Le devoir de mettre en garde la caution après la réforme du droit des sûretés
L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a consacré à l’article 2299 du Code civil le devoir, à la charge d’un créancier professionnel, de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur est inadapté aux capacités financières de ce dernier. Ce texte soulève nombre d’interrogations quant à la permanence des solutions dégagées jusqu’alors par la jurisprudence, qu’il s’agisse notamment de l’appréciation du préjudice subi par la caution, de l’extension de ce devoir à celles de ces cautions qui seraient averties ou de sa limitation à l’hypothèse d’un engagement inadapté du débiteur alors que la jurisprudence l’étendait à l’engagement du garant inadapté à ses propres capacités financières.
Le devoir de mettre en garde la caution a une origine prétorienne, la Cour de cassation l’ayant imposé au créancier professionnel au profit de la caution « non avertie » dans deux hypothèses : celle où l’engagement du garant n’était pas adapté à ses propres capacités financières ; celle où l’engagement du débiteur principal apparaissait comme inadapté aux capacités financières de ce dernier. Le manquement à ce devoir justifiait, selon la jurisprudence développée, la mise en jeu de la responsabilité civile du créancier, ce dernier devant indemniser la caution de la chance perdue de ne pas contracter si elle avait été mieux éclairée. L’argument d’un défaut de mise en garde s’est largement développé au fil du temps, s’articulant dans la pratique avec l’exigence légale de proportionnalité imposée aux créanciers professionnels au profit des cautions personnes physiques1. L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés2 a partiellement consacré ce devoir de mise en garde à l’article 2299 du Code civil3 dont il nous paraît nécessaire de rappeler les dispositions : « Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. À défaut le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci ». Cette rédaction invite à une première remarque : le manquement au devoir de mise en garde n’est plus sanctionné par la responsabilité civile du créancier mais par la déchéance de son droit, ce qui entraîne une conséquence au niveau de la prescription qui jusqu’à présent commençait à courir au jour de la mise en demeure adressée à la caution puisque c’est avec cet acte que celle-ci prenait connaissance de la mise en exécution de son engagement en raison de la défaillance du débiteur principal4. La déchéance constitue quant à elle une défense au fond qui échappe à la prescription5.
Au-delà de cette remarque, la rédaction du nouvel article 2299 du Code civil suscite certaines interrogations quant à la permanence de solutions antérieurement dégagées par la jurisprudence. La première tient à la nature du préjudice visé par ce texte. En l’absence de précision, on peut penser qu’il s’agit de réparer la chance perdue par la caution de ne pas contracter si elle avait été mieux éclairée, ce qui invite à déterminer les critères d’évaluation de ce préjudice. La seconde porte sur l’objet même du devoir de mise en garde. Le texte nouvellement adopté ne vise que l’hypothèse d’un engagement inadapté aux capacités financières du débiteur principal. Cette rédaction écarte-t-elle pour autant la possibilité, jusqu’alors offerte à la caution non avertie, d’invoquer le droit commun de la responsabilité civile pour se plaindre d’un défaut de mise en garde contre le caractère inadapté de son engagement à ses propres capacités financières ? On s’interrogera enfin sur le champ d’application de ce texte quant à ses bénéficiaires. Il y a ici deux certitudes : la limitation du devoir de mise en garde aux seules personnes physiques et la possibilité pour la caution réelle de s’en prévaloir6. En revanche, l’article 2299 du Code civil ne reprend pas la différence prétorienne créée entre la caution avertie et celle qui ne le serait pas à laquelle la jurisprudence avait réservé le bénéfice du devoir de mise en garde. Cette distinction peut-elle rejaillir lorsqu’il s’agira de s’interroger sur l’attitude qu’aurait eue la caution déjà avertie si elle avait été mise en garde par le créancier ? Ce sont ces différents points que la présente étude propose de développer successivement.
I – Le préjudice visé par l’article 2299 du Code civil ?
Jusqu’alors, l’action en responsabilité visait à réparer la chance perdue par la caution de ne pas contracter.
