De l’application de l’article 2052 du Code civil au règlement amiable conclu entre l’assureur et la victime d’un accident de la circulation
Selon la Cour de cassation, la « transaction » qui s’opère en application des dispositions de la loi de 1985 « est soumise, concernant ses effets, aux dispositions de l’article 2052 du Code civil ». Mais l’exclusion de la lésion et de l’erreur de droit qui en découle répond-elle à l’objectif de protection de la victime de la loi Badinter ? Si l’exclusion de la lésion se justifie, il en est autrement pour l’erreur de droit. Le juge procède alors à certains « forçages » qui poussent à s’interroger sur les évolutions des rapports entretenus par l’accord spécial prévu par le Code des assurances et les règles de la transaction issues du Code civil.
Au regard des attraits classiquement attribués à la transaction par comparaison au règlement juridictionnel des conflits – rapidité, simplicité, facilités d’exécution –, celle-ci a pu être considérée à travers les époques comme « le plus heureux des moyens de mettre fin à un litige »1. Le législateur incite d’ailleurs à y recourir en de nombreux domaines tels le droit administratif, fiscal ou pénal.
C’est également le cas en matière d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation. Ainsi, lorsque l’inadaptation des règles du droit commun de la responsabilité civile n’a plus été supportable2, la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation3 a opté pour une procédure aboutissant à une transaction. Celle-ci repose principalement sur l’obligation pour l’assureur du véhicule impliqué dans l’accident de proposer une offre relative à tous les éléments indemnisables du préjudice dans un bref délai4. Comme la transaction est dotée de l’autorité de la chose jugée en dernier ressort entre les parties5, elle offre une solution rapide et stable à même de répondre aux besoins des victimes. Suivront sur ce modèle, nombre de régimes spéciaux d’indemnisation6 où l’acceptation d’une offre d’indemnisation par la victime « vaudra » transaction.
Largement plébiscité, on pourrait alors croire que le contrat de transaction – figure contractuelle symbole du règlement pacifique des conflits – emporte entière satisfaction. Loin s’en faut. Certaines règles le régissant sont unanimement décriées, et ce depuis leur promulgation7. Au vu de ces critiques et en présence d’un contrat susceptible de devenir une « arme de domination dans les rapports juridiques conflictuels »8, on peut alors se demander si le choix de la transaction opéré par le législateur est toujours compatible avec les objectifs affichés d’amélioration de la situation des victimes et d’accélération des procédures d’indemnisation9.
Par la loi de 1985, le législateur a en effet instauré un ensemble de règles formalistes codifié aux articles L. 211-8 et suivants du Code des assurances, destiné à protéger la victime, partie faible confrontée à l’assureur. Schématiquement, la procédure de règlement amiable, dérogatoire au droit commun de la responsabilité civile, met à la charge de l’assureur diverses obligations afin que la victime de l’accident ne souffre pas d’un défaut d’information et soit rapidement indemnisée de ses préjudices. Pour ce faire, l’assureur a notamment l’obligation de présenter une offre d’indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident ; délai qui peut être réduit à trois mois lorsque la victime formule une demande d’indemnisation10. Cette offre destinée à réparer l’intégralité du préjudice subi par la victime, devient transaction dès lors qu’elle est acceptée par celle-ci. Passé un délai de quinze jours à compter de sa conclusion, l’accord n’est alors plus susceptible d’être remis en cause devant un juge conformément au dessein du législateur d’éteindre la contestation plus rapidement.
L’emploi dans la loi Badinter du terme « transaction » sans qu’il soit défini est toutefois générateur de difficultés. Qualifier de transaction chaque offre d’indemnité proposée par l’assureur et acceptée par la victime n’aboutit pas toujours à contenter les parties. Alors que l’objectif recherché réside dans l’extinction du litige, la qualification et le régime sont l’objet de doutes si bien que la transaction devient l’objet d’un contentieux11. Il faut en effet réaliser que le choix d’une telle qualification aboutit à la superposition du droit commun des obligations, du droit spécial de la transaction présent tant dans le Code civil qu’en dehors et des procédures spéciales d’indemnisation. Il est alors complexe de faire face à cet imbroglio juridique en l’absence de précisions par le législateur lui-même,
Ainsi, à côté de la question de l’opportunité du recours à la transaction, la question des éléments constitutifs et du régime de la transaction visée dans la loi de 1985 s’est donc posée12.
S’agissant des éléments constitutifs d’abord, il s’est agi de savoir si la convention conclue entre l’assureur et la victime dite « transaction » devait, ainsi que la jurisprudence et la doctrine l’exigent unanimement en droit commun, comporter des concessions réciproques des parties. Après l’inquiétude des assureurs de voir remettre en cause des transactions conclues sans concessions réciproques à la suite de l’arrêt rendu le 14 avril 2004 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence13, la Cour de cassation a tranché la question dans un arrêt du 16 novembre 200614, insistant sur le caractère spécial de la transaction prévue par la loi de 1985, puisque celle-ci ne peut être remise en cause en raison de l’absence de telles concessions.
Quant au régime applicable ensuite, est-ce celui énoncé aux articles 2044 et suivants du Code civil qui doit être retenu au regard de la qualification légale employée ou le caractère spécifique de la transaction justifie-t-il que le règlement amiable bénéficie d’un régime ad hoc ? Plus précisément, l’intérêt se porte sur les articles 2052 et 2053 du Code civil relatifs aux vices du consentement susceptibles d’entraîner la rescision de la transaction. Selon le premier, les transactions « ne peuvent être attaquées pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion ». Le second précise toutefois qu’« une transaction peut être rescindée, lorsqu’il y a erreur dans la personne ou sur l’objet de la contestation ».
Dans un arrêt rendu le 1er avril 199815, la Cour de cassation a semblé reconnaître l’application du régime de droit commun, puisqu’elle a, au visa de l’article 2053 du Code civil, censuré un arrêt par lequel une cour d’appel avait fait droit à la demande de rescision de la transaction alors, selon la haute juridiction, qu’aucune cause prévue à l’article visé n’était caractérisée en l’espèce.
Plus récemment, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a affirmé, dans un arrêt rendu le 5 mars 201516, que « la transaction qui s’opère en application des dispositions d’ordre public de la loi du 5 juillet 1985 en cas d’acceptation par la victime de l’offre d’indemnisation de l’assureur est soumise, concernant ses effets, aux dispositions de l’article 2052 du Code civil ».
Que penser de l’application du régime de droit commun à la transaction spéciale issue de la loi de 1985 ? La décision rendue par la Cour de cassation le 5 mars 2015 nous donne l’occasion d’apprécier si ce recours au droit commun de la transaction répond aux objectifs assignés au dispositif spécial en matière d’indemnisation des accidents de la circulation.
Plus précisément, l’étude portera sur les deux exclusions opérées par l’alinéa 2 de l’article 2052 du Code civil applicables à l’accord de règlement amiable conclu entre l’assureur et la victime d’un accident de la circulation, à savoir, l’exclusion de la lésion (I) et l’exclusion de l’erreur de droit (II).
I – De l’exclusion de la lésion
Que la transaction conclue entre l’assureur et la victime ne puisse être rescindée pour lésion ne surprend pas au premier abord. En effet, en droit commun des obligations, l’erreur d’évaluation ne peut par principe17, entraîner la rescision d’un acte. Plusieurs raisons président à cela. D’une part, chacun est le meilleur juge de ses intérêts, de sorte qu’il n’appartient pas au juge de contrôler l’équilibre des prestations. D’autre part, une admission de principe de la rescision pour lésion porterait atteinte à la stabilité du contrat, qui perdrait alors sa fonction d’acte de prévision18.
Cette exclusion de la lésion semble se justifier encore davantage en matière de transaction19.
Sur le plan formel, on peut relever que l’exclusion de la rescision pour lésion fait l’objet d’un texte propre à la transaction, l’article 2052, alinéa 220, déclinaison de l’article 1118 du Code civil.
