Chronique de QPC (juillet – décembre 2018)(1re partie)

Publié le 07/08/2019

La présente chronique porte sur les questions prioritaires de constitutionnalité rendues publiques par le Conseil constitutionnel entre le 1er juillet et le 31 décembre 2018. Cette étude, placée sous l’égide de l’Institut de recherche juridique interdisciplinaire (IRJI François-Rabelais – EA 7496) de l’université de Tours, a été écrite, pour la partie générale, par Pierre Mouzet, qui assume la responsabilité de la chronique ; et, pour la partie jurisprudence, par : Olivier Cahn, pofesseur de droit privé et de sciences criminelles, Gwenola Bargain, Fabienne Labelle et Véronique Tellier-Cayrol, maîtres de conférences de droit privé et de sciences criminelles, Benjamin Defoort, professeur de droit public, Patrick Mozol et Pierre Mouzet, maîtres de conférences HDR en droit public.

Introduction

Petites vendanges, grand cru : que d’affaires, que de cas ! C’est d’abord, on le sait, la fraternité qui ouvre le bal, en juillet1 : il faudra d’emblée revenir sur cette grande décision, car on ne se lasse pas de la fraternité2. Puis ce sera le drame du petit Grégory, auquel il ne manquait sans doute plus que le contrôle de constitutionnalité3, avec la censure des conditions de la garde à vue de Murielle Bolle, alors mineure, 2 mois après qu’avaient été déclarées contraires à la constitution les règles de la garde à vue du majeur protégé4. La semaine suivante, ce fut l’affaire Thévenoud – ne parlons pas de phobie administrative : il a déposé l’expression5 – reprenant la jurisprudence Cahuzac de juin 2016 sur la constitutionnalité du cumul des sanctions fiscales et pénales6. Et le Conseil constitutionnel de repousser les assauts contre l’inaliénabilité du domaine public ou le régime de l’octroi de mer… Encore plusieurs QPC ne lui ont-elles pas été renvoyées, comme l’élection d’ecclésiastiques à la présidence d’universités publiques7 ou la réservation par le législateur de l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples composés d’un homme et d’une femme8.

Entre le 1er juillet et le 31 décembre 2018, le Conseil constitutionnel n’a certes rendu que 30 décisions : semestre de basses eaux, donc, qui ne comprend, il est vrai, aucune QPC électorale dont il aurait été saisi directement, les scrutins s’étant maintenant éloignés9. Mais moins de décisions signifie d’abord, statistiquement, moins de transmissions des juridictions inférieures aux juridictions suprêmes puis moins de renvois. Tandis qu’au semestre précédent, ce sont près de 200 non-renvois que le Conseil d’État et la Cour de cassation avaient décidés, ils n’auront rendu que 142 arrêts de ce type entre le 7 mai inclus et la mi-octobre 2018 : 53 pour lui (dont 8 sur le même dispositif le 8 octobre) et 89 pour elle (dont une vingtaine au total sur 6 ou 7 mêmes textes), d’après le site internet du Conseil constitutionnel. Parallèlement, le juge administratif a durant notre période renvoyé 12 QPC au Conseil constitutionnel, soit un peu plus d’une sur 4, et le juge judiciaire 26, une proportion identique : le Conseil constitutionnel en a en effet regroupé plusieurs, 2 le 6 juillet et le 7 décembre, 7 le 13 juillet, pour statuer en une seule décision ; une fois jointes, ce sont ainsi 18 QPC qu’il a rendues sur saisine de la Cour de cassation10. Le ratio est donc de 60 % pour cette dernière et 40 % pour le Conseil d’État, l’inverse des deux semestres précédents mais un retour à la « normale » : de 2010 à début 2019, selon le bilan de la rue de Montpensier, il est respectivement de 54 % et 46 % des décisions du Conseil constitutionnel.

Sur les 30 décisions, 8 proviennent de la chambre criminelle, autant qu’au premier semestre (mais la Cour de cassation avait alors moins transmis). Le droit pénal reste cependant devancé par le droit fiscal, qui couvre une dizaine de décisions, étant entendu que la fraude fiscale est évoquée deux fois et le délit douanier visé une fois. Il faudrait d’ailleurs ajouter à la fiscalité au moins une des trois décisions relatives à la protection sociale – on devrait parler alors de droit des prélèvements obligatoires – qui, sur saisine du Conseil d’État (dont 7 autres des 12 arrêts relèvent du droit fiscal !), rappelle la différence entre cotisation et imposition11. Toujours assez loin derrière se trouvent le droit du travail, le droit civil ou le droit commercial, avec trois décisions du Conseil constitutionnel, ou encore le droit de l’urbanisme (deux QPC), sans compter l’immixtion ponctuelle du droit des étrangers, du droit de la fonction publique et du droit administratif des biens. Une telle classification matérielle est bien sûr insuffisante, au-delà même des champs croisés. On pourrait tout autant, par exemple, isoler le droit des collectivités locales en retenant un critère personnel, celui de l’intéressé à la QPC, fut-ce comme ici les seules collectivités ultramarines ou franciliennes. Et la classification la plus rationnelle des QPC reste sans nul doute constitutionnelle au sens où elle reflétera les particularités d’un raisonnement nécessairement transversal : ainsi, dans la décision n° 2018-738 QPC validant l’absence de délai de prescription des poursuites professionnelles contre un avocat, le Conseil constitutionnel argue d’un « droit disciplinaire », à la fois générique (un genre incluant des types) et spécifique (une nature répressive mais non pénale).

Ce sont en effet les critères de la constitutionnalité qui jouent. Le terme de « constitutionnalité » est ambigu, qui désigne à la fois un système référentiel normatif, la vulgate du « bloc », et une qualité des normes infra-constitutionnelles, leur conformité à ce système, le produit d’un rapport ou d’une confrontation entre elles et lui, donc. Sur les 30 décisions du semestre, 24 sont des décisions de conformité, qui accordent un tel brevet à une ou plusieurs dispositions et interprétations querellées (des « mots », dit généralement le Conseil constitutionnel) ; 8 contiennent une déclaration d’inconstitutionnalité – 5 en provenance de la Cour de cassation et 3 du Conseil d’État, soit un rapport au nombre de transmissions comparable – et 6 seulement procèdent à une censure totale : l’application du principe de fraternité au « délit de solidarité » le 6 juillet 2018 affiche en effet en sus une réserve d’interprétation, comme quatre décisions de conformité (avec des réserves reposant sur le principe d’égalité12, le droit de propriété et le droit au maintien des contrats13 ou la nécessité et la proportionnalité des peines14), tandis que la décision n° 2018-733 QPC valide pleinement l’exonération de cotisation foncière des entreprises des ports gérés par une personne publique en même temps qu’elle frappe sans réserve celle des ports gérés par les sociétés d’économie mixte. La violation de la « liberté d’aider autrui dans un but humanitaire » mise à part, les sept autres censures sont fondées sur le principe d’égalité, pour trois d’entre elles, les droits de la défense ou la proportionnalité des peines pour trois autres (ainsi que le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs dans l’affaire Murielle B.) et la dernière sur le principe de participation des travailleurs de l’alinéa 8 du préambule de 1946. En d’autres termes, la constitutionnalité efficiente en QPC se résume dans les trois quarts des cas, comme antérieurement, à la déclaration de 1789, l’article 8 – véritable filon constitutionnel – étant presque aussi souvent invoqué que l’article 6, alors que les griefs tirés de ses articles 2 et 4 ont, ce semestre, tous été rejetés ; il n’est au total que deux décisions de conformité fondées, en plus de l’égalité pour l’une15 et exclusivement pour l’autre16, sur la libre administration territoriale.

Les inconstitutionnalités sont particulièrement anciennes, ce semestre : les plus récentes des dispositions abrogées provenaient de la loi dite Rebsamen n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi17 et de la loi de finances rectificative n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, (d’ailleurs originellement posées dès 2013)18, promulguées environ 3 ans avant la saisine du Conseil constitutionnel ; les autres dataient de plus de 5 ans, dans le cas de la fraternité, ou même d’une dizaine d’années pour deux QPC fiscales et une de procédure pénale, voire de plusieurs dizaines d’années (soyons clairs : de la IVe République) s’agissant de la garde à vue des mineurs et jusqu’à près d’un siècle avec la loi du 10 août 1927 sur la nationalité19. Quant aux dispositions validées, les cuvées oscillent entre un peu plus de 2 ou 3 ans et une quinzaine d’années, un petit tiers des décisions concernant des textes de 7 ou 8 ans d’âge. Il n’y aura ainsi eu aucune de ces QPC « palliatives » qui réparent en quelques mois les carences du contrôle a priori – de ce point de vue, on pourrait les dire « curatives » – la seule qui puisse leur être assimilée étant celle validant, fin septembre 2018, une ordonnance du 3 mai 2017 ratifiée20 par une loi promulguée au Noël suivant et dont le Conseil d’État avait d’abord été saisi, via un rapide décret d’application, avant même sa ratification21. Au vrai, voici qui est sans doute plutôt réconfortant.

