Chronique de régimes matrimoniaux(Avril 2017-Juillet 2017)

Publié le 07/02/2018

Dans cette chronique de droit des régimes matrimoniaux, les auteurs analysent la dernière jurisprudence en la matière.

Il apparaît de plus en plus clairement que si le droit des régimes matrimoniaux est relativement épargné par le mouvement de réforme législative que connaît le droit civil depuis plus d’une dizaine d’années1, pour autant le droit patrimonial de la famille n’en finit pas de soulever des questions et de donner lieu à une jurisprudence importante et évolutive. Le régime primaire soulève d’épineuses questions sur le caractère ménager de la dette due pour l’occupation des lieux par un seul des époux (1). Confirmant la stabilité législative de l’article 217 du Code civil, la jurisprudence revient sur le mécanisme de l’autorisation judiciaire en cas de crise dans le couple (2). Le passif de communauté n’est pas en reste car pour la haute juridiction, tout bien est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi (3). Au-delà des questions de propriété en droit des régimes matrimoniaux, la gestion des biens propres exclut l’occupation tacite consentie sur l’immeuble appartenant en propre à un époux conformément aux dispositions des articles 1428 et 225 du Code civil (4). Puisque la communauté prend fin, la compétence spéciale du juge aux affaires familiales pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux n’est pas subordonnée à la séparation des époux, selon la Cour de cassation (5). La théorie des récompenses n’est pas épargnée car la haute juridiction précise l’articulation en ces dernières avec l’indemnité prévue à l’article 815-13 du Code civil (8). Il faut souligner également le grand retour de la révocation tacite de la donation entre époux (9). La fixation de la prestation compensatoire continue d’alimenter un contentieux déjà abondant sur la question du point de départ des intérêts moratoires dus sur la prestation compensatoire (6), et sur la fiscalité de cette dernière (7).

I – Régime impératif de base

A – Contribution aux charges du mariage (…)

B – Le logement de la famille (…)

C – Dettes ménagères

1. Sur le caractère ménager de la dette due pour l’occupation des lieux par un seul des époux (Cass. 1re civ., 17 mai 2017, n° 16-16732, F-PB). Les faits de l’arrêt sont ceux de l’interprétation délicate de l’article 220 du Code civil en cas de procédure de divorce tant et si bien que cet arrêt2 s’inscrit dans l’important contentieux suscité par l’article 220 du Code civil qui instaure une solidarité domestique dans le cadre du régime primaire. En l’espèce, par acte sous seing privé du 12 mars 2013, l’établissement public Office public d’aménagement et de construction du département du Bas-Rhin a donné un appartement à bail à M. et Mme X. À la suite de l’inexécution des loyers par les preneurs en place, le bailleur les a assignés pour faire constater la résiliation de ce bail en application de la clause résolutoire et obtenir leur expulsion ainsi que leur condamnation à payer une certaine somme au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation. En appel, les juges du fond retiennent la solidarité des époux au paiement des loyers mais refusent de condamner l’épouse au paiement de l’indemnité3. La haute juridiction rejette le pourvoi en décidant que la cour d’appel a légalement justifié sa décision en rejetant la demande de condamnation de l’épouse au paiement de l’indemnité d’occupation. C’est l’article 220 du Code civil qui opère le partage entre les dettes ménagères solidaires et celles qui impliquent une désolidarisation des époux. En effet, l’article 220 du Code civil dispose que : « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement. La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant. Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage ». À ce propos, on enseigne que la solidarité ménagère est une notion consubstantielle du mariage qui cesse de produire ses effets à l’égard des tiers à compter de la publication du jugement de séparation de corps4. Il est de jurisprudence constante que la séparation de fait n’est pas de nature à faire cesser une solidarité sur laquelle les bailleurs étaient en droit de compter5. Par ailleurs, les juges du fond estiment souvent que l’article 220 du Code civil qui vise les dettes ménagères contractées par l’un des époux pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ne peut en l’espèce recevoir application, dès lors que Patricia Y, après la résiliation du bail, vivait seule dans l’appartement, le couple n’ayant pas d’enfant et le ménage étant en voie de dissolution, le divorce ayant été prononcé mais non encore transcrit6. Le caractère onéreux de la jouissance privative du logement de la famille se traduit par une indemnité d’occupation. La jurisprudence estime, depuis la loi du 26 mai 2004, que la jouissance du logement est donc à titre onéreux, sauf convention contraire des parties7 tant et si bien que cette indemnité d’occupation reste due par l’époux occupant le logement de la famille à l’époux qui n’occupe pas effectivement le domicile8. Dans l’arrêt rapporté, il s’agit de savoir si les époux séparés de fait étaient solidairement tenus d’une indemnité d’occupation. La jurisprudence semble incertaine sur ce point. Pour autant, certaines solutions reconnaissent le caractère ménager de l’indemnité d’occupation. En l’espèce, même si la Cour de cassation admet implicitement le caractère ménager de l’indemnité d’occupation9,la haute juridiction ne se prononce pas clairement sur la nature de l’indemnité d’occupation. Elle précise simplement que « le bailleur avait été informé que l’épouse avait quitté l’appartement, et dès lors qu’elle n’était pas saisie d’un moyen fondé sur le caractère ménager de la dette due pour l’occupation des lieux par un seul des époux, le bailleur s’étant borné à soutenir que ceux-ci devaient être tenus solidairement au paiement des loyers jusqu’à la transcription du jugement de divorce en marge des actes de l’état civil, la cour d’appel a légalement justifié sa décision en rejetant la demande de condamnation de l’épouse au paiement de l’indemnité d’occupation ». Au cas d’espèce10, le débat s’est largement focalisé sur le terrain de la procédure créant ainsi une solution incertaine. À cet égard, la jurisprudence constante considère que toute exécution forcée implique que le créancier soit muni d’un titre exécutoire à l’égard de la personne même qui doit exécuter et que le titre délivré à l’encontre d’un époux en recouvrement d’une dette ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants n’emporte pas le droit de saisir les biens de son conjoint, à défaut de titre exécutoire pris contre celui-ci, les deux époux fussent-ils tenus solidairement des dettes de ménage11. Comme le relève la doctrine à la suite de cet arrêt : « Le caractère ménager et essentiellement commun de ces dettes justifie que soient engagés les gains et salaires des deux époux, y compris de celui qui ne les a pas fait naître. Mais pour saisir les biens et les gains et salaires de chaque époux, le créancier doit disposer d’un titre exécutoire à l’encontre des deux époux »12. Cette jurisprudence a été inaugurée par l’arrêt Tapie du 19 mai 199813 qui énonce de façon catégorique qu’un titre exécutoire n’autorise pas les poursuites à l’encontre d’un autre débiteur que celui qui est nominativement désigné dans le titre, même en cas de solidarité14. Force est de reconnaître que le droit de l’exécution doit être articulé avec le droit des régimes matrimoniaux. On estime que le droit des régimes matrimoniaux régit la propriété des biens des époux et les pouvoirs sur ces biens15, ce droit patrimonial de la famille fait fréquemment appel au droit de l’exécution16. Pour autant, Frédéric Vauvillé soulève, à juste titre, que « s’agissant d’un débiteur marié sous le régime légal, le créancier se demande comment il peut saisir les biens communs, il ne trouvera quasiment aucun élément de réponse, ni dans le droit de l’exécution forcée, ni dans le droit des régimes matrimoniaux »17. L’indemnité d’occupation ne fait pas bon ménage avec le caractère ménager de la dette, comme le montre l’arrêt rapporté. Il n’est pas certain que l’on puisse discerner avec précision la ligne jurisprudentielle de la Cour de cassation qui reste incertaine comme en témoigne l’attendu de la haute juridiction tiré de l’absence de moyen fondé sur le caractère ménager de la dette due pour l’occupation des lieux par un seul des époux.

D – Les autres mesures du régime primaire

2. L’autorisation judiciaire en droit des régimes matrimoniaux (CA Lyon, 4 avr. 2017, n° 15/04816)18. L’article 217 du Code civil issu de la loi de 196519 sur les régimes matrimoniaux, non modifié par la loi du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux, dispose clairement que : « Un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille. L’acte passé dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est opposable à l’époux dont le concours ou le consentement a fait défaut, sans qu’il en résulte à sa charge aucune obligation personnelle ». Cet article relève du régime primaire qui permet de parvenir à une solution en cas de blocage résultant de la cogestion20. En l’espèce, Mme Sophie B. et M. Denis B. se sont mariés le 4 septembre 1987 à Saint-Jean du Gard (30) en faisant précéder leur union d’un contrat de mariage en date du 23 juillet 1987, instaurant le régime de la séparation de biens pure et simple. Par requête en date du 3 février 2012, Mme Sophie B. a formé une demande en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon. Par ordonnance sur tentative de conciliation du 9 juillet 2012, le juge aux affaires familiales a pris certaines mesures provisoires. Sur le plan patrimonial, Mme Sophie B. souhaite vendre seule le bien immobilier indivis sis (…) cadastré section AP n° 54 pour 14 a 84 ca, pour un prix minimum de 500 000 €, et ce sans le consentement de son époux M. Denis B., et a régularisé pour ce faire seule tout compromis pour le même montant minimum. Les juges lyonnais font droit à la demande de Mme Sophie B. en déclarant cette dernière recevable et bien fondée en sa demande basée sur l’article 217 du Code civil. La réalisation de l’autorisation judiciaire est subordonnée à des conditions spécifiques. Au cas d’espèce, l’originalité provient du fait que le bien dont il s’agit se trouvait en indivision entre les protagonistes21. Dans le même ordre d’idées, la haute juridiction a considéré récemment qu’il entre dans les pouvoirs du président du tribunal de grande instance, qu’il tient de l’article 815-6 du Code civil, d’autoriser un indivisaire à conclure seul un acte de vente d’un bien indivis pourvu qu’une telle mesure soit justifiée par l’urgence et l’intérêt commun ; qu’ayant constaté la réunion de ces deux conditions, l’arrêt est légalement justifié22. Ainsi, il est désormais permis à un époux d’agir soit en vertu de l’article 217 du Code civil ou de l’article 815 du même code23. Il convient de remarquer qu’il est possible de combiner ces deux articles en cas de mésentente du couple en crise. Hormis l’application stricte des règles de l’indivision, il conviendra alors d’articuler ces dernières avec le statut impératif de base issu du droit des régimes matrimoniaux24, ce qui ne sera pas chose aisée.

II – Détermination du régime matrimonial

A – Droit international privé des régimes matrimoniaux

1 – Conflits de lois (…)

2 – Conflits de juridictions (…)

B – Droit interne et régime matrimonial

1 – Choix du régime matrimonial (…)

2 – Changement de régime matrimonial (…)

III – Le régime légal

A – Composition active et passive des masses de la communauté

1 – Actif de communauté (…)

2 – Passif de communauté

3. Tout bien est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi (Cass. 1re civ., 15 juin 2017, n° 16-20739)25. Alors que pour mettre en œuvre une saisie-attribution pratiquée sur un compte commun à deux époux séparés de biens, il appartient au créancier d’identifier les fonds personnels de l’époux débiteur26, dans l’arrêt rapporté, axé sur des époux mariés sous le régime de la communauté légale, la haute juridiction estime que les sommes déposées par M. et Mme X sur ce compte bancaire joint étaient présumées communes et qu’il appartenait au créancier de démontrer qu’elles provenaient des revenus et biens propres de l’époux débiteur. S’agissant des faits d’espèce, la société Sapa Building System, créancier de M. X en raison d’un engagement de caution, a fait pratiquer une saisie-attribution sur un compte bancaire ouvert au nom de M. et Mme X, mariés sous le régime de la communauté légale. Conformément à l’article 1415 du Code civil, l’épouse, Mme X, n’ayant pas consenti à l’engagement de caution, a demandé la mainlevée de la saisie et la restitution des fonds prélevés. Selon les juges du fait, il appartient au cotitulaire du compte joint, qui seul dispose des éléments lui permettant d’établir l’origine du solde du compte, de rapporter la preuve de sa propriété sur tout ou partie des sommes, et que Mme X ne démontre pas que des fonds propres ont alimenté le compte. La Cour de cassation censure cette analyse au visa des articles 1402 et 1415 du Code civil en précisant : « Qu’en statuant ainsi, alors que les sommes déposées par M. et Mme X sur ce compte bancaire joint étaient présumées communes et qu’il appartenait au créancier de démontrer qu’elles provenaient des revenus et biens propres de l’époux débiteur, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ». En effet, le siège du régime de la communauté légale résulte de l’article 1402 du Code civil qui dispose : « Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi. Si le bien est de ceux qui ne portent pas en eux-mêmes preuve ou marque de leur origine, la propriété personnelle de l’époux, si elle est contestée, devra être établie par écrit. À défaut d’inventaire ou autre preuve préconstituée, le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures. Il pourra même admettre la preuve par témoignage ou présomption, s’il constate qu’un époux a été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ». Plus précisément, l’article 1402, alinéa 1er, du Code civil confère une présomption simple de propriété qui peut être combattue par la preuve contraire. Dans une optique légèrement différente, il a été remarqué qu’en matière de contrat d’assurance-vie, les fonds qui alimentent ce dernier sont présumés communs en application de l’article 1402, alinéa 1er, du Code civil quand bien même les fonds proviennent d’un compte ouvert au nom d’un seul des époux27. Au vrai, à la fongibilité des deniers inscrits en compte doublée de la présomption de communauté prévue à l’article 1402, alinéa 1er, du Code civil, le système, comme l’observe la doctrine, paraît assez verrouillé28. C’est en ce sens que va la jurisprudence lorsqu’elle précise : « Mais attendu qu’après avoir exactement énoncé que selon l’article 1415 du Code civil, chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt contractés sans le consentement exprès de l’autre, la cour d’appel a décidé à bon droit, sans violer le principe de la contradiction et sans se prononcer par des motifs dubitatifs, que les sommes déposées sur les comptes litigieux étaient présumées communes en vertu de l’article 1402 du Code civil et que, faute par la SMC, sur laquelle pesait la charge de la preuve contraire, d’identifier les revenus de M. H., elles étaient insaisissables ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ; Par ces motifs ; Rejette le pourvoi »29. Force est d’observer que le régime de la séparation de biens est quelque peu différent mais tout aussi efficace quant à la preuve de la consistance active des patrimoines selon l’article 1538 du Code civil30.

B – Gestion des biens et pouvoir des époux

1 – Cogestion (…)

2 – Gestion concurrente (…)

3 – Gestion exclusive

4. Pas d’occupation tacite consentie sur l’immeuble appartenant en propre à un époux conformément aux dispositions des articles 1428 et 225 du Code civil (CA Colmar, 3e ch. civ., sect. A, 24 avr. 2017, n° 16/02828)31. Pouvoir intangible de chaque époux sur ses biens personnels32, cette prérogative est prévue à l’article 225 du Code civil qui dispose que chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels. Il convient d’articuler cet article 225 du Code civil avec l’article 1428 du même code selon lequel chaque époux a l’administration et la jouissance de ses propres biens et peut en disposer librement. À la présente espèce, en vertu d’une ordonnance du 14 février 2012, le juge aux affaires familiales a condamné le mari à payer à l’épouse une pension de 250 € par mois au titre du devoir de secours entre époux. Cette ordonnance a été infirmée par un arrêt du 16 janvier 2013 qui a déclaré irrecevable la demande de pension alimentaire de Mme D. fondée sur le devoir de secours. Le juge aux affaires familiales, par jugement en date du 18 novembre 2013, a débouté les deux époux de leurs demandes respectives en divorce et, faisant application des dispositions de l’article 258 du Code civil, a condamné le mari à payer l’épouse une contribution aux charges du mariage de 500 € par mois. Mme D. a fait assigner, par acte d’huissier en date du 16 octobre 2013, son époux aux fins d’expulsion de l’immeuble, bien propre de l’épouse, qu’il occupe, et paiement d’une indemnité d’occupation. Par jugement en date du 20 janvier 2014, le tribunal d’instance de Saverne a rejeté les demandes de Mme D. au motif, essentiellement, de l’existence d’un accord tacite entre les époux, valant titre d’occupation de l’immeuble propre de l’épouse par le mari. En rappelant l’article 1428 du Code civil, la cour d’appel de Colmar a infirmé cette décision, s’appuyant sur une simple « tolérance » de l’épouse, tant et si bien que l’époux devait être qualifié d’occupant sans bien, ni titre33. Qui plus est, les magistrats de la cour d’appel de Colmar rappellent qu’il a été jugé par la cour d’appel de céans, 5e chambre, dans son arrêt du 12 mai 2015, que M. C. ne peut prétendre à occuper gratuitement le bien de son épouse en tant que contribution aux charges du mariage. En effet, l’article 214 du Code civil dispose que « les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au Code de procédure civile ». Pour autant, il convient de remarquer que le juge aux affaires familiales indique, dans l’ordonnance de non-conciliation, que l’occupation d’un bien s’analyse comme l’expression du devoir de secours entre les époux ou de l’obligation de contribuer aux charges du mariage et à l’entretien des enfants34. Il semble que cette analyse puisse s’appliquer en présence d’un bien commun ou indivis.

C – Dissolution et liquidation du régime matrimonial

1 – Dissolution de la communauté (…)

2 – Liquidation du régime matrimonial

a – Liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux

5. La compétence spéciale du juge aux affaires familiales pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux n’est pas subordonnée à la séparation des époux (Cass. 1re civ., 1er juin 2017, n° 15-28344, PB)35. En dépit des avantages que procure le régime de la séparation de biens pure et simple, les époux acquièrent malgré tout des biens en indivision. Certes, selon le professeur Philippe Simler qui remarque, à juste titre, que concernant « les situations d’indivision dans les régimes de séparation de biens, les créanciers pouvaient être mieux traités parce que leurs droits s’exerçaient sur l’indivision qui subsistait »36. Dans l’arrêt rapporté, un créancier a saisi le juge aux affaires familiales d’un tribunal de grande instance, sur le fondement de l’article 815-17, alinéa 3, du Code civil, afin de provoquer le partage judiciaire d’un bien immobilier sis à Issy-les-Moulineaux, propriété indivise de M. et Mme X, mariés sous le régime de la séparation de biens. Les juges d’appel estiment que le tribunal de grande instance est seul compétent pour statuer sur l’action de la société ; l’arrêt retient qu’en l’absence de séparation des époux X, le juge aux affaires familiales ne peut connaître de celle-ci au titre de l’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire. La haute juridiction censure les juges du fond aux visas de l’article L. 213-3, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire et de l’article 815-17, alinéa 3, du Code civil. Avec la réforme du 12 mai 2009, on sait que le pouvoir législatif a choisi de dissocier la procédure de divorce de la procédure liquidative37. Consciente de l’acuité du problème, la circulaire du 16 juin 2010 est venue rappeler, qu’en prononçant le divorce, le juge aux affaires familiales vidait sa saisine38. L’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, publiée au Journal officiel du 16 octobre 2015, portant simplification et modernisation du droit de la famille39, semble apporter des réponses aux difficultés rencontrées en matière de répartition des compétences entre le juge du divorce et du partage40. Le législateur a opéré une progressive extension de la compétence ratione materiae du juge aux affaires familiales, désormais seul compétent pour la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux conformément à l’article 1136-1 du Code de procédure civile qui précise : « Les demandes relatives au fonctionnement des régimes matrimoniaux et des indivisions entre personnes liées par un pacte civil de solidarité ou entre concubins ainsi que celles relatives à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et des concubins relevant de la compétence du juge aux affaires familiales obéissent aux règles de la procédure en matière contentieuse applicable devant le tribunal de grande instance. Les débats sont publics, sous réserve de l’article 435. La décision est rendue publiquement ». Au cas d’espèce, le pourvoi fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré la juridiction des affaires familiales incompétente matériellement pour connaître de l’action oblique que la société Metelmann & Co Gmbh entend former aux lieu et place de M. Salah X, qui est son débiteur, afin de voir ordonner, sur le fondement de l’article 815-17 du Code civil, le partage de l’immeuble dont celui-ci et Mme Zebida Y-X, qui demeurent ensemble en Algérie, sont propriétaires indivis à Issy-les-Moulineaux41. La haute juridiction en censurant l’arrêt d’appel sur ce point en déduit que l’action par laquelle le créancier personnel d’un indivisaire provoque le partage d’une indivision, exercée au nom de ce dernier, doit être portée devant le juge aux affaires familiales pour connaître de l’action de ce débiteur.

b – Prestation compensatoire

6. Retour sur la question du point de départ des intérêts moratoires dus sur la prestation compensatoire (Cass. 1re civ., 17 mai 2017, n° 16-17818)42. En dépit d’une jurisprudence assez fermement établie, la question du point de départ des intérêts moratoires dus sur la prestation compensatoire n’en finit pas d’alimenter un contentieux déjà très abondant. En l’espèce, les époux M. X et de Mme Y ont entamé une procédure de divorce pour faute en vertu de l’article 242 du Code civil. En effet, M. Serge X reproche à son épouse Mme Martine Y d’avoir dépensé sans compter, de s’être montrée indifférente envers lui, notamment lorsqu’il était souffrant, de sortir seule avec ses amis et également de l’avoir frappé à plusieurs reprises. Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir fixé le montant à la somme de 200 000 €, du par M. Serge X à Mme Martine Y avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt avec capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière en application de l’article 1154 du Code civil43. En d’autres termes, les juges du fond rendent en date du 12 février 2016, une décision qui fixe ce point de départ des intérêts moratoires dus sur la prestation compensatoire à la date du prononcé de la décision. L’arrêt d’appel est censuré au visa des articles 260 et 1153-1, devenu 1231-7 du Code civil, ensemble l’article 1086 du Code de procédure civile. La haute juridiction affirme clairement qu’« en statuant ainsi, alors que la décision de divorce n’était pas devenue irrévocable à cette date, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». C’est donc des intérêts produits par la prestation compensatoire dont il va, en définitive, être ici question. Bien sûr le thème est fort vaste mais la Cour de cassation a été amenée à considérer que la prestation compensatoire n’est due qu’à compter de la date à laquelle la décision prononçant le divorce acquiert force de chose jugée et que le délai de pourvoi en cassation suspend l’exécution de l’arrêt qui prononce le divorce44.

7. Prestation compensatoire et fiscalité (Cass. 1re civ., 4 mai 2017, n° 16-19212)45. Dans l’esprit de la loi de 1975, la prestation compensatoire était destinée, selon l’article 270 du Code civil, à compenser, autant que faire se peut, la disparité créée par le divorce dans la situation matérielle des ex-époux46. Il s’agissait donc d’un mécanisme patrimonial fondé sur l’existence d’une distorsion financière dont la loi de 2004 a proposé des retouches ponctuelles sans modifier substantiellement l’institution, si ce n’est la déconnexion de cette dernière avec une quelconque faute du bénéficiaire47. En effet, selon l’article 270 du Code civil, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Le caractère de cette prestation est, nous dit-on, forfaitaire. Force est cependant de reconnaître que, même si le législateur a maintenu à l’article 270 du Code civil le caractère forfaitaire de la prestation compensatoire, les lois subséquentes ont multiplié les cas de révision des rentes48. En effet, l’article 270 du Code civil dispose en son alinéa 2 qu’elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge. En l’espèce, les juges du fond, pour limiter à 70 000 € le montant de la prestation compensatoire mise à la charge du mari, ont retenu que l’épouse a déclaré à l’administration fiscale, au titre de l’année 2013, des revenus de 10 784 €. De plus, l’épouse s’était vu allouer une pension alimentaire au titre du devoir de secours pour la durée de l’instance en divorce, de sorte que les revenus déclarés par elle en 2013 en comprenaient nécessairement le montant. On pouvait néanmoins placer le débat sur le terrain du droit fiscal. En effet, les juges du fond avaient tenu compte de la déclaration des revenus de Mme X au titre de l’année 2013 qui étaient majorés par la déclaration de la pension alimentaire que l’épouse s’était vu allouer au titre du devoir de secours pour la durée de l’instance en divorce49. Reste à savoir ce que devait déclarer effectivement la crédirentière. Il est bien connu qu’en ce qui concerne le créancier, la fiscalité de la prestation compensatoire versée sous forme de rente relève de l’article 80 quater du Code général des impôts qui dispose : « Sont soumis au même régime fiscal que les pensions alimentaires les versements de sommes d’argent mentionnés à l’article 275 du Code civil lorsqu’ils sont effectués sur une période supérieure à 12 mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d’une demande conjointe, est passé en force de chose jugée et les rentes versées en application des articles 276 (rente viagère exceptionnelle), 278 (rente versée dans les divorces par consentement mutuel) ou 279-1 (conventions de l’article 268, c’est-à-dire celles qui interviennent pendant une instance contentieuse) du même code, la rente prévue à l’article 373-2-3 (rente versée à un enfant grâce à un capital constitué à cet effet) du Code civil dans la limite de 2 700 € ainsi que la contribution aux charges du mariage définie à l’article 214 du Code civil lorsque son versement résulte d’une décision de justice et que les époux font l’objet d’une imposition distincte »50. Il restait toutefois à savoir si, dans l’arrêt rapporté, la pension alimentaire devait être prise en compte dans la fixation de la prestation compensatoire. Pour les juges du fond, cela ne faisait aucun doute tant et si bien que les juges du fait ont intégré la pension alimentaire pour calculer la prestation compensatoire. La Cour de cassation censure les juges du fond, à juste titre, au visa des articles 270 et 271 du Code civil en considérant : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’il n’était pas contesté que Mme X s’était vu allouer une pension alimentaire au titre du devoir de secours pour la durée de l’instance en divorce, de sorte que les revenus déclarés par elle en 2013 en comprenaient nécessairement le montant, la cour d’appel, qui a tenu compte de cet avantage, a violé les textes susvisés ». La solution n’étonne pas car, en vertu de l’article 303 du Code civil : « La séparation de corps laisse subsister le devoir de secours ; le jugement qui la prononce ou un jugement postérieur fixe la pension alimentaire qui est due à l’époux dans le besoin. Cette pension est attribuée sans considération des torts. L’époux débiteur peut néanmoins invoquer, s’il y a lieu, les dispositions de l’article 207, alinéa 2. Cette pension est soumise aux règles des obligations alimentaires. Toutefois, lorsque la consistance des biens de l’époux débiteur s’y prête, la pension alimentaire est remplacée, en tout ou partie, par la constitution d’un capital, selon les règles des articles 274 à 275-1, 277 et 281. Si ce capital devient insuffisant pour couvrir les besoins du créancier, celui-ci peut demander un complément sous forme de pension alimentaire ». Il en résulte que le devoir de secours dure jusqu’au prononcé du divorce tant et si bien que la pension alimentaire ne devait pas être prise en compte pour fixer la prestation compensatoire51. La jurisprudence a fait sienne cette solution dans un arrêt rendu le 7 décembre 2016, en estimant : « Attendu que, pour rejeter la demande de Mme Y en paiement d’une prestation compensatoire, l’arrêt retient, pour apprécier ses besoins, qu’elle ne justifie pas suffisamment ne plus percevoir le revenu de solidarité active, et qu’elle bénéficie d’une allocation logement ainsi que de la somme mensuelle de 400 € mise à la charge de M. X au titre du devoir de secours ; Qu’en prenant ainsi en considération, pour apprécier l’existence d’une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux, la charge que constituait pour M. X la pension alimentaire due par lui à son épouse au titre du devoir de secours, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; Par ces motifs : Casse et annule »52. On ne peut qu’approuver, tant la solution va dans le sens de la cohérence de la fixation de la prestation compensatoire.

c – Les récompenses

8. La liquidation de la communauté et l’article 815-13 du Code civil (Cass. 1re civ., 20 avr. 2017, n° 16-15865 D)53. Dans l’arrêt annoté, après le prononcé du divorce de Mme X et M. Y, la liquidation de leur régime matrimonial fait apparaître une difficulté concernant la somme de 48 832,75 €, incluant l’indemnité d’occupation due par l’épouse et prenant en compte la récompense que la communauté doit à celle-ci au titre du remboursement de l’emprunt contracté par les époux pour financer l’immeuble commun. La haute juridiction estime qu’à compter de la dissolution de la communauté, les dispositions relatives aux récompenses étaient inapplicables et que les règlements des échéances de l’emprunt immobilier effectués par l’épouse au cours de l’indivision post-communautaire ne pouvaient donner lieu qu’à une indemnité calculée selon les modalités prévues à l’article 815-13 du Code civil ; la cour d’appel a ainsi violé ce texte. La Cour de cassation a rendu récemment, en date du 31 mars 2016, une décision qui va dans le même sens que l’arrêt rapporté. Selon la haute juridiction, durant la période allant du mois de janvier 2003 jusqu’à la date de la dissolution de la communauté, M. X ne pouvait prétendre qu’à une récompense et il lui incombait d’établir que les deniers ayant servi au remboursement des emprunts provenaient de son patrimoine propre ; la cour d’appel a donc violé les textes susvisés54. Selon l’article 815-13 du Code civil modifié par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 : « Lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés. Inversement, l’indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute ». Cet article sert de fondement à de nombreuses actions en droit des régimes matrimoniaux. Il a été jugé par la Cour de cassation55 que le financement par un époux de l’acquisition d’un bien indivis au-delà de sa part, ce dernier ne peut prétendre qu’à une indemnité à l’encontre de l’indivision évaluée selon les modalités prévues par l’article 815-1356.

