Le projet du CDG Express confirmé malgré une forte opposition

Publié le 06/03/2019

Validé courant février par la ministre des Transports, le projet de train rapide entre l’aéroport de Roissy et Paris a créé une forte mobilisation chez ses opposants. Les élus des territoires et associations craignent notamment l’impact des travaux pour les usagers du RER B.

Depuis le lancement de son enquête d’utilité publique en 2007, le projet du CDG Express est devenu un véritable serpent de mer des transports franciliens aux nombreux rebondissements : appel d’offres, consultation publique, texte de loi, multiples moutures et abandon du projet, contestation devant le tribunal administratif puis le Conseil d’État… Jusqu’au 11 février dernier où, la ministre des Transports, Élisabeth Borne, a accéléré le processus en signant le contrat de concession du train rapide en présence des dirigeants de SNCF Réseau, du Groupe ADP et de la Caisse des dépôts et consignations. « C’est une étape logique qui permet la création de la société de projet et que les travaux soient menés », a précisé la ministre des Transports. En théorie, le CDG Express permettra de relier directement le terminal 2 de l’aéroport de Roissy à la Gare de l’Est, au centre de Paris, en une vingtaine de minutes. Un trajet de 32 kilomètres avec un ticket au tarif de 24 euros en lieu et place de la solution actuelle du RER B. L’objectif annoncé est d’ouvrir la ligne à temps pour les Jeux olympiques de 2024, une date que la ministre juge « tenable », même si elle n’exclut pas de modifier le calendrier afin que la construction ne se fasse pas « au détriment des transports du quotidien ».

Une vive opposition des élus. L’impact sur les voyageurs du RER B, c’est justement la grande inquiétude des élus et associations d’usagers, dont les réactions ne se sont pas fait attendre. « Nous demandons un moratoire sur le démarrage des travaux du CDG E », déclare Jean-François Vigier, président de l’association des villes du RER B Sud et maire UDI de Bures-sur-Yvette, « il n’est pas concevable que les travaux d’une ligne qui accueillera quelques dizaines de milliers de voyageurs par jour soient prioritaires sur le fonctionnement de la deuxième ligne du réseau francilien qui transporte au quotidien près de 900 000 voyageurs », détaille-t-il. Selon l’élu, le chantier entraînera inévitablement des perturbations importantes sur le fonctionnement quotidien de la ligne et sur la régularité des trains. Les maires de Massy et Palaiseau, Nicolas Samsoen (UDI) et Grégoire de Lasteyrie (LR), ont eux aussi déclaré leur opposition, par le biais d’un communiqué. Ils demandent à l’État « la suspension du projet de CDG Express tant que toutes les garanties du maintien quotidien d’un fonctionnement normal du RER B ne seront pas obtenues ».

Du côté de la région, c’est la prudence qui est de mise : si Valérie Pécresse s’est déclarée vigilante sur les futures annonces de l’État concernant le calendrier et les risques de dégradation pour le RER B, elle insiste néanmoins sur la nécessité du projet et ne prends pour l’instant pas position en faveur d’un report des travaux.

Des usagers inquiets. À Mitry-Mory, c’est 700 personnes qui se sont rassemblées le 19 février pour une réunion publique sur le CDG Express en présence du préfet de région Michel Cadot. Face à des habitants venus manifester leur opposition, il a essayé de convaincre du bien-fondé du projet soulignant la compétitivité qu’il apportera à l’agglomération parisienne et la plus-value pour l’emploi du bassin de Roissy. Du côté de l’association « Non au CDG Express », une pétition adressée à Emmanuel Macron a été lancée sur le site change.org avec déjà plus d’un millier de signataires. L’association y met notamment en avant le coût du projet (1,8 milliard d’euros financés par la Caisse des dépôts, ADP et SNCF Réseau, aidés par un prêt de l’État) et critique un mode de transport « inaccessible pour les citoyens aux revenus modestes, réservé aux touristes aisés de loisirs ou d’affaires». Sur le terrain aussi, la situation reste tendue : un peu plus tôt en février, une soixantaine de manifestants et plusieurs élus avaient tenté de bloquer l’accès au chantier avant d’être délogés par les policiers et CRS.

Dernière échéance début avril. La ministre des Transports a chargé le préfet de région d’établir le calendrier des travaux et de proposer des pistes pour optimiser au mieux la situation. Parmi les solutions évoquées par Michel Cadot, mettre en place des fermetures longues l’été sur deux années consécutives avec « un plan de transport de substitution anticipée » ou encore créer un fonds d’indemnisation pour Ile-de-France Mobilités en cas d’incidents de chantier affectant le RER. Les conclusions du préfet sont attendues entre fin mars et début avril. « Il dira clairement quels sont les éventuels ajustements qui pourront être nécessaires dans l’organisation des chantiers», précise Élisabeth Borne. Ce sera la dernière étape avant la signature d’un contrat d’exploitation avec le consortium Hello Paris formé de Keolis (filiale du groupe SNCF) et de la RATP, qui s’est vu attribuer l’exploitation de la liaison en novembre 2018. Jacques Baudrier, administrateur PCF d’Ile-de-France mobilités, revient pour les Petites Affiches sur les raisons de son opposition au projet du CDG Express.

Les Petites Affiches

Pourquoi êtes-vous opposé au projet du CDG Express  ?

Jacques Baudrier

Il s’agit tout simplement d’un projet mal conçu qui va prendre deux voies du faisceau nord empruntés par un RER B en situation perturbée, ce qui arrive régulièrement, ainsi que par d’autres trains pour les Hauts-de-France. Ces voies sont utiles au quotidien et impactent différents trains utilisés au total par deux millions de passagers chaque jour. On a donc une complexification majeure de l’exploitation et une dépense faramineuse pour seulement 20 000 passagers qui seront en mesure d’utiliser ce CDG Express. La situation est caricaturale : les associations d’usagers et les présidents de départements sont tous opposés à ce projet que l’on essaye de faire passer en force. La seule explication pour moi est qu’il s’agit d’une volonté directe de l’Élysée, un projet qui s’inscrit dans la politique des « premiers de cordée ». On va privilégier l’aéroport international et tout miser sur l’avion pour favoriser Paris comme place financière avec le Brexit, plutôt que de prioriser le train au quotidien et l’aménagement du territoire.

LPA

Dans quelle mesure les travaux du CDG Express représentent-ils un risque de perturbations  ?

J.B.

On vient rajouter de nouveaux travaux alors que nous supportons une accumulation de ceux-ci depuis plusieurs années : le renouvellement des caténaires, les équipements pour les voies, les correspondances pour le Grand Paris Express au Bourget et à Aulnay… On ne sait déjà pas comment ils seront terminés, je ne suis pas sûr de voir l’intérêt de rajouter par-dessus tout ça un train réservé aux riches. Ce projet est une catastrophe : s’ils arrivent à faire ces travaux, cela va gêner les deux millions d’usagers quotidien sur le long terme.

LPA

Vous reste-t-il un recours dans la mesure où la ministre des Transports a déjà signé le contrat de concession  ?

J.B.

Oui, car les marchés de gros travaux n’ont pas encore été lancés. Tous les matins on a des gens qui viennent s’opposer aux travaux physiquement, il y a une vraie mobilisation dans la population. Une association a récemment imprimé 30 000 brassards jaune « SOS RER B », d’autres ont lancé l’opération « Carton rouge » au CDG Express, qui consiste à inciter les usagers à brandir un carton rouge avant de monter dans les rames et à publier la photo sur les réseaux sociaux. La mobilisation est en train de monter et reste à mon avis largement sous-estimée. Les populations de tous les territoires s’y retrouvent : il y a des réunions publiques contre le CDG Express à Antony, à Mitry-Mory… En réalité, on est face à un vrai choix politique ; une étude récente a montré qu’en Ile-de-France, 107 000 années de vie en bonne santé sont perdues tous les ans à cause des nuisances sonores des transports. Avec un pic massif autour de Roissy. En réponse, on décide de développer l’avion et de créer un train à deux milliards d’euros, auquel on peut ajouter le projet d’extension à huit milliards d’euros de Roissy. Je pense que le gouvernement devrait se méfier, car s’il continue dans cette voie, on pourrait arriver à un nouveau Notre-Dame-des-Landes.

LPA 06 Mar. 2019, n° 143c4, p.3

Référence : LPA 06 Mar. 2019, n° 143c4, p.3

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