La (trop) subtile dissociation entre l’abus de propagande et son incidence sur la sincérité du scrutin

Publié le 15/03/2022
Vote, propagande
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L’organisation des élections municipales au printemps 2020, en pleine pandémie de Covid-19 et alors que nous subissions le premier confinement, ont marqué l’office du juge électoral, et notamment le Conseil d’État, qui a dû ménager la cohérence de sa jurisprudence, le respect de la sincérité du scrutin et la prise en compte d’un contexte des plus particuliers. Au travers du contentieux qui a résulté des élections municipales et communautaires de la ville de Trappes, le Conseil d’État a été directement confronté à cette gageure de laquelle découle une (trop) subtile dissociation entre l’abus de propagande et son incidence sur la sincérité du compte de campagne.

CE, 8e ch., 18 août 2021, no 449592

CE, 8e ch., 18 août 2021, no 449593

Michel Verpeaux explique avec justesse que le rôle du juge électoral « est tout d’abord de déterminer quelle a été la volonté des électeurs et de faire respecter leur choix »1. Le juge électoral s’inscrit dès lors comme le garant de la sincérité du scrutin, principe chargé de le guider dans tous les contentieux électoraux qu’il aura à apprécier. Lors des élections municipales et communautaires de 2020, le juge administratif, compétent pour ce type de contentieux, et tout particulièrement le Conseil d’État, en charge de l’appel, a dû connaître de nombreuses saisines qui en ont résulté – comme à l’accoutumée –, à ceci près que les élections se sont déroulées en pleine crise de Covid-19 et à la veille du premier confinement national. Outre le maintien, problématique2, du premier tour des élections municipales au 15 mars 2020, le report, tout aussi problématique3, du second tour au 28 juin 2020, et l’abstention record qui en a résulté4, la pandémie est venue émailler l’élection de nouveaux types de fraudes et revendications électives, qui ont mis à rude épreuve la sincérité du scrutin et le juge chargé de la faire respecter.

Les deux décisions rendues par le Conseil d’État le 18 août 2021 relatives aux élections municipales et communautaires de Trappes (Yvelines) en offrent une parfaite illustration.

En l’espèce, au sein de la commune de Trappes, en juillet 2018, M. R., alors adjoint à la Jeunesse et aux Sports, créé l’association Cœur de Trappes, qu’il préside, afin de donner « aux habitants un cadre d’organisation pour mobiliser leurs énergies et leurs compétences au service de l’intérêt général » et ce au travers d’activités socioculturelles. En octobre 2019, M. R. se déclare candidat et tête de liste pour les élections municipales de 2020. Lors du premier tour, le 15 mars 2020, aucune liste n’obtient la majorité absolue, même si celle menée par M. R. est en tête. Durant la campagne et notamment dans l’entre-deux tours, alors que la Covid-19 fait rage et que la population ne dispose pas de masques de protection5, l’association a organisé la fabrication et la distribution de 15 000 masques en lots et de 500 kits pédagogiques auprès de la population. Il est à noter que certaines des notices d’utilisation au sein de ces lots et kits affichaient la photo de campagne de M. R. Le soir du second tour, le 28 juin 2020, la liste de M. R. obtient la majorité des voix avec 40,40 % des suffrages exprimés, soit 2 023 voix, devançant ainsi de 161 voix la liste directement concurrente menée par M. N., qui a recueilli 37,18 % des suffrages exprimés, c’est-à-dire 1 862 voix. La liste du maire sortant n’obtient quant à elle que 22,40 % des suffrages avec 1 122 voix.

Le 3 juillet suivant, le candidat malheureux, M. N., saisi le juge administratif et lui demande d’annuler l’élection, de rejeter le compte de campagne de M. R. et de le déclarer inéligible, au motif principal de la violation de l’article L. 52-8, alinéa 2, du Code électoral6, qui prohibe le financement d’une campagne électorale par une personne morale qui ne constitue ni un parti, ni un groupement politique. En parallèle, quelques mois plus tard, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) rejette le compte de campagne de M. R. pour le même motif, et saisi à son tour le juge administratif comme l’y enjoint l’article L. 52-15 du Code électoral. Le 2 février 2021, le tribunal administratif de Versailles a jugé conjointement que la CNCCFP avait rejeté à bon droit le compte de campagne de M. R., en conséquence de quoi celui-ci a été déclaré inéligible pour un an, son élection a été annulée et M. N. a été proclamé élu à sa place. Il va sans dire que M. R. a relevé appel du jugement devant le Conseil d’État.