d – Donation entre époux

9. Donation entre époux tacitement révoquée (Cass. 1re civ., 12 juill. 2017, n° 16-19727). La donation entre époux est, aujourd’hui, largement présente dans la pratique dédiée au droit patrimonial de la famille, en des manières si diverses qu’il est parfois difficile d’affirmer avec exactitude son régime juridique. En cette affaire57, un jugement rendu le 14 décembre 1982 a prononcé le divorce de Mme X et de M. Y qui avaient adopté le régime de la séparation de biens pure et simple. Le mari entame une action en liquidation du régime matrimonial, se prévalant de la révocation de donations consenties à Mme X les 15 mars 1979 et 16 décembre 1982 aux fins d’acquisition de biens immobiliers58. Devant les juges du fond, le mari soutient que ces libéralités sont révoquées. La cour d’appel de Paris rejette sa demande en estimant : « que ces libéralités ne peuvent être révoquées, qu’il ne dispose d’aucune créance à l’encontre de Mme X du chef des sommes versées (…) ». La haute juridiction rejette le pourvoi du mari et énonce en substance que la cour d’appel a pu décider, par des motifs exempts de tout caractère dubitatif, que M. Y avait renoncé tacitement, mais de façon non équivoque, à exercer la faculté de révocation des donations consenties à Mme X. Historiquement, les donations de biens présents consenties au cours du mariage étaient révocables ad nutum59 sans que le donateur ait à invoquer un juste motif. À ce propos, on peut noter qu’il ressort de l’article 1096 du Code civil issu de la loi du 26 mai 2004 : « La donation de biens à venir faite entre époux pendant le mariage est toujours révocable. La donation de biens présents qui prend effet au cours du mariage, faite entre époux, n’est révocable que dans les conditions prévues par les articles 953 à 958. Les donations, faites entre époux, de biens présents ou de biens à venir ne sont pas révoquées par la survenance d’enfants ». De plus, l’article 265, alinéa 1er, du Code civil dispose : « Le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme ». On peut ajouter que l’article 265, alinéa 1er, du Code civil est d’ordre public60, il résulte de la combinaison des articles 265, alinéa 1er, et 1096 du Code civil que le divorce est sans effet sur les donations de biens présents faites entre époux et prenant effet au cours du mariage61, tant et si bien que les dispositions impératives du premier des textes susvisés font obstacle à l’insertion, dans une donation de biens présents prenant effet au cours du mariage, d’une clause résolutoire liée au prononcé du divorce ou à une demande en divorce62. Au cas d’espèce, le jugement de divorce a homologué la prestation compensatoire fixée par l’accord transactionnel des époux qui avaient tenu compte de la donation entre époux du 15 mars 1979 tant et si bien que la propriété de Mme X, sur le bien acquis cette année-là, devait être prise en considération pour parvenir à l’économie générale de l’accord sur les conséquences patrimoniales de la séparation. Quelque temps plus tard, les parties ont convenu de modifier les modalités de réévaluation de la rente versée à titre de prestation compensatoire. Cet acte a été homologué par un jugement du 2 juillet 2010 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris63. Toute la question en l’occurrence était de savoir si l’autorité de la chose jugée qui s’attache aux décisions d’homologation des accords des parties qui prenaient en compte les deux donations aujourd’hui litigieuses, empêche la révocation de ces deux actes par le mari. Selon la Cour de cassation, la renonciation à un droit ne se présume pas et doit, si elle est tacite, résulter d’actes caractérisant la volonté certaine et non équivoque de renoncer à une donation entre époux nécessitant une appréciation souveraine des juges du fond. En l’espèce, la cour d’appel a pu décider souverainement que M. Y avait renoncé tacitement, mais de façon non équivoque, à exercer la faculté de révocation des donations consenties à Mme X. L’observation de la renonciation tacite mène les cas les plus délicats. Est-ce à dire qu’il n’y aura aucun moyen de vérifier le silence ? En effet, on sait que le silence a une signification équivoque64. Aussi, c’est au nom de ces divers motifs que la Cour de cassation, dans un arrêt proche de notre espèce, a considéré que les dons manuels, qui s’analysent comme des donations de biens présents, ayant nécessairement été pris en compte dans la convention définitive conclue par les époux et homologuée par le juge aux affaires familiales, participent du règlement global des effets du divorce et ne peuvent plus faire l’objet d’une révocation ultérieure, sauf clause contraire de la convention65. Dans l’arrêt rapporté, on a cherché des justifications plus précises dans l’analyse faite au regard de l’autorité de la chose jugée liée à l’homologation judiciaire de l’accord des époux. En somme, grâce au silence de l’époux, il n’y a pas atteinte à l’autorité de la chose jugée, attachée à l’homologation66.

3 – Partage (…)

IV – Les régimes conventionnels

A – La communauté conventionnelle (…)

B – Le régime de la séparation de biens (…)

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cabrillac R., « Droit des régimes matrimoniaux et droit des sociétés : dernières jurisprudences », Revue Le Lamy Droit civil, n° 132, 17 déc. 2015, p. 71.
  • 2.
    « Départ d’un époux et charge de l’indemnité d’occupation due après la rupture du bail », Defrénois flash 12 juin 2017, n° 140h6, p. 5 ; Vial-Pedroletti B., « Solidarité des époux. Indemnité d’occupation non constitutive d’une dette ménagère », Loyers et copr. 2014, comm. 114 ; Louis D., « Solidarité ménagère, séparation de fait et indemnité d’occupation », Dalloz actualité, 9 juin 2017 ; « Solidarité entre époux et indemnité d’occupation : la dette doit avoir un caractère ménager », Lamyline 23 mai 2017, S. B. ; « Étendue de la solidarité entre époux au titre du bail d’habitation », Rev. Loyers 2014/943, p. 23 ; Vauvillé F., « Dettes de loyer – Solidarité des époux – Séparation », Dr. & patr. n° 83, 1er juin 2000 ; « Indemnité d’occupation et dette ménagère, Solidarité légale et indemnité d’occupation » http://basededonnees.indicator.fr/bail_d_habitation___conjoints/solidarite_legale_et_indemnite_d_occupation/
  • 3.
    Louis D., « Solidarité ménagère, séparation de fait et indemnité d’occupation », art. préc.
  • 4.
    Dekeuwer-Défossez F., « Le régime primaire », Le Lamy Droit des Personnes et de la Famille, n° 374-51.
  • 5.
    Lucet F. et Vareille B., « Régime primaire : la solidarité des dettes ménagères et le logement de la famille désunie », RTD civ. 1993, p. 180.
  • 6.
    CA Montpellier, 5e ch. civ., sect. A, 31 janv. 2011, n° 10/05947.
  • 7.
    Cass. 1re civ., 21 sept. 2005, n° 02-20287 : RLDC 2005/22, n° 920 ; Dekeuwer-Défossez F., « Mesures provisoires relatives aux époux », Le Lamy Droit des Personnes et de la Famille, n° 348-43.
  • 8.
    Gebler L., « L’occupation du logement pendant l’instance en divorce », AJ fam. 2011, p. 461.
  • 9.
    Louis D., « Solidarité ménagère, séparation de fait et indemnité d’occupation », art. préc.
  • 10.
    Rémy J. et Pialoux M., « L’actualité jurisprudentielle des loyers d’habitation », Rev. Loyers 2007/882, n° 488.
  • 11.
    Cass. 2e civ., 28 oct. 1999, n° 97-20071.
  • 12.
    Le Guidec R., « Passif provisoire : engagement des époux à l’égard des tiers : obligation à la dette », in Droit patrimonial de la famille, 2014, Dalloz action, chap. 141.
  • 13.
    RTD civ. 1998, p. 750.
  • 14.
    Perrot R., « Titre exécutoire. Personnalisation du titre. Nullité des poursuites contre des personnes non désignées dans le titre », RTD civ. 2000, p. 167, note sous Cass. com., 26 oct. 1999 ; Cass. 2e civ., 28 oct. 1999 ; Cass. 2e civ., 16 déc. 1999.
  • 15.
    Beignier B., Cabrillac R. et Labasse J., « Droit des régimes matrimoniaux et droit du patrimoine », Le Lamy Droit des Régimes Matrimoniaux, Successions et Libéralités, n° 103-65.
  • 16.
    Lefort C., « De nouvelles perspectives jurisprudentielles et législatives », Dr. & patr., n° 150, p. 87 ; Cayrol N., Droit de l’exécution, 2e éd., 2013, LGDJ-Lextenso, n° 431.
  • 17.
    Vauvillé F., « À défaut de disposition spéciale, toute saisie pratiquée sur un bien commun peut être poursuivie contre le seul époux débiteur », RJPF 2007/4, p. 19.
  • 18.
    Tani A., « Indivision – Faire seul ce qui aurait dû être fait à deux », Dr. famille 2017, comm. 134.
  • 19.
    L. n° 65-570, 13 juill. 1965, art. 1er, en vigueur le 1er févr. 1966 : JO, 14 juill. 1965.
  • 20.
    Mathieu M., « Régimes matrimoniaux – Statut fondamental – Recours judiciaires » (C. civ., art. 217, 219, al. 1er, et art. 220-1 à 220-3), JCl. Notarial Formulaire, V° Régimes matrimoniaux, fasc. 40, n° 13.
  • 21.
    Tani A., « Indivision – Faire seul ce qui aurait dû être fait à deux », art. préc.
  • 22.
    Cass. 1re civ., 4 déc. 2013, n° 12-20158.
  • 23.
    Tani A., « Indivision – Faire seul ce qui aurait dû être fait à deux », art. préc.
  • 24.
    Aulagnier J., Aynès L., Bertrel J.-P., Plagnet B. et Mourier R., « Biens indivis », Le Lamy Patrimoine, n° 635-85.
  • 25.
    « Communauté de biens : charge de la preuve de l’origine des fonds saisis par le créancier d’un époux », Defrénois flash 3 juill. 2017, n° 140t5, p. 11.
  • 26.
    Pouliquen É., « Saisie du compte joint des époux séparés de biens : preuve de la propriété des fonds », RLDC 2009/62, p. 43.
  • 27.
    Casey J., « Assurance-vie et communauté : aspects pratiques et liquidatifs », Gaz. Pal. 23 janv. 2010, n° I0207, p. 11.
  • 28.
    Brenner C. et Crocq P., « Cas du compte joint », Le Lamy Droit de l’Exécution Forcée, n° 410-40.
  • 29.
    Cass. 1re civ., 17 janv. 2006, n° 02-20636.
  • 30.
    Beignier B, Cabrillac R., Lécuyer H. et Labasse J., « Règles de preuve », Le Lamy Droit des Régimes Matrimoniaux, Successions et Libéralités, n° 155-25.
  • 31.
