Chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel (1er semestre 2018) (3e partie)
La chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel est ouverte à l’ensemble des décisions susceptibles d’intéresser le droit constitutionnel dans sa dimension contentieuse considérée de la manière la plus large. C’est ainsi que le contentieux électoral est intégré dans la présente chronique qui est divisée en quatre parties correspondant aux thèmes principaux du droit constitutionnel contemporain qui intègre aussi bien les questions institutionnelles que les problèmes de hiérarchie des normes et la place des droits et libertés.
La chronique présentée ci-dessous couvre le premier semestre de l’année 2018.
Au cours de ce semestre, le Conseil a eu l’occasion de rendre une décision, n° 2017-681 R QPC du 16 février 2018, Sté Norbail-Immobilier, relative à une rectification d’erreur matérielle. La rectification d’erreur matérielle des décisions du Conseil est régie par l’article 13 du règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité : « Si le Conseil constitutionnel constate qu’une de ses décisions est entachée d’une erreur matérielle, il peut la rectifier d’office, après avoir provoqué les explications des parties et des autorités mentionnées à l’article 1er. Les parties et les autorités mentionnées à l’article 1er peuvent, dans les 20 jours de la publication de la décision au Journal officiel, saisir le Conseil constitutionnel d’une demande en rectification d’erreur matérielle d’une de ses décisions ».
La décision n° 2017-681 QPC du 15 décembre 2017, Société Marlin, avait jugé que la disposition contestée relative à l’exonération de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, était conforme à la constitution. L’entreprise Norbail-Immobilier était intervenue dans ce contentieux QPC. Si le conseil a bien admis la rectification d’erreur matérielle à propos de l’inversion des parties intervenantes au paragraphe 3 de la décision 681 QPC, il a considéré que la demande visant à faire réexaminer les motifs de sa décision parce que le conseil n’aurait pas répondu aux griefs invoqués du fait de cette inversion conduisait à une remise en cause de la décision du 15 décembre 2017 et a rejeté, pour cette raison, cette conclusion.
MV
I – Les institutions constitutionnelles
A – Les pouvoirs politiques : le pouvoir exécutif (…)
B – Les pouvoirs politiques : le Parlement et la procédure législative
1 – Les validations législatives (…)
2 – Le contrôle de la procédure législative
3 – La compétence et le domaine de la loi
C – Le pouvoir juridictionnel (…)
D – Le pouvoir financier
E – Les collectivités décentralisées
F – Droits électoraux, contentieux des élections et des référendums
II – Le procès constitutionnel
A – Les acteurs et les actes devant le Conseil constitutionnel
B – Les techniques contentieuses et la procédure
C – L’autorité et les effets des décisions du Conseil constitutionnel
III – Les normes de références
A – Les sources matérielles
1 – Les textes constitutionnels
2 – Les rapports de systèmes
B – Les droits et libertés
Mesures administratives de lutte contre le terrorisme (Déc. n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 M. Rouchdi B. et autre). La décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, M. Rouchdi B. et autre (Mesures administratives de lutte contre le terrorisme) précise les conditions dans lesquelles le législateur peut instituer des mesures administratives de contrôle et de surveillance, en vue de prévenir la commission d’acte de terrorisme.
La loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme visait à transposer dans le droit commun certaines mesures qui n’étaient autorisées que dans le cadre de l’état d’urgence, et ce, dans le but d’y mettre fin. Cette loi introduit dans le Code de la sécurité intérieure (CSI) de nombreuses mesures administratives, individuelles et collectives, de surveillance et de contrôle. L’état d’urgence a pris fin le 1er novembre 2017, mais de nombreuses mesures administratives restrictives de liberté lui survivront au moins jusqu’au 31 décembre 20201. Le Conseil ne fut pas saisi de cette loi dans le cadre de son contrôle a priori. Il connaît donc de ces dispositions dans le cadre de la QPC2. Dans la présente décision, il est saisi des dispositions du CSI relatives à diverses mesures administratives de lutte contre le terrorisme (§ 22) : l’instauration d’un périmètre de protection au sein duquel l’accès et la circulation des personnes sont réglementés (CSI, art. L. 226-1 et les articles s’y référant, § 1-4), la fermeture des lieux de cultes (CSI, art. L. 227-1, § 5), la définition des personnes pouvant faire l’objet de mesures individuelles de contrôle administratif ou de surveillance (CSI, art. L. 228-1, § 6), l’assignation à résidence (CSI, art. L. 228-3, § 7), l’interdiction d’avoir des relations avec des personnes déterminées (CSI, art. L. 228-5, § 11) et les visites et saisies de documents d’objets ou de données (CSI, art. L. 229-1 ; CSI, art. L. 229-2 ; al. 2 et 3 ; CSI, art. L. 229-4, I, al. 1er et CSI, art. L. 229-5, § 12-15). Il a estimé que, s’agissant des dispositions relatives à l’assignation à résidence, il n’y avait pas lieu à statuer (§ 23 et 24) étant donnée sa récente décision n° 2017-691 QPC du 16 février 2018, M. Farouk B. (mesure administrative d’assignation à résidence aux fins de lutte contre le terrorisme), relative à l’article L. 228-2 du CSI (v. L’autorité et les effets des décisions du Conseil constitutionnel et Sécurité et libertés).
L’ensemble de ces mesures relève de la police administrative, c’est-à-dire qu’elles sont prises en vue de prévenir les atteintes à l’ordre public, et en particulier de lutter contre le terrorisme. Ces mesures restrictives de liberté sont donc édictées hors de tout cas de pénal, alors même que leurs destinataires n’ont commis ou ne sont suspectés d’avoir commis aucune infraction. Les requérants faisaient valoir que les dispositions en cause portaient atteinte à la liberté d’aller et venir, au droit au respect de la vie privée, à l’inviolabilité du domicile, à la liberté religieuse, à la liberté d’expression et de communication, au droit d’expression collective des idées et des opinions, à la liberté d’association, au droit à un recours juridictionnel effectif, au droit à un procès équitable et aux droits de la défense (§ 16, 18-20). Elles seraient également entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant ces droits et libertés (§ 16, 18-20). En outre, le Conseil a relevé d’office des griefs contre deux mesures. D’une part, à l’encontre du dispositif d’instauration d’un périmètre de protection, il a relevé deux griefs ; l’un tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, l’autre de celle des exigences résultant de l’article 12 de la Déclaration de 1789 (§ 17). D’autre part, s’agissant de la saisie de documents et d’objets à l’occasion des visites, il a soulevé d’office le moyen tiré de la méconnaissance du droit de propriété (§ 21).
