L’opportunité des clauses de confidentialité aujourd’hui, et demain ?
Aujourd’hui, parce que la protection légale est jugée insuffisante et peu lisible, les entreprises tentent de protéger leurs secrets d’affaires par le biais de clauses de confidentialité. Ces clauses sont opportunes, même si leur efficacité est parfois relative. Qu’en sera-t-il demain ? Le Code civil, réformé par l’ordonnance du 10 février 2016, impose une nouvelle obligation, légale, de confidentialité devant gouverner les négociations. En outre, la directive sur la protection des secrets d’affaires, adoptée par le Parlement européen le 14 avril 2016, propose des mesures qui s’éloignent de la classique responsabilité contractuelle. Que peut-on prédire de l’impact de ces nouveaux instruments sur l’opportunité d’une protection de la confidentialité par le contrat ?
Aujourd’hui, la protection légale du secret des affaires est assurément insuffisante1. Les entreprises, pour peu qu’elles soient prévoyantes et juridiquement averties, font donc le choix de protéger leurs secrets par le contrat2.
En effet, les obligations légales de confidentialité restent rares3. Elles sont certes parfois sanctionnées pénalement4 mais encore faut-il que les éléments constitutifs de ces infractions puissent être établis et correspondent aux situations subies. Quant au vol et au recel, peuvent-ils être invoqués à l’endroit de données immatérielles que sont les informations confidentielles ? La question est classique mais encore non résolue. Les droits de propriété intellectuelle dans lesquels les TPE ou PME n’ont pas toujours les moyens d’investir, seront inadaptés pour certaines données : celles qui ne sont pas assez abouties pour faire l’objet d’un dépôt, et toutes celles qui n’entrent pas dans le champ des droits de propriété intellectuelle : les fichiers clientèles, etc. Il est d’ailleurs frappant que le site internet de l’INPI vise, sous une rubrique spécifique intitulée « Secret »5, la protection de ces données particulières (savoir-faire, idée et concept), et qu’elle y préconise avec vigueur l’usage de clauses de confidentialité. À défaut de prévision contractuelle, reste la classique responsabilité délictuelle, souvent invoquée par le biais d’actions en concurrence déloyale6. Mais elle nécessite par nature la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité. Le contentieux de la concurrence déloyale ou parasitaire montre à quel point il est parfois difficile de rapporter ces preuves, à défaut d’écrit. Mieux vaut donc anticiper.
Les clauses de confidentialité7 ont cet objet d’interdire contractuellement au débiteur de communiquer à des tiers certaines informations qui lui sont transmises, qu’elles soient commerciales, financières, stratégiques ou technologiques. Prenant la forme d’un accord de confidentialité (Non-Disclosure Agreement), elles régiront la phase particulièrement risquée des négociations, lorsqu’il faudra révéler, dès les pourparlers avec un futur partenaire ou futur acquéreur, certaines informations sensibles alors même que rien ne garantit la conclusion du contrat définitif. Elles accompagneront le secret le temps du contrat, instaurant, au gré des situations, une obligation accessoire ou principale (dans les contrats de transfert de technologie ou de savoir-faire), unilatérale ou réciproque. Elles maintiendront le secret après le contrat, en s’imposant par exemple à l’ancien salarié8 délié de son devoir légal de discrétion impliqué par son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi. Elles encadreront encore le règlement non judiciaire des litiges, la clause de confidentialité étant de style dans les transactions.
Aujourd’hui donc, les clauses de confidentialité, de secret ou de discrétion, sont très largement utilisées par les entreprises aux fins de protéger leurs informations sensibles. Qu’en sera-t-il demain ?
Demain, si on lit notre Code civil réformé, un devoir légal de confidentialité entourera toute phase précontractuelle. Aux termes du nouvel article 1112-2, devant entrer en vigueur le 1er octobre prochain : « Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun ».
Demain, à l’horizon 2018, si l’on en croit la position adoptée, le 14 avril dernier, par le Parlement européen sur la directive sur la protection du secret d’affaires9, les États membres se doteront de mesures harmonisées aux fins de sanctionner civilement « l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicite du secret d’affaires » nouvellement défini10.
Indéniablement, la loi reprend la main sur le contrat. Ces nouveaux instruments légaux de protection du secret des affaires vont-ils modifier les pratiques et remettre en question l’opportunité des clauses ? Pour tenter d’apporter une réponse, il convient de dresser un rapide état des lieux des clauses de confidentialité aujourd’hui (I), pour prédire leur avenir, demain (II).
I – L’opportunité des clauses de confidentialité aujourd’hui
Plutôt que de ne rien prévoir et de s’en remettre à la responsabilité civile délictuelle, l’organisation contractuelle de la confidentialité procure théoriquement certains avantages. Cette efficacité qui est recherchée (A) peut être moindre qu’il n’y paraît en réalité11 (B).
A – L’efficacité recherchée
La validité de principe des clauses de confidentialité n’est pas douteuse12, sous réserves des limites classiques à la liberté contractuelle13. Leur violation aboutit à la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle du débiteur. Bien qu’elle suppose parfois l’accomplissement d’actes positifs, l’obligation de confidentialité est une obligation de ne pas faire : ne pas transmettre l’information à des tiers non autorisés. De cette qualification découlent plusieurs conséquences. D’abord, l’obligation de ne pas faire serait une obligation de résultat. Dès lors, la seule divulgation de l’information protégée ferait présumer la faute. Ensuite, il ne serait pas nécessaire d’user d’une mise en demeure, le mal étant fait. Enfin, la violation de l’obligation de ne pas faire, si l’on en croit la position de la première chambre civile, ouvrirait droit à indemnité sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve d’un quelconque préjudice14. Bien sûr, la responsabilité contractuelle sera limitée au seul débiteur tenu, néanmoins la présence d’une clause de confidentialité permettra de faciliter la sanction de tiers complices sur le terrain délictuel. Finalement, si l’on compare avec le régime de la responsabilité délictuelle, le principal avantage de la contractualisation consiste en l’allègement de la charge de la preuve pour l’entreprise victime. Tout semble donc parfait dans le meilleur des mondes contractuels, mais la réalité est comme toujours plus nuancée.
B – L’efficacité réelle
L’allègement espéré de la charge de la preuve ne signifie pas qu’aucune preuve ne sera à rapporter par le créancier victime. L’efficacité réelle des clauses est donc largement dépendante de la manière dont elles sont rédigées, et cela implique un exercice difficile d’anticipation.
La première difficulté, majeure, concerne la délimitation du périmètre des informations confidentielles. Quelles informations doivent être protégées et comment le formuler ? En cas de litige en effet, le créancier devra établir que l’information divulguée était bien confidentielle. Or, les auteurs relèvent différentes pratiques rédactionnelles, d’inégales efficacités15. Certaines clauses définissent les informations confidentielles de manière très large16, mais cette méthode est peut-être à éviter. Le tribunal de grande instance de Nanterre, dans une décision récemment confirmée, a refusé l’application d’un accord de confidentialité au motif que les parties n’avaient pas pris soin de déterminer de manière claire et précise, parmi les informations d’utilité variable échangées lors des négociations, celles devant être protégées17. Dès lors, le contrat doit-il lister de manière exhaustive les informations devant être considérées comme confidentielles ? Cette autre méthode n’est pas moins périlleuse, en cas d’oubli ! Le débiteur ne serait-il pas légitime à croire que tout ce qui n’est pas expressément visé n’est pas protégé ? Une autre technique, encore, consiste à user du « tout sauf ». Comme il est difficile de tout anticiper, les rédacteurs préfèrent parfois poser le principe de la confidentialité et renvoyer à l’identification expresse des informations concernées au fur et à mesure de la divulgation18. Il s’agit peut-être de la méthode la plus sûre à bien des égards, en particulier pour les accords de confidentialité encadrant les négociations. Tant que cet avant-contrat n’est pas signé, il s’agit surtout de ne pas trop dévoiler la teneur des informations, sans quoi elles seraient d’emblée délivrées !
Une deuxième difficulté probatoire consistera dans l’identification de l’auteur de la divulgation. Il convient donc de préciser en amont clairement qui est tenu par l’obligation. Or, en pratique, l’information reçue reste rarement entre les mains du débiteur, récipiendaire, pour circuler auprès de collaborateurs. Les rédacteurs d’actes savent bien qu’il faut impérativement, pour assurer l’efficacité de la protection, répercuter l’obligation de confidentialité auprès de l’entourage du débiteur. Mais ces tiers au contrat, eux, n’ont pas toujours consenti à l’engagement de confidentialité. Sont-ils tenus contractuellement, sont-ils coobligés ? Plusieurs techniques contractuelles peuvent permettre de dépasser cette difficulté : on peut inclure une clause d’agrément ou d’autorisation impliquant l’accord du créancier pour chaque nouvelle divulgation ; on peut encore avoir recours à la promesse de porte-fort, voire à la stipulation pour autrui.
Une troisième difficulté sera, à supposer que l’auteur de la violation ait été identifié, d’établir de quoi il était concrètement tenu. D’une obligation de résultat, certes, mais avec quel objet ? Strictement, la clause de confidentialité interdit au débiteur de dévoiler à d’autres certaines informations. Supposons néanmoins que sans dévoiler ces informations à d’autres, il en abuse, pour son propre compte. La clause serait alors bien vaine. Il faut donc penser à adjoindre des clauses de limitation d’exploitation, voire de non-exploitation ou de non-concurrence.
Pour citer une dernière difficulté, mais il y en a bien d’autres, revenons sur la preuve du préjudice. C’est une chose de dire que la violation d’une obligation de ne pas faire doit être indemnisée sans que l’on ait à rapporter la preuve d’un préjudice, mais cela ne fait que déplacer le problème. « Faire l’impasse sur la preuve du préjudice, place le juge face à une difficulté matérielle considérable : celle de l’évaluation des dommages et intérêts »19. Cette difficulté peut en partie être surmontée par l’adjonction d’une clause pénale, dont le caractère incitatif est particulièrement fort. Attention cependant à ce qu’elle ne se retourne pas contre le créancier dans l’hypothèse où le dommage subi serait très supérieur au montant prévu. Bien sûr le juge peut le réviser à la hausse, mais il faudra alors rapporter… la preuve du préjudice. Retour à la case départ.
Aujourd’hui donc, les clauses de confidentialité n’ont qu’une efficacité relative. Elles sont malgré tout nécessaires, opportunes. Qu’en sera-t-il demain ?
II – L’opportunité des clauses de confidentialité demain ?
L’on peut s’interroger sur l’opportunité future d’une protection du secret d’affaires par le contrat, compte tenu de la mise en œuvre prochaine de nouveaux instruments de protection par la loi. Quel pourrait être l’impact de l’article 1112-2 nouveau du Code civil sur les accords de confidentialité (A) et plus loin, de la directive européenne sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (B) ?
A – Impact de l’article 1112-2 nouveau du Code civil sur les accords de confidentialité ?
Parce que la majorité du contentieux concerne la phase critique des pourparlers, et que la jurisprudence est incertaine à défaut de prévision contractuelle, « il est apparu important, dans le cadre d’un droit commun des contrats rénovés, de poser une obligation de confidentialité pesant sur les parties négociatrices »20. En s’inspirant du projet Terré21, et pour partie des principes Unidroit22, l’ordonnance du 10 février 2016 a donc posé à l’article 1112-2 du Code civil que : « Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun ».
Le texte est le résultat d’une heureuse modification. Dans le projet d’ordonnance du 25 février 2015, l’article 1112 disposait que « Celui qui utilise sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité extracontractuelle ». Trop générale, une telle formulation semblait sous-entendre qu’indépendamment de tout préjudice causé, le seul fait d’utiliser une information confidentielle sans autorisation devait être sanctionné. En revanche, étonnamment la « divulgation » n’était pas visée. Enfin, un commentateur a pu relever que « La généralité des termes de l’article 1112 est fâcheuse. Car il ne distingue pas selon que les parties sont ou non convenues d’une clause. La violation d’un accord de confidentialité donnera-t-elle pour autant lieu à responsabilité extracontractuelle ? Absurde, dira-t-on : une telle interprétation méconnaîtrait le principe de non-cumul des ordres de responsabilité. La question n’en résulte pas moins de la formulation du texte »23. La rédaction actuelle du texte résout ces difficultés.
Dès lors, cette nouvelle obligation légalement imposée par notre Code civil réformé, conduira-t-elle les futurs partenaires à délaisser la voie contractuelle pour sécuriser leurs négociations ? L’on peut en douter.
D’abord, inscrire dans un contrat une obligation d’origine légale présente un intérêt informatif important : l’on rappelle au débiteur ce qu’il peut ou ne peut pas faire. C’est la raison pour laquelle les clauses de confidentialité sont présentes dans les contrats de travail, alors même que le salarié est déjà tenu d’une obligation de discrétion impliquée par son obligation, légale, d’exécuter le contrat de bonne foi24.