Un phénomène nouveau est apparu ce semestre : la multiplication des sollicitations européennes. Une demande de transmission de questions préjudicielles à la CJUE a ainsi été faite dans l’affaire de l’octroi de mer : la rue de Montpensier l’a comme par le passé22 repoussée en jugeant que la validité de la décision du Conseil en cause était « sans effet sur l’appréciation » de la constitutionnalité de la loi contestée23 ; mais immédiatement après avoir, au surplus, refusé l’invitation du Premier ministre à ne pas procéder du tout à son contrôle en faisant jouer la « jurisprudence économie numérique » sur l’obligation de transposition du droit de l’Union. Surtout, dans la décision Thomas T n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, le Conseil constitutionnel a, pour la première fois, été saisi d’une demande d’avis à la CEDH (portant ici sur le protocole n° 7 additionnel à la Convention EDH) : on se souvient que le protocole n° 16, ratifié par la France quelques jours après que la loi n° 2018-237 du 3 avril 2018 l’eut autorisé et entré en vigueur le 1er août, permet aux « plus hautes juridictions » des États parties de consulter la CEDH et que la France a choisi ses trois juges constitutionnels. L’Aile Montpensier s’y est refusée assez sèchement : « aucun motif ne justifie une telle saisine en l’espèce ». La formule devait refleurir, évidemment24. Rejet d’une manœuvre dilatoire ? En tout cas, pour cette première, il s’agissait non pas de l’auteur de la QPC mais d’un intervenant… Ce qui est certain, en revanche, c’est que le Conseil constitutionnel a admis la recevabilité d’une telle sollicitation. Sans doute la muraille de la « jurisprudence IVG » dressée entre contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité n’est-elle pas pour autant ébranlée. Mais l’Europe pourrait voir s’accroître encore son impact tant sur le procès constitutionnel que sur la jurisprudence française…

I – Le procès constitutionnel

Dans cette affaire Thévenoud (n° 2018-745 QPC), le président Laurent Fabius a choisi de s’abstenir de siéger, sans que, ni lors de l’audience publique (où l’anonymisation n’est pas de mise) ni dans le commentaire officiel de la décision n’en soit précisée la raison, comme à l’accoutumée. Il est vrai que l’article 4, alinéa 1, du règlement intérieur du 4 février 2010 n’exige que d’informer le président… Avoir fait partie d’un même gouvernement est pourtant bien un motif légitime, même s’il ne saurait sans doute toujours lier. Serait-ce parce que certaines raisons sont inavouables que l’on croie nécessaire de devoir toutes les cacher ? Est-ce l’excès de transparence que l’on refuse, ou plus simplement l’obligation, voire la juridicisation de l’éthique ? Cela étant, les déports – 3 décisions sur 30 : les QPC n° 2018-731 et n° 2018-734 sont également visées dans leurs commentaires, faute de mention dans les décisions stricto sensu – n’expliquent pas que le Conseil constitutionnel n’ait, durant tout ce semestre, absolument jamais statué au complet, c’est-à-dire en présence de ses neuf membres nommés (puisqu’une convention exclut que les membres de droit participent à la QPC). M. Charasse, dont le mandat s’achevait en février, n’aura ainsi plus jamais siégé après le 28 juin 2018, y compris d’ailleurs pour les décisions de type DC (auxquelles le président Giscard d’Estaing, sans être totalement assidu, reste fidèle), malgré un unique déport officiel. Une décision QPC sur dix a même été rendue par 6 membres, avec mention dans le commentaire de la « force majeure » permettant de déroger au quorum : les 2 jugées lors de la séance du 13 septembre, au cours de laquelle la présidence fut assumée par Lionel Jospin (n° 2018-730 QPC et n° 2018-731 QPC) et l’une des deux jugées le 26 septembre (n° 2018-734 QPC). Huit décisions ayant été prises en présence de 7 membres, durant 6 séances, 19 sur les 30, les deux tiers donc, l’auront été à 8. Ce chiffre pair est potentiellement synonyme d’absence de majorité. Et y a-t-il eu unanimité, par exemple, pour consacrer la valeur constitutionnelle du principe de fraternité ?

Le contradictoire et l’instruction s’étoffent, les visas en témoignent. On voit de plus en plus souvent des secondes observations. Et depuis 2 ans les notes en délibéré se multiplient : 3 décisions, encore, avec chaque fois toutes les parties25, portent le total pour l’année 2018 à 9, contre 5 en 2017 et 4… les 7 premières années. Parmi les autres pièces, sont visées deux fois les « observations complémentaires » du Premier ministre26 ou, en plus, du requérant27, toujours « à la demande du Conseil constitutionnel » ; le phénomène, rare et surtout originel (une dizaine de décisions seulement depuis l’entrée en vigueur de la QPC, dont la moitié en 2010 et 2011), avait paru disparu (on n’en avait plus vu depuis mars 2014) : question d’espèces, assurément. En outre, nombre de décisions visent, en plus de celles des éventuels intervenants, les observations des « parties en défense » du procès principal28 ; c’est le cas d’une petite vingtaine de décisions par an, depuis 2013, un peu moins en 2018. Enfin, une seule QPC, comme au premier semestre, vise des observations « en réponse », puisqu’il s’agit de répondre à la lettre soumettant aux parties « un grief susceptible d’être relevé d’office »29 ; c’est toutefois une décision de conformité30, dont le commentaire nous apprend que le grief était tiré de l’article 8 de la déclaration de 1789 : quel requérant peut donc aujourd’hui oublier un tel argument ?!

Qui ne s’étonnerait, par ailleurs, de ces avocats qui ne plaident pas ? Quatre audiences, tout de même, ce semestre, durant lesquelles le représentant du Premier ministre aura parlé seul – ce qui, il est vrai, n’empêche pas de gagner (une fois en l’occurrence) –31 que le requérant soit une personne morale32 ou, plus souvent, une personne physique33… La quarantaine de QPC du second semestre 2018 (si l’on tient compte, plutôt que des décisions, des questions, lesquelles peuvent être jointes sinon communes) se partagent de manière égale entre les deux catégories de personnes juridiques, sachant, d’une part, que les contribuables ne sont pas le plus souvent des personnes physiques (les affaires se partageant pour moitié ce semestre) et, d’autre part, que presque toutes les personnes morales sont ici des entreprises (dont une clinique gérée sous forme associative), dès lors qu’on ne compte qu’une seule question posée par une collectivité locale, une autre par un comité d’entreprise et une seule décision d’origine syndicale : les associations de défense des droits humains familières de la QPC sont, cette fois, seulement intervenues et seulement dans deux cas34. Les interventions, rarement extrêmement nombreuses35 mais que l’on compte dans 12 des 30 décisions, contribuent à cet équilibre : généralement, ce sont ou bien d’autres personnes physiques ou bien d’autres personnes morales qui interviennent.

Last but not least, on aura remarqué que c’est dans le cadre d’une rubrique intitulée « Sur le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel » – une façon de faire nouvelle, empruntée au contrôle a priori36 – qu’est traité, dans la décision n° 2018-750/751 QPC du 7 décembre 2018 sur l’octroi de mer, le problème des dispositions législatives transparentes, simples supports de normes européennes : il s’agissait, pour la première fois, d’une décision du Conseil (mentionnée aux visas) et non d’une directive, comme dès 201037, ou d’un règlement38 ; mais faute de voir dans les dispositions querellées une simple application de la règle bruxelloise, le Conseil constitutionnel refuse ici « en tout état de cause » de ne pas les contrôler. Dans la décision Kamel D n° 2010-79 QPC du 17 décembre 2010, le Conseil constitutionnel avait conclu au non-lieu : il s’était déclaré incompétent (faute de mise en cause de « l’identité constitutionnelle de la France ») pour connaître d’un texte se bornant à « tirer les conséquences nécessaires39 de dispositions inconditionnelles et précises » d’une directive. Dans notre espèce, la situation et donc la solution sont inverses. Aussi cette manière de ne pas nommer ladite rubrique est-elle révélatrice : on ne veut pas parler de « recevabilité », puisque le fond y est abordé, ni de « fond », puisque logiquement elle le précède…

A – Sur la recevabilité

La « recevabilité » n’est isolée, dans une rubrique formelle, que dans 2 des 30 décisions du semestre, les n° 2018-729 et n° 2018-749 QPC. Il s’agit de la fameuse exception lui permettant de rejuger une disposition. La typologie du « changement de circonstances » est simple à établir. Ces types, évidemment cumulables (mais non cumulés ici), sont au nombre de quatre et leur identification repose sur plusieurs distinctions : entre le fait et le droit ; entre le droit contrôlé – quand un changement rend les textes querellés, depuis leur dernier contrôle de constitutionnalité, « différents » – et le droit référentiel ; et entre le droit codifié et le droit jurisprudentiel, sachant qu’on distinguera alors, au sein des normes de référence du contrôle, entre révision de la constitution et revirement jurisprudentiel, mais que le revirement (comme toute interprétation, y compris nouvelle) peut également former le droit contrôlé, lorsqu’il s’agit de la jurisprudence administrative ou judiciaire.

La décision n° 2018-729 QPC du 7 septembre 2018 illustre le deuxième type : les dispositions contestées avaient été modifiées par le législateur quelques années après la déclaration de conformité à la constitution. Au vrai, il n’est alors nul besoin de parler de « circonstances » car le texte n’est, tout bonnement, plus le même40 – le Conseil constitutionnel n’use d’ailleurs du terme « changement » que pour citer la règle – ce qui toutefois n’est jamais évident, la différence de sens étant une qualification juridique. La Cour de cassation n’avait pas eu à se prononcer sur ce point : la QPC fut transmise uniquement en raison du dépassement du délai de 3 mois qui lui était imparti (article 23-7 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 : le cas est heureusement très rare41) ; la chambre sociale, le 7 juin, était revenue sur son arrêt du 9 mai, une fois les causes d’irrecevabilité corrigées42.

La décision n° 2018-749 QPC du 30 novembre 2018, elle, constitue un cas intéressant de quatrième type : la modification jurisprudentielle de la norme législative. Le « changement des circonstances » y est admis (et le Conseil constitutionnel accepte de rejuger) mais énoncé sans plus de précision quant à sa nature, de fait, de droit ou l’un et l’autre à la fois. La tradition française, chez les juges, est de porter bas. Pourtant les juridictions suprêmes souvent disent le droit. Les arrêts que les visas des décisions QPC rangent parmi les « textes » ne relèvent pas du « fait ». Dans son renvoi, la chambre commerciale de la Cour de cassation qualifiait ainsi exactement son propre arrêt du 25 janvier 2017 de « changement de circonstance de droit » puisqu’il conférait « une portée nouvelle » aux dispositions querellées : si ces « dispositions sont identiques », comme le constate le Conseil constitutionnel, la norme a changé dès lors que leur sens n’est plus le même. En l’espèce la rue de Montpensier a donc accepté de suivre le quai de l’Horloge. Néanmoins, le commentaire officiel de la décision n° 2018-749 QPC prend soin de préciser, lui (habile partage des rôles), que cela « ne signifie pas que toute nouvelle jurisprudence du Conseil d’État ou de la Cour de cassation relative à une disposition législative déjà contrôlée constituerait nécessairement un changement de circonstances » (p. 9). Dit plus brutalement, le Conseil constitutionnel ne se sent aucunement tenu par leurs revirements.

On aura remarqué que le Conseil constitutionnel n’emploie jamais le mot « revirement », qu’on ne trouve, parfois, que dans les commentaires. Ce n’est d’ailleurs pas le cas non plus du « juge du filtre », y compris à son endroit, quoique la Cour de cassation pointe de temps à autre le fait que le Conseil constitutionnel « a modifié sa jurisprudence » (cf. n° 2018-742 QPC). Dans l’affaire Thévenoud n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, la chambre criminelle a ainsi renvoyé rue de Montpensier aux motifs, d’abord, que les dispositions contestées (dans leur version applicable à la cause) n’avaient pas été déjà déclarées conformes à la constitution dès lors que les décisions n° 2016-545 et n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016 (que le Conseil constitutionnel cite parmi les textes aux visas) et n° 2016-556 QPC du 22 juillet 2016 n’avaient porté que sur « l’insuffisance volontaire » et non sur « l’omission volontaire » de déclaration au fisc ; et, ensuite, que « en tout état de cause » (mais le Conseil constitutionnel n’ira pas jusque-là) elles étaient de nature à constituer « un changement des circonstances ». Cette périphrase peut être litote.

Si l’étendue du brevet de constitutionnalité, celui accordé dans les anciennes décisions de conformité, est ainsi susceptible de divergences entre les juridictions, il n’y en aura donc guère eu ce semestre. Le nôtre est, de même, un semestre sans non-lieu à statuer, lequel par hypothèse caractérise la négation par le Conseil constitutionnel de tout changement des circonstances, et un semestre sans loi organique à recontrôler. Mais on sait que, s’il peut refuser de contrôler ce qu’il a déjà jugé, il ne peut pas contrôler ce qu’on a refusé de le laisser juger : dans la mesure où ils ne renvoient pas, Conseil d’État et Cour de cassation l’empêchent de statuer. En revanche, il peut y avoir des différences d’appréciation entre juridictions sur le périmètre de la QPC, parce qu’une requalification des dispositions à contrôler est toujours possible.

Le critère premier de la recevabilité, bien sûr, est l’applicabilité au litige. La formule établie du Conseil constitutionnel selon laquelle « la question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l’occasion duquel elle a été posée » apparaît, d’emblée, dans près de la moitié (13 sur 30) des décisions du semestre. Il s’agit alors de situer la QPC dans le temps : de préciser la version incriminée de la disposition législative querellée, disposition fréquemment codifiée, qui peut avoir été modifiée depuis et, surtout, l’a souvent été auparavant. Il ne s’agit pas de déterminer le périmètre stricto sensu du procès constitutionnel, c’est-à-dire d’identifier le contour du champ potentiellement inconstitutionnel de façon à isoler de manière chirurgicale le texte à décontaminer : le Conseil constitutionnel parle généralement de « mots » et vise souvent un « alinéa », une « phrase » ou une « référence », qu’il sera ensuite plus simple d’abroger ou de breveter. Un tel périmètre est toujours introduit – quand il l’est, cependant : 2 de nos 30 décisions s’en dispensent43 – via la locution conjonctive : « Par conséquent », car le juge le présente comme une implication logique des griefs du requérant (ce qu’il est parfois de manière incontestable44).

La restriction du périmètre de la QPC peut jouer sur l’admission des interventions : un intervenant ne peut pas l’étendre45. Leur recevabilité appelle deux fois, ce semestre, un paragraphe spécifique, où le Conseil constitutionnel cite l’article 6, alinéa 2, du règlement intérieur du 4 février 2010 qui exige un « intérêt spécial » pour que les interventions soient admises : dans la décision n° 2018-752 QPC du 7 décembre 2018, il repousse celle d’une fédération d’établissements privés « d’enseignement » après avoir restreint le champ de la QPC aux établissements « d’assistance ». Quant à la décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, le juge se contente d’y dénier, sans plus d’explication46, cet intérêt spécial à une personne dont on ne connaît que le prénom. Ces deux cas sont moins instructifs que ceux dans lesquels l’intervention est jugée recevable, comme celle de qui a déposé par ailleurs une QPC sur le même texte47 ou celle d’une association eu égard à son objet social et son activité48.

Enfin, une seule décision – mais c’est déjà notable – du semestre repose sur le critère de recevabilité de la question « nouvelle » : l’affaire du principe de fraternité. L’expression « question nouvelle » est une sorte de faux ami. D’abord parce que le lecteur inattentif pourrait croire qu’elle vise la disposition contrôlée alors qu’elle qualifie la norme de référence du contrôle. Ensuite parce que le critère de recevabilité ne joue pas au niveau du juge a quo mais seulement au moment du renvoi rue de Montpensier. Il faut simplement comprendre qu’elle réserve au Conseil constitutionnel – et uniquement, faut-il le rappeler, au niveau du filtrage des juridictions suprêmes, dont on n’a pas voulu consacrer le rôle de juges constitutionnels, c’est-à-dire d’interprètes authentiques – le pouvoir de dire la constitution. Et il s’en sert.

B – Sur le fond

Commençons, donc, impératif logique à tous égards, par les « questions nouvelles », qui ne relèvent pas seulement de la recevabilité mais aussi de l’invocabilité, c’est-à-dire du fond. Ce sont, ici, les arrêts du 9 mai 2018 de la chambre criminelle de la Cour de cassation : ce qui est nouveau – on y reviendra plus bas – c’est de tendre, écrivit-elle, à « ériger en principe constitutionnel, la fraternité, qualifiée d’idéal commun par le préambule de la constitution du 4 octobre 1958, et reconnue comme l’une des composantes de la devise de la République par l’article 2 ». La décision n° 2018-717/718 QPC va plus loin en déduisant de ce principe matriciel une autre déclinaison du principe de liberté, celle « d’aider autrui dans un but humanitaire », sans aller jusqu’à censurer totalement la loi. La liberté nouvelle est en effet conciliée avec l’objectif de valeur constitutionnelle (OVC) de « sauvegarde de l’ordre public ».

Dans le procès en QPC, « l’objectif » se caractérise par son asymétrie : il ne peut servir contre la loi, mais il sert en sa faveur ; c’est un bouclier, ce ne peut être un glaive. L’OVC offre de justifier l’action du législateur, par exemple la « lutte contre l’immigration irrégulière » dans la décision du 6 juillet 2018 ou la « lutte contre la fraude fiscale » dans la décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, non d’en critiquer l’inconstitutionnalité. Au vrai, cette jurisprudence est quelque peu paradoxale : si l’objectif constitutionnel a suffisamment de vigueur (ne parlons pas de « valeur », qui nous orienterait vers l’impasse du raisonnement hiérarchique) pour barrer le principe constitutionnel lorsque leur conciliation tourne en sa faveur, comment est-il logiquement fondé que le mouvement inverse soit bloqué ? Tous deux sont bien des « exigences » constitutionnelles, pourtant… Il reste que l’invocabilité des OVC, c’est-à-dire la recevabilité du grief tiré de leur méconnaissance, est ainsi à nouveau repoussée s’agissant de l’intelligibilité et de l’accessibilité de la loi (écrite en français), dans la décision n° 2018-729 QPC du 7 septembre 2018, comme de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, dans la décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018.

À la différence de la « question nouvelle », rare, le caractère « sérieux » de la QPC génère des façons de faire assez différentes de la part des juridictions suprêmes. Tandis qu’il est fréquemment lapidaire, le filtrage, en effet, se présente quelquefois comme un solide argumentaire prêt à l’emploi : c’est le cas dans l’affaire n° 2018-730 QPC relative à la garde à vue du majeur protégé, où la chambre criminelle commence par affirmer que la question est sérieuse, au lieu d’y aboutir, avant d’en présenter de manière nourrie les raisons. L’inconstitutionnalité, il est vrai, ne nécessite pas toujours une longue argumentation : il suffit de considérer, par exemple, le renvoi de la QPC n° 2018-73749. On aura relevé qu’il s’agit de deux décisions d’abrogation ; et, sans doute, d’une forme, si cela existe, d’évidence constitutionnelle…