Dans le cadre des cautionnements de dettes professionnelles, la référence à la perte de chance évitait le jeu de l’article L. 650-1 du Code de commerce7. Selon ce texte : lorsqu’une procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables du « fait des concours consentis » sauf fraude, immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Si cette responsabilité est retenue, les garanties prises en contrepartie des concours peuvent être réduites ou annulées par le juge. Pour la Cour de cassation, l’article L. 650-1 n’empêche pas de mettre en jeu la responsabilité du créancier qui a manqué à son devoir de mise en garde car il ne s’agit pas d’obtenir réparation des préjudices subis « du fait des concours consentis », hypothèse visée à l’article, mais de réparer la perte de chance de ne pas contracter. Si l’on considère que l’article 2299, dans sa rédaction issue de la réforme du droit des sûretés, ne prévoit pas une action en responsabilité, il n’y a aucune raison d’appliquer davantage l’article L. 650-1 du Code de commerce à cette situation.
Quant à l’évaluation du préjudice, quelques rappels s’imposent.
D’abord, la référence à la perte de chance de ne pas contracter interdit au juge de fixer le montant du préjudice à la totalité de la somme due par la caution8, même si la Cour de cassation a validé une réparation à hauteur d’1 € en dessous de celle-ci9. Inversement, la reconnaissance du devoir de mise en garde interdit de considérer comme nulle la perte de chance subie, sous prétexte qu’alertée du risque, la caution n’aurait pas agi autrement, compte tenu de la nécessité du prêt garanti pour la société qu’elle dirigeait10. Autrement dit, le manquement à un devoir de mise en garde entraîne une perte de chance de ne pas contracter qui doit être évaluée à une somme supérieure à zéro tout en restant inférieure au montant de son obligation de règlement.
À quel montant fixer dès lors ce préjudice ? La question relève de l’appréciation des juges du fond qui disposent ici d’une grande liberté dans la fourchette indiquée. Il faut évidemment s’entendre sur la notion même de perte de chance. D’origine prétorienne, celle-ci est définie de manière traditionnelle, comme la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. La Cour de cassation admet son indemnisation même si elle est infime pourvu qu’elle soit réelle11. Dans la pratique se pose nécessairement la question des critères d’appréciation du caractère sérieux de la chance perdue, ce qui invite au cas par cas à s’interroger sur le comportement qu’aurait eu la caution si elle avait été mise en garde contre le risque d’inadaptation de l’engagement du débiteur principal à ses capacités financières. Plusieurs critères peuvent être suggérés. On peut distinguer ceux qui seraient « objectifs » de ceux qui seraient « subjectifs ».
Parmi les critères objectifs on pense à la capacité de la caution à subir des pertes. Si l’article 2299 du Code civil n’y fait pas référence, on ne peut totalement écarter que la capacité financière du garant à exécuter son engagement constitue un élément d’évaluation de sa chance perdue de ne pas contracter.
Il faut aussi s’interroger sur le rôle à accorder au risque de défaillance du débiteur principal, notamment évalué en fonction des chances de réussite de l’entreprise cautionnée. On doit avouer que la notion d’engagement inadapté aux capacités financières du débiteur peut être diversement appréciée. On peut la réserver à l’hypothèse où, au moment de la conclusion de la sûreté, existait une certitude ou une forte probabilité de défaillance du débiteur principal, ce qui conduit à refuser tout devoir de mise en garde dans les autres cas12. Selon cette analyse, cette probabilité de défaillance n’est pas simplement un élément d’appréciation de la perte de chance, mais une condition même de l’existence du devoir de mise en garde. Jusqu’à récemment, cette position était sans contestation celle de la Cour de cassation. À titre d’exemple, sa première chambre civile par un arrêt du 19 mai 2021 avait clairement affirmé que ce devoir, en l’absence d’inadaptation de l’engagement de la caution à ses capacités financières, n’existait que dans l’hypothèse d’« un risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt garanti »13.
Certaines juridictions du fond ne partagent pas cette position et considèrent que la probabilité de réussite de l’affaire financée, sans écarter ce devoir, apparaît comme un élément permettant d’évaluer la perte de chance subie par la caution de ne pas contracter. Le préjudice en résultant est alors plus ou moins faible selon les capacités du débiteur principal à exécuter ses obligations. Cette analyse semble avoir trouvé un écho avec un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 septembre 202114. Dans l’espèce qui l’a suscité, la caution s’était engagée à garantir le crédit accordé à son épouse pour l’achat d’un fonds de commerce de restauration. La cour d’appel avait relevé que les informations qui auraient pu être communiquées au garant étaient encourageantes car fondées sur une exploitation saine, les résultats comptables justifiaient « un prévisionnel sérieux et raisonnable permettant à la fois le service du prêt et le dégagement d’une marge dès le départ viable » ; l’épouse avait de bonnes bases de gestion et était excellente cuisinière, la cour soulignant que l’affaire était dotée d’un fort potentiel et que le couple jouissait d’une situation matérielle confortable, ce qui laissait entendre que la caution pouvait s’autoriser à prendre le risque généré par la garantie sollicitée. La cour en a conclu qu’il était peu probable dans ces conditions que le projet n’ait pas eu l’assentiment du garant pour considérer que la perte de chance de ne pas contracter, faute de mise en garde, était minime15.
