Nullité relative d’un testament-partage incluant des biens communs
Le disposant ne peut inclure dans un testament-partage des biens dépendant de la communauté tant que celle-ci n’est pas dissoute. Cette faculté est limitée aux biens dont chacun d’eux a la propriété et la libre disposition.
Cass. 1re civ., 5 déc. 2018, no 17-17493, F–PB
1. Cas très rare de contentieux. En l’espèce, Christian X. et Annette F. se sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts. Ils sont décédés respectivement le (…) et le (…), laissant pour leur succéder leurs quatre enfants, B., A., Y. et L. Mme Annette F. a rédigé quatre testaments datés des 12 novembre 1992, 27 février 1996, 3 février 1999 et 30 septembre 2003 et Christian X. trois testaments portant les mêmes dates que les trois derniers de son épouse et comportant un contenu identique. Ces différents testaments portent sur des biens propres et communs des testateurs ainsi que des legs au bénéfice de Sébastien X., fils de B., et de Y. et L. Ces deux derniers ont assigné leurs co-héritiers en délivrance des legs contenus dans les derniers testaments de leurs parents. MM. A., B. et Sébastien X. ont invoqué la nullité de tous les testaments en ce que, notamment, ils incluaient des biens communs et, pour ceux de Christian X., des biens propres de son épouse. Même si le régime juridique du testament-partage relève de certaines règles générales posées par les articles 1075 à 1075-3 du Code civil relatives aux libéralités-partages1, il n’en demeure pas moins éloigné de la donation-partage quant à la composition des biens à répartir par le testateur.
2. Legs d’attribution et testament-partage. S’il n’est pas toujours aisé, pratiquement, de distinguer le legs d’attribution avec le testament-partage, théoriquement, il est plus facile de le faire. On peut ainsi lire que « le legs inclus dans un testament-partage est présumé constituer un legs d’attribution »2.Pour autant, comme le remarque Michel Grimaldi : « si le testament-partage ne donnant lieu à aucun rapport, (…) alors qu’un testament ordinaire contenant des legs d’attribution donne lieu à des rapports qui, le cas échéant, rétablissent l’égalité »3. En l’occurrence, les demandeurs au pourvoi soutenaient qu’en qualifiant le testament du 30 septembre 2003, par lequel Christian X. léguait à Y. et L. « la quotité disponible en toute propriété de tous les biens meubles ou immeubles », sans rechercher si l’absence de legs d’une fraction de quotité disponible à MM. B. et A. X. ne manifestait pas une volonté claire d’avantager Mme Y. et M. L. X., et donc de leur consentir un legs préciputaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1075 et 1423 du Code civil ». Même si la Cour de cassation qualifie les testaments querellés de libéralité-partage, elle souligne la prohibition du testament-partage comportant des biens communs (I) qui demeure lourdement sanctionnée (II).
I – Prohibition du testament-partage portant sur des biens appartenant à la communauté
3. Testament-partage et composition des lots. Selon la Cour de cassation les dispositions de l’article 1423 du Code civil ne peuvent s’appliquer qu’aux légataires et non aux héritiers (B), dont les parts doivent être déterminées au moment même du décès de l’ascendant et ne sauraient être en situation d’indivision post-communautaire (A).
A – Le testament-partage ne peut comporter des biens soumis au régime de l’indivision post-communautaire
4. Prohibition du testament-partage conjonctif et cumulatif4. Il paraît opportun de rappeler que l’on enseigne généralement que le testament-partage conjonctif ainsi que le testament-partage cumulatif sont prohibés. Lorsque l’on envisage le testament-partage conjonctif, cette libéralité-partage est prohibée car aux termes de l’article 968 du Code civil un testament ne pourra être fait dans le même acte par deux ou plusieurs personnes soit au profit d’un tiers, soit à titre de disposition réciproque ou mutuelle5. En revanche, rien n’interdit aux ascendants-testateurs de rédiger un testament-partage identique en prenant soin de ne pas inclure des biens communs6 ni des biens soumis au régime de l’indivision post-communautaire.
5. Le testament-partage ne peut comprendre des biens soumis au régime de l’indivision post-communautaire. De même qu’une donation-partage ne peut porter sur des quotes-parts indivises, le testament-partage, en tant qu’acte répartiteur, ne peut inclure des biens soumis au régime de l’indivision post-communautaire. C’est ainsi que la Cour de cassation a jugé : « Attendu que, pour décider que le partage testamentaire était valable, après avoir rappelé qu’à l’époque où il a été rédigé, la communauté était dissoute par le décès de Marcel X. et que le partage n’ayant pas été encore effectué, les biens autrefois communs étaient indivis de sorte que l’article 1423 du Code civil était étranger à la question de la validité de cet acte, l’arrêt retient que, si en disposant des biens indivis, Charlotte Z.-A. a étendu l’assiette du partage, auquel elle entendait procéder, à des biens dont elle n’avait pas personnellement toute la propriété et la libre disposition puisque celles-ci étaient partagées entre elle et ses enfants, elle n’a pas disposé de la chose d’autrui, au sens de l’article 1021 du code précité, puisqu’il s’agissait de biens indivis entre elle et ses enfants au bénéfice desquels elle prenait des dispositions testamentaires et qu’il lui était loisible d’imposer à ses enfants, pour éviter d’éventuels désaccords entre eux sur le partage en nature des immeubles ou la possibilité que, par suite de leur vente par licitation, ces biens ne restent pas dans la famille, une répartition à la fois équitable et conforme à ce qu’elle pouvait penser être le souhait de chacun ; Qu’en statuant ainsi, alors que les descendants, attributaires des biens, avaient la qualité d’héritiers co-partagés et non de légataires et que la testatrice n’avait pas le pouvoir de procéder unilatéralement au partage de biens indivis dont les enfants étaient déjà saisis comme héritiers de leur ascendant prédécédé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; Par ces motifs : Casse et Annule »7.
B – Les dispositions de l’article 1423 du Code civil ne peuvent s’appliquer qu’aux légataires et non aux héritiers
6. Les dispositions prévues à l’article 1423 du Code civil issues de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 entrée en vigueur le 1er juillet 1986. Aux termes de l’article 1423 du Code civil : « Le legs fait par un époux ne peut excéder sa part dans la communauté. Si un époux a légué un effet de la communauté, le légataire ne peut le réclamer en nature qu’autant que l’effet, par l’événement du partage, tombe dans le lot des héritiers du testateur ; si l’effet ne tombe point dans le lot de ces héritiers, le légataire a la récompense de la valeur totale de l’effet légué, sur la part, dans la communauté, des héritiers de l’époux testateur et sur les biens personnels de ce dernier ». Les dispositions prévues à l’article 1423 du Code civil relèvent de la gestion concurrente des époux mariés le régime légal de la communauté réduite aux acquêts. Autant le caractère discrétionnaire de la révocation est une des manifestations du principe de liberté testamentaire, de même on retrouve ce principe aux termes de l’article 1423 du Code civil. Cependant, le testament-partage produit effet au jour du décès du testateur ce qui complique sérieusement la composition des legs. Voilà pourquoi la jurisprudence n’a de cesse de rappeler que les enfants étaient déjà saisis comme héritiers de leur ascendant prédécédé, l’ascendant ne peut non plus, inclure dans un testament-partage les biens dont il n’a pas la propriété et la libre disposition, ce qui est le cas des biens dépendant de la communauté dissoute mais non encore partagée ayant existé entre lui et son conjoint prédécédé.