Le nombre de grief invoqués est généralement supérieur aux motifs retenus en cas de censure, économie de moyens oblige. Ainsi, dans l’affaire du principe de fraternité, les requérants (et les intervenants) soutenaient que les dispositions en cause méconnaissaient en outre les principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines, le principe de leur légalité ainsi que le principe d’égalité devant la loi. Ce dernier (DDHC, art. 6) est, avec ou sans le principe d’égalité devant les charges publiques (DDHC, art. 13), invoqué dans la moitié des décisions du semestre et fonde – dont une fois avec l’égalité des sexes protégée par l’alinéa 3 du préambule de 194650 ; lequel, apparemment, n’est pas assez grand pour servir seul51 – trois déclarations d’inconstitutionnalité52 ; ajoutons l’égalité des sexes dans les « responsabilités professionnelles et sociales » (art. 1er de la constitution), que le Conseil constitutionnel écarte en censurant sur le fondement du seul principe de participation des travailleurs de l’alinéa 8 du préambule de 194653. Les principes de nécessité et/ou de proportionnalité des punitions, voire de légalité ou d’individualisation des peines (DDCH, art. 8), sont invoqués dans le tiers des décisions et justifient une censure54, que voisine celle fondée sur la présomption d’innocence (DDHC, art. 9) et le principe fondamental reconnu par les lois de la République de la justice des mineurs55, tandis que, invoqués seuls dans l’affaire de la garde à vue du majeur protégé, les droits de la défense fondent, seuls, la huitième censure du semestre56 ; n’allons pas penser que l’article 16 de la déclaration de 1789 connaîtrait une baisse de régime, si l’on ose dire : il est toujours aussi efficace et activé dans cinq autres cas57, soit un cinquième des décisions du semestre. Auront aussi été invoqués, inutilement, le respect des capacités contributives58, de la garantie des droits et du droit au maintien des conventions légalement conclues59, ou bien de ce dernier et du droit de propriété60 ou des situations légalement acquises61, ou encore de la liberté d’entreprendre et de la liberté contractuelle62, ainsi que l’incompétence négative du législateur dans 5 cas sur 30 (un sixième)63, certains griefs étant soulevés à l’initiative d’un intervenant.

Les interventions, au vrai, n’améliorent guère la pertinence de la QPC. Il est bien normal de se demander si des intervenants ont réussi à modifier, non pas l’objet de la QPC (on l’a vu à propos de la recevabilité), mais la performance de la question. Est-il jamais arrivé que ce soit l’argumentaire d’un intervenant, et non du requérant, qui soit reçu par le juge ? Ce semestre, en tout cas, si des interventions ont bien ajouté des moyens64, ce fut toujours en vain.

Sans doute serait-il également intéressant de déterminer dans quelle mesure le fait de rejuger une disposition (grâce à un changement des circonstances) s’accompagne d’un enrichissement de la motivation du Conseil constitutionnel, dès lors, évidemment, qu’il la juge dans le même sens en la déclarant à nouveau conforme à la constitution. Dans la décision n° 2018-749 QPC du 30 novembre 2018, il rejette ainsi de nouveaux griefs, la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre (§ 10-12), mais il se range d’abord aux « mêmes motifs » (§ 9) que ceux du 13 janvier 201165.

La motivation du Conseil constitutionnel appelle plus généralement diverses remarques, sur ce qu’il dit comme sur ce qu’il ne dit pas. Ses formulations, d’abord, comprennent quelques classiques. Ainsi, la seconde « jurisprudence IVG » – cette règle consacrant le libre-arbitre du législateur selon laquelle la constitution ne confère pas au juge « un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » – est appliquée, d’une part, à la punition du « délit de solidarité » (n° 2018-717/718 QPC, § 18), à la majoration de quotient familial (n° 2018-753 QPC, § 9) et à la revente de billets pour une manifestation ou un spectacle (n° 2018-754 QPC, § 3) et, d’autre part, à la remédiation « à l’inconstitutionnalité constatée » (n° 2018-717/718 QPC, § 23 ; n° 2018-730 QPC, § 12 ; n° 2018-733 QPC, § 13)66. De même, le Conseil constitutionnel pratique depuis 2010 le contrôle des législations telles qu’issues d’une « jurisprudence constante » de la Cour de cassation67 ou du Conseil d’État68, voire « telles qu’interprétées » par ce dernier69 ; ou encore rappelle à l’occasion que « l’incompétence négative » (ou « la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence ») ne peut être invoquée en vertu de l’article 61-1 « que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la constitution garantit »70, c’est-à-dire à l’appui d’un autre grief ; il est vrai que cette dénégation rituelle, manifestement bien connue des avocats, ne l’empêche pas de pratiquer un contrôle de même portée via le principe de légalité des délits et des peines71 ou le principe de la légalité fiscale72. Il est également possible de pointer des pistes nouvelles, quand le Conseil constitutionnel évoque le « droit disciplinaire » (n° 2018-738 QPC, § 12), ou des sources d’étonnement, notamment que l’inconstitutionnel « confiscatoire » ne puisse s’appliquer qu’aux impositions et non à l’ensemble des prélèvements obligatoires (n° 2018-735 QPC, § 20) ou que la différence entre optimisation et évasion fiscales soit si nettement tracée (n° 2018-748 QPC). Et puis il y a le non-dit. Au premier chef, ce paragraphe intitulé « la jurisprudence non bis in idem » que contient le commentaire officiel de l’affaire Thévenoud : on sait, en effet, que, tout en appliquant la règle, les décisions du Conseil constitutionnel ne mentionnent elles-mêmes jamais l’adage latin. Dans un tout autre registre, on relèvera les cas de contrôle implicite du juge constitutionnel : par exemple, la décision n° 2018-739 QPC du 12 octobre 2018 – une censure s’inscrivant pleinement dans la jurisprudence antérieure (cf. n° 2014-418 QPC) – ne précise pas expressément que l’amende fiscale en cause est bien une punition, au sens de l’article 8 de la déclaration de 1789, avant de juger qu’elle méconnaît le principe de proportionnalité des peines.

Reste la solution du Conseil constitutionnel et, en particulier, les cas de l’abrogation, notamment différée (une fois sur deux ce semestre). Car c’est ici aussi que peut se manifester une forme de concurrence avec le Parlement, quand le juge se fait législateur non seulement négatif mais encore « alternatif » en posant in fine cette législation provisoire que les commentaires officiels appellent « réserve transitoire »73. Cette technique est utilisée dans la décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet, exemptant immédiatement les actes « réalisés dans un but humanitaire » (§ 24) malgré une date d’abrogation reportée au 1er décembre 2018 (§ 23), puis dans la décision n° 2018-739 QPC du 12 octobre 2018 censurant une sanction fiscale disproportionnée (§ 11), avec un report de 2 mois et demi (et, ou car, en période de session budgétaire) : dans les deux cas le Conseil constitutionnel exige que l’on cesse de suite de punir l’innocent mais admet que l’on continue de sanctionner le coupable, sur le fondement de la disposition bientôt abrogée. Quant aux deux autres censures à effet différé, d’un an pour l’une (décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018 sur la garde à vue du majeur protégé), d’un peu plus de 3 mois pour l’autre (décision n° 2018-733 QPC du 21 septembre 2018 sur l’exonération de CFE de certains ports), elles sont sèches… Mais il est aussi des censures immédiates en dentelles : quand la décision n° 2018-737 QPC du 5 octobre 2018 déclare inconstitutionnelles les dispositions de la loi du 10 août 1927 relatives à la nationalité par filiation maternelle, elle prend soin de préciser, sécurité des « situations juridiques » oblige, que cette inconstitutionnalité ne touche que les personnes nées à l’étranger entre 1906 et 1924 – la période d’impact de la loi – voire leurs descendants mais non leurs ascendants74… Pensons en outre à ces sortes de « réserves discrètes », semées çà et là dans la motivation du Conseil. Ainsi, quand il valide l’absence de prescription s’agissant des poursuites disciplinaires contre les avocats, il précise incidemment que l’article 8 de la déclaration de 1789 implique que le temps écoulé « puisse être pris en compte dans la détermination de la sanction » (n° 2018-738 QPC, § 11) : on dira qu’il n’a pas écrit « doive » et que, partant, ce n’est pas une « réserve » ; c’est pourtant bien un guide pour le comportement des acteurs institutionnels ! On pourrait, en parallèle, qualifier de « quasi-réserve » l’exposé de l’ensemble des alternatives au prononcé d’une peine plancher d’emprisonnement, dès lors qu’il s’agit à la fois d’inviter le juge pénal à y piocher et d’éviter une déclaration d’inconstitutionnalité (n° 2018-731 QPC).

Deux thèmes, enfin, avant d’en venir à une analyse un peu plus précise de la jurisprudence, méritent un instant : la vertu du procès et la philosophie du juge. La QPC sert-elle l’argent ? Si l’on excepte celle qui profite (ou pas, en l’espèce) à l’avocat (n° 2018-738 QPC), la tonalité de ce semestre semble en effet particulièrement marquée par les questions financières, qu’il s’agisse de prélèvements obligatoires, de salaires ou traitements, de vente, d’assurances et autres contrats : un « droit de l’argent » distingué d’un « droit de l’Être » ? Coïncidence, assurément, les autres décisions, comme celles sur la garde à vue, celles sur l’égalité des sexes ou, bien entendu, celle sur la fraternité, sont en majorité des déclarations d’inconstitutionnalité. Le cas du « délit de solidarité » est ainsi, à tous égards, affaire de désintéressement… À propos de refus du profit, plusieurs décisions du Conseil constitutionnel reflètent un « droit de la personne publique » qui serait toujours, en soi et comme par principe différent : la QPC n° 2018-752, en matière « d’assujettissement à l’impôt », est ici révélatrice. Et puis il y a l’extraordinaire question de l’anachronisme constitutionnel : on réécoutera, dans l’affaire Grégory (la QPC n° 2018-744), la remarquable plaidoirie de maître Claire Waquet en faveur d’une décision de conformité, opposant la pensée d’hier et celle d’aujourd’hui – c’était vrai, mais ce n’était pas concevable : la suivre eut été reconnaître que la constitutionnalité est bien dite par le juge et non par les textes ; solution d’autant plus improbable qu’en pratique la censure ne risquait pas de déstabiliser nombre de procédures en cours – et l’on relira à cette aune la motivation du Conseil constitutionnel, qui lui répond en insistant au contraire sur le mot « alors » !