Des mesures similaires existaient dans le cadre de l’état d’urgence dont le Conseil avait eu à connaître dans le cadre de la QPC3. Néanmoins, l’appréciation du Conseil devait ici être différente car il ne s’agissait plus de mesures relatives à des circonstances exceptionnelles, mais de droit commun. Le commentaire autorisé de la décision précise qu’il s’agit de « règles spéciales de police administrative, exorbitantes du droit commun, dans la mesure où elles sont limitées à la prévention du terrorisme » (p. 3). Le Conseil semble ainsi considérer que de telles mesures de police ne sont conformes à la constitution qu’en raison de leur champ d’application restreint. Dans le cadre de la procédure pénale, le Conseil a déjà eu l’occasion de juger que les règles dérogatoires au droit commun qui « trouvent (…) leur justification dans les caractéristiques spécifiques du terrorisme ne sauraient, sans qu’il soit porté atteinte au principe d’égalité devant la justice, être étendues à des infractions qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques et qui ne sont pas nécessairement en relation » avec ces infractions4. De même, la possibilité de porter la durée totale de la garde à vue à six jours pour des crimes ou délits constituant des actes de terrorisme est considérée comme constitutionnelle notamment en raison du fait qu’« elle ne peut être mise en œuvre qu’à titre exceptionnel pour protéger la sécurité des personnes et des biens contre une menace terroriste imminente et précisément identifiée »5. En matière de police administrative, le Conseil a également admis l’accès administratif en temps réel aux données de connexion, notamment au motif qu’il « ne peut être mis en œuvre que pour les besoins de la prévention du terrorisme »6, et l’interdiction administrative de sortie du territoire pour le même motif7. S’agissant de la répression comme de la prévention des actes de terrorisme, le Conseil a donc un seuil d’exigence moindre concernant la protection des droits et libertés.
Quelles mesures le législateur peut-il autoriser l’autorité administrative à prendre, hors de circonstances exceptionnelles, pour prévenir le terrorisme ? De quelles garanties doivent être encadrés l’édiction et le renouvellement de ces mesures ?
Le Conseil répond partiellement à cette question dans la présente décision. S’agissant de mesures collectives, il admet à la fois la possibilité offerte au préfet d’instaurer un périmètre de protection et celle de fermer les lieux de culte. Concernant les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, après avoir admis les assignations administratives à résidence, dans la décision n° 2017-691 QPC du 16 février 2018, le Conseil valide l’essentiel des mesures de surveillance. D’abord, la définition des personnes susceptibles de faire l’objet de ces mesures est jugée satisfaisante. Ensuite, les interdictions de fréquentation sont également admises, mais les dispositions relatives aux recours contre ces mesures font l’objet d’une censure. Enfin, les visites et saisies sont acceptées, mais l’impossibilité d’obtenir restitution des objets et documents est censurée.
Dans cette décision, le Conseil admet donc que des mesures administratives collectives restrictives de liberté soient prises en vue de prévenir le terrorisme (I). Il en va de même des mesures individuelles de contrôle et de surveillance, sous réserve du respect des droits au recours et de propriété (II).
I. L’admission de mesures administratives collectives restrictives de liberté en vue de prévenir le terrorisme
Le Conseil autorise les fouilles et les palpations, y compris par des agents privés sur un périmètre déterminé (A) et estime que la fermeture administrative des lieux de culte ne méconnait ni la liberté de conscience, ni la laïcité (B).
A. L’autorisation de palpations et de fouilles notamment par des agents privés, dans un périmètre déterminé
L’article L. 226-1 du CSI autorise le représentant de l’État dans le département ou le préfet de police, à Paris, à « instituer un périmètre de protection au sein duquel l’accès et la circulation des personnes sont réglementés à des fins de sécurisation d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque terroriste ». Dans ce périmètre ou pour y accéder les personnes sont obligées « de se soumettre à des palpations de sécurité, à l’inspection visuelle ou à la fouille de leurs bagages et à la visite de leur véhicule » (§ 25). Si elles s’y refusent, elle se voient refuser l’accès au périmètre ou sont raccompagnées hors de ce périmètre. Comme le relève le commentaire autorisé, aucune sanction n’est néanmoins prévue dans le cas où des personnes violeraient cette interdiction (p. 6). Ces palpations et ces fouilles sont réalisées par des officiers de police judiciaire, des agents de police judiciaire ou des officiers de police municipale, mais elles peuvent également l’être par « des agents agréés exerçant une activité privée de sécurité » définie à l’article L. 611-1 CSI (§ 27). La requérante faisait grief à ces dispositions de ne pas comporter les garanties légales appropriées permettant d’assurer la garantie de la liberté d’aller et venir et du droit au respect de la vie privée, empêchant ainsi l’exercice d’un droit à un recours juridictionnel effectif. Le législateur aurait ainsi méconnu ces droits et libertés ainsi que sa propre compétence (§ 16). En outre, le Conseil avait relevé d’office le grief tiré de la méconnaissance de l’article 12 de la Déclaration de 1789 relatif à l’exercice par des personnes privées de compétences de police administrative générale et celui tiré du non-respect du principe d’égalité (§ 17). Le Conseil examine séparément les griefs relatifs à la délégation de compétences de police et ceux classiquement invoqués dans le cadre de fouilles.
S’agissant de la délégation de compétences de police à des personnes privées, le Conseil a développé une jurisprudence proche de celle du juge administratif interdisant de telles délégations. D’après la jurisprudence du Conseil d’État, les sociétés de surveillance et de gardiennage ne peuvent se voir confier des tâches de surveillance de la voie publique, car ces taches relèvent de la police municipale d’après la loi8. Le Conseil constitutionnel a estimé que cette interdiction, n’avait pas simplement un fondement législatif, mais trouvait sa source dans l’article 12 de la Déclaration de 1789 qui dispose que : « La garantie des droits de l’Homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Dans sa décision n° 2011-625, il a fondé sur cet article l’interdiction de déléguer « à une personne privée des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la “force publique” nécessaire à la garantie des droits »9. En 2003, le Conseil avait admis que des personnels de sécurité privés soient habilités à procéder à des opérations de contrôle, mais il avait expressément fondé son contrôle sur le respect de la liberté individuelle et non la question de la délégation de compétences de police administrative à des personnes privées10.