Ensuite, même réécrit, le texte du Code civil restera difficile à mettre en œuvre. « Cette proposition, aussi louable soit-elle, risque en pratique de se heurter à un mur probatoire si certaines informations échangées à l’occasion de négociations ne sont pas spécialement identifiées comme étant confidentielles »25. La clause permet justement d’apporter cette précision et de résoudre d’autres points essentiels : pendant combien de temps, après la négociation, le secret doit-il perdurer ? Quelles sont les circonstances qui permettent la révélation26 ? Etc.
Finalement, cette disposition nouvelle du Code civil a surtout une vertu pédagogique. Elle rappelle aux négociateurs que leurs pourparlers doivent être gouvernés par la bonne foi. Son impact sur les pratiques actuelles sera sans doute assez limité. En revanche, la transposition future de la directive adoptée mi-avril par le Parlement européen devrait grandement améliorer la protection du secret d’affaires.
B – Impact de la directive européenne sur la protection du secret d’affaires ?
À ce stade, l’exercice est quelque peu divinatoire car le texte en voie d’adoption ne prévoit qu’une harmonisation minimale. Les États membres pourront prendre des mesures plus strictes et prévoir une protection beaucoup plus étendue. Il y a fort à parier que ce sera le cas de la France au regard des textes déjà proposés27, lesquels contenaient un volet pénal. Le cadre restreint de cette étude ne permettant pas de développer les nombreuses mesures avancées, seul sera abordé leur impact prévisible sur les clauses de confidentialité. Sous ces réserves, plusieurs points peuvent être relevés.
Le premier est que la directive n’a pas vocation à les réglementer. Cela est clairement exposé au considérant 39 : « la présente directive ne devrait pas avoir d’incidence sur l’application de toute autre législation pertinente dans d’autres domaines, y compris les droits de propriété intellectuelle et le droit des contrats ». Les 537 entreprises interrogées en amont dans le cadre de l’enquête européenne réalisée par le cabinet Baker & McKenzie28, avaient pourtant souligné la nécessité de règles uniformes sur les clauses de confidentialité et les dommages-intérêts29. Était particulièrement en cause la divulgation des secrets par les salariés et anciens salariés, laquelle soulève des questions spécifiques30. Pourtant, on ne trouve rien de tel dans la proposition de directive ; elle n’intervient pas en matière contractuelle.
Le deuxième point à souligner est qu’elle instaure un régime spécifique de protection du secret des affaires qui ne relève pas de la logique de la responsabilité contractuelle. En effet, ce régime emprunte un peu à l’action en concurrence déloyale et beaucoup à l’action en contrefaçon31. L’influence de l’action en contrefaçon, surtout, est perceptible avec la possibilité de demander judiciairement des mesures provisoires ou conservatoires, le recours à une procédure au fond dans un délai ne dépassant pas 20 jours ouvrables ou 31 jours civils, ou encore l’évaluation des dommages-intérêts. Ce dernier point est particulièrement significatif : « (…) les autorités judiciaires compétentes prennent en considération tous les facteurs appropriés tels que les conséquences économiques négatives, y compris le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans les cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, tel que le préjudice moral causé ». Alternativement, il sera possible pour le juge d’évaluer ces dommages-intérêts de façon forfaitaire en se basant, par fiction, sur le montant des redevances qui auraient été dues si le détenteur du secret avait effectivement octroyé une licence d’exploitation32.
En troisième lieu, l’apport indéniable de la directive est de proposer une définition du « secret d’affaires ». Cette définition nouvelle, qui était attendue, permettra-t-elle de faire l’économie des clauses de confidentialité dans la mesure où leur stipulation a aujourd’hui vocation à identifier les informations relevant du secret ? À lire le texte de l’article 2, ce rôle ne devrait pas changer. En effet, pour pouvoir bénéficier du statut protecteur, trois conditions cumulatives doivent pouvoir être démontrées relativement aux informations en cause. Ainsi,
« — elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles ;
— elles ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes ;
— elles ont fait l’objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes »33.
La protection ne s’appliquera pas à défaut. Cela signifie qu’il faudra avoir pris des « dispositions raisonnables » pour protéger cette confidentialité : apposer le sceau du secret, prévoir des clés aux armoires, investir dans des enveloppes Soleau, mais aussi à n’en pas douter, rédiger des clauses de confidentialité !