Une analyse voisine peut être réalisée à propos du cautionnement des prêts étudiants où le risque de défaillance du débiteur principal semble être mesuré en fonction des débouchés et de la rémunération qu’il peut attendre de la formation financée : la chance perdue par la caution de ne pas s’engager est alors évaluée à un niveau élevé lorsque cette formation ne permettait pas de s’assurer de perspectives raisonnables d’un emploi suffisamment rémunérateur à l’exécution de ses obligations par l’emprunteur16 ; au contraire, la valeur accordée au diplôme sur le marché du travail est de nature à limiter cette perte de chance dans l’hypothèse inverse17.
Au-delà de ce premier critère, il faut aussi prendre en compte la nécessité du crédit pour l’opération financée ainsi que la possibilité de l’obtenir sans l’engagement de la caution. Ainsi, la chance perdue sera faible lorsqu’en l’absence de cette sûreté le prêt n’aurait pas été accordé18 ce qui, à titre d’exemple, peut être le cas si ce crédit était affecté au financement du droit au bail nécessaire à l’exercice d’une activité nouvellement créée19 ou lorsqu’un étudiant n’aurait pas pu achever sa formation sans le financement bancaire contesté20. La possibilité de garanties alternatives au cautionnement est parfois prise en considération. Ainsi la perte de chance sera-t-elle faible lorsqu’aucune pièce ne démontre que la caution était en mesure de proposer, sur ses biens professionnels, une garantie susceptible d’être acceptée par la banque21. En sens inverse, la chance perdue sera considérée comme plus importante lorsque le créancier bénéficie déjà de sûretés habituellement considérées comme suffisantes, surtout si le cautionnement ne constituait pas une garantie significative du fait de l’insolvabilité de son auteur22.
Parmi les éléments subjectifs, on peut tenir compte de l’intérêt personnel de la caution à prendre cet engagement ce qui invite à considérer que le garant totalement étranger à l’affaire cautionnée aurait plus facilement renoncé à contracter s’il avait été mis en garde. Inversement, on peut penser que celui qui entendait tirer profit de l’activité financée aurait davantage hésité à ne pas s’engager. Ainsi peut-il être souligné que le garant en sa qualité de gérant entendait tirer l’ensemble de ses revenus de l’exploitation de la société emprunteuse23, surtout si les potentialités de celle-ci lui laissaient espérer une rémunération nettement supérieure à celle perçue antérieurement24. L’intérêt du conjoint est également pris en considération. À titre d’exemple, la cour d’appel de Reims a fixé le préjudice de perte de chance à hauteur de 50 % de la somme due au créancier25 après avoir souligné que la caution était l’épouse du dirigeant de la société débitrice dont elle était associée tout en participant à son activité.
En dehors des intérêts financiers de la caution à garantir le prêt consenti, ce sont les sentiments d’affection qui peuvent être pris en compte. Ainsi la cour d’appel de Nîmes a-t-elle souligné que la caution avait épousé le débiteur principal peu de temps après la conclusion de la sûreté, de sorte qu’il était peu probable que, mise en garde, elle ait refusé de le soutenir financièrement dans son projet de création d’entreprise26. Le souhait de venir en aide à ses enfants peut aussi justifier la faible chance perdue par les cautions de renoncer à contracter si elles avaient été mieux alertées du risque qu’elles encouraient. On citera à ce propos un arrêt de la cour d’appel de Versailles tenant compte de la « forte implication des cautions pour soutenir le projet de leur fils » : la cour en concluait que la chance perdue qu’elles ne garantissent pas les prêts conclus par ce dernier était faible27. On retrouve cette même approche dans un arrêt de la cour d’appel de Pau décidant que, compte tenu du contexte familial et de la volonté de donner à sa fille et à son gendre, tous deux sans emploi, les moyens de s’assurer une situation professionnelle et des revenus, les chances perdues par la caution de ne pas contracter étaient « relativement peu nombreuses »28.
Au-delà des critères permettant de définir le préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter, l’article 2299 nouveau du Code civil soulève la question de la possibilité, pour la caution, de continuer à se prévaloir des solutions prétoriennes permettant de mettre en jeu la responsabilité civile du créancier qui ne l’aurait pas mise en garde contre l’inadaptation de son engagement à ses propres capacités financières.