Dans la présente décision, le Conseil formule une claire exception à cette interdiction. Après l’avoir rappelé (§ 26), il estime que le législateur peut permettre « d’associer des personnes privées à l’exercice de missions de surveillance générale de la voie publique » à condition que ces personnes privées soient placées sous le contrôle de l’Administration, en l’occurrence sous l’autorité d’un officier de police judiciaire, et que les autorités publiques prennent des « dispositions afin de s’assurer que soit continûment garantie l’effectivité du contrôle » (§ 27). Le Conseil émet une réserve en ce sens. Il est donc possible d’imaginer que cette exigence soit prise en compte par le juge administratif dans le cadre de son contrôle de légalité de l’arrêté préfectoral établissant le périmètre de protection.
Si la délégation de compétences de police administrative à des personnes privées reste exclue dans le cadre de la jurisprudence constitutionnelle, le Conseil autorise néanmoins que ces personnes soient associées à l’exercice d’activité de police administrative, à condition qu’elles restent placées sous le contrôle d’agents publics.
L’essentiel de la jurisprudence constitutionnelle relative aux contrôles d’identité et fouilles de véhicules concerne des opérations menées dans le cadre de la répression des atteintes à l’ordre public. Le Conseil exige alors que ces opérations soient placées sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire11. Lorsqu’il s’agit de mesures de police administrative, hors circonstances exceptionnelles, le Conseil estime que « la pratique de contrôles d’identité généralisés et discrétionnaires » est inconstitutionnelle12. Il en va de même de la fouille des véhicules13. Ces mesures doivent ainsi être justifiées par des circonstances particulières14. Le Conseil maintient une partie de ces exigences s’agissant de mesures de police administrative ordonnées dans le cadre de l’état d’urgence. Il a ainsi considéré que la possibilité offerte par le législateur au préfet d’instaurer « des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé » était contraire à la constitution car la création de ces zones n’était soumise à aucune condition, les mesures susceptibles d’être prises par le préfet dans ces zones n’étaient pas définies et leur mise en œuvre n’était encadrée d’aucune garantie15. Il a également estimé que, même dans le cadre de l’état d’urgence, l’autorisation de procéder à des contrôles d’identité, à diverses fouilles de véhicules et de bagages, sans le consentement des intéressés, devait être justifiée « par des circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public dans les lieux en cause »16. Les mesures de palpations, d’inspection visuelle et de fouilles doivent donc toujours être motivées par un risque de trouble à l’ordre public que le préfet prenant la mesure doit établir.
En l’espèce, le Conseil a estimé que les dispositions en cause portaient atteinte à la liberté d’aller et venir et au droit au respect de la vie privée « en permettant au préfet d’instituer des périmètres au sein desquels l’accès et la circulation des personnes sont réglementés et des mesures de contrôle mises en œuvre » (§ 30). S’agissant du critère relatif à la justification de la mesure par l’existence de circonstances particulières, il a relevé que la mesure ne pouvait être prise que pour « assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation », que le périmètre devait « être limité aux lieux exposés à la menace et à leurs abords » et que « son étendue et sa durée » devaient « être adaptées et proportionnées aux nécessités que font apparaître les circonstances ». Il estime en conséquence que les conditions de mise en place de la mesure ont été définies avec précision et que son champ d’application était limité (§ 31). S’agissant des mesures de vérification pouvant être effectuées à l’entrée ou au sein du périmètre, le Conseil relève qu’elles sont limitativement énumérées, contrairement à celles qui pouvaient être prises dans les zones de protection ou de sécurité instituées dans le cadre de l’état d’urgence. Il souligne également que ces mesures de vérification ne peuvent être opérées que par ou sous le contrôle des autorités de police judiciaire et avec le consentement des intéressés (§ 32). Le Conseil estime donc que le législateur avait encadré l’institution de périmètres de protection de garanties suffisantes. Il a toutefois émis deux réserves d’interprétation.
La première réserve concerne la fixation de critères en fonction desquels sont mises en œuvre, au sein des périmètres de protection, les opérations de vérification. Le Conseil avait relevé d’office le moyen tiré de la violation du principe d’égalité. Il estime en conséquence que les critères ainsi déterminés doivent exclure « toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes » (§ 33). Une telle réserve peut sembler superfétatoire car l’interdiction de discrimination est un principe constitutionnel et conventionnel qui s’impose tant au législateur qu’à l’autorité administrative, sans qu’un rappel soit nécessaire.
La seconde réserve est relative au renouvellement des périmètres de protection. La loi prévoyait que la durée de l’arrêté était limitée à un mois et que le renouvellement au-delà de ce délai ne pouvait avoir lieu que si les conditions continuaient d’être remplies. L’article pouvait ainsi être interprété comme permettant le renouvellement, sans établir la persistance du risque, tant que la durée d’un mois n’était pas dépassée. Le Conseil a exclu cette interprétation et maintenu l’exigence de nécessité de la mesure de police administrative : il estime que, « compte tenu de la rigueur des mesures prévues par les dispositions contestées », le renouvellement ne pouvait « être décidé par le préfet sans que celui-ci établisse la persistance du risque » (§ 34).
L’instauration d’un périmètre de sécurité, hors circonstances exceptionnelles, en vue de prévenir le terrorisme, est donc considérée comme conforme à la constitution par le Conseil, à condition que le législateur ait encadré l’énoncé de ces mesures de suffisamment de garanties (§ 35). Il a de même admis la fermeture des lieux de culte.
B. L’absence de méconnaissance de la liberté de conscience et de la laïcité par la fermeture administrative des lieux de culte
L’article L. 227-1 du CSI autorise le représentant de l’État dans le département ou le préfet de police, à Paris, à « prononcer la fermeture des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ». La requérante estimait que ces dispositions méconnaissaient « la liberté religieuse, la liberté d’expression et de communication, le droit d’expression collective des idées et des opinions, la liberté d’association et le droit à un recours juridictionnel effectif ». Elle relevait notamment « l’imprécision de la notion d’“idées ou théories” et le fait que la provocation “à la haine ou à la discrimination”, qui peut justifier la fermeture du lieu de culte, ne présente pas nécessairement de lien avec la prévention du terrorisme ». Elle estimait enfin que le législateur aurait dû interdire le renouvellement indéfini de la mesure et que les dispositions étaient entachées d’une incompétence négative (§ 18).
Le Conseil avait été saisi des dispositions de la loi sur l’état d’urgence autorisant le ministre de l’Intérieur et le préfet à « ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature » dans les zones couvertes par l’état d’urgence17. Il avait alors jugé ces dispositions conformes à la constitution et en particulier au droit d’expression collective des idées et des opinions parce que, d’une part, une mesure de fermeture ne peut être prise que dans le cadre de l’état d’urgence et, d’autre part, elle doit être motivée et proportionnée à l’objectif de préservation de l’ordre public18. La loi sur l’état d’urgence fut ultérieurement modifiée pour préciser quels lieux de réunion sont susceptibles de faire l’objet d’une fermeture : « en particulier des lieux de culte au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes »19. Néanmoins, le Conseil n’avait pas eu à connaître l’article dans sa nouvelle rédaction.
Dans la présente décision, il n’a pas examiné le grief tiré de l’atteinte au droit d’expression collective des idées et des opinions, mais il s’est concentré sur les griefs tirés de la liberté de conscience et du principe de laïcité. La liberté de conscience fût d’abord considérée par le Conseil constitutionnel comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République20. Elle fut ensuite fondée sur l’article 10 de la Déclaration de 1789 qui prévoit que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi »21. Sur le fondement combiné de cet article et de l’article 1er de la constitution, le Conseil reconnaît également le principe de laïcité qui implique notamment « que la République garantisse le libre exercice des cultes »22 (§ 37). Le Conseil relève que la disposition en cause porte atteinte à ces libertés (§ 38). Il l’a toutefois déclarée conforme à la constitution après avoir précisé la portée de cette disposition, sans pour autant émettre de réserve d’interprétation.
Le Conseil relève que, comme pour l’institution de périmètre de protection, la mesure de fermeture d’un lieu de culte ne peut être prononcée qu’aux fins de prévenir la commission d’un acte de terrorisme. Une telle mesure de police administrative ne peut donc pas être prononcée en vue de prévenir tout trouble à l’ordre public, mais uniquement les actes de terrorisme. La formulation de la loi prévoyait trois cas dans lesquels les propos tenus, les idées ou théories diffusées ou les activités se déroulant dans un lieu de culte étaient susceptibles d’autoriser le préfet à en ordonner la fermeture : premièrement, s’ils provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination ; deuxièmement, s’ils provoquent à la commission d’actes de terrorisme ; troisièmement, s’ils font l’apologie de tels actes. Le législateur avait ici repris la formulation de l’article 8 de la loi sur l’état d’urgence semblant ainsi autoriser la fermeture d’un lieu de culte dans le cas d’une provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination. Le Conseil a jugé nécessaire de « lever une incertitude sur la portée qu’il convient de conférer à la provocation à la violence, à la haine ou la discrimination »23. Il a alors précisé que « lorsque la justification de cette mesure repose sur la provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination, il appartient au préfet d’établir que cette provocation est bien en lien avec le risque de commission d’actes de terrorisme » (§ 39). Le Conseil n’a cependant pas inclus cette « précision » dans une réserve d’interprétation. L’effectivité du respect de cette interprétation, qui est vraisemblablement la seule conforme à la constitution, n’est donc pas garantie. Il n’a en outre pas retenu les griefs de l’association relatifs à l’imprécision du critère de « diffusion d’idées et de théories ».
Le Conseil a apporté une seconde précision. Il a estimé qu’étant donné que le législateur n’avait pas prévu que la mesure puisse être renouvelée, ce renouvellement était impossible. Le prononcé d’une nouvelle mesure pour le même lieu de culte devra ainsi « reposer sur des faits intervenus après [sa] réouverture » (§ 40). Cette précision d’interprétation n’est pas non plus assortie d’une réserve.
La troisième précision apportée par le Conseil était que le préfet doit, lorsqu’il décide la fermeture d’un lieu de culte, proportionner sa mesure aux raisons qui l’ont motivée et « tenir compte des conséquences d’une telle mesure pour les personnes fréquentant habituellement le lieu de culte et de la possibilité qui leur est offerte ou non de pratiquer leur culte en un autre lieu » (§ 41). Là encore cette précision n’est pas présentée sous la forme d’une réserve, le commentaire autorisé précise ainsi que « le législateur n’était pas tenu de fixer une telle condition » (p. 37).
Enfin, le Conseil relève que le recours en référé contre la mesure a, contrairement au droit commun du recours contre les actes administratifs, un effet suspensif.
Il s’appuie sur tous ces éléments pour estimer que « le législateur, qui n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence, a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté de conscience et le libre exercice des cultes » (§ 43).
Le Conseil constitutionnel a donc admis l’intégration dans le droit commun de mesures collectives de police administrative restrictives de liberté en vue de prévenir les actes de terrorisme : d’une part, l’institution d’un périmètre de protection au sein duquel des officiers de police judiciaire, des agents de police judiciaire, des officiers de police municipale et des agents privés de sécurité peuvent procéder à des palpations, à des fouilles et à des inspections visuelles et, d’autre part, la fermeture des lieux de culte. Il a également admis l’institution de mesures individuelles de contrôle et de surveillance.
II. L’admission de mesures individuelles de contrôle et de surveillance en vue de prévenir le terrorisme, sous réserve du respect des droits au recours et de propriété
Dans la présente décision, le Conseil se prononce sur la conformité à la constitution, d’une part, de la définition des personnes susceptibles de faire l’objet de mesures administratives de contrôle et de surveillance et, d’autre part, des dispositions prévoyant la possibilité d’énoncer des interdictions de fréquentation et d’ordonner des visites et des saisies. Il estime que les conditions dans lesquelles sont instituées de telles dispositions satisfont les exigences constitutionnelles (A). En revanche, il estime que les voies de recours contre ces mesures ne correspondent pas aux exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789(B).
A. La constitutionnalité des conditions de recours aux mesures administratives de surveillance et de contrôle (personnes susceptibles d’en faire l’objet, interdiction de fréquentation, visites et saisies de données électroniques)
Le Conseil constitutionnel était saisi de l’article L. 228-1 du CSI définissant les conditions de recours aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance. Pour énoncer de telles mesures, il faut, d’une part, que le comportement de la personne « constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics » et, d’autre part, que cette personne « soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes ». L’association requérante faisait grief au législateur de ne pas avoir défini avec suffisamment de précision les conditions de recours à ces mesures (§ 19). D’après le commentaire autorisé, le Conseil aurait préjugé cette question dans sa décision n° 2017-691 QPC du 16 février 2018. Dans cette décision, il « avait expressément jugé que les conditions de recours à la mesure d’assignation à résidence étaient définies avec précision (v. § 15 de la décision). Ceci déterminait par avance la réponse qu’il devait apporter aux griefs des requérants, s’agissant de l’article L. 228-1 du CSI » (p. 41).