7. Interprétation de l’article 1423 du Code civil. Selon l’opinion de la doctrine, « la modification apportée au texte en 2006 aboutit à ce que la qualité de légataire et non d’héritier des bénéficiaires soit clairement affirmée. Du même coup, le testament-partage retrouve, comme le possédait depuis toujours la donation-partage, le caractère de véritable libéralité. Simplement, on continue à récuser, dans ce cas particulier, l’option généralement reconnue à tout légataire, lequel peut refuser d’accepter son legs pour réclamer les droits que la loi lui reconnaît (limités évidemment à sa réserve) et, par conséquent, l’attribution d’autres biens que ceux que le testament lui offrait »8. On comprend que depuis un arrêt rendu par la Cour de cassation celle-ci ait jugé que « les dispositions de l’article 1423 du Code civil ne peuvent s’appliquer qu’aux légataires et non aux héritiers dont les parts doivent être déterminées au moment même du décès de l’ascendant et ne sauraient être subordonnées au résultat futur et incertain du partage ultérieur de la communauté ». En l’espèce, la haute juridiction estime que si les ascendants peuvent partager, par anticipation, leur succession, cette faculté est limitée aux biens dont chacun d’eux a la propriété et la libre disposition et ne peut être étendue aux biens communs ni aux biens propres de leur époux. Dans son ensemble, la doctrine avait regretté que l’on mette sur le même plan le testament-partage et le testament ordinaire9. En l’espèce, la Cour de cassation approuve les juges du fond en considérant que la cour d’appel en a exactement déduit que ces actes étaient entachés de nullité en leur totalité.
II – Sanction du testament-partage incluant des biens communs
8. Entre nullité et confirmation. Pour la haute juridiction, la cour d’appel a exactement déduit que les testaments-partages étaient entachés de nullité en leur totalité (A). Cela étant, la confirmation de la nullité relative des testaments-partages demeure possible (B).
A – Action et prescription de l’action en nullité du testament-partage
9. Une jurisprudence rigoureuse. Depuis une jurisprudence séculaire et inflexible de la Cour de cassation aux termes de laquelle les testaments-partages lorsqu’ils ont pour objet des biens de communauté encourent la nullité10. Récemment la Cour de cassation a jugé en ce sens en décidant : « Mais attendu, d’abord, que si les ascendants ont la faculté de faire, par anticipation, le partage de leur succession, cette faculté est limitée aux biens dont chacun d’eux a la propriété et la libre disposition et ne peut être étendue aux biens communs ; qu’ensuite, les dispositions de l’article 1423 du Code civil ne peuvent s’appliquer qu’aux légataires et non aux héritiers dont les parts doivent être déterminées au moment même du décès de l’ascendant et ne sauraient être subordonnées au résultat futur et incertain du partage ultérieur de la communauté ; que c’est donc à bon droit que la cour d’appel a déclaré nuls les testaments litigieux »11. Au cas d’espèce, la réponse de la Cour de cassation répond à l’argument de manière elliptique en retenant que les actes litigieux s’analysaient en des testaments-partages et constaté que ceux-ci portaient sur la totalité des biens dépendant de la communauté, outre, s’agissant des testaments de Christian X., sur des biens immobiliers appartenant en propre à son épouse, la cour d’appel en a exactement déduit que ces actes étaient entachés de nullité en leur totalité.
10. Nullité relative. Telles qu’interprétées de façon constante par la jurisprudence de la Cour de cassation, en ce que la nullité encourue par le testament-partage ne peut être invoquée que par ceux dont les intérêts particuliers ont été atteints. Plus récemment, la Cour de cassation a retenu « que, pour infirmer le jugement et écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale invoquée par Mme Jeanine X., l’arrêt attaqué énonce que l’article 1304 du Code civil n’est pas applicable à l’action en nullité d’un testament-partage, laquelle est soumise à la prescription trentenaire ; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a, par refus d’application du premier et fausse application du second, violé les textes susvisés ; Par ces motifs, casse et annule »12.
11. Prescription quinquennale. Selon l’arrêt rendu en date du 3 février 201013, il était soutenu par les demandeurs au pourvoi que l’article 1304 du Code civil qui dispose que dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans, n’est pas applicable à l’action en nullité d’un testament partage, laquelle est soumise à la prescription trentenaire. Cet argument ne convainc pas la haute juridiction qui estime que la prescription est d’une durée de cinq ans. Force est de constater que cette jurisprudence est applicable par analogie à l’arrêt rapporté. Il s’ensuit que la nullité encourue était donc une nullité relative de protection d’intérêts privés soumise à la prescription quinquennale.
B – Confirmation de la nullité relative du testament-partage
12. Confirmation, ratification et régularisation. Comme l’indique la doctrine dominante, « la ratification a posteriori opère ab initio alors que la confirmation sauve un acte infecté de nullité »14. Force est d’observer que la notion de confirmation doit être distinguée également de celle de régularisation. Selon les auteurs, la notion de régularisation est « le procédé qui consiste à valider un acte initialement nul en lui apportant l’élément qui lui fait défaut »15.