II – L’adoption de l’article 2299 du Code civil écarte-t-elle la possibilité d’invoquer tout devoir de mettre en garde la caution lorsque son propre engagement n’est pas adapté à ses capacités financières ?
Il existe des situations où, sans correspondre à la disproportion manifeste désormais sanctionnée par l’article 2300 du Code civil, l’engagement de la caution n’en est pas moins inadapté à ses capacités financières. Antérieurement à la réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la Cour de cassation avait admis dans cette hypothèse la possibilité pour la caution non avertie d’invoquer le manquement du créancier à son devoir de mise en garde29. Cherchant à clairement distinguer l’exigence d’un engagement proportionné aux revenus et patrimoine de la caution du devoir de mise en garde, les promoteurs de la réforme ont souhaité contingenter ce dernier à l’hypothèse d’un engagement inadapté aux capacités financières du débiteur principal30. On peut toutefois s’interroger sur une éventuelle tentation des juges à maintenir la jurisprudence antérieurement développée sur la base du droit commun de la responsabilité civile. Cette possibilité n’est pas à négliger si l’on prend en considération la position de certaines juridictions du fond qui continuent à appliquer les solutions prétoriennes relatives au devoir de mise en garde dans le cadre des crédits à la consommation31, alors même qu’en l’absence de leur consécration par la loi Lagarde32, on aurait pu plaider pour leur abandon33.
Une interrogation similaire peut naître de la détermination du champ d’application de l’article 2299 du Code civil quant à ses bénéficiaires.
III – Quelles sont les cautions bénéficiaires du devoir de mise en garde imposé par l’article 2299 du Code civil ?
Il convient tout d’abord de rappeler que la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 2299 du Code civil n’opérait pas de distinction selon que la caution était une personne morale34 ou une personne physique. L’article 2299 réserve le bénéfice du devoir de mise en garde à cette dernière. On ne peut là encore écarter la possibilité pour les personnes morales de continuer à se prévaloir des solutions antérieurement développées sur la base du droit commun de la responsabilité civile.
Qu’en est-il de l’application de l’article 2299 à la caution réelle ? Le refus par la Cour de cassation d’appliquer le devoir de mise en garde à cette dernière avait été justifié par la nature même de cette garantie : en l’absence d’engagement personnel, elle n’était pas un cautionnement ; sûreté réelle, elle était nécessairement limitée au bien qui en était l’objet, ce qui l’empêchait d’être inadaptée aux capacités financières du constituant ou aux risques d’endettement liés à l’octroi du crédit35. Cette position était critiquée car, quand bien même l’engagement du garant était-il adapté à ses capacités financières, il pouvait y avoir des situations où, faute d’avoir les compétences suffisantes, le constituant pouvait ne pas mesurer la portée du risque lié à la défaillance du débiteur. Désormais, l’alinéa 2 de l’article 2325 du Code civil opère un renvoi à l’article 2299 ce qui étend le bénéfice de sa protection à la caution réelle.
Si ces points semblent acquis, l’absence de distinction par ce dernier texte entre la caution avertie et celle qui ne l’est pas mérite réflexion.
Le bénéfice du devoir prétorien de mise en garde était limité aux cautions non averties, qualités appréciées en fonction des compétences et de l’expérience de celui qui s’en prévalait. La Cour de cassation imposait aux juges de fond de justifier la qualification retenue36. Le nouvel article 2299 ne reprend pas cette distinction. Quelle conclusion en tirer ? Plusieurs analyses semblent possibles. On peut d’abord rappeler qu’en l’absence d’exécution de son devoir de mise en garde, le créancier professionnel sera déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci. On devrait alors se demander quelle chance aura perdu d’agir autrement la caution déjà avertie et donc pleinement consciente des risques résultant de son engagement. Une telle analyse inviterait à réserver le bénéfice de l’article 2299 du Code civil aux seules cautions non averties.
Une seconde position reste évidemment possible : considérer que l’objectif du texte est d’instituer une présomption irréfragable selon laquelle toute personne physique serait nécessairement non avertie ce qui pourrait justifier la rédaction de l’article 2299 du Code civil. La présentation du rapport sur l’ordonnance du 15 septembre 2021 au président de la République peut inviter à cette solution, si l’on prend en considération le souci affiché de cohérence entre les différentes dispositions protégeant la personne physique se portant caution. Le juge devrait alors simplement mesurer la perte de chance en se fondant sur les critères précédemment développés.
Il y a sans doute une troisième voie qui consisterait à prendre le degré de connaissance et d’expérience de la caution, non pas pour écarter ou non le devoir de mise en garde, mais pour mesurer la chance perdue par ce garant de ne pas contracter. Une telle position permettrait d’offrir un maximum de souplesse en fonction de chaque situation, quitte à évaluer la perte de chance à une somme symbolique dans l’hypothèse où la caution apparaîtrait déjà pleinement en mesure d’apprécier la portée de son engagement sans mise en garde particulière.
Ainsi, alors qu’un des objectifs de la réforme était de rendre plus lisible le régime du cautionnement, la jurisprudence devra encore préciser celui applicable au devoir de mise en garde, lequel est loin d’être clarifié.
Notes de bas de pages
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1.
Pour rappel, les articles L. 314-18 et L. 332-1 du Code de la consommation permettaient jusqu’à leur abrogation par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 à la caution personne physique d’être déchargée en cas d’engagement disproportionné à ses « biens et revenus ».
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2.
Ord. n° 2021-1192, 15 sept. 2021. Cette disposition est applicable aux cautionnements conclus depuis le 1er janvier 2022.
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3.
D. Legeais, « Le devoir de mise en garde de la caution : de la consécration jurisprudentielle à la consécration légale », RD bancaire et fin. 2002, dossier 5.
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4.
Cass. com., 13 déc. 2016, n° 14-28097, D.
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5.
Cass. com., 6 juin 2018, n° 17-10103 : Bull. civ. IV, n° 67.
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6.
C. civ., art. 2325, al. 2.
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7.
Cass. com., 12 juill. 2017, n° 16-10793 : BJS nov. 2017, n° BJS117a2, note M. Roussille ; GPL 10 oct. 2017, n° GPL304v9, note J. Lasserre-Capdeville ; GPL 14 nov. 2017, n° GPL306z0, note S. Moreil ; RDC déc. 2017, n° RDC114r3, note G. Viney ; JCP E 2017, 1603, note S. Zinty ; D. 2017, p. 2020, note J. Lasserre-Capdeville ; D. 2017, p. 2328, note A.-C. Le Bras – Cass. com., 20 juin 2018, n° 16-27693 : Bull. civ. IV, n° 72 ; Rev. sociétés 2018, p. 541, note F. Reille.
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8.
Cass. com., 20 oct. 2009, n° 08-20274 : Bull. civ. IV, n° 127 ; JCP E 2009, 2053, obs. D. Legeais – Cass. com., 24 nov. 2021, n° 19-25195 : LEDB janv. 2022, n° DBA200m9, obs. M. Mignot ; GPL 22 févr. 2022, n° GPL432j1, note S. Piedelièvre ; BJS mars 2022, n° BJS200v2, note J.-J. Ansault.
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9.
Cass. com., 8 nov. 2011, n° 10-23662 : RD bancaire et fin. 2012 comm. 13, obs. D. Legeais.
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10.
Cass. com., 9 mars 2022, n° 20-10678, D.
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11.
M. Nussenbaum, « La perte de chance ou la question des aléas », Contrats, conc. consom. 2019, comm. 10.
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12.
CA Caen, 2e ch. civ. et com., 7 avr. 2022, n° 20/02805, D – CA Douai, 2e ch., 2e sect., 13 sept. 2018, n° 16/04128 et CA Douai, 27 juin 2019, n° 19/06801, D – CA Bastia, ch. civ., 2e sect., 2 févr. 2022, n° 20/00447, D – Cass. com., 9 mars 2022, n° 20-16277, P – CA Chambéry, 2e ch., 31 mars 2022, n° 20/00833, D (l’arrêt souligne que le fonds exploité bénéficiait de facilités de stationnement de nature à drainer la clientèle, que les premiers concurrents sont à 2 km, que l’activité est prometteuse et les investissements raisonnables).
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13.
Cass. 1re civ., 19 mai 2021, n° 19-20568, D. V. également pour un arrêt plus ancien, Cass. 1re civ., 24 mai 2017, n° 16-14962 (la haute juridiction reprochant aux juges du fond de ne pas avoir pris en considération le patrimoine immobilier des emprunteurs).
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14.