Comme il l’avait fait dans la décision n° 2017-691 QPC, le Conseil précise que la menace que constitue le comportement de la personne « doit être nécessairement en lien avec le risque de commission d’un acte de terrorisme » (§ 46)24. Cela exclurait théoriquement, par exemple, que des militants écologistes soient assignés à résidence dans le cadre d’une conférence internationale, dès lors que leur comportement ne constitue pas une menace en lien avec le risque de commission d’un acte terroriste25. Toutefois, cette précision d’interprétation n’est pas formulée comme une réserve, ce qui ne garantit pas l’effectivité de son application. Le juge administratif n’a d’ailleurs pas fait du lien avec le risque de commission d’acte terroriste un critère de son contrôle de légalité des actes pris sur le fondement de l’article L. 228-1 du CSI26. Le Conseil d’État a ainsi admis qu’un comportement représentant une menace peut être constitué par une « attitude agressive et menaçante », et ce sans que soit recherché un lien avec le risque de commission d’acte terroriste27. La première condition relative au comportement de l’intéressé peut ainsi être remplie sans que la menace soit en lien avec le risque de commission d’un acte terroriste. La précision du Conseil constitutionnel, qui conditionne probablement la déclaration de constitutionnalité, n’est donc pas respectée, car le Conseil ne l’a pas assortie d’une réserve. De plus, la seconde condition ne nécessite pas qu’un individu projette de commettre un crime ou un délit, mais est basée soit sur ses fréquentations, soit sur son « adhésion » à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes. Ces éléments restent largement insuffisants pour ouvrir des poursuites pénales (notamment sur le fondement du délit d’apologie du terrorisme), mais permettent le prononcer de mesures administratives restrictives de liberté. Après avoir simplement rappelé les conditions fixées par la loi, le Conseil a estimé que le législateur les avait définies « avec précision » (§ 46). Il a donc déclaré l’article L. 228-1 du CSI conforme à la constitution (§ 47).
L’article L. 228-5 du CSI prévoit qu’une personne remplissant les critères fixés par l’article L. 228-1 peut faire l’objet d’une interdiction de « se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité publique ». La requérante estimait que la portée de cette interdiction n’était pas suffisamment précisée. Le Conseil avait eu à connaître de dispositions similaires dans le cadre de l’état d’urgence. L’article 6 de la loi relative à l’état d’urgence permet notamment au ministre de l’Intérieur d’interdire à une personne assignée à résidence « de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes ». Ces dispositions avaient été déclarées conformes à la constitution par le Conseil constitutionnel sans aucune réserve. Il avait estimé qu’elles ne méconnaissaient pas « le droit de mener une vie familiale normale »28. En l’espèce, le Conseil a estimé que ces dispositions portaient atteinte au « droit de mener une vie familiale normale, au droit au respect de la vie privée et à la liberté d’aller et de venir » (§ 48), mais les a déclarées conformes à la constitution, après avoir énoncé une précision et deux réserves (§ 55).
Il a d’abord rappelé sa « précision » d’après laquelle « la menace présentée par les personnes nommément désignées, dont la fréquentation est interdite, doit être en lien avec le risque de commission d’actes de terrorisme » (§ 50, commentaire, p. 42). Une fois encore, cette précision ne constitue pas une réserve. Bien qu’il n’y ait pas encore de jurisprudence administrative relative à cette disposition, il est probable que la précision du Conseil concernant l’article L. 228-5 du CSI sera tout autant ignorée que celle regardant l’article L. 228-1.
La première réserve concerne la nécessité de « tenir compte, dans la détermination des personnes dont la fréquentation est interdite, des liens familiaux de l’intéressé et de s’assurer en particulier que la mesure d’interdiction de fréquentation ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie familiale normale » (§ 51). Une telle précision concernant la nécessité de prendre en compte la vie familiale de l’intéressé était prévue dans le Code de la sécurité intérieure pour le prononcé des assignations à résidence (CSI, art. L. 228-2) et l’interdiction de paraître dans un lieu déterminé (CSI, art. L. 228-4), mais pas pour celui des interdictions de fréquentation. Le Conseil semble ainsi vouloir harmoniser l’ensemble de ces dispositions. Il convient de relever qu’il n’avait pas émis de réserve similaire s’agissant de l’interdiction de fréquentation dans le cadre de l’état d’urgence, ce qui représente une incohérence dans sa jurisprudence, à moins de considérer que la protection du droit à une vie familiale normale est moins grande dans ce cadre.
Les autres réserves et censures qu’il émet relativement à l’interdiction de fréquentation sont une reprise de celles qu’il avait énoncées dans sa décision n° 2017-691 QPC du 16 février 2018, M. Farouk B. (mesure administrative d’assignation à résidence aux fins de lutte contre le terrorisme). Comme l’indique le commentaire autorisé, le Conseil a estimé qu’« il n’y a pas de différence de nature entre la mesure d’assignation à résidence de droit commun et celle d’interdiction de fréquenter » (p. 22). S’agissant de la durée de la mesure, il admet qu’elle soit renouvelée pour une durée cumulée de 6 mois sans que le ministre de l’Intérieur ne soit tenu de fournir des éléments nouveaux ou complémentaires (§ 52). Le CSI prévoyait que la « durée totale cumulée de l’interdiction de fréquenter ne peut excéder 12 mois ». Comme il l’avait fait pour l’assignation à résidence29, le Conseil a émis une réserve pour préciser que « cette mesure ne saurait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, excéder, de manière continue ou non, une durée totale cumulée de 12 mois » (§ 52). D’après le Conseil, si l’objectif de lutte contre le terrorisme, qui participe de l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public, justifie que de telles mesures restrictives de libertés soient prises hors de tout cadre pénal, le commentaire autorisé estime néanmoins que « la contrainte exercée sur la personne en cause ne peut se prolonger indéfiniment alors que cette dernière ne s’est jamais rendue coupable de l’acte qu’on craignait qu’elle commette » (p. 43). La dernière réserve et les censures émises par le Conseil concernent les voies de recours contre l’interdiction de fréquentation et le délai de jugement dans lequel le juge administratif doit se prononcer (v. B).
L’article L. 229-1 du CSI permettait à l’Administration de solliciter auprès du juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance (TGI) de Paris l’autorisation de visiter un lieu et d’y saisir des documents, objets ou données qui s’y trouvent, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics et qui remplit le critère alternatif prévu à l’article L. 228-1 (soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes). Toutefois, les lieux affectés à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes et les domiciles des personnes concernées ne peuvent pas faire l’objet de ces opérations. L’article L. 229-2 prévoit les conditions dans lesquelles la visite et les saisies se déroulent. L’article L. 229-4 permet la rétention de la personne dont le comportement a justifié la saisie pour 4 heures au maximum. L’article L. 229-5 autorise, sous certaines conditions, la saisie d’objets, de documents ou de données et leur exploitation.
La requérante et la partie intervenante faisaient valoir que ces dispositions n’étaient pas nécessaires, que les conditions de déclenchement et de mise en œuvre de ces mesures étaient imprécises et que les garanties légales étaient insuffisantes. Elles estiment qu’il en résultait « une violation du droit au respect de la vie privée et à l’inviolabilité du domicile et du droit à un recours juridictionnel effectif, ainsi qu’une incompétence négative de nature à affecter ces mêmes droits ». Elles reprochaient également aux dispositions de porter « atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense » car la procédure suivie devant le JLD, « en vue d’autoriser l’exploitation des données saisies au cours d’une visite domiciliaire, n’est ni publique ni contradictoire » (§ 20).
Le Conseil avait été saisi de dispositions similaires figurant dans la loi sur l’état d’urgence. L’article 11 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2015, autorisait les perquisitions administratives de jour comme de nuit, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Au cours de cette perquisition, des données informatiques pouvaient être copiées. Le Conseil avait déclaré les dispositions autorisant les perquisitions conformes à la constitution, mais avait censuré celle relative à la saisie de données informatiques en relevant que ni la saisie, ni l’exploitation des données n’étaient autorisées par un juge et que pouvaient être saisies des données dépourvues de tout lien avec la personne dont le comportement a justifié la perquisition30. Le législateur a ultérieurement précisé les motifs pouvant justifier la saisie, déterminé les conditions de sa mise en œuvre et imposé l’autorisation préalable d’un juge pour procéder à l’exploitation des données qui ne sont pas dépourvues de lien avec la menace. Pour ces motifs, le Conseil a déclaré ces nouvelles dispositions conformes à la constitution31. Il avait également censuré des dispositions qui autorisaient des perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence « en ne soumettant le recours aux perquisitions à aucune condition et en n’encadrant leur mise en œuvre d’aucune garantie »32.
Les griefs tirés de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée, de l’inviolabilité du domicile, de la liberté d’aller et venir et du droit à un recours juridictionnel ont tous été écartés par le Conseil. Il a accepté le principe des visites et saisies administratives de droit commun en relevant, comme pour les autres dispositions, qu’elles ne peuvent être autorisées qu’aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme. Comme il l’avait fait pour les autres dispositions, le Conseil a précisé, sans émettre de réserve, que la menace justifiant la visite « doit être en lien avec le risque de commission d’un acte de terrorisme ». Le Conseil a estimé que les conditions de recours aux visites et saisies étaient définies avec précision et a relevé que leur champ d’application était limité à « des personnes soupçonnées de présenter une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public » (§ 59). Il souligne également que ces visites et saisies doivent être autorisées préalablement par le JLD (ce qui rapproche ces visites « de celles menées par des agents spécialement habilités dans le cadre, par exemple, d’enquêtes fiscales, douanières ou de concurrence » d’après le commentaire autorisé, p. 53) et que certains lieux ne peuvent faire l’objet de ces opérations (§ 60). Les conditions de déroulement de la visite et des saisies (§ 61-62) et celles de la retenue sur place (§ 63) sont considérées comme satisfaisantes. Les conditions de saisie et d’exploitation des données, similaires à celles prévues pour les perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence, ont été pareillement considérées comme convenables par le Conseil (§ 64-65). Le Conseil a, à cet égard, estimé que la décision du JLD autorisant l’exploitation des données pouvait être prise sans débat contradictoire ni audience publique sans qu’il soit porté atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, car « elle est susceptible d’un recours, non suspensif, devant le premier président de la cour d’appel, qui se prononce alors dans les quarante-huit heures » (§ 65). Il a en revanche estimé que les voies de recours contre le renouvellement de l’interdiction de fréquentation n’étaient pas satisfaisantes et que l’absence de dispositions fixant le régime juridique des objets et documents saisis était contraire au droit de propriété.
B. Le rappel des exigences liées au droit au recours et de propriété s’agissant du renouvellement de l’interdiction de fréquentation et du régime juridique des objets et documents saisis
L’article L. 228-5 du CSI prévoit que l’intéressé peut former un recours en référé-liberté contre la décision de renouvellement de la mesure d’interdiction de fréquentation, dans les 48 heures à compter sa notification et que ce recours est suspensif. Ce même article prévoit un délai de recours en annulation de deux mois, à compter de la notification de la décision ou à compter de la notification de chaque renouvellement. Le tribunal administratif devait alors rendre sa décision dans un délai de quatre mois à compter de la saisine. En outre, l’intéressé peut également saisir le juge administratif d’un référé-suspension ou liberté.
Le Conseil a estimé que le délai de 4 mois offert au juge administratif pour se prononcer était trop long « compte tenu de l’atteinte qu’une telle mesure porte aux droits de l’intéressé » (§ 53), en l’occurrence le droit au respect de la vie privée, la liberté d’aller et venir (§ 44) et le droit à un recours juridictionnel effectif (§ 45). Il reprend ici le raisonnement qu’il avait suivi s’agissant des assignations à résidence, où le délai fixé était de deux mois33. Dans le cadre du présent recours, la mesure était moins restrictive de liberté, mais le délai de jugement était doublé, ce qui justifie la censure du Conseil. La phrase prévoyant le délai de jugement a donc fait l’objet d’une censure. Par une réserve d’interprétation, le Conseil a précisé le délai dans lequel le juge doit statuer : « le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge administratif soit tenu de statuer sur la demande d’annulation de la mesure dans de brefs délais »34 (§ 53). Cette précision louable n’offre pas de réelle garantie aux individus car la détermination du bref délai reste à la discrétion du juge administratif. Par ailleurs, le délai de recours de deux mois a été considéré comme constitutionnel, car il correspond au délai de droit commun.