Enfin, la directive distingue les comportements licites des comportements illicites devant être sanctionnés. Précisément, l’article 4 envisage les cas où « l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est considérée comme illicite ». Or, la violation d’une obligation contractuelle y tient une place essentielle. Il en est ainsi, en effet, lorsque cette utilisation ou divulgation « est réalisée, sans le consentement du détenteur du secret d’affaires, par une personne dont il est constaté qu’elle répond à l’une ou l’autre des conditions suivantes :
a) elle a obtenu le secret d’affaires de façon illicite ;
b) elle agit en violation d’un accord de confidentialité ou de toute autre obligation de ne pas divulguer le secret d’affaires ;
c) elle agit en violation d’une obligation contractuelle ou de toute autre obligation de limiter l’utilisation du secret d’affaires ».
Demain, donc, la protection civile du secret d’affaires relèvera sans doute d’un régime spécifique transcendant l’actuelle alternative entre responsabilité délictuelle et contractuelle. L’organisation conventionnelle de la confidentialité n’en restera pas moins fondamentale puisqu’elle permettra d’établir, et qu’il y a bien secret d’affaires, et qu’une personne non autorisée en a fait un usage illicite. Rien de moins, finalement, que les deux conditions requises par le texte. Demain, comme elles le font aujourd’hui, les entreprises seront bien avisées de continuer à suivre ce conseil célèbre, attribué à Sénèque : « Si vous voulez que l’on garde votre secret, le plus sûr est de le garder vous-même ».
Notes de bas de pages
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1.
Bouche N., « La protection du savoir-faire », AJCA 2015, p. 346 ; Rebut D., « Le secret des affaires », in « Le secret à l’ère de la transparence », JCP G 2012, suppl., spéc. p. 20.
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2.
Behar-Touchais M., « Le contenu du contrat », RDC avr. 2013, p. 756 et s., spéc. nos 10 et s.
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3.
Par exemple, C. trav., art. L. 2325-5 : « Les membres du comité d’entreprise sont tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication ».
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4.
Ainsi, le délit d’atteinte au secret professionnel (C. pén., art. 226-13), le délit de révélation d’un secret de fabrique par un directeur ou un salarié (C. trav., art. L. 1227-1 et CPI, art. L. 621-1), le délit d’intrusion dans les systèmes informatisés de données (C. pén., art. 323-1), l’abus de confiance (C. pén., art. 314-1) qui peut résulter du détournement « d’un bien quelconque », donc même immatériel.
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5.
V. http://commentprotegerquoi.inpi.fr.
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6.
Leblond L., « L’évaluation du rôle de l’action en concurrence déloyale », LPA 31 juill. 2015, p. 9.
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7.
Caseau-Roche C., « La clause de confidentialité », AJCA 2014, p. 119 ; Vivant M., « Les clauses de secret », in Les principales clauses des contrats conclus par les professionnels, 1991, PUAM, p. 101 ; Garinot J.-M., Le secret des affaires, Loquin E. (préf.), 2013, LexisNexis, p. 221 et s., nos 263 et s.
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8.
Cass. soc., 19 mars 2008, n° 06-45322 : « Destinée à protéger le savoir-faire propre à l’entreprise, une clause de confidentialité peut valablement prévoir qu’elle s’appliquera après la fin du contrat de travail, et que l’inexécution par le salarié de l’obligation de confidentialité postérieurement à son départ de l’entreprise le rend responsable du préjudice qui en résulte pour celle-ci, même en l’absence de faute lourde ». Ray J.-E., « Protéger l’information, aujourd’hui et demain », Dr. soc. 2013, p. 111.
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9.
PT-TC1-COD (2013) 0402. Position du Parlement européen arrêtée en première lecture, 14 avr. 2016, en vue de l’adoption de la directive (UE) n° 2016/… du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secret d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.
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10.
G’sell F. et Durand-Barthez P., La protection du secret des affaires. État des lieux en droit civil français et projet européen, 2015, Lextenso-Fondation pour le droit continental ; Delpech X., « Vers une protection européenne du secret des affaires », AJCA 2015, p. 196 ; Lapousterie J., « Les secrets d’affaires à l’épreuve de l’harmonisation européenne », D. 2014, p. 682.