Deux questions se posent ici aux juges du Palais-Royal. Tout d’abord, le compte de campagne d’un candidat aux élections municipales est-il rejeté à bon droit s’il est constaté que le candidat a perçu des dons de la part d’une association, dont le montant ne dépasse pas le plafond de dépense légal et que ceux-ci ne représentent pas plus de 7,11 % du montant total des dépenses de campagne effectuées par ce candidat ? Ensuite, le financement et la distribution, par une association présidée par un candidat à une élection municipale, de lots de masques ainsi que de kits éducatifs, contenant pour certains la photographie de campagne de ce candidat, est-elle de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin ?

Si le Conseil d’État a répondu par la négative au premier problème de droit, mais positivement au second, désavouant ainsi le jugement de première instance et faisant en cela une juste application de sa jurisprudence antérieure en la matière (I), ces réponses pointent les limites du droit électoral tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, par une appréciation du principe de sincérité du scrutin différenciée par le juge quant à ses conséquences sur le scrutin et sur l’inéligibilité (II).

I – La conformité du Conseil d’État avec sa jurisprudence antérieure…

Les deux décisions rendues par le Conseil d’État le 18 août 2021 ont l’avantage de présenter les éléments principaux du contentieux électoral ainsi que les pouvoirs du juge y afférents, à savoir : la régularité des comptes de campagne des candidats, la sincérité du scrutin, et enfin les pouvoirs de sanction du juge administratif sur ces deux points, notamment l’inéligibilité d’un candidat et l’annulation des élections. Elles offrent ainsi un panorama représentatif des habitus du Conseil d’État en matière électorale. Or, précisément, le Conseil d’État en l’espèce fait une juste application de sa jurisprudence antérieure7. En ce sens, le Conseil a dissocié l’étude de l’irrégularité du compte de campagne de M. R. de l’étude de la sincérité du scrutin.

Concernant l’irrégularité du compte de campagne de M. R. Dans un premier temps, le juge électoral d’espèce n’a montré aucune difficulté à reconnaître l’irrégularité du compte de campagne de M. R. sur le fondement de l’article L. 52-8, alinéa 2, du Code électoral interdisant les dons consentis par les associations à un candidat. En l’espèce, ont été considérés comme tel le financement et la distribution de 800 lots de masques et kits éducatifs contenant une notice où figure la photo de campagne du candidat M. R. Pour ce faire, si la « porosité » manifeste de cette association avec l’action politique de M. R. a été soulignée8, les faits d’espèce ont été rapprochés9 de la jurisprudence du Conseil d’État Élection municipale d’Unieux, où des bulletins distribués par une association faisaient la promotion des projets communaux de la liste du maire sortant10, acte qui a été considéré comme constituant un don prohibé d’une personne morale entachant d’irrégularité le compte de campagne du candidat. La proximité entre les deux cas et le recours nécessaire à la casuistique par le juge justifient de façon cohérente l’irrégularité en l’espèce11.

Pour autant, et dans un second temps, si le juge électoral fait preuve d’une appréciation assez implacable pour la régularité formelle des comptes de campagne12, il n’en va pas de même pour leur appréciation de la régularité de fond. Ainsi, il est de jurisprudence constante13 qu’une irrégularité de fond du compte de campagne n’entraînera pas systématiquement son rejet de bon droit et épargne le candidat de la sanction d’inéligibilité14 sur ce fondement. Le cas d’espèce n’échappe pas à cette possibilité pour le juge de dissocier les sanctions.

Contrairement aux considérations du juge de première instance, il a été rappelé que la jurisprudence antérieure du Conseil d’État impose au juge de l’élection d’apprécier les circonstances dans lesquelles le don a été consenti et son montant, afin de déterminer s’il convient de rejeter le compte de campagne15. En l’espèce, force est de constater que le montant du don, estimé au maximum à 3 500 €, était modeste au regard du plafond de dépense. De plus, les notices incriminées n’affichaient que la photo de campagne de M. R., aucune mention de la campagne ou du programme de sa liste n’y était faite en dehors de ce point. Enfin, le Conseil d’État avait déjà annulé, en 201116, une décision de rejet d’un compte de campagne, à condition qu’après réintégration de la dépense omise, celle-ci ne représente pas plus de 6 % des dépenses ainsi déclarées, et que cet ajout n’entraîne pas le dépassement du plafond légal de dépense autorisé. Or, en l’espèce, le total des dépenses de M. R. est de 45 035 €, soit 48 535 € après réintégration des 3 500 € estimés par le Conseil, et le plafond des dépenses en l’espèce était de 75 502 €. Les dons prohibés représentent donc, au maximum, 7,2 % du total des dépenses. Là encore, la proximité avec la jurisprudence antérieure est évidente et justifie l’annulation du rejet du compte de campagne visé en l’espèce. Il a cependant été souligné que l’estimation du nombre de lots et de kits contenant la photo du candidat, et donc le montant réel de cette dépense, était complexe à établir. C’est pourquoi le juge s’est fondé sur une estimation maximum. Il est à noter qu’il ressort tant de la décision du Conseil que des conclusions des rapporteurs publics de première instance et d’appel que le montant considéré est modeste et que l’intégration de l’irrégularité, si elle est établie, au compte de campagne, prouve ainsi son absence d’impact.

Enfin, il est à noter que cette tendance du juge électoral ne fait que se conformer à celle du législateur qui a entendu, notamment par les lois organique et ordinaire du 14 avril 2011, moduler l’application de la sanction d’inéligibilité car « l’objectif de ce texte est, d’une part, d’actualiser le régime des inéligibilités et des incompatibilités parlementaires, et, d’autre part, de préciser le régime de la « bonne foi » pour les candidats dont le compte de campagne est rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques »17.

Concernant l’atteinte à la sincérité du scrutin. Après, et au-delà de la validité du compte de campagne, le juge électoral doit rechercher si une irrégularité n’a pas porté atteinte à la sincérité du scrutin. Il est de jurisprudence constante18 que le juge doit apprécier la gravité et l’ampleur de la manœuvre, ainsi que tenir compte de l’écart de voix entre les candidats au regard du nombre d’inscrits sur les listes électorales, pour apprécier in fine l’atteinte à la sincérité du scrutin et prononcer son annulation le cas échéant, voire l’inéligibilité du candidat en cause.

Pour ce faire, en l’espèce, le Conseil d’État a très exactement appliqué sa jurisprudence en considérant, d’une part, que la manœuvre d’espèce impliquait la distribution de 800 imprimés comportant la photo de campagne de M. R. pour 13 477 électeurs, et seulement 161 voix d’écart avec la liste directement concurrente de M. N. D’autre part, il a été relevé que le contexte particulier de la ville de Trappes induisait qu’une distribution de masques et kits éducatifs dans des quartiers populaires en pleine pandémie et alors qu’il y avait un manque certain de masques, avait nécessairement un retentissement des plus favorables sur le candidat y étant associé. Il en a résulté que cette irrégularité était de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin19 et que l’annulation de l’élection était justifiée. Sur ce point, il est à noter que le Conseil d’État a validé les considérations du jugement de première instance ; le doute étant permis, il convient de laisser les électeurs s’exprimer pleinement, et donc librement, lors d’un nouveau scrutin.

Les deux décisions rendues par le Conseil le 18 août 2021 offrent ainsi une démonstration de la cohérence des décisions du Conseil d’État en tant que juge électoral, ainsi qu’une rétrospective de ses habitus en tant que tel. Cependant, et du fait même du caractère représentatif de ces décisions, la considération du principe de sincérité du scrutin qu’elles laissent entrevoir nous semble pour le moins regrettable, si ce n’est critiquable.

II – … Révélatrice d’une lacune du droit électoral concernant la sincérité du scrutin

Les deux décisions rendues par le Conseil d’État présentent des éléments paradoxaux, au point que l’on serait tenté de dire qu’elles soufflent le chaud et le froid. Cela ne serait pas inquiétant si elle ne touchait pas au principe fondamental du contentieux électoral, la sincérité du scrutin et donc à la volonté de l’électeur.

Le vocabulaire employé au sein des conclusions des rapporteurs publics est frappant de l’embarras que cette affaire a suscité. Tout d’abord, Mme Sara Ghiandoni la qualifie de « délicate », elle exprime un doute quant à la qualification des notices en dons prohibé et conclut que la sincérité du scrutin n’a pas été altérée en l’espèce. Mais le juge de première instance n’a pas suivi son rapporteur public puisque le jugement rendu conclu au rejet des comptes, à l’inéligibilité de M. R. et à l’élection de M. N. en ses lieu et place. Ensuite, M. Romain Victor affirme à son tour que l’hésitation est de mise dans cette affaire, que le flou demeure concernant les montants exacts des dons prohibés. Il conclut cependant à la validation des comptes mais à l’annulation de l’élection au nom de la sincérité du scrutin. Le Conseil d’État, quant à lui, suivra ces conclusions.

Il est ainsi curieux de constater que, pour une même affaire, les conclusions les plus douces ont donné lieu au jugement le plus rude et que le Conseil d’État, en tant que juge d’appel, a choisi une position médiane, concordant avec sa jurisprudence antérieure. Ce dernier point serait tout à fait satisfaisant s’il n’était dérangeant. En effet, comment peut-on convenir de l’existence d’une irrégularité sérieuse et ne pas la sanctionner complètement ? M. Romain Victor résume très justement les choses en convenant que l’irrégularité imputable à M. R. « est grave par nature et doit entraîner le rejet, mais votre jurisprudence est précisément rétive à cette forme d’automaticité »20. La constance jurisprudentielle prévaut sur la sanction d’une action pourtant volontaire et prohibée. Les revirements auraient-ils été proscrits ? Pourtant, si une irrégularité est grave par nature, il convient de la sanctionner en tant que telle et pleinement car, il est curieux de lire dans une même affaire qu’une irrégularité est établie, qu’elle justifie l’annulation de l’élection (!) mais que le candidat fautif n’est pas frappé d’inéligibilité. Rappelons que la doctrine a depuis longtemps indiqué, et ce bien avant la loi organique de 2011, que le juge a de plus en plus de mal à faire respecter, pour l’électeur, la sincérité de l’élection21.

À l’inverse, renversons l’argumentaire. Comment peut-on, s’il y a un doute, notamment sur l’atteinte à la sincérité du scrutin, annuler une élection qui est l’expression de la voix du peuple ? Car enfin, et peut-être aurions-nous dû commencer par là, l’annulation des élections municipales de Trappes de mars et juin 2021 a entraîné leur réorganisation le 10 octobre 2021. Or ce scrutin a vu la liste menée par M. R. obtenir la majorité absolue, dès le premier tour, avec 58,36 % des voix exprimées. Ainsi, soit cette annulation était inutile car la sincérité du scrutin n’avait pas été altérée, comme le suggérait Mme Sara Ghiandoni22, soit le maintien en poste du candidat élu – à tort ou à raison – durant le délai de réorganisation de l’élection doit être considéré comme un avantage électoral, soit la jurisprudence du juge électoral n’est pas adaptée quant à la considération de la sincérité du scrutin car, une fois encore, il faut se placer du point de vue de l’électeur et non du point de vue de son adversaire, puisque l’électeur est le premier destinataire de la garantie que doit offrir le juge.