La seconde censure émise par le Conseil concerne le recours contre la mesure du renouvellement. Les dispositions en cause prévoyaient que le recours contre la mesure de renouvellement était un référé-liberté. Or, dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif n’exerce pas un contrôle entier. Comme le souligne le Conseil constitutionnel, « le contrôle mis en œuvre par le juge des référés est limité aux atteintes graves et manifestement illégales »35 (§ 54). Comme il l’avait fait pour l’assignation à résidence, le Conseil estime que le législateur ne pouvait pas permettre « que la mesure contestée soit renouvelée au-delà de six mois sans qu’un juge ait préalablement statué, à la demande de la personne en cause, sur la régularité et le bien-fondé de la décision de renouvellement »36 (§ 54). Il a en conséquence censuré « les mots “sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative” figurant à la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 228-5 du CSI » (§ 54). Il a reporté au 1er octobre 2018 l’effet de cette abrogation car « la combinaison du caractère suspensif du recours avec le fait qu’aucun délai n’est fixé au juge pour statuer pourrait avoir pour conséquence d’empêcher l’exécution en temps utile de la décision de renouvellement de l’interdiction de fréquenter » (§ 72). Cependant, le législateur n’est toujours pas intervenu ; le recours contre la décision de renouvellement est donc maintenant un recours suspensif et le juge exerce dans ce cadre un contrôle entier.
De telles exigences n’avaient pas été formulées à l’occasion de l’interdiction de fréquentation dans le cadre de l’état d’urgence, qui pouvait durer tant que l’état d’urgence durait37. Toutefois, il s’agit ici d’une mesure de droit commun ce qui justifie l’exigence d’examen par un juge dans le cadre du renouvellement de la mesure. Le Conseil laisse ici une certaine liberté à l’Administration puisque la mesure initiale ne fait l’objet d’un contrôle juridictionnel qu’a posteriori et à la demande de l’intéressé, mais il renoue avec l’exigence d’un contrôle préalable du juge pour le renouvellement de ces mesures. Il semble ainsi chercher une voie médiane entre le respect des exigences constitutionnelles et la prévention du terrorisme. L’article L. 228-4 du CSI qui concerne l’obligation de déclarer tout changement de domicile, de signaler ses déplacements ou de ne pas paraître dans un lieu déterminé prévoit les mêmes recours et pourrait certainement à l’avenir faire l’objet des mêmes réserves et censures par le Conseil.
S’agissant de la saisie de documents et d’objets, le Conseil a relevé d’office le grief tiré d’une atteinte au droit de propriété en raison de l’absence de procédures encadrant l’exploitation, la conservation et la restitution des documents et objets saisis dans le cadre de la visite (§ 21). Le Conseil a déjà eu l’occasion de juger que lorsque l’État est habilité à procéder à des saisies, une procédure de restitution doit être organisée afin de respecter le droit de propriété. Le Conseil a ainsi censuré la possibilité d’ordonner la destruction d’objets saisis sans qu’une voie de droit permette à son propriétaire d’en demander la restitution38. Il a également déclaré inconstitutionnelles des dispositions n’imposant aucun délai pour statuer au juge devant décider de la restitution d’un bien placé sous la main de la justice39. Comme le relève le Conseil, en l’espèce, « le législateur n’a fixé aucune règle encadrant l’exploitation, la conservation et la restitution des documents et objets saisis au cours de la visite » (§ 68). Les règles relatives à l’exploitation et la conservation des documents n’intéressent pas simplement le droit de propriété, néanmoins le Conseil s’est contenté de ce fondement qui suffisait à censurer les dispositions permettant la saisie d’objets et de documents en vue de prévenir le terrorisme (§ 69).
MB
(À suivre)
1 – Les libertés
a – Sécurité et libertés
b – Liberté individuelle, respect de la vie privée, principe de responsabilité
c – Liberté d’expression / Liberté de conscience
d – Liberté d’entreprendre, liberté contractuelle
2 – Le droit de propriété
3 – Le principe d’égalité
a – Principe d’égalité devant la loi
b – Principe d’égalité devant la loi fiscale et les charges publiques – Droits et libertés en matière fiscale
4 – Les droits sociaux
5 – Les principes du droit répressif
a – Principes de légalité, nécessité et individualisation des délits et des peines
b – Droits de la défense – sanctions ayant le caractère de punition
6 – Les droits processuels
a – Le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, l’égalité devant la justice et le principe d’impartialité et d’indépendance des juridictions
b – Le principe de sécurité juridique
Notes de bas de pages
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1.
L. n° 2017-1510, 30 oct. 2017, art. 5, II : « Les chapitres VI à X du titre II du livre II du Code de la sécurité intérieure sont applicables jusqu’au 31 décembre 2020. »
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2.
Cons. const., 15 déc. 2017, n° 2017-682 QPC, M. David P. (délit de consultation habituelle des sites internet terroristes II) ; Cons. const., 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC, M. Farouk B. (mesure administrative d’assignation à résidence aux fins de lutte contre le terrorisme) ; Cons. const., 13 juin 2018, n° 2018-713/714 QPC, M. Mohamed M. (mesure administrative d’exploitation des données saisies dans le cadre d’une visite aux fins de prévention du terrorisme).
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3.
Cons. const., 22 déc. 2015, n° 2015-527 QPC, M. Cédric D. (assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence) ; Cons. const., 19 févr. 2016, n° 2016-535 QPC, ligue des droits de l’Homme (police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l’état d’urgence) ; Cons. const., 19 févr. 2016, n° 2016-536 QPC, ligue des droits de l’Homme (perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l’état d’urgence) ; Cons. const., 23 sept. 2016, n° 2016-567/568 QPC, M. Georges F. et autre (perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence II) ; Cons. const., 2 déc. 2016, n° 2016-600 QPC, M. Raïme A. (perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence III) ; Cons. const., 16 mars 2017, n° 2017-624 QPC, M. Sofiyan I. (assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence II) ; Cons. const., 9 juin 2017, n° 2017-635 QPC, M. Émile L. (interdiction de séjour dans le cadre de l’état d’urgence) ; Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-677 QPC, ligue des droits de l’Homme (contrôles d’identité, fouilles de bagages et visites de véhicules dans le cadre de l’état d’urgence).
