,5 % du parc locatif privé. Dans les six autres départements, les pourcentages sont nettement inférieurs : seul 3,6 % de biens immobilier concernés dans le Val-de-Marne et le Val-d’Oise, devant les Hauts-de-Seine (3,5 % du parc immobilier), Seine-et-Marne (2,3 % du parc immobilier), dans les Yvelines (1,3 % du parc immobilier) et en Essonne (1 % du parc immobilier). L’habitat indigne touche davantage le parc immobilier ancien, c’est-à-dire les logements construits avant 1949. 87 % des logements indignes sont situé dans le parc immobilier ancien en Seine-Saint-Denis. Comme dans l’ensemble de la petite couronne, les logements en copropriété y représentent la majeure partie de l’habitat dégradé et indigne. La part de logements suroccupés y est également très importante : plus d’un logement sur quatre est concerné par ce phénomène.

Un dispositif de repérage et de contrôle : le permis de louer

Pour repérer les situations d’habitat insalubre et contrôler le respect des normes de décence et de salubrité sur le marché locatif, les communes et intercommunalités qui le souhaitent peuvent déployer un dispositif spécifique : le permis de louer, qui a été mis en place dans le cadre de la loi ALUR. Le permis de louer permet à une commune d’imposer que tout ou partie des logements mis en location sur son territoire fassent l’objet d’une déclaration ou d’une autorisation avant leur mise en location, afin de contrôler l’état des logements. La commune peut ainsi refuser de mettre en location un logement pouvant mettre en danger la santé ou la sécurité de ses occupants ou choisir d’imposer aux propriétaires de réaliser les travaux nécessaires pour rendre le logement conforme aux normes en vigueur. Cette mesure a pour but de réduire le nombre de logements insalubres proposés aux locataires. En Seine‑Saint-Denis, plus de 28 000 logements sont ainsi potentiellement indignes. 27 communes de Seine‑Saint-Denis se sont dotées de ce dispositif. Il s’agit des communes de Aubervilliers, Aulnay-sous-Bois, Bagnolet, Blanc-Mesnil, Bobigny, Bondy, Clichy-sous-Bois, Coubron, Dugny, La Courneuve, Le Bourget, Le Pré-Saint-Gervais, Le Raincy, Les Lilas, Livry-Gargan, Montfermeil, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin, Pavillons-sous-Bois, Pierrefitte-sur-Seine, Romainville, Saint-Denis, Sevran, Stains, Vaujours et Villemomble.

Le fonctionnement du permis de louer

Sont concernés par le permis de louer uniquement les bailleurs dont le logement loué est situé dans un périmètre défini comme relevant du permis de louer par les communes ou l’établissement public territorial. La délibération de la collectivité peut préciser les catégories et les caractéristiques des logements qu’elle soumet au contrôle. Dans ces zones, ce sont les logements loués en vide ou en meublé en tant que résidence principale du locataire qui sont concernés. Une nouvelle demande de permis de louer doit être effectuée à chaque nouvelle mise en location. La demande de permis de louer doit être effectuée par les propriétaires qui mettent en location un logement dans les zones soumises à déclaration dans un délai de quinze jours suivant la conclusion du contrat de location, au président de l’EPT compétent ou au maire de la commune. En revanche, pour les zones soumises à autorisation, les propriétaires doivent envoyer le formulaire et les diagnostics obligatoires avant la mise en location. Lorsqu’un logement est mis en location sans avoir satisfait à la déclaration ou l’autorisation, le préfet peut ordonner le paiement d’une amende de 5 000 € maximum, proportionnée à la gravité des faits. En cas de récidive ou en cas de mise en location en dépit d’une décision de rejet, le préfet peut ordonner le paiement d’une amende de 15 000 € maximum. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé, depuis novembre 2020, 10 amendes pour des infractions au permis de louer à Villemomble, Montfermeil, La Courneuve et Pierrefitte, pour des montants allant jusqu’à 10 000 € selon la gravité des faits. 21 infractions sont en cours d’instruction par les services de l’État.

Un dispositif inédit pour la Plaine Commune

Sur le territoire de Plaine Commune, plus de 15 % de l’habitat privé est jugé potentiellement indigne. Un chiffre qui peut atteindre 20 % dans la ville de Saint-Denis, voire 40 % dans certains quartiers de l’hypercentre. C’est pourquoi, Plaine Commune, en partenariat avec Action Logement, a décidé d’expérimenter le dispositif Digneo afin d’accélérer la réhabilitation des immeubles insalubres sur le territoire. À cet effet, Plaine Commune a signé le 26 mai dernier une convention de coopération avec Foncière Logement, filiale d’Action Logement, afin de se doter d’un nouvel outil pour affiner sa stratégie de lutte contre l’habitat dégradé. Le dispositif Digneo a pour objectif d’accélérer les processus de transformation d’immeubles insalubres et libres de toute occupation, qui peuvent parfois prendre jusqu’à 10 ou 15 ans. À cet effet, une première sélection de six adresses a été effectuée à Saint-Denis. Les chantiers de réhabilitation identifiés font l’objet d’un plan d’action sur les 3 prochaines années à Saint-Denis. À terme, cette opération devrait permettre à la ville d’équilibrer son offre de logements. Avec 52 % de logements sociaux à Saint-Denis, les élus souhaitent rééquilibrer l’offre des différents parcs immobiliers dans une ville qui s’est paupérisée lors des dernières décennies. Ce partenariat devrait donc servir de levier pour faire revenir les classes moyennes dans les quartiers, pour réussir le pari de la mixité sociale. Un challenge à relever pour la ville qui bénéficie par ailleurs actuellement d’un important surcroît d’attractivité avec le Grand Paris et l’organisation des Jeux Olympiques.

La mobilisation de la ville de Saint-Denis

De son côté le 25 novembre dernier, la municipalité a présenté une liste de mesures pour lutter contre l’habitat indigne au sein du parc immobilier de Saint-Denis. Le phénomène touche près de 4 500 logements au sein de la commune, soit près d’un logement sur cinq. La municipalité entend notamment lutter contre l’activité des marchands de sommeil. « Le combat de la mandature », selon la formule de l’élu Mathieu Hanotin.

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