Nous conclurons sur deux incohérences sensibles qui, au prisme des deux décisions étudiées en l’espèce, confirment notre constat. Tout d’abord, il est curieux de voir que 800 notices affichant la photo de campagne de M. R. altèrent la sincérité du scrutin et entraînent l’annulation de l’élection alors que, dans une autre affaire, « la décision de suspendre les tribunes d’expression des élus municipaux, bien qu’illégale, ne peut être regardée comme ayant été de nature à porter atteinte à l’égalité entre les candidats ou comme une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin »23. Il semble y avoir une différence d’appréciation conséquente. Ensuite, le Conseil constitutionnel, a estimé que « le taux d’abstention des électeurs lors du scrutin du 15 mars 2020 et le contexte particulier lié à l’épidémie de Covid-19 ne constituent [pas] un changement de circonstance justifiant [le réexamen d’un texte par le Conseil] »24, estimant ainsi que la pandémie de Covid-19 et ses conséquences ne sont pas un argument suffisant pour modifier l’application du droit. Le Conseil d’État ne semble pas avoir la même approche puisqu’en l’espèce, l’atteinte à la sincérité du scrutin a été retenue « eu égard (…) à l’importance que présentait pour la population, à cette période [mars et juin 2020, première vague de la pandémie de Covid-19], une distribution de masques et au retentissement favorable qui en a nécessairement découlé ». La même logique avait déjà été suivie par le Conseil d’État quelques mois avant : la pandémie, ainsi que le confinement, a été reconnue comme un particularisme de nature à valider la surcommunication d’un maire candidat à sa réélection, qui avait posté sur le site communal pas moins de 21 vidéos d’informations en 6 jours, mais la promotion personnelle du maire à l’occasion de la lutte contre la pandémie était moins évidente qu’à Trappes25. Le dialogue des juges ne semble pas encore avoir eu lieu sur ce point. Cependant, ces variations dans l’application de la loi peuvent appeler à davantage de sévérité pour que le juge fasse respecter pleinement la sincérité du scrutin, faute de quoi l’électeur risque de ne plus s’y retrouver26.