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4.
Cons. const., 3 sept. 1986, n° 86-213 DC, loi relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l’État, cons. 24.
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5.
Cons. const., 22 sept. 2010, n° 2010-31 QPC, cons. 5.
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6.
Cons. const., 4 août 2017, n° 2017-648 QPC, la Quadrature du net et a. (accès administratif en temps réel aux données de connexion), § 7.
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7.
« L’interdiction de sortie du territoire français ne peut être mise en œuvre que pour des motifs liés à la prévention du terrorisme », Cons. const., 14 oct. 2015, n° 2015-490 QPC, M. Omar K. (interdiction administrative de sortie du territoire), cons. 7 ; v. égal. Cons. const., 23 juill. 2015, n° 2015-713 DC, loi relative au renseignement, cons. 52-60, 73.
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8.
CE, 29 déc. 1997, n° 170606, Commune d’Ostricourt. V. égal. CE, ass., 17 juin 1932, n° 12045, Ville de Castelnaudary : Lebon, p. 595.
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9.
Cons. const., 10 mars 2011, n° 2011-625 DC, loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, cons. 19 ; Cons. const., 16 juin 2017, n° 2017-637 QPC, association nationale des supporters (refus d’accès à une enceinte sportive et fichier d’exclusion), § 4.
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10.
Cons. const., 13 mars 2003, n° 2003-467 DC, loi pour la sécurité intérieure, cons. 97.
-
11.
Cons. const., 5 août 1993, n° 93-323 DC, loi relative aux contrôles et vérifications d’identité, cons. 6 ; Cons. const., 18 janv. 1995, n° 94-352 DC, loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, cons. 19-20 ; Cons. const., 22 avr. 1997, n° 97-389 DC, loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration cons. 19-20 ; Cons. const., 24 jan. 2017, n° 2016-606/607 QPC, M. Ahmed M. et a. (contrôles d’identité sur réquisitions du procureur de la République), § 22.
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12.
Cons. const., 5 août 1993, n° 93-323 DC, loi relative aux contrôles et vérifications d’identité, cons. 9.
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13.
Cons. const., 12 janv. 1977, n° 76-75 DC, loi autorisant la visite des véhicules en vue de la recherche et de la prévention des infractions pénales, cons. 4.
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14.
Cons. const., 5 août 1993, n° 93-323 DC, loi relative aux contrôles et vérifications d’identité, cons. 9., pour les contrôles d’identité ; Cons. const., 13 mars 2003, n° 2003-467 DC, loi pour la sécurité intérieure, cons. 97, pour les fouilles et palpations de sécurité.
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15.
Cons. const., 11 janv. 2018, n° 2017-684 QPC, associations La cabane juridique / Legal Shelter et a. (zones de protection ou de sécurité dans le cadre de l’état d’urgence), § 5.
-
16.
Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-677 QPC, ligue des droits de l’Homme (contrôles d’identité, fouilles de bagages et visites de véhicules dans le cadre de l’état d’urgence), § 6.
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17.
L. n° 55-385, 3 avr. 1955, art. 8, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-525.
-
18.
Cons. const., 19 févr. 2016, n° 2016-535 QPC, ligue des droits de l’Homme (police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l’état d’urgence).
-
19.
L. n° 55-385, 3 avr. 1955, art. 8, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-987.
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20.
Cons. const., 23 nov. 1977, n° 77-87 DC, loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l’enseignement, cons. 5 ; Cons. const., 27 juin 2001, n° 2001-446 DC, loi relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, cons. 13.
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21.
Cons. const., 18 oct. 2013, n° 2013-353 QPC, M. Franck M. et a. (célébration du mariage – absence de « clause de conscience » de l’officier de l’état civil), 7.
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22.
Cons. const., 21 févr. 2013, n° 2012-297 QPC, association pour la promotion et l’expansion de la laïcité (traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle), cons. 5 ; Cons. const., 2 juin 2017, n° 2017-633 QPC, collectivité territoriale de la Guyane (rémunération des ministres du culte en Guyane), § 8.
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23.
Commentaire autorisé, p. 36.
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24.
Cons. const., 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC, § 15.
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25.
Sur les assignations à résidence de militants écologistes dans le cadre de l’état d’urgence v. not. CE, 11 déc. 2015, n° 395009, M. H X.
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26.
Voir par ex. CE, 14 mars 2018, n° 418689 ; CE, 4 avr. 2018, n° 419084.
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27.
CE, 5 juill. 2018, n° 421502.
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28.
Cons. const., 22 déc. 2015, n° 2015-527 QPC, M. Cédric D. (assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence), cons. 16.
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29.
Cons. const., 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC, § 17.
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30.
Cons. const., 19 févr. 2016, n° 2016-536 QPC, ligue des droits de l’Homme (perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l’état d’urgence), cons. 14.
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31.
Cons. const., 2 déc. 2016, n° 2016-600 QPC, M. Raïme A. (perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence III) § 13.
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32.
Cons. const., 23 sept. 2016, n° 2016-567/568 QPC, M. Georges F. et a. (perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence II), § 8.
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33.
Cons. const., 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC, § 18.
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34.
Cons. const., 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC, § 18. Pour une application de ce principe au juge judiciaire et aux mesures privatives de liberté v. not. Cons. const., 26 nov. 2010, n° 2010-71 QPC, Mme Danielle S. (hospitalisation sans consentement), § 39 ; Cons. const., 29 jan. 2015, n° 2014-446 QPC, M. Maxime T. (détention provisoire – examen par la chambre de l’instruction de renvoi), cons. 8.
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35.
Cons. const., 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC, § 19.
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36.
Cons. const., 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC, § 19.
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37.
Cons. const., 22 déc. 2015, n° 2015-527 QPC, M. Cédric D. (assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence).
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38.
Cons. const., 11 avr. 2014, n° 2014-390 QPC, M. Antoine H. (destruction d’objets saisis sur décision du procureur de la République), cons. 5.
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39.
Cons. const., 16 oct. 2015, n° 2015-494 QPC, Consorts R. (procédure de restitution, au cours de l’information judiciaire, des objets placés sous main de justice), cons. 7.
Référence : LPA 25 Sep. 2019, n° 148k6, p.5
Référence : AJU62315