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11.
Pour une analyse critique, Latreille A., « Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat », LPA 7 août 2006, p. 4 et LPA 8 août 2006, p. 4.
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12.
Caseau-Roche C., art. préc. ; Dross W., Clausier, 2001, Litec, p. 153-161, spéc. p. 157.
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13.
La clause ne doit pas heurter des devoirs légaux d’information. Ainsi, elle ne doit pas contrarier l’exercice des devoirs d’alerte imposés à certaines professions (commissaire aux comptes, médecins du travail, agents comptables…). Lorsque la clause porte sur l’existence du contrat lui-même, elle ne peut jouer quand une obligation légale oblige à révéler à des tiers la conclusion de l’acte. Ainsi, a-t-il été jugé que la clause obligeant le sous-traitant à ne pas révéler sa qualité à quiconque doit être privée d’effet puisque l’entrepreneur principal a l’obligation de faire accepter le sous-traitant par le maître de l’ouvrage (Cass. com., 30 juin 2015, n° 13-28692, F-D : AJCA 2015, p. 470, obs. Garinot J.-M.).
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14.
Cass. 1re civ., 10 mai 2005, n° 02-15901 : RTD civ. 2005, p. 594, obs. Mestre J. et Fages B. ; Cass. 1re civ., 31 mai 2007, n° 05-19978 : RDC oct. 2007, p. 1118, obs. Laithier Y.-M.
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15.
Latreille A., art. préc., in LPA 7 août 2006, p. 4 et s., spéc. nos 93 et s.
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16.
Par exemple, « toute information à caractère notamment technique, commercial, de savoir-faire, plan, dessin, rapport que les parties s’échangent mutuellement, quel que soit le moyen de communication ».
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17.
TGI Nanterre, 2 oct. 2014, Sté Digitre c/ Sté Neo Avenue et M. N. : Comm. com. électr. 2015, comm. 3, Loiseau G. Décision confirmée par CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 24 nov. 2015.
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18.
Par exemple, « on entend par informations confidentielles toute information que les parties s’échangent mutuellement et qu’elles identifient de manière expresse comme étant confidentielles dès leur divulgation ou au plus tard dans les 30 jours suivant celle-ci ».
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19.
Boillot C., « L’obligation de ne pas faire : étude à partir du droit des affaires », RTD com. 2010, p. 243, spéc. n° 14.
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20.
Rapport au président de la République relatif à Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : JO n° 0035, 11 févr. 2016, texte n° 25.
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21.
Article 25 du projet Terré : « Indépendamment de toute rupture, l’utilisation non autorisée d’une information confidentielle obtenue à l’occasion de négociations ouvre droit à réparation dans les conditions du droit commun de la responsabilité délictuelle ».
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22.
Article 2.1.16 des principes UNIDROIT : « Qu’il y ait ou non conclusion du contrat, la partie qui, au cours des négociations, reçoit une information donnée à titre confidentiel par l’autre partie, est tenue de ne pas la divulguer ni l’utiliser de façon indue à des fins personnelles. Le manquement à ce devoir est susceptible de donner lieu à une indemnité comprenant, le cas échéant, le bénéfice qu’en aura retiré l’autre partie ».
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23.
Dissaux N., « Des choses minimes, le législateur doit avoir aussi cure », D. 2015, p. 1215, spéc. n° 2.
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24.
G’sell F. et Durand-Barthez P., op. cit., spéc. p. 25.
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25.
Loiseau G., comm. ss TGI Nanterre, 2 oct. 2014, préc.
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26.
Couret A. et Reygrobellet A., « Le projet de réforme du droit des obligations : incidences sur le régime des cessions de droits sociaux », BJS mai 2015, n° 113m8, p. 247, spéc. n° 24.
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27.
G’sell F. et Durand-Barthez P., op. cit.
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28.
Study on Trade Secrets and Confidential Information in the International Market, Cabinet Baker & McKenzie, avr. 2013.
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29.
G’sell F. et Durand-Barthez P., op. cit. spéc. p. 4.
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30.
Graton L., « La clause de confidentialité sans contrepartie financière obligatoire, un horizon indépassable ? », obs. ss Cass. soc., 15 nov. 2014, n° 13-11524, RDT 2015, p. 39.
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31.
Leblond L., art. préc.
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32.
V. Art. 14, § 2.
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33.
V. Art. 2.