Sur le fond, d’aucuns classent la transaction parmi les contrats aléatoires « en ce que le contrat constitue, de la part des deux parties, une évaluation de chances et de risques liés à un événement incertain, à savoir ce qui aurait été jugé »21. Chaque partie aurait donc pris le risque d’un déséquilibre qui ne peut être sanctionné en invoquant une lésion. Ceux qui rejettent cette classification excluent également la lésion en invoquant « l’essence de la transaction ». Par cet acte, les parties « entend[raient] substituer à une situation incertaine une situation pratiquement incontestable, et ce but ne serait évidemment pas atteint s’il était possible de remettre en cause une transaction en raison de son déséquilibre »22.
Quelle que soit la conception retenue, l’exclusion de la rescision pour lésion est donc unanime. Il est d’ailleurs remarquable qu’en dépit des nombreuses critiques formulées à l’endroit du régime de la transaction et de la volonté de modifier plusieurs pans de celui-ci, aucune proposition n’envisage de revenir sur cette solution.
S’agissant plus spécifiquement de l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation, l’exclusion de la lésion peut, de prime abord, apparaître sévère. Par la loi de 1985, le législateur a cherché à améliorer la protection des victimes d’accidents de la circulation. Or la difficulté d’évaluer les dommages corporels et la position dominante de l’assureur auraient pu justifier la considération de la lésion afin de protéger la victime qui aurait accepté dans la précipitation une indemnité dérisoire au regard des préjudices déclarés.
Au demeurant, plusieurs raisons justifient l’exclusion de la lésion dans le cadre de cette procédure spéciale. Le système mis en place étant notamment destiné à accélérer les procédures d’indemnisation des victimes, il paraît logique que l’exclusion de droit commun de la lésion ait été reprise et plus généralement que les facultés de remise en cause de la transaction aient été entendues restrictivement. En effet, il ne faut pas occulter que la victime, finalement déçue de l’indemnisation obtenue, pourrait être tentée de contester l’accord transactionnel afin d’obtenir une indemnisation complémentaire par le juge. L’admission de la rescision pour lésion reviendrait alors sur l’essence même de la procédure mise en place, à savoir obtenir une indemnisation rapide et définitive des préjudices subis sans intervention judiciaire.
En outre, toute transaction nécessite un accord des parties23. Si le montant de l’indemnité proposée par l’assureur lui paraît trop faible, la victime demeure libre d’agir judiciairement. Ce n’est que lorsque celle-ci a accepté l’offre que la transaction ne peut être remise en cause. La victime n’est donc pas contrainte d’accepter une indemnisation qu’elle jugerait insuffisante. En d’autres termes, parce que la victime n’a pas d’obligation légale de consentir à la transaction et peut préférer la voie juridictionnelle, l’impossibilité de sanctionner le caractère éventuellement lésionnaire de l’accord se justifie. En tout état de cause, si la lésion trouve sa source dans un vice du consentement, l’acte pourra alors être critiqué sur le fondement du droit commun.
Surtout, si l’exclusion de la rescision pour lésion ne fait pas obstacle à l’amélioration de la situation des victimes, c’est parce des règles propres à la loi de 1985 organisent leur protection. Sans entrer dans le détail de toutes les dispositions, le législateur a cherché à protéger la partie faible en toutes circonstances, de sorte que la transaction ne puisse pas revêtir un caractère lésionnaire.
Ainsi, l’assureur doit tout d’abord présenter par écrit une offre d’indemnité « motivée »24 dans laquelle sont compris et évalués tous les préjudices indemnisables. Il est en outre tenu « dès sa première correspondance avec la victime »25 de l’informer qu’elle peut se faire assister d’un avocat. L’arrêt rendu le 5 mars 2015 illustre l’importance du formalisme informatif.
En l’espèce, la victime, partie à une transaction conclue avec l’assureur, avait sollicité le versement d’une indemnité complémentaire. Sa prétention avait été rejetée par les juges du fond, la transaction ayant autorité de la chose jugée en application de l’article 2052 du Code civil26. Prétextant que l’article n’était pas applicable à la transaction spéciale issue de la loi de 1985, la victime forme un pourvoi en cassation. Mais alors que la Cour de cassation écarte le grief tiré de la non-application de l’article 2052, l’arrêt est néanmoins censuré au motif que la cour d’appel n’a pas répondu au moyen par lequel la victime invoquait la nullité de la transaction au motif qu’elle n’avait pas été informée de la possibilité d’être assistée d’un conseil, en violation de l’article L. 211-10 du Code des assurances. Par où l’on voit que la protection de la victime repose essentiellement sur l’information de celle-ci.
Afin d’enrayer tout risque d’indemnisation lésionnaire, la victime dispose aussi d’une faculté de dénonciation de la transaction à laquelle elle ne peut renoncer par avance. Pour que ce droit soit connu de la victime, les dispositions l’instaurant27 doivent être reproduites en caractères très apparents dans l’offre de transaction et dans la transaction elle-même.
Est également envisagé et sanctionné le cas de l’offre d’indemnité tardive ou manifestement insuffisante28. Enfin, le législateur a pris la mesure de la particularité du dommage corporel qui est susceptible d’évoluer postérieurement à la conclusion de la transaction. Ainsi, l’accord transactionnel ne fait pas obstacle à la demande par la victime d’une indemnité complémentaire en cas d’aggravation du dommage29.
Certes, toutes ces mesures de protection de la victime n’ont peut-être pas produit les effets escomptés. C’est notamment le cas de la publication du montant des indemnités versées selon qu’elles sont issues d’une transaction ou d’un jugement30. La complexité du fichier « AGIRA » rend illusoire toute tentative par la victime de connaître le montant moyen d’indemnisation auquel elle pourrait prétendre. Les efforts peuvent donc encore porter sur l’information préalable de la victime.
En somme, l’exclusion de la rescision pour lésion de la transaction se justifie, même dans un domaine où l’accent est mis sur la protection de la partie faible, grâce aux mesures spéciales mises en place. En cela, l’application du droit commun n’entrave pas les objectifs fixés par la loi de 1985. La stabilité recherchée est sauve sans que la justice contractuelle soit atteinte.
Ainsi, alors même que la qualification de transaction choisie par le législateur en 1985 est « largement artificielle »31, on peut penser que l’application de l’article 2052, alinéa 2, s’agissant de l’exclusion de la lésion, est satisfaisante. Autrement dit, si toute référence à la transaction dans les régimes spéciaux d’indemnisation venait à être supprimée dans le cadre d’une réforme, il serait souhaitable que le régime spécifique attaché aux accords de règlement amiable rejette, comme en droit commun des obligations, la rescision pour lésion. Tel n’est pas le cas de l’erreur de droit admise en droit commun mais exclue en matière d’accidents de la circulation.
II – De l’exclusion de l’erreur de droit
À la différence de la lésion, l’exclusion de la rescision pour erreur de droit ne constitue pas une application du droit commun des obligations. Elle est propre à la transaction dont la doctrine peine à trouver des justifications32.
Est ici mis à l’écart un vice d’une particulière gravité puisque l’erreur de droit se caractérise par une fausse représentation « de la règle de droit applicable ou de sa portée et qui a déterminé la conclusion de la convention pour la partie qui l’invoque »33. Critiqué en droit commun de la transaction, le refus de prendre en compte une telle erreur dans un dispositif spécial organisé autour de l’information de la victime est ici a fortiori regrettable. Pourtant, la Cour de cassation affirme sans ambages le principe de l’article 2052 selon lequel « la transaction ne peut être rescindée pour erreur de droit ». Elle a ainsi jugé que l’ignorance par l’assuré de l’inopposabilité d’un délai de carence invoqué par l’assureur et qui avait conduit le premier à transiger, constitue une erreur de droit ne permettant pas d’obtenir la rescision de l’acte34.
De prime abord, on pourrait penser que les règles spéciales déjà rencontrées en matière de lésion sont susceptibles d’atténuer l’effet néfaste de l’exclusion de ce vice du consentement. Plus spécifiquement, l’obligation d’information quant à l’assistance d’un conseil ou la possibilité de dénonciation de la transaction pourraient être de nature à apaiser la critique.
En réalité, la situation peut paraître tolérable à la faveur de la délicate appréhension des termes « erreur de droit » et « erreur sur l’objet de la contestation ». En effet, immédiatement après l’exclusion de l’erreur de droit, l’article 2053 accueille la rescision pour erreur sur l’objet de la contestation. Les contours nébuleux des deux notions permettent ainsi au juge d’infléchir la rigueur mal fondée de l’article 2052. L’absence de définition claire se pare de vertus par-delà les critiques dont elle est l’objet35 car l’erreur de droit que le juge veut sanctionner deviendra une erreur sur l’objet de la contestation. La Cour de cassation a en effet pu préciser que l’erreur qui affecte l’objet de la contestation défini par la transaction justifie la rescision d’une transaction fût-elle de droit 36. En définitive, si la solution semble parfois opportune pour la victime, la matière semble néanmoins souffrir d’un flou peu propice à la sécurité juridique37.
L’unanimité semble ainsi se dessiner pour admettre l’erreur de droit. La question se déplace alors. Quelle serait l’incidence de la suppression de l’exclusion de l’erreur de droit en matière d’accidents de la circulation ?
La crainte de voir annuler de nombreuses transactions sur ce fondement paraît limitée pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ainsi qu’on l’a vu, l’erreur de droit est d’ores et déjà partiellement reconnue par le truchement de l’erreur sur l’objet de la contestation. Ensuite, si un principe général de reconnaissance de l’erreur de droit était adopté, le droit commun montre que les potentialités du fondement ne sont pas infinies surtout si la définition est précise et limitée. Enfin, le risque paraît s’imposer tant le vice est grave et à plus forte raison dans une matière soucieuse de protéger les intérêts de la partie perçue comme faible. Pour les quelques transactions qui pourront désormais être rescindées sur ce fondement, l’importance de la connaissance et de l’application de la règle de droit qui a vocation à régir effectivement le litige, ne justifie-t-elle pas de renoncer ici à la stabilité contractuelle au profit de la justice contractuelle ?
En résumé, l’admission de la rescision pour erreur de droit paraît plus conforme à l’idée de protection de la partie faible portée par la loi de 1985.
Si celle-ci est entendue de manière stricte par le juge, sa prise en compte n’apparaît pas plus dangereuse pour la stabilité des transactions que l’interprétation extensive faite actuellement par la Cour de cassation de l’erreur portant sur l’objet de la contestation. Aussi, la considération de l’erreur de droit, particulièrement grave en ce qu’elle porte sur la règle de droit applicable ou sa portée, permettrait de mieux répondre à l’objectif de protection de la partie faible tout en mettant un terme aux « errances »38 de la Cour de cassation en ce domaine.
En conclusion, juger l’opportunité de l’application de l’article 2052 du Code civil au règlement amiable en matière d’accidents de la circulation est malaisé tant la Cour de cassation, depuis 2006, tente composer avec la qualification encombrante de transaction retenue par le législateur.
En effet, elle a d’une part procédé à un forçage de qualification pour juger que l’accord conclu entre la victime et l’assureur constituait une transaction malgré l’absence de concessions réciproques. Mais après avoir retenu le caractère spécial de cette transaction faute de correspondre aux critères légaux, jurisprudentiels et doctrinaux, elle a néanmoins fait application du régime commun. Sans surprise, il ressort de cet attachement forcé à la notion de transaction, un ensemble dépareillé et confus.
Une remise en ordre s’impose39. De lege ferenda, on pourrait songer à détacher l’accord spécial prévu par le Code des assurances des règles de la transaction issues du Code civil. Sans remettre en cause l’effet extinctif recherché, l’exclusion de la rescision pour lésion serait maintenue et celle pour erreur de droit supprimée. À la vérité, si l’accent sur l’information des victimes est renforcé, l’admission de la rescision pour erreur de droit ne devrait pas bouleverser outre mesure la stabilité des accords de règlement amiable en matière d’accidents de la circulation. En revanche, l’emprise du droit commun des contrats serait retrouvée conformément aux vœux formulés par certains auteurs40 quitte à l’adapter ponctuellement aux spécificités de la matière. Se réaliserait alors l’image que l’on se fait d’un sain rapport entre le droit commun et le droit spécial.
Notes de bas de pages
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1.
L. Poulet, Transaction et protection des parties, préf. Y. Lequette, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, 2005, t. 452, n° 2, p. 2, reprenant les termes employés par Bigot de Preameneau.
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2.
Au point d’assister à l’une des provocations les plus célèbres du pouvoir judiciaire : Cass. 2e civ., 21 juill. 1982, n° 81-12850, Desmares : GAJ civ., t. 2, comm. n° 211-213.
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3.
L. n° 85-677, 5 juill. 1985. Le terme « transaction » apparaît aux articles L. 211-10, L. 211-15, L. 211-16, L.211-20 et L. 211-23.
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4.
V. infra.
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5.
C. civ., art. 2052, al. 1 et Cass. crim., 2 déc. 2008, n° 08-83540. Si des critiques sont émises sur l’emploi de l’expression « autorité de la chose jugée » s’agissant d’une transaction (v. not., B. Mallet-Bricout et W. Dross, La transaction : proposition en vue de la réforme du titre XV – livre 3e du Code civil « Des transactions », Rapp. GIP (ministère de la Justice) publié à la Documentation française, 2014, p. 19, p. 153 et s.), le principal intérêt de celle-ci – faire naître une fin de non-recevoir en ce que les parties sont irrecevables à saisir le juge du litige qui a fait l’objet de la transaction – n’est toutefois pas contesté. C’est pourquoi, les développements ultérieurs se concentreront sur les difficultés d’application de l’alinéa 2 de l’article 2052 du Code civil à l’accord de règlement amiable.
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6.
V. par ex., l’article L. 1142-14, alinéa 6, du Code de la santé publique issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, au sujet des victimes d’accidents médicaux selon lequel « l’acceptation de l’offre de l’assureur vaut transaction au sens de l’article 2044 du Code civil ». V. aussi, l’article L. 3122-3, alinéa 3, du Code de la santé publique pour les victimes de contamination par le VIH ou encore l’article 6 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
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7.
V. L. Mayer, « La transaction, un contrat spécial ? » : RTD civ. 2014, p. 523 et s. ; B. Mallet-Bricout et W. Dross, La transaction : proposition en vue de la réforme du titre XV – livre 3e du Code civil « Des transactions », Rapp. GIP (ministère de la Justice) publié à la Documentation française, 2014.
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8.
L. Poulet, Thèse préc., n° 17, p. 10 et plus largement sur les dangers de la transaction, nos 27 et s., p. 15. V. aussi, P. Chauvel, n° 4, V° Transaction : Rép. civ. : « la transaction s’est souvent révélée, à l’usage, dans ses applications contemporaines, le plus sévère des contrats d’adhésion ».
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9.
Sur ce point, v. aussi C. Boillot, « Vices et vertus de l’indemnité transactionnelle » : RCA 2015, n° 9, dossier 18.
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10.
C. assur., art. L. 211-9.
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11.
B. Mallet-Bricout et W. Dross, La transaction : proposition en vue de la réforme du titre XV – livre 3e du Code civil « Des transactions », Rapp. GIP (ministère de la Justice) publié à la Documentation française, 2014, p. 21. En outre, les indemnités octroyées par la voie transactionnelle sont d’un montant plus faible que celles accordées par la voie juridictionnelle (v. N. Neher-Schraub, « Point de vue des magistrats », in P. Brun et P. Jourdain (dir.), Loi Badinter : le bilan de 20 ans d’application, LGDJ, Bibliothèque de l’Institut André Tunc, t. X, 2007, p. 113).
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12.
V. l’étude récente d’H. Plyer, « La nature juridique des accords d’indemnisation » : RGDA 2016, p. 74, n° 113b8.
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13.
CA Aix-en-Provence, 14 avr. 2004 : D. 2004, p. 2959, note C. Bloch.
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14.
Cass. 2e civ., 16 nov. 2006 : Bull. civ. II, n° 320. V. aussi, Cass. 2e civ., 20 nov. 2010, n° 08-19627.