Notes de bas de pages

  • 1.
    M. Verpeaux, LJA 2014, n° 34, p. 1.
  • 2.
    V. not. J.-P. Camby, « Des “circonstances exceptionnelles” aux “circonstances de l’espèce” : l’abstention, facteur d’annulation ? Le report, facteur de participation ? », in LPA 23 févr. 2021, n° LPA158v5.
  • 3.
    J.-P. Camby, « Des “circonstances exceptionnelles” aux “circonstances de l’espèce” : l’abstention, facteur d’annulation ? Le report, facteur de participation ? », in LPA 23 févr. 2021, n° LPA158v5.
  • 4.
    58,4 % au second tour, le 28 juin 2021, selon le ministère de l’Intérieur.
  • 5.
    V., par ex., l’article de F. Mouchon, « Coronavirus : face au manque de masques, les Français font jouer la solidarité », Le Parisien, 23 avr. 2020.
  • 6.
    C. élect., art. L. 52-8, al. 2 : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués (…) ».
  • 7.
    C’est précisément ce point qui explique que le jugement de première instance ait été sanctionné en appel par le Conseil d’État, jugement qui, précisons-le, a été rendu contre les conclusions du rapporteur public qui rappelait ces jurisprudences antérieures et les implications pour cette affaire.
  • 8.
    Nous remercions M. Romain Victor pour la communication de ses conclusions qui précisent qu’en l’espèce, il est clairement établi que M. R. est le créateur et président de l’association et que la trésorière n’est autre que sa seconde colistière. De plus, l’association est le relai coutumier des actions politiques et publiques de M. R.
  • 9.
    Nous remercions Mme Sara Ghiandoni pour la communication de ses conclusions.
  • 10.
    CE, 9 oct. 1996, n° 172256, Élections municipales d’Unieux, D : Lebon. En l’espèce, le financement et la distribution par une association de 3 000 bulletins d’information, où le maire sortant faisait la promotion des projets communaux soutenus par sa liste, a été considéré comme constituant un don d’une personne morale prohibé dans le cadre d’élections communales au sens de l’article L. 52-8 du Code électoral.
  • 11.
    Il est à noter que, en l’espèce, l’irrégularité du compte de campagne de M. R. a été établie unanimement et sans équivoque par la CNCCFP, le tribunal administratif de Versailles, le Conseil d’État ainsi que les rapporteurs publics de première instance, Mme Sara Ghiandoni, et d’appel, M. Romain Victor, qui ont également souligné cette irrégularité.
  • 12.
    Pour un exemple récent, v. not. CE, 9 déc. 2021, n° 451567 : Lebon.
  • 13.
    Ainsi, le Conseil d’État, suivant en cela la logique de sa jurisprudence du 29 décembre 1995 Élection de la côte radieuse n° 162669, publié au recueil Lebon, par laquelle il a jugé qu’une irrégularité provenant de la perception, par le candidat, de dons, en méconnaissance de l’article L. 52-8 du Code électoral n’avait cependant pas « pour effet d’entraîner nécessairement dans une telle hypothèse, le rejet du compte ».
  • 14.
    Rappelons ici que le rejet à bon droit d’un compte de campagne entraine l’inéligibilité pour un maximum de trois ans du candidat visé selon l’article L. 118-3 du Code électoral.
  • 15.
    CE, 2 oct. 1996, n° 176967, Élections municipales d’Annemasse : Lebon – CE, 4 juill. 2011, nos 338033 et 338199, Mme Arnautu et M. Midy : Lebon.
  • 16.
    CE, 26 janv. 2011, n° 338140, M. Law Wai et a. : Lebon.
  • 17.
    https://lext.so/R4sQml.
  • 18.
    En dehors des cas de fraude, les dispositions de l’article L. 118-3 prévoient que le juge de l’élection ne prononce l’inéligibilité d’un candidat que s’il constate un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ; pour déterminer si un manquement est de cette nature, il incombe au juge de l’élection d’apprécier, d’une part, s’il s’agit d’un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d’autre part, s’il présente un caractère délibéré ; en cas de manquement aux dispositions de l’article L. 52-8, il incombe, en outre, au juge de tenir compte de l’importance de l’avantage ou du don irrégulièrement consenti et de rechercher si, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, il a été susceptible de porter atteinte de manière sensible, à l’égalité entre les candidats. V., en ce sens, CE, 17 mars 1972, n° 81948, Cne de Lantosque : Lebon – CE, 4 juill. 2011, n° 338033, Élections régionales d’Île-de-France : Lebon ; AJDA 2011, p. 1353 ; RFDA 2011, p. 723, note P. Türk ; BJCL 2011, p. 683, concl. E. Geffray ; RDP 2012, p. 523, comm. J.-P. Camby – CE, 21 nov. 2014, n° 383069, Élections municipales de Dannemois, D : Lebon ; LPA 24 déc. 2014, p. 14, obs. J.-P. Camby.
  • 19.
    CE, 8e ch., 18 août 2021, n° 449592, § 4.
  • 20.
    Concl. d’appel, M. Romain Victor, p. 3.
  • 21.
    V. not. J.-M. Duval, « Droit électoral. La sanction des comportements irréguliers relevés au cours des opérations électorales », RFDC 2001, p. 825.
  • 22.
    Le fait est, en l’espèce, que le rapporteur public en première instance avait raison de dire qu’il ne pensait « pas que ces deux initiatives aient fait changer d’avis les électeurs quant au sens de leur vote. »
  • 23.
    CE, 22 nov. 2021, n° 450959, Élections municipales de Noisy-le-Grand, D : Lebon.
  • 24.
    Cons. const., QPC, 17 juin 2020, n° 2020-850.
  • 25.
    CE, 16 févr. 2021, n° 446729, Élections commune de Crest, D : Lebon.
  • 26.
    Que dire du principe de moralité politique développé au travers de la jurisprudence de la CEDH, notamment au sein de deux récents arrêts rendus la 17 juin 2021, Galan c/ Italie, n° 63772/16, et Miniscalco c/ Italie, n° 55093/13, qui valident la possibilité de rendre inéligible les personnes condamnées au pénal. La France y est pour l’instant toujours hostile faute de ne pouvoir envisager juridiquement l’interdiction de se porter candidat et la déchéance du mandat autrement que comme une sanction relevant de la sphère pénale. Au contraire, la CEDH à souhaiter en l’espèce valider la conception juridique italienne en la matière, où l’élu déchu de ses fonctions est exclu de sa capacité représentative parce qu’il en a perdu « l’aptitude morale ». La France semble donc assez rétive à l’usage de l’inéligibilité en matière électorale.