Un fauteuil roulant électrique n’est pas un véhicule terrestre à moteur

Publié le 01/09/2021
Fauteuil roulant électrique
Volodymyr/AdobeStock

Un fauteuil électrique actionné par une personne en situation de handicap ne constitue pas un véhicule terrestre à moteur (VTAM) au sens de la loi du 5 juillet 1985. Son conducteur doit donc être assimilé à un non-conducteur même si ce fauteuil est impliqué dans un accident de la circulation.

Cass. 2e civ., 6 mai 2021, no 20-14551

La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, vise à apporter une protection particulière aux victimes d’un accident de la circulation dès lors qu’elles ne sont pas conductrices de l’un des véhicules impliqués dans cet accident1. La distinction entre les personnes conductrices d’un véhicule terrestre à moteur (VTAM) et celles qui ne le sont pas est fondamentale. En effet, il résulte de l’article 4 de la loi susmentionnée que les premières pourront se voir opposer leur simple faute pour limiter leur droit à indemnisation. À l’inverse, les victimes non conductrices d’un VTAM ne peuvent se voir opposer, concernant l’indemnisation des atteintes à leur personne, qu’un certain type de faute2. De fait, on ne pourra leur reprocher que leur faute inexcusable et à condition que cette faute ait été la cause exclusive de l’accident. Celle-ci se définissant comme le fait volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir connaissance3. De plus, si la victime non conductrice est âgée de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans ou titulaire d’un titre lui reconnaissant un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 %, seule leur faute intentionnelle pourra limiter l’indemnisation de leur préjudice corporel. C’est à la détermination du caractère de conductrice ou non d’un VTAM d’une victime d’un accident de la circulation qu’a trait un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 6 mai 20214.

En l’espèce, une femme lourdement handicapée est victime d’un accident alors qu’elle était aux commandes de son fauteuil roulant électrique. Devait-elle, dans ces conditions, être considérée comme la conductrice d’un VTAM, responsable de sa simple faute, ou comme une victime super privilégiée responsable uniquement de sa faute intentionnelle ? Peut-on considérer, comme l’a fait la deuxième chambre civile dans la décision commentée, qu’un fauteuil roulant électrique n’est pas un VTAM ? L’article L. 211-1 du Code des assurances définit ces véhicules comme « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée ». La jurisprudence interprète largement cette définition. En effet, elle a jugé que sont des VTAM une moissonneuse-batteuse5, un chariot-élévateur6, une tondeuse à quatre roues7, une mini-moto8 ou encore une nacelle auto-portée fonctionnant dans un atelier9. S’agissant d’un fauteuil électrique, on pouvait tout à fait le considérer comme un VTAM, d’autant plus que, comme un véhicule automobile, sa conduite nécessite la détention d’un permis et qu’il doit être assuré. Cependant, si une telle analyse apparaît fondée sur le plan juridique, elle n’est pas humainement soutenable. Une personne lourdement handicapée et manœuvrant son fauteuil électrique ne constitue qu’une victime, c’est pourquoi l’arrêt sous commentaire précise : « Un fauteuil roulant électrique, dispositif médical destiné au déplacement d’une personne en situation de handicap, n’est pas un [VTAM] au sens de la [loi Badinter] ». En effet, le but visé par les rédacteurs de cette loi est de protéger les personnes les plus vulnérables contre les risques résultant de la circulation automobile, or les personnes en situation de handicap font partie de cette catégorie de la population.

La décision de la deuxième chambre civile du 6 mai 2021 montre que, dans certaines hypothèses spécifiques, des véhicules qui sont pourtant terrestres à moteur peuvent échapper à cette qualification10.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 85-677, 5 juill. 1985, art. 1.
  • 2.
    L. n° 85-677, 5 juill. 1985, art. 3.
  • 3.
    Cass. 2e civ., 22 mars 2019, nos 18-14125, 18-15855 et 18-15168 (3e esp.) : Dalloz actualité, 10 avr. 2019, obs. M. Bary.
  • 4.
    Cass. 2e civ., 6 mai 2021, n° 20-14551 : Dalloz actualité, 21 mai 2021, obs. A. Hacene-Kebir.
  • 5.
    Cass. 2e civ., 10 mai 1991, n° 90-11377 : Bull. civ. II, n° 137.
  • 6.
    Cass. 2e civ., 25 mai 1994, n° 92-19455 : Bull. civ. II, n° 132.
  • 7.
    Cass. 2e civ., 24 juin 2004, n° 02-20208 : D. 2005, p. 1317, obs. H. Groutel.
  • 8.
    Cass. 2e civ., 22 oct. 2015, n° 14-13994 : Dalloz actualité, 4 nov. 2015, obs. T. de Ravel d'Esclapon.
  • 9.
    Cass. crim., 15 janv. 2008, n° 07-80800 : Dalloz actualité, 15 févr. 2008, obs. J. Speroni.
  • 10.
    Une chaise manuelle n'est évidemment pas un VTAM : C. route, art. R. 412-34.