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15.
Cass. 2e civ., 1er avr. 1998, nos 96-17165 et 96-18296.
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16.
Cass. 2e civ., 5 mars 2015, n° 14-13441.
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17.
En application de l’article 1118 du Code civil, la lésion « ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l’égard de certaines personnes ». Pour les cas où la rescision pour lésion est admise, V. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit des obligations, Dalloz, 2013, 11e éd., nos 310 et s.
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18.
V. O. Penin, La distinction de la formation et de l’exécution du contrat, Contribution à l’étude du contrat acte de prévision, préf. Y. Lequette, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, 2012, t. 535.
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19.
P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Zeller, Osnabrück, 1968, t. XV, p. 109-110 : « Il n’y a point de contrat (…) à l’égard duquel l’action en lésion soit moins admissible (…). Dans la transaction tout était incertain avant que la volonté des parties l’eût réglé. Le droit était douteux, et on ne peut pas déterminer à quel point il était convenable à chacune des parties de réduire sa prétention ou même de s’en désister ».
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20.
Sur le caractère superfétatoire de l’article sur ce point, v. L. Mayer, « La transaction, un contrat spécial ? » : RTD civ. 2014, p. 533, n° 18.
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21.
A. Benabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, LGDJ, Domat, 11e éd., n° 987.
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22.
L. Poulet, Thèse préc., n° 56, p. 24.
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23.
V. Cass. 2e civ., 2 juill. 2015, n° 14-21562, qui insiste sur le fait que l’offre d’indemnisation n’engage l’assureur que si elle est acceptée par la victime.
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24.
C. assur., art. L. 211-9.
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25.
C. assur., art. L. 211-10.
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26.
Sur ce point, v. aussi, Cass. 2e civ. 2e, 5 mars 2015, nos 14-14151 et 14-15646.
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27.
C. assur., art. L. 211-16.
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28.
C. assur., art. L. 211-13 pour l’offre formulée hors délai et L. 211-14 pour l’offre manifestement insuffisante.
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29.
C. assur., art. L. 211-19.
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30.
C. assur., art. L. 211-23.
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31.
B. Mallet-Bricout, W. Dross, La transaction : proposition en vue de la réforme du titre XV – livre 3e du Code civil « Des transactions », Rapp. GIP (ministère de la Justice) publié à la Documentation française, 2014, p. 27.
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32.
L. Mayer, « La transaction, un contrat spécial ? » : RTD civ. 2014, p. 539 , n° 32 et s., qui rappelle l’erreur de Bigot de Preameneu à l’origine de cette exclusion.
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33.
B. Mallet-Bricout et W. Dross, La transaction : proposition en vue de la réforme du titre XV – livre 3e du Code civil « Des transactions », Rapp. GIP (ministère de la Justice) publié à la Documentation française, 2014, p. 54.
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34.
Cass. 1re civ., 12 juill. 2005 : Bull. civ. I, n° 332.
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35.
V. not., B. Mallet-Bricout et W. Dross, Rapp. préc., p. 54 et s.
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36.
Cass. 1re civ., 22 mai 2008 : Bull. civ. I, n° 151.
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37.
Par ailleurs, la notion d’erreur sur l’objet de la contestation s’en trouve aussi dénaturée qui se meut en erreur sur l’étendue de la contestation. Sur ce point, v. B. Mallet-Bricout et W. Dross, Rapp. préc., p. 56.
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38.
B. Mallet-Bricout, « Transaction et erreur : les errances de la Cour de cassation » : RLDC 2008/54, n° 3169.
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39.
L’étude ne portait que sur l’accord de règlement amiable en matière d’accidents de la circulation. Les quelques propositions de remise en ordre à son propos devront s’intégrer dans une réflexion plus générale relative aux régimes spéciaux d’indemnisation.
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40.
C. Goldie-Genicon, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial des contrats, préf. Y. Lequette, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, 2009, t. 509 ; L. Mayer, « La transaction, un contrat spécial ? » : RTD civ. 2014, p. 523 et s.