Pierre MOUZET

II – La jurisprudence

Aucune décision, ce second semestre 2018, n’aura échappé au double filtrage des juridictions suprêmes : nulle demande de rectification, nulle décision relevant du contentieux électoral, rien dont le Conseil constitutionnel aurait eu à se saisir lui-même. C’est le droit pénal, incontestablement, qui domine, même si l’on fera place au droit du travail ou au droit civil et, bien entendu, au droit fiscal. Il y aura donc, cette fois, beaucoup plus d’attention portée aux QPC transmises par la Cour de cassation qu’à celles transmises par le Conseil d’État…

A – Les QPC transmises par la Cour de cassation

On aura compris plus haut l’importance, ce semestre, des arrêts de la Cour de cassation : on verra ainsi que continue sous son impulsion le nettoyage de la garde à vue, un peu comme on le fit de l’hospitalisation d’office. La garde à vue est un moment crucial de la procédure pénale. Le 30 juillet 2010, la toute première décision du Conseil constitutionnel portant sur cette mesure de contrainte l’indiquait déjà : « la garde à vue est devenue la phase principale de constitution du dossier de la procédure en vue du jugement de la personne mise en cause »75. Deux décisions du Conseil viennent renforcer spécifiquement les droits des personnes vulnérables faisant l’objet de cette mesure de contrainte : celle du 14 septembre 2018 sur le majeur protégé, celle du 16 novembre 2018 sur le mineur. Doublement fragilisés, par leur état et par la situation, les majeurs protégés et les mineurs doivent en effet bénéficier de garanties supplémentaires venant compenser leur vulnérabilité. Mais – hormis pour ces décisions-ci – procédons ici dans l’ordre chronologique des décisions du Conseil constitutionnel.

Décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018 : naissance d’une fraternité

Qu’est-ce qu’une grande décision ? Une érection, comme le dit la Cour de cassation, d’une idée en principe à valeur constitutionnelle ? C’est certainement un moment, et un raisonnement, clair et fort : une « décision historique »76. C’est sans doute celle qui constitue une « bonne nouvelle »77 ou, comme chez les artistes, qui fait scandale78. Ce sont des signes externes, encore : celle que l’on commente abondamment, donc, ou celle que son auteur a pris soin de traduire lui-même en plusieurs langues vivantes79. Ce sont des qualités internes, surtout : la « Grande Décision » est celle qui jaillit, comme la lumière : nul hasard si la décision n° 2018-717/718 QPC emprunte tant à la consécration du principe de sauvegarde de la dignité de la personne par la décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, comme une tardive réplique.

Le plus remarquable dans l’affaire du « délit de solidarité » est qu’il ne manquait qu’une pièce au puzzle. Deux, plus exactement. Le raisonnement du Conseil constitutionnel est en effet conduit en plusieurs temps : activer un vrai-faux neutron constitutionnel, la devise de la République, d’abord ; en déduire une liberté de solidarité, ensuite, un « principe d’humanité » a-t-on écrit80 ou, tout simplement, la spécifique liberté d’altruisme. Ce sont les fameux « il ressort » (§ 7), comme avec la dignité en 1994, puis « il découle » (§ 8), deux déclinaisons d’une évidence affichée… Ces deux déductions paraissent asymétriques : sans le premier temps, point de second, celui-ci impliquant celui-là, mais il n’était pas certain que le « principe de fraternité » impliquât la « liberté d’aider autrui dans un but humanitaire ». Il est vrai, toutefois, que l’on concevrait mal que la fraternité ne contienne pas l’altruisme ! Sauf à la penser comme s’arrêtant à la solidarité obligée ; l’égalité, par exemple, est intrinsèquement constituée aussi d’obligations…

La devise, véritable principe actif. Qu’auraient dit nos Pères de la normativité de l’expression « idéal commun », sinon que l’utopie n’est pas source d’obligations ? Faut-il que les esprits aient changé pour que nos juges osassent ainsi, qui plus est sans paraître y toucher ? On se prend à songer non seulement à Kelsen lui-même, quand il mettait en garde dans la Revue du droit public de 1928 contre les énoncés constitutionnels trop vagues, mais encore aux objurgations d’un Paul-Henri Teitgen ou d’un Marcel Waline devant le Comité consultatif constitutionnel : qu’elle est loin, la pensée 58 !

L’évidence du 6 juillet 2018, quelque deux générations plus tard, est le produit croisé de deux cultures, celle, française, de l’écrit, cette tradition qui peut toujours sourdre selon laquelle l’écrit veut dire quelque chose, et celle, constitutionnaliste, de l’interprétation. Chargé en 2008 de réfléchir à une révision du préambule, le comité Veil l’avait souligné : les mots constitutionnels ne peuvent pas ne pas signifier. Et puisque la loi doit être normative – au sens juridique ou, justement, normatif du devoir-être – comment la loi constitutionnelle ne le serait-elle pas ? Il s’agit bien d’essence, de définition et, là encore, d’acquis de la Révolution.

Un esprit moqueur pourrait relever que nul n’a jamais tiré les principes constitutionnels de « liberté » ou d’« égalité » de la devise de la République : mais qu’importe, si la fraternité ne date pas de 1789 et ne figure que là ?

Il y a donc une idée toute simple derrière la décision n° 2018-717/718 QPC : la fraternité est bien une norme juridique et elle ne saurait avoir, en tant que telle, valeur que constitutionnelle.

Le raisonnement était prêt, puisqu’il était dans la requête. Le « commentaire officiel » de la décision du Conseil constitutionnel révèle néanmoins une autre inspiration, en même temps qu’un intéressant témoignage de sociologie juridique. S’agissant précisément de la reconnaissance du principe de fraternité, en effet, il ne se contente pas d’une revue des textes, ou de l’histoire constitutionnelle française : chose assez rare, on y relève la plume de bons auteurs. Or, si la thèse, au double sens du terme, de Michel Borgetto est ainsi citée (à tout seigneur tout honneur), c’est après une référence aux travaux de Guy Canivet et de Jean-Claude Colliard : deux anciens membres du Conseil.

Dans ses motifs, le juge affecte de faire nombre, en multipliant les références textuelles, préambule, article 2, article 72-3, en répétant ses sources : au vrai, il est manifeste qu’il n’en est qu’une, le triptyque de la République ; elle prévaut, d’ailleurs, dans la motivation du Conseil constitutionnel, puisque priorité est donnée au quatrième alinéa de l’article 2 de la constitution dans l’énumération présentée.

L’activation de ce que l’on croyait un neutron juridique à laquelle le Conseil constitutionnel a ainsi procédé décline ici deux idées : si la première est sa normativité, par définition, la seconde est sa centralité ; on se prend à songer, dans un autre registre, à la manière dont le juge a réveillé l’article 88-1…

Allons plus loin : la devise est le principe actif de la République. Car les constitutions contiennent, comme les médicaments, un noyau agissant. Et celui-ci est fondamental. Notre devise, par exemple, explique pourquoi on a juridiquement rétabli la légalité républicaine à la Libération, alors que le régime de Vichy ne revenait nullement à la dévolution héréditaire du pouvoir, prohibée en 1884. C’est l’esprit de la Résistance, voire l’esprit de 1848 que l’on a retrouvé.

L’altruisme, simple aspect de la fraternité. Le plus intéressant peut-être, pour le Montpensiologue, sera dans ce que la décision du 6 juillet 2018 ne dit pas : le Conseil constitutionnel n’a pas écrit « exclusivement ». Il ne l’a écrit ni entre les mots « but » et « humanitaire », ni entre les expressions « il découle » et « du principe de fraternité ». Dira-t-on que mobiliser l’adverbe eut été absurde, stratégiquement dans le premier cas – la stratégie consistant notamment, pour tout pouvoir, à ne jamais insulter l’avenir – et logiquement dans le second ? Certes. Il n’empêche : on ne sait pas ce qu’il y a d’autre dans le principe constitutionnel de fraternité. Or, cette interrogation se dédouble.

La première question est bien sûr celle du militantisme. Le juge n’en dit mot, contrairement à la lecture qu’en fit le ministre de l’Intérieur, immédiatement suivi par le législateur81.

On peut parfaitement concevoir que la « liberté d’aider autrui » ne soit pas à proprement parler de l’altruisme, qui relève du sentiment, mais la manifestation d’une opinion, ou d’une croyance. Voire, pour le dire de manière à peine caricaturale : qu’il s’agisse moins de sauver l’autre que de se sauver soi-même, en gagnant sa place au paradis ; ou, laissons là la foi, pour le seul repos de l’âme.

Le « commentaire officiel » de la décision distingue – tout en se réfugiant derrière « les auteurs favorables » à la reconnaissance de la fraternité – ses dimensions collective et individuelle (ou interindividuelle), la solidarité et la tolérance. Or, tolérer, c’est comprendre la différence, et même l’anormalité. L’affaire est d’importance puisque, comme ledit commentaire l’affiche, la fraternité couvrirait alors « des formes d’entraide (…) en dépit de leur caractère délictueux ». N’est-ce pas tout à fait inexact ? Si le principe de fraternité couvre la désobéissance civile, c’est que l’incrimination est inconstitutionnelle, donc que l’entraide n’est plus délictueuse. D’où l’importance du critère retenu par le juge, et répété après correction législative dans la décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, de l’action faisant « naître une situation illicite ». Et d’ailleurs, comme le dit la décision expressément cette fois (§ 10), le principe de fraternité doit être concilié avec la sauvegarde de l’ordre public.

La seconde question est justement celle du civisme : la fraternité non pas comme liberté mais comme devoir.

Lorsque, après son oubli progressif sous la Révolution, la fraternité réapparaît dans le préambule de 1848, elle y est en effet consacrée sous deux formes : d’une part, l’obligation de la République envers les nécessiteux, cette fameuse « assistance fraternelle » offerte par l’État, issue des débats relatifs à la (non-)constitutionnalisation du droit au travail ; d’autre part, surtout, ce sont bien les « citoyens [qui] doivent concourir au bien-être commun en s’entraidant fraternellement les uns les autres »…

On aura remarqué que, tandis que la solidarité semble ainsi au XIXe siècle se résumer au strict cercle des nationaux, l’idée peut être aujourd’hui comparée à la déclinaison jurisprudentielle du principe d’égalité : on retrouve bien là en effet tout à la fois la règle de l’urgence sanitaire (et revoici la dignité), aveugle à la régularité du séjour, puisque ce sont alors tous les étrangers présents sur le territoire national qui doivent être aidés – le fait de glisser de la personne publique aux personnes privées important peu pour le raisonnement à cet égard – et, en même temps, la possible distinction entre les clandestins et les autres, tout comme, s’agissant du « délit de solidarité », entre l’aide au séjour (ou à la circulation) et l’aide au franchissement de la frontière. Ainsi, le Conseil constitutionnel n’a pas modifié d’un iota sa jurisprudence relative au(x) droit(s) des étrangers (§ 9). Grande décision, petit effet ?

Pierre MOUZET

Décision n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC du 13 juillet 2018 : représentation déséquilibrée entre les sexes au sein des institutions représentatives du personnel ; possibilité de mettre en œuvre des élections partielles

En matière d’égalité des sexes et de représentation électorale, il est question de « parité », d’« équilibre » et de « proportion » : les mots traduisent les tâtonnements de la recherche d’une juste mesure. La démocratie sociale n’y échappe pas ; elle doit se conformer, à l’instar de la démocratie politique, au modèle énoncé à l’article 1er de la constitution aux termes duquel « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». En ce sens, la loi n° 2015-994 du 18 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, en cherchant à garantir une représentation professionnelle reflétant la réalité du corps électoral (en ce qui concerne les hommes et les femmes à tout le moins), soumet les institutions représentatives du personnel à une obligation de représentation équilibrée entre les sexes dans la composition des listes électorales. Compte tenu du particularisme du monde professionnel, le législateur a cependant choisi d’emprunter pour les syndicats une voie autre que celle adoptée pour les partis politiques. Le Code du travail prévoit à ce titre deux volets de dispositions. L’un imposant une représentation proportionnelle, et non pas paritaire, correspondant à la part d’hommes et de femmes dans les collèges électoraux. Prévue à l’article L. 2314-30 relatif à la nouvelle institution représentative qu’est le comité social et économique (CSE), cette mesure était auparavant codifiée aux articles L. 2314-24-1 et L. 2324-22-1 concernant respectivement les délégués du personnel et le comité d’entreprise, institutions vouées à disparaître mais bénéficiant d’une période transitoire jusqu’au 1er janvier 2020. L’autre volet, figurant au second alinéa de ces mêmes articles, édicte une règle de composition des listes imposant une alternance des candidats de chaque sexe et précise l’arrondi arithmétique à appliquer lorsque la règle n’aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes. Il revient donc aux organisations syndicales, constituant les listes, de mettre en œuvre cet objectif visant à garantir l’effectivité de cette égalité. Le schéma tracé par le législateur se veut cependant subtil, mêlant obligation impérative et sanction incitative conformément aux prescriptions du Conseil constitutionnel qui admet qu’il est loisible au législateur d’adopter des dispositions « revêtant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant »82 pour parvenir à cet objectif. Tiraillé entre le nécessaire respect de la liberté syndicale et la poursuite de cette effectivité, le législateur a cependant conçu un dispositif relativement complexe faisant naître de nombreuses difficultés de mise en œuvre. Dans une précédente décision du 19 janvier 201883, le Conseil constitutionnel avait eu à compléter la règle de l’alternance concernant la composition des listes électorales en émettant une réserve d’interprétation relative au calcul de l’arrondi afin d’éviter la sous-représentation d’un genre au sein d’un collège électoral. Il fut ainsi précisé que « lorsque l’application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste » ; ce faisant le Conseil constitutionnel alignait la règle applicable aux anciennes institutions sur celle de l’article L. 2314-30 du Code du travail relative au CSE, issu des ordonnances du 22 septembre 2017.

Dans la présente décision, c’est cependant la sanction du dispositif visant à garantir cette représentation équilibrée qui était au cœur des QPC transmises par la chambre sociale de la Cour de cassation dans ses arrêts du 16 mai 2018 (nos 18-11720 et s.). Le litige était relatif à l’annulation des élections s’étant déroulées en violation de l’obligation de représentation équilibrée des hommes et des femmes au regard de leur part respective dans l’effectif de l’entreprise. Curieuse sanction effectivement que celle qui était énoncée aux articles L. 2314-25 et L. 2324-23 combinée avec les articles L. 2314-7 et L. 2324-10, faisant l’objet des QPC, prévoyant l’annulation par le juge de l’élection des candidats du sexe surreprésenté au motif qu’elle ne satisfait pas à la règle d’une représentation équilibrée, mais dispensant l’employeur d’organiser une élection partielle pour remédier à ce défaut. La sanction se voulait efficace tout en n’atteignant pas en son cœur la liberté syndicale mais en pénalisant indirectement ceux qui ont ainsi constitué les listes. Le Conseil ne s’y trompe pas, soulignant qu’il s’agit ainsi d’« éviter que l’employeur soit contraint d’organiser de nouvelles élections professionnelles alors que l’établissement des listes de candidats relève des organisations syndicales et, d’autre part, inciter ces dernières à respecter les règles contribuant à la représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les délégués du personnel et au sein du comité d’entreprise » (§ 11).

Les syndicats ont bien perçu l’atteinte que cette règle pouvait leur porter, laissant vacants pendant une période pouvant être relativement longue les sièges des représentants dont l’élection a été annulée, notamment lorsque celle-ci intervient en début de cycle électoral. La chambre sociale avait ainsi apprécié le caractère sérieux de la question en relevant que les dispositions contestées pouvaient aboutir à ce que plusieurs sièges de délégués du personnel demeurent vacants, y compris dans le cas où un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre de délégués titulaires est réduit de moitié ou plus. En cela, l’atteinte au principe de participation des travailleurs était perceptible. La sanction, en ne prévoyant aucun moyen de remédier à ce résultat, lequel ne correspondait pourtant pas à celui visé, apparaissait effectivement pour le moins paradoxale. Ce n’est donc pas sur le terrain de la liberté syndicale mais sur celui du principe de participation des travailleurs garanti à l’alinéa 8 du préambule de la constitution de 1946 que les requérants se sont fondés, ainsi que sur le principe d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales garanti par l’article 1er de la constitution.

Suivant l’argumentaire des syndicats, le Conseil constitutionnel censure le dispositif en retenant que « le fonctionnement normal » des institutions du personnel « pouvait être affecté dans des conditions remettant en cause le principe de participation des travailleurs » (§ 12). Le cycle électoral étant relativement long, l’absence d’élections partielles était susceptible de laisser vacants les sièges pendant un temps important, « pouvant durer jusqu’à 4 ans, y compris dans les cas où un collège électoral n’est plus représenté au sein de ce comité et où le nombre des élus titulaires a été réduit de moitié ou plus » (§ 12). Sont donc jugées contraires à la constitution les dispositions des articles L. 2314-7 et L. 2324-10 du Code du travail venant restreindre le recours aux élections partielles des représentants du personnel en cas d’annulation de l’élection des salariés appartenant au genre surreprésenté. La solution n’est pas surprenante, le Conseil ayant auparavant retenu la même approche dans le cadre de sa décision du 21 mars 201884 relative à la loi de ratification des ordonnances du 22 septembre 2017. Il avait ainsi censuré une partie des dispositions de l’article L. 2314-10 relatives au CSE dont le contenu était identique aux dispositions ici en cause.

Si la solution adoptée dans la présente décision n’a finalement qu’une portée relativement limitée, les institutions représentatives concernées n’ayant vocation à perdurer que pendant une période transitoire, elle traduit les difficultés auxquelles se heurtent les syndicats dans la mise en œuvre de cet équilibre. Le contentieux à ce titre est particulièrement nourri, opposant d’ailleurs les syndicats entre eux. Dernièrement, la chambre sociale dans son arrêt du 13 février 2019 (n° 18-17042), concernant l’un des litiges ayant donné lieu à la présente décision, a ainsi été amenée à contrôler la conventionalité du dispositif visant à garantir cette représentation équilibrée. L’atteinte à la liberté syndicale était cette fois-ci invoquée par un syndicat, tandis qu’un autre opposait la prohibition des discriminations fondées sur le sexe. La Cour de cassation juge que le dispositif ne porte pas une atteinte disproportionnée au principe de la liberté syndicale. Elle retient ainsi que « la sanction est limitée à l’annulation des élus surnuméraires de l’un ou l’autre sexe, et dès lors que, par application de la décision du Conseil constitutionnel du 13 juillet 2018, l’organisation d’élections partielles est possible dans le cas où ces annulations conduiraient à une sous-représentation trop importante au sein d’un collège, les dispositions en cause ne constituent pas une atteinte disproportionnée au principe de la liberté syndicale reconnu par les textes européens et internationaux et procèdent à une nécessaire et équilibrée conciliation avec le droit fondamental à l’égalité entre les sexes ». Dans son principe, le dispositif semble ainsi consolidé. La mise en œuvre reste, elle, encore à parfaire.

Gwenola BARGAIN

Décision n° 2018-729 QPC du 7 septembre 2018 : conformité de la sanction de nullité du licenciement pour motif économique

Nombreuses sont les indemnités prévues par le Code du travail qui auront été passées au crible de la constitution. C’est que le droit du travail fait un usage de l’indemnisation relativement atypique tant et si bien que l’indemnité reçoit une pluralité de finalités dans la législation sociale sans que celles-ci soient d’ailleurs clairement établies. Il n’est pas étonnant alors de constater une relative dissonance dans les décisions du Conseil constitutionnel lorsqu’il s’agit de se prononcer sur la conformité de ces dispositions notamment au principe de proportionnalité, de nécessité et d’individualisation des peines. Sans grande surprise, la décision du 7 septembre 2018 relative à la sanction de nullité du licenciement pour motif économique en cas d’absence ou d’insuffisance d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) s’inscrit dans une approche relativement classique du dispositif sans pour autant ajouter pleinement à sa cohérence.

L’article L. 1235-11 du Code du travail, objet de la QPC85, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, prévoit qu’en cas de nullité de la procédure de licenciement pour motif économique, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l’article L. 1235-10, le juge peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier. L’article indiquait également que lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des 12 derniers mois (l’actuel dispositif ne prévoit plus que 6 mois de salaires minimum).

À ce titre, la société requérante faisait notamment valoir que cette indemnité minimale de 12 mois de salaires était sans rapport avec la réalité du préjudice subi par le salarié, portait atteinte au droit de propriété de l’employeur et était contraire aux principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines. Le Conseil constitutionnel ne suivra pas l’argumentaire, retenant tout d’abord que le plancher fixé n’a pas la nature d’une punition en ce qu’il vise « à assurer une réparation minimale du préjudice subi par le salarié du fait de la nullité de son licenciement économique » (§ 17). Solution bienvenue mais somme tout discutable dès lors qu’un plancher d’indemnisation, s’il est fixé à un niveau élevé, se veut tout autant punitif que réparateur. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs pu admettre cette double dimension dans sa décision n° 2016-582 QPC du 13 octobre 2016 relative à l’ancienne indemnité minimale de 6 mois de salaires prévue dans le cadre du licenciement sans cause réelle et sérieuse pour les entreprises d’au moins 11 salariés, en relevant que pour ces entreprises « cette indemnité minimale a pour objet d’éviter les licenciements injustifiés » (§ 9). Cela étant, comme le relève le Conseil dans la présente décision, l’indemnité en matière de nullité du licenciement a une nature particulière puisqu’elle se substitue, soit à la poursuite du contrat de travail, soit à la réintégration du salarié, si bien qu’elle « constitue ainsi une réparation par équivalent lorsqu’une réparation en nature n’est pas possible ou qu’elle n’est pas demandée par le salarié » (§ 17). La nature réparatrice de l’indemnité versée l’emporte ici sur sa fonction punitive si bien que la question de sa conformité au principe de proportionnalité des peines se révèle non pertinente.

La décision du Conseil constitutionnel permet également de lever une incertitude résultant d’une maladresse d’écriture du législateur. Opérant une distinction entre la nullité de la procédure et la nullité du licenciement pour motif économique, l’article L. 1235-10 prévoit en son premier alinéa les causes de nullité du licenciement pour motif économique et dans son deuxième les causes de nullité de la procédure de licenciement en cas d’absence ou d’insuffisance d’un PSE. La société faisait valoir que ces dispositions ne permettaient pas à l’employeur de déterminer si les mesures prescrites, en particulier le versement d’une indemnité au salarié à la place de la poursuite de son contrat de travail ou de sa réintégration, s’appliquaient seulement au cas de nullité de la procédure de licenciement économique ou également à celui de nullité du licenciement économique lui-même. En réalité, et cela sans surprise, le Conseil retiendra que la distinction est contingente puisqu’il « résulte des travaux préparatoires de la loi du 14 juin 2013 » que « le législateur a entendu attacher les mêmes conséquences au défaut de respect des dispositions relatives au plan de sauvegarde de l’emploi prévues à l’article L. 1235-10, tant en cas de nullité du licenciement au sens du premier alinéa de cet article qu’en cas de nullité de la procédure de licenciement au sens de son deuxième alinéa. Les mesures prescrites à l’article L. 1235-11 s’appliquent ainsi dans ces deux hypothèses » (§ 12). Le doute était faible mais la présente décision aura le mérite d’y mettre définitivement un terme.

Gwenola BARGAIN

(À suivre)

B – Les QPC transmises par le Conseil d’État

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cons. const., 6 juill. 2018, n° 2018-717/718 QPC.
  • 2.
    Mouzet P., « Sur un autre aspect de la fraternité », note sous Cons. const., 6 sept. 2018, n° 2018-770 DC : AJDA 2018, p. 2401.
  • 3.
    Cons. const., 16 nov. 2018, n° 2018-744 QPC.
  • 4.
    Cons. const., 14 sept. 2018, n° 2018-730 QPC.
  • 5.
    https://bases-marques.inpi.fr/Typo3_INPI_Marques/marques_resultats_liste.html.
  • 6.
    Cons. const., 23 nov. 2018, n° 2018-745 QPC.
  • 7.
    CE, 27 juin 2018, n° 419595 : Lebon, p. 271, il résulte « du principe constitutionnel de laïcité que l’accès aux fonctions publiques, dont l’accès aux fonctions de président d’université, s’effectue sans distinction de croyance et de religion ».
  • 8.
    CE, 28 sept. 2018, n° 421899 : « La différence de traitement, résultant des dispositions critiquées, entre les couples formés d’un homme et d’une femme et les couples de personnes de même sexe est en lien direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».
  • 9.
    Ses observations sur les législatives de 2017 (Cons. const., 21 févr. 2019, n° 2019-28 ELEC) ne comprennent pas de rubrique spécifiquement consacrée à la QPC et rappellent seulement la possibilité d’en rejeter une sans instruction contradictoire préalable.
  • 10.
    Si ses arrêts sont tous de la même date, ceux de la chambre sociale, du 16 mai, ont été transmis entre le 16 et le 23 mai, selon les dates de saisine affichées par la décision n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC du 13 juillet 2018. Le décalage n’est pas d’une ampleur telle, cependant, qu’il réduirait à l’excès le temps imparti au Conseil constitutionnel.
  • 11.
    Cons. const., 27 sept. 2018, n° 2018-735 QPC : les cotisations sont « des versements à caractère obligatoire constituant la contrepartie légale du bénéfice des prestations » ou, faut-il retenir, du « droit » à prestation, l’obligation n’étant liée qu’à un bénéfice potentiel.
  • 12.
    Cons. const., 27 sept. 2018, n° 2018-735 QPC, § 19 ; Cons. const., 30 nov. 2018, n° 2018-748 QPC, § 8.
  • 13.
    Cons. const., 19 oct. 2018, n° 2018-740 QPC, § 11.
  • 14.
    Cons. const., 19 oct. 2018, n° 2018-740 QPC, § 11, 19 et 22.
  • 15.
    Cons. const., 27 sept. 2018, n° 2018-734 QPC.
  • 16.
    Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-727 QPC.
  • 17.
    Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC.
  • 18.
    Cons. const., 23 nov. 2018, n° 2018-747 QPC.
  • 19.
    Cons. const., 5 oct. 2018, n° 2018-737 QPC.
  • 20.
    C’est le cas de deux autres décisions, les QPC n° 2018-743 du 26 octobre 2018, visant l’ordonnance de codification du CG3P, et n° 2018-745 du 23 novembre 2018 sur une ordonnance de 2005 modifiant l’article 1728 du CGI.
  • 21.
    Cons. const., 27 sept. 2018, n° 2018-734 QPC.
  • 22.
    Cf. Cons. const., 8 janv. 2016, n° 2015-512 QPC ; Cons. const., 23 janv. 2015, n° 2014-439 QPC.
  • 23.
    Cons. const., 7 déc. 2018, n° 2018-750/751 QPC, § 19.
  • 24.
    Ce fut le cas dès la décision n° 2019-772 QPC du 5 avril 2019 (§ 7) !
  • 25.
    Cons. const., 16 nov. 2018, n° 2018-744 QPC ; Cons. const., 7 déc. 2018, n° 2018-752 QPC ; Cons. const., 14 déc. 2018, n° 2018-754 QPC.
  • 26.
    Cons. const., 14 sept. 2018, n° 2018-731 QPC.
  • 27.
    Cons. const., 19 oct. 2018, n° 2018-741 QPC.
  • 28.
    Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC : employeurs ; Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-728 QPC : assureur ; Cons. const., 21 sept. 2018, n° 2018-732 QPC et Cons. const., 5 oct. 2018, n° 2018-736 QPC : caisse de sécurité sociale ; Cons. const., 19 oct. 2018, n° 2018-740 QPC : commune ; Cons. const., 16 nov. 2018, n° 2018-744 QPC : Jean-Marie et Christine Villemin, dans l’affaire Murielle Bolle ; Cons. const., 14 déc. 2018, n° 2018-754 QPC : l’UEFA notamment dans l’affaire Viagogo de revente sur Internet.
  • 29.
    Sur cette technique, cf. « Chronique de QPC », LPA 11 févr. 2019, n° 141y8, p. 7-8.
  • 30.
    Cons. const., 11 oct. 2018, n° 2018-738 QPC.
  • 31.
    Le record de l’automne 2015 ou du printemps 2014 est atteint, voire battu puisque le Conseil constitutionnel avait rendu 37 décisions pendant ces deux semestres et non 30 comme ici ! Restent ceux des respectivement 6 et 8 audiences sans plaidoirie des premiers semestres 2012 et 2011, 9 pour l’année en 2012, 17 pour l’année en 2011, quoique la proportion soit comparable. À l’époque, le secrétariat général du gouvernement s’abstenait souvent aussi en pareil cas. Au total, ce sont 60 décisions QPC qui, fin 2018, ont été rendues sans défense orale du requérant ; pour 16 déclarations d’inconstitutionnalité.
  • 32.
    Cons. const., 27 sept. 2018, n° 2018-734 QPC : un comité d’entreprise.
  • 33.
    Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-719 QPC ; Cons. const., 23 nov. 2018, n° 2018-747 QPC ; Cons. const., 14 déc. 2018, n° 2018-753 QPC : des contribuables.
  • 34.
    Outre l’affaire du « délit de solidarité » (Cons. const., 6 juill. 2018, n° 2018-717/718 QPC), cf. Cons. const., 19 oct. 2018, n° 2018-741 QPC.
  • 35.
    Cons. const., 14 déc. 2018, n° 2018-754 QPC, Sté Viagogo et a.
  • 36.
    Cf. Cons. const., 12 juin 2018, n° 2018-765 DC, Loi relative à la protection des données personnelles et Cons. const., 26 juill. 2018, n° 2018-768 DC, Loi relative à la protection du secret des affaires.
  • 37.
    Cf. Cons. const., 17 déc. 2010, n° 2010-79 QPC.
  • 38.
    Cf. Cons. const., 12 juin 2018, n° 2018-765 DC, Loi relative à la protection des données personnelles et Cons. const., 26 juill. 2018, n° 2018-768 DC, Loi relative à la protection du secret des affaires.
  • 39.
    L’épithète a disparu dans la décision n° 2018-750/751 QPC du 7 décembre 2018.
  • 40.
    Dans la décision n° 2018-741 QPC du 19 octobre 2018, le Conseil constitutionnel ne se donne même pas la peine de le signaler, alors que le Conseil d’État avait pris soin de juger que l’article en cause avait été « réécrit et, sur le fond, substantiellement modifié » par la loi querellée.
  • 41.
    Le commentaire officiel cite également les décisions n° 2011-206 QPC du 16 décembre 2011 (« audiencement tardif devant la Cour de cassation »), n° 2013-363 QPC du 31 janvier 2014 (erreur dans l’enregistrement du pourvoi) et n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012 (ni constat ni explication du Conseil d’État) ; on pourrait ajouter les cas particuliers (des demandes, jugées irrecevables, de saisine directe du Conseil constitutionnel) des décisions n° 2014-440 QPC et n° 2015-491 QPC.
  • 42.
    On aura remarqué que la décision est rendue 3 mois jour pour jour après l’arrêt : c’est aussi le cas des décisions n° 2018-738 QPC du 11 octobre et n° 2018-740 QPC du 19 octobre ; les autres décisions du semestre sont rendues en un peu moins de 3 mois ou bien, en juillet et à partir de la fin octobre, en 2 mois environ.
  • 43.
    Cons. const., 5 oct. 2018, n° 2018-736 QPC : sanction pour défaut de réponse instauré par le Code de la sécurité sociale ; Cons. const., 26 oct. 2018, n° 2018-743 QPC : inaliénabilité et imprescriptibilité du domaine public, rappelées dans le très général article L. 3111-1 du CG3P.
  • 44.
    Par exemple la réduction de la QPC aux mots « en France » s’agissant de transmission de la nationalité par filiation dans la décision n° 2018-737 QPC du 5 octobre 2018.
  • 45.
    Cf. Cons. const., 4 avr. 2014, n° 2014-373 QPC, § 4 ; Cons. const., 22 juill. 2016, n° 2016-555 QPC, § 6 ; Cons. const., 7 avr. 2017, n° 2017-623 QPC, § 18 ; Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-665 QPC, § 4.
  • 46.
    Le même sort avait été réservé à l’Agence française de lutte contre le dopage dans la décision n° 2014-453/454 QPC et n° 2015-462 QPC du 18 mars 2015.
  • 47.
    Cons. const., 26 mars 2015, n° 2015-459 QPC ; et pas sur un texte différent (Cons. const., 16 sept. 2016, n° 2016-566 QPC), sauf si elle déjà fait l’objet d’un refus de transmission (Cons. const., 4 déc. 2015, n° 2015-506 QPC).
  • 48.
    Cons. const., 12 janv. 2018, n° 2017-685 QPC, décision dans laquelle le Conseil constitutionnel statue sur une demande d’irrecevabilité présentée par le requérant.
  • 49.
    « La question posée présente un caractère sérieux en ce qu’il résulte du rapprochement des dispositions des 1° et 3° de l’article 1er de la loi du 10 août 1927 que l’enfant légitime né d’une mère française n’était français que s’il était né en France, alors que l’enfant légitime né d’un père français avait la nationalité française même s’il était né à l’étranger ».
  • 50.
    Cons. const., 5 oct. 2018, n° 2018-737 QPC.
  • 51.
    Cf. Cons. const., 9 janv. 2014, n° 2013-360 QPC : dans cette décision-ci, l’égalité des sexes avait pourtant été seule invoquée.
  • 52.
    Adde Cons. const., 21 sept. 2018, n° 2018-733 QPC ; Cons. const., 23 nov. 2018, n° 2018-747 QPC.
  • 53.
    Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC.
  • 54.
    Cons. const., 12 oct. 2018, n° 2018-739 QPC.
  • 55.
    Cons. const., 16 nov. 2018, n° 2018-744 QPC.
  • 56.
    Cons. const., 14 sept. 2018, n° 2018-730 QPC.
  • 57.
    Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-728 QPC ; Cons. const., 11 oct. 2018, n° 2018-738 QPC ; Cons. const., 19 oct. 2018, n° 2018-741 QPC ; Cons. const., 26 oct. 2018, n° 2018-743 QPC et Cons. const., 16 nov. 2018, n° 2018-744 QPC.
  • 58.
    Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-719 QPC ; Cons. const., 27 sept. 2018, n° 2018-735 QPC.
  • 59.
    Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-728 QPC.
  • 60.
    Cons. const., 19 oct. 2018, n° 2018-740 QPC.
  • 61.
    Cons. const., 26 oct. 2018, n° 2018-743 QPC.
  • 62.
    Cons. const., 21 sept. 2018, n° 2018-732 QPC ; Cons. const., 21 sept. 2018, n° 2018-733 QPC ; Cons. const., 30 nov. 2018, n° 2018-749 QPC ; Cons. const., 14 déc. 2018, n° 2018-754 QPC.
  • 63.
    Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC ; Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-727 QPC ; Cons. const., 7 sept. 2018, n° 2018-729 QPC ; Cons. const., 19 oct. 2018, n° 2018-740 QPC et Cons. const., 19 oct. 2018, n° 2018-741 QPC.
  • 64.
    L’imposition « confiscatoire » et l’OVC de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales dans la décision n° 2018-735 QPC, le principe de légalité des délits et des peines dans la décision n° 2018-745 QPC, ou la liberté contractuelle dans la décision n° 2018-754 QPC.
  • 65.
    Décision n° 2010-85 QPC, citée aux visas.
  • 66.
    Le Conseil constitutionnel ne parle plus, s’agissant de « remédier », que du pouvoir « d’appréciation » et non « de décision ».
  • 67.
    Cons. const., 14 sept. 2018, n° 2018-731 QPC.
  • 68.
    Cons. const., 7 sept. 2018, n° 2018-727 QPC ; Cons. const., 19 oct. 2018, n° 2018-740 QPC.
  • 69.
    Cons. const., 14 déc. 2018, n° 2018-753 QPC.
  • 70.
    Cons. const., 7 sept. 2018, n° 2018-729 QPC.
  • 71.
    Cf. Cons. const., 14 déc. 2018, n° 2018-754 QPC, § 4.
  • 72.
    Cf. Cons. const., 27 sept. 2018, n° 2018-735 QPC, § 11.
  • 73.
    Sur cette problématique, cf. « Chronique de QPC », LPA 11 févr. 2019, n° 141y8, p. 13.
  • 74.
    Cf. Cons. const., 9 janv. 2014, n° 2013-360 QPC.
  • 75.
    Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, cons. 16.
  • 76.
    Borgetto M., « La fraternité devant le Conseil constitutionnel », JCP G 2018, 1488.
  • 77.
    Rousseau D., « Enfin une bonne nouvelle : le principe de fraternité existe ! », Gaz. Pal. 17 juill. 2018, n° 329e1, p. 12.
  • 78.
    Cf. Schoettl J.- É., « Fraternité et souveraineté », RFDA 2018, p. 959.
  • 79.
    On trouvera, sur le site internet du Conseil constitutionnel, outre de nombreuses références doctrinales, des versions anglaise, espagnole et allemande de la décision.
  • 80.
    RFDC n° 117, 2019, p. 181, note Perrier J.-B.
  • 81.
    CESEDA, art. L. 622-4, 3°, issu de la L. n° 2018-778, 10 sept. 2018.
  • 82.
    Cons. const., 24 avr. 2015, n° 2015-465 QPC, § 13.
  • 83.
    Cons. const., 19 janv. 2018, n° 2017-686 QPC.
  • 84.
    Cons. const., 21 mars 2018, n° 2018-761 DC.
  • 85.
    Rappelons (cf. supra) que la QPC a ici été renvoyée par la chambre sociale de la Cour de cassation sur le fondement des dispositions de l’article 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, selon lesquelles « si le Conseil d’État ou la Cour de cassation ne s’est pas prononcé dans les délais [de 3 mois] prévus aux articles 23-4 et 23-5, la question est transmise au Conseil constitutionnel ».