13. La confirmation sauve le testament-partage incluant des biens communs ou post-indivisaire. L’usage de la technique juridique de la confirmation d’un testament-partage nul permet au conjoint du testateur et les héritiers de ce dernier, dont les intérêts successoraux ont été atteints d’invoquer la nullité relative16 de cette liberté-partage. Pour autant, M. Sauvage souligne que « l’action en nullité permet de conforter le partage imposé par le de cujus, au même titre que la régularisation ultérieure d’un partage de communauté aux termes duquel le testateur serait alloti des biens objet du testament-partage »17.
14. Les risques d’une mauvaise rédaction du testament-partage. De ce point de vue, l’arrêt rapporté démontre, si besoin était, que le testament-partage est un acte présentant l’avantage incontestable par rapport au testament ordinaire d’imposer des legs d’attribution car les héritiers ne peuvent contester la répartition des lots18, ce que leur aurait toujours permis de faire un testament ordinaire19. Néanmoins, le testament-partage est susceptible d’annulation lorsque le testateur inclut des biens dépendant de la communauté.
Notes de bas de pages
-
1.
Beignier B. et a., Règles de fond : application des règles générales à toute libéralité-partage, Le Lamy Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, art. 365-69, mise à jour : juin 2014.
-
2.
Peterka N., art. 843 à 857, Fasc. unique : Successions. – Rapport des libéralités. – Généralités et domaine d’application, n° 18, JCl. Code, art. 843 à 857, JCl Civil Code, mise à jour : 15 sept. 2015.
-
3.
Grimaldi M., n° 411-33, Qualité des copartagés 2018-2019, Dalloz action Droit patrimonial de la famille.
-
4.
Le Douaron C., Testament-partage et indivision post-communautaire, Dalloz actualités, 11 janv. 2010.
-
5.
Sauvage F., Libéralités-partages, n° 177, Rép. civ. Dalloz, sept. 2009 (actualisation : oct. 2018).
-
6.
Sauvage F., Libéralités-partages, n° 177, Rép. civ. Dalloz, sept. 2009 (actualisation oct. 2018, op cit, passim).
-
7.
Cass. 1re civ., 9 déc. 2009, n° 08-18677, arrêt n° 1230.
-
8.
Beignier B. et a., Du changement dans la continuité, Le Lamy Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, art. n° 365-67, mise à jour : juin 2014.
-
9.
Vareille B. Régimes de communauté : le testament-partage ne peut porter sur des biens de communauté, C. civ., art. 1423, al. 2, lui étant inapplicable : RTD civ. 2001, p. 648.
-
10.
Sauvage F., « La sanction du testament-partage de biens communs est la nullité relative », RJPF 2010/4.
-
11.
Cass. 1re civ., 6 mars 2001, n° 99-11308.
-
12.
Cass. 1re civ., 3 févr. 2010, n° 08-18196, arrêt n° 123.
-
13.
Cass. 1re civ., 3 févr. 2010, n° 08-18196, arrêt n° 123.
-
14.
Le Tourneau P., Le Mandat, n° 371, Rép. civ. Dalloz.
-
15.
Terré F., Simler P. et Lequette Y., Droit civil. Les obligations, Dalloz, 10e éd., 2009, n 398. Fages B.et a. n° 1632 Confirmation et notions voisines, Le Lamy Droit du Contrat.
-
16.
Sauvage F., « La sanction du testament-partage de biens communs est la nullité relative », RJPF, 2010/4, op. cit.
-
17.
Sauvage F., « La sanction du testament-partage de biens communs est la nullité relative », RJPF, 2010/4, op. cit.
-
18.
Le testateur peut stipuler à sa guise une clause pénale dissuadant les héritiers de contester la répartition des lots sous peine d’être privé de leur quotité disponible et non pas de leur réserve successorale.
-
19.
Beignier B. et a. Conclusion : un acte d’une utilité incertaine. Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, Le Lamy Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, art. n° 365-91, Mise à jour : juin 2014.