Cass. com., 8 sept. 2021, n° 19-20497 : RD bancaire et fin. 2021, comm. 151, obs. D. Legeais. V. également CA Douai, 2e ch., 2e sect., 17 janv. 2013, n° 12/03196, D, rendu sur renvoi Cass. com., 30 nov. 2010, n° 10-30274, D.
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15.
Dans cette affaire, le préjudice résultant de la perte de chance a été évalué à 10 000 € alors que la dette due par la caution était de 120 000 €.
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16.
CA Douai, 8e ch., 1re sect., 14 mai 2020, n° 18/00807, D : en l’occurrence d’un CAP de coiffeur, alors que l’emprunteur avait déjà échoué à un autre CAP.
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17.
CA Orléans, ch. com. éco. et fin., 29 juin 2017, n° 16/02815, D (étude dans une école hôtelière « prestigieuse ») – CA Douai, 8e ch., 1re sect., 31 mars 2022, n° 19/04123, D (études d’économie-gestion-droit).
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18.
CA Montpellier, 1re ch., sect. B, 20 sept. 2017, n° 14/07067, D.
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19.
Cass. com., 9 mars 2022, n° 20-10678.
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20.
CA Orléans, 29 juin 2017, n° 16/02815. Comp. avec l’évaluation du préjudice subi par l’emprunteur victime d’un défaut de mise en garde, Cass. com., 22 mars 2017, n° 15-22281.
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21.
CA Caen, 2e ch. civ. et com., 9 juin 2016, n° 14/03819, D (perte de chance évaluée à 10 % des sommes restant dues par le débiteur principal).
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22.
CA Poitiers, 2e ch., 23 nov. 2010, n° 09/02399, D (le prêt étant en outre garanti par un privilège de prêteur de deniers de 1er rang et un cautionnement mutuel, le préjudice de la caution personne physique a été évalué à 50 % de la somme due au créancier).
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23.
CA Montpellier, 1re ch., sect. B, 20 sept. 2017, n° 14/07067, D (préjudice évalué à 3 000 € sur une somme de 40 069 € due au moment de la défaillance du débiteur).
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24.
CA Douai, 2e ch., 2e sect., 17 janv. 2013, n° 12/03196, D, rendu sur renvoi Cass. com., 30 nov. 2010, n° 10-30274 (préjudice évalué à 30 % de la somme due au titre du cautionnement).
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25.
CA Reims, 1re ch. civ., 8 nov. 2010, n° 05/00929, D.
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26.
CA Nîmes, 4e ch., 22 oct. 2020, n° 18/03332, D (préjudice évalué à 5 000 € alors que la somme due par le débiteur principal avoisinait les 30 000 €).
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27.
CA Versailles, 16e ch., 17 mars 2022, n° 20/06422, D.
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28.
CA Pau, 2e ch., 1re sect., 16 déc. 2014, n° 13/04358 (en l’espèce la cour a fixé le montant de la réparation à hauteur de 80 000 € sur 164 069 € dus au créancier).
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29.
Cass. com., 3 nov. 2015, n° 14-17727 : D. 2016, p. 1955, obs. P. Crocq ; GPL 8 mars 2016, n° GPL259n9, note M. Bourassin – Cass. com., 1er juill. 2020, n° 18-24435 : AJ Contrat 2020, p. 572.
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30.
Rapport au président de la République de l’ordonnance n° 2021-1192 portant réforme du droit des sûretés.
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31.
CA Paris, 9e ch., pôle 4, 15 déc. 2016, n° 15/01162 – CA Paris, 26 oct. 2017, n° 16/05120 – CA Amiens, 1re ch., 15 juin 2017, n° 15/04313.
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32.
L. n° 2010-737, 1er juill. 2010, portant réforme du crédit à la consommation.
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33.
CA Nancy, 2e ch. civ., 18 juin 2015, n° 14/01753 : RTD com. 2015, p. 573, obs. D. Legeais.
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34.
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 4 avr. 2022, n° 19/03022, D.
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35.
Cass. com., 24 mars 2009, n° 08-13034 : Bull. civ. IV, n° 43 ; JCP E 2009, 1399, note D. Legeais ; RD bancaire et fin. 2009, comm. 83, note D. Legeais ; Procédures 2009, comm. 161, note H. Croze ; JCP G 2009, I 150, et JCP E 2009, 1644, obs. P. Simler et P. Delebecque.
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36.
Cass. com., 7 sept. 2010, n° 08-20853, D – Cass. com., 30 nov. 2010, n° 10-30274 : RD bancaire et fin. 2011, comm. 12, obs. D. Legeais.
Référence : AJU005b7