    Caro A.-M., « Pas d’occupation sans titre d’un bien propre sans indemnité », Dr. famille 2017, comm. 148.
  • 32.
    Champenois G., Defrénois 15 déc. 1992, n° 35408-164, p. 1554, note sous Cass. 1re civ., 16 juill. 1992.
  • 33.
    Caro A.-M., « Pas d’occupation sans titre d’un bien propre sans indemnité », art. préc.
  • 34.
    « L’indemnité d’occupation réclamée à l’époux divorçant… ou le mythe de Sisyphe ? », Dr. & patr. n° 112, 1er févr. 2003.
  • 35.
    E. F., « Partage des biens indivis et compétence spéciale du juge aux affaires familiales », RJPF 2017/7, sect. « Brèves ».
  • 36.
    Simler P., « Débats », LPA 17 juin 1998, p. 34.
  • 37.
    Gilson-Maes A., « Examen de la réforme des pouvoirs du juge en matière de divorce : entre petits succès et grandes désillusions », RJPF 2016/3, p. 8.
  • 38.
    Ibid. ; Niel P.-L., « L’articulation entre le divorce et le partage : le cas de l’attribution préférentielle », LPA 21 juin 2016, n° 116t0, p. 17.
  • 39.
    Thouret S., « Réforme du droit de la famille : le juge du divorce et la liquidation », AJ fam. 2015, p. 598.
  • 40.
    « Consécration du principe d’une séparation entre le prononcé du divorce et le partage des biens des ex-époux », RLDC 2015, n° 132, p. 40 sous Ord. n° 2015-1288, 15 oct. 2015 : JO n° 0240, 16 oct. 2015, art. 2 ; Niel P.-L., « L’articulation entre le divorce et le partage : le cas de l’attribution préférentielle », LPA 21 juin 2016, n° 116t0, p. 17.
  • 41.
    Moyen annexé à l’arrêt rapporté.
  • 42.
    Gayet M., « Divorce – Prestation compensatoire : point de départ des intérêts », Dr. famille 2017, comm. 155.
  • 43.
    L’article 1154 du Code civil est remplacé par le nouvel article 1343-2 créé par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 févr. 2016. L’article dispose : « Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. »
  • 44.
    Cass. 1re civ., 14 déc. 2004, n° 03-16987.
  • 45.
    Berthier C., « L’indifférence des revenus tirés d’une pension alimentaire dans le calcul du montant d’une prestation compensatoire », Dr. famille 2017, comm. 158.
  • 46.
    Dekeuwer-Défossez F. et Labasse J., « D’une réforme à l’autre », Le Lamy Droit des Personnes et de la Famille, n° 365-3.
  • 47.
    Dekeuwer-Défossez F. et Labasse J., « Le droit positif issu de la loi du 26 mai 2004 », Le Lamy Droit des Personnes et de la Famille, n° 365-4.
  • 48.
    Poivey-Leclercq H., « La nouvelle prestation compensatoire après la réforme du 26 mai 2004 », Dr. & patr. n° 136, 1er avr. 2005.
  • 49.
    Berthier C., « L’indifférence des revenus tirés d’une pension alimentaire dans le calcul du montant d’une prestation compensatoire », art. préc.
  • 50.
    Depondt A., « Fiscalité des prestations compensatoires payées sous forme de rente viagère », AJ fam. 2013, p. 672.
  • 51.
    Breton A. (†), Bouton J. et Fortis É., « Séparation de corps », janvier 2013 (actualisation : juin 2014) ; Berthier C., « L’indifférence des revenus tirés d’une pension alimentaire dans le calcul du montant d’une prestation compensatoire », art. préc.
  • 52.
    Ibid. ; Cass. 1re civ., 7 déc. 2016, n° 15-28765.
  • 53.
    Dubarry J. et Fragu E., « Le financement inégal d’un bien indivis : récompense ou indemnité ? », RJPF, 2017/7, p. 33 ; Torricelli-Chrifi S., « Règlement des échéances d’un emprunt : article 815-13, encore et toujours… », Dr. famille 2017, comm. 136.
  • 54.
    Cass. 1re civ., 31 mars 2016, n° 15-12377 : Guiguet-Schielé Q., « Déni de justice par délégation de pouvoir au notaire et récompense », Gaz. Pal. 13 sept. 2016, n° 273s6, p. 75.
  • 55.
    Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-22929 : Bull. civ. I, n° 1084 ; Defrénois 15 fév. 2014, n° 115a4, p. 121, obs. Chamoulaud-Trapiers A.
  • 56.
    Leveneur L. (dir.) et Ansault J.-J., Genicon T., Goldie-Genicon C., Lucas A., Mazeaud-Leveneur S. et Piazzon T, Code civil, annoté, Lexis Nexis.
  • 57.
    « Renonciation tacite à la faculté de révoquer les donations consenties à un époux », Defrénois flash 28 août 2017, n° 141k3, p. 8 ; Larribau-Terneyre V., « Prise en compte des donations entre époux dans la fixation de la prestation compensatoire et renonciation tacite à la faculté de révocation », Dr. famille 2012, comm. 6.
  • 58.
    « Renonciation tacite à la faculté de révoquer les donations consenties à un époux », Defrénois flash 28 août 2017, n° 141k3, p. 8.
  • 59.
    Claux P.-J. et David S., « Sort des donations entre époux », 2015, Dalloz, n° 222-62.
  • 60.
    C.L.G., Dr. & patr. n° 869, 26 mars 2012.
  • 61.
    Mémento Pratique. Droit de la famille, 2016-2017, n° 10251.
  • 62.
    Cass. 1re civ., 14 mars 2012, n° 11-13791.
  • 63.
    Cass. 1re civ., 12 juill. 2017, n° 16-19727.
  • 64.
    Périer M., « L’éloge du silence », Gaz. Pal. 17 août 2010, n° I2700, p. 13.
  • 65.
    Brémond V., Nicod M. et Revel J., « Droit patrimonial de la famille », D. 2006, p. 2066.
  • 66.
    Ibid.
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