Meublés de tourisme : l’amende civile est constitutionnelle

Publié le 02/08/2022
Meublé de tourisme
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L’amende civile sanctionnant, aux termes de l’article L. 324-1-1, IV et V, du Code du tourisme, le défaut de transmission à la commune des données demandées concernant les périodes de location n’est pas en contradiction avec le principe de la légalité des délits et des peines, ou avec la présomption d’innocence, ou, enfin, avec le droit de se taire.

Cass. 3e civ., 26 janv. 2022, no 21-40026

La pratique qui consiste à louer des locaux d’habitation ou commerciaux en les transformant en meublés de tourisme est à l’origine de divers problèmes. En effet, cette pratique constitue une concurrence déloyale pour les hôteliers, une nuisance pour les copropriétaires qui déplorent les perturbations provoquées par les rotations des usagers et les pouvoirs publics qui constatent une diminution de l’offre de logement à usage d’habitation. Cela explique pourquoi certaines agglomérations, comme Paris, ont pris des mesures visant à encadrer cette pratique. C’est ainsi qu’entre autres, par un règlement municipal du 15 décembre 20211, elle a durci l’obligation de compensation due en cas d’affectation d’un logement d’habitation en tant que meublé de tourisme ainsi que les conditions de conversion d’un local commercial en un tel meublé. Le législateur a également pris en compte ce phénomène par l’intermédiaire de l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme, qui sanctionne par des amendes civiles la violation des obligations qu’il met à la charge des propriétaires qui désirent transformer leurs locaux en meublé de tourisme. C’est à cette disposition qu’a trait un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 26 janvier 20222.

En l’espèce, des propriétaires de biens immobiliers loués en tant que meublés de tourisme se voient, entre autres, condamnés au paiement d’amendes civiles pour n’avoir pas respecté les obligations mises à leur charge par l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme. Il s’agit en particulier de celle, prévue par le paragraphe IV du texte, qui oblige les personnes qui ont utilisé la faculté de louer leurs locaux comme meublé de tourisme à informer, dans le mois, la commune où ils se situent du nombre de jours où ce local a été loué sous cette dénomination. En défense, les personnes poursuivies déposent une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contre les paragraphes IV et V du texte susmentionné.

Selon elles, ils sont en contradiction avec le principe de légalité des délits et des peines ainsi qu’avec la présomption d’innocence et le droit de se taire. Cette prétention est rejetée par la troisième chambre civile qui refuse de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel au motif que la question posée n’est ni nouvelle, ni sérieuse.

Cette absence de caractère sérieux de la question posée ne fait aucun doute. En effet, en premier lieu, il apparaît que le manquement qui est ici sanctionné est précisément prévu par le deuxième alinéa du paragraphe IV de l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme. Quant à sa sanction, elle est également précisément prévue par le deuxième alinéa du paragraphe V du même article. Il n’y a donc pas de violation du principe de légalité des délits et des peines. En deuxième lieu, la condamnation à une amende civile vise à sanctionner la seule violation de l’obligation d’information de la commune, elle est sans influence sur la sanction de la location de l’immeuble en tant que meublé de tourisme. Il n’y a donc pas d’atteinte à la présomption d’innocence. Enfin, en dernier lieu, la condamnation au versement d’une amende pour non-transmission d’informations n’a pour but que de sanctionner le défaut de respect d’une obligation précise et ne tend pas à l’obtention d’un aveu en ce qui concerne l’infraction principale. Dans ces conditions, il n’y a pas eu d’atteinte au droit de se taire.

Ce n’est pas la première fois qu’une QPC est posée en matière de meublé de tourisme, même si ces tentatives n’ont pas été, dans la plupart des cas, couronnées de succès. C’est ainsi qu’il a été jugé que l’amende sanctionnant la transformation illégale du logement est justifiée par un motif d’intérêt général et ne porte pas atteinte au droit de propriété3, ou encore que les obligations particulières supportées par les intermédiaires en matière de location touristique ne portent pas atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques4. À l’inverse, le Conseil constitutionnel a estimé que la faculté reconnue aux agents municipaux de procéder à une visite du logement (CCH, art. L. 621-6) sans autorisation de l’occupant ni détention d’un ordre de mission est contraire à la Constitution5.

Notes de bas de pages

  • 1.
    BOVP, 18 janv. 2022.
  • 2.
    Cass. 3e civ., 26 janv. 2022, n° 21-40026 : Dalloz actualité, 7 févr. 2022, obs. C. Dreveau.
  • 3.
    Cass. 3e civ., 5 juill. 2018, n° 18-40014 : AJDA 2018, p. 2170.
  • 4.
    Cass. 3e civ., 31 janv. 2019, nos 18-40042 et 18-40043.
  • 5.
    Cons. const., QPC, 5 avr. 2019, n° 2019-772.