Chronique de droit du sport (Janvier 2017 – Janvier 2018) (4e partie et fin)

Publié le 21/06/2018

La présente chronique couvre la période située entre les mois de janvier 2017 et janvier 2018.

I – Le cadre juridique du sport

A – Les législateurs du sport

B – Les lois du sport

1 – Légalité des décisions des fédérations

2 – Concours de normes (…)

C – La justice du sport

1 – Droit disciplinaire

2 – Arbitrage : tribunal arbitral du sport

3 – Arbitrage : chambre arbitrale du sport (…)

4 – Justice publique

5 – Justice sportive (…)

II – Les acteurs du sport

A – Les groupements sportifs (…)

B – Le sportif

1 – Sports collectifs

2 – Sports individuels (…)

C – Les autres acteurs

1 – Entraîneurs

2 – Agents

3 – Arbitres (…)

4 – Médias

5 – Médecins (…)

III – L’activité sportive

A – Le théâtre de l’activité (…)

B – Les compétitions et manifestations sportives

1 – Accès aux compétitions

2 – Résultats des compétitions

3 – Traitement du dopage

4 – Sécurité des compétitions

C – Les responsabilités

D – Les assurances

IV – Le financement du sport

A – Le financement public (…)

B – Le financement privé

1 – Droits de propriété intellectuelle

Notoriété d’une marque de l’équipementier Puma et appréciation du risque de confusion

Cass. com., 15 mars 2017, n° 15-24106. Le risque de confusion est l’une des notions phare du droit des marques. Tant sur le terrain de l’analyse des antériorités que sur celui de l’appréciation de l’existence d’une contrefaçon dès lors que la double identité entre les produits ou services d’une part, et entre les signes d’autre part, fait défaut. En l’espèce, la société Puma SE a, sur la base d’une de ses marques internationales composée de son célèbre félin bondissant, formé opposition à l’encontre de la demande d’enregistrement d’une marque postérieure composée d’un signe figurant un félin de vu de profil, accompagné du terme « Acoumair » pour désigner des produits identiques ou similaires. Le directeur général a rejeté cette opposition, la cour d’appel écartant ensuite le recours formé contre ce rejet. Il s’agit de l’arrêt objet du pourvoi examiné par l’arrêt de cassation rendu par la Cour de cassation le 15 mars 20171. Au visa de l’article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, et après avoir rappelé dans un attendu de principe que « la notoriété de la marque est un facteur pertinent de l’appréciation du risque de confusion, en ce qu’elle confère à cette marque un caractère distinctif particulier et lui ouvre droit à une protection étendue », la Cour de cassation censure la décision des juges du fond auxquels ils reprochent d’avoir privé leur décision de base légale. Prive en effet sa décision d’une telle base légale, la cour d’appel qui « après avoir constaté que la société Puma SE faisait valoir que sa marque avait un caractère distinctif élevé et bénéficiait d’une très large connaissance par une partie significative du public concerné par les produits en cause » et a néanmoins rejeté ce recours « sans examiner la réalité ni l’incidence éventuelle de cette notoriété ». La solution est logique et s’inscrit dans le droit-fil de la jurisprudence de la CJUE. La notion de risque de confusion a été définie par la Cour de justice, dans son arrêt Canon du 28 septembre 1998, comme « le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement »2. Le 10e considérant de la directive n° 89/104/CEE, repris dans le 11e considérant de la directive n° 2008/95/CE précise les éléments qui doivent être pris en compte pour apprécier le risque de confusion. Celui-ci dépend ainsi « de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés (…) ». Et la Cour de justice d’ériger précisément la distinctivité de la marque première en critère déterminant de l’appréciation du risque de confusion. Elle a ainsi affirmé à plusieurs reprises que « comme le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre. Dès lors, aux fins de l’article 5, paragraphe 1, sous b) de la directive, il peut exister un risque de confusion, malgré un faible degré de similitude entre les marques, lorsque la similitude des produits et services couverts par elle est grande et que le caractère distinctif de la marque antérieure est fort »3. En d’autres termes, selon la Cour, « le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque s’avère important », la distinctivité de la marque existant « soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public »4. On comprend ainsi pourquoi la cassation était assurée. Les juges du fond ne pouvaient pas constater la société Puma SE mettait en avant la notoriété de son signe pour convaincre de la réalité du risque de confusion sans, par suite, examiner la réalité et l’incidence de cette notoriété. Précisément parce que la notoriété est un facteur pertinent, si ce n’est un des principaux facteurs pertinents pour apprécier l’existence d’un risque de confusion5.

Claude-Albéric MAETZ

Protection des symboles olympiques sur le fondement de l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle

Cass. crim., 17 janv. 2017, n° 15-86363. Depuis la loi n° 2000-627 du 16 juillet 2000, les signes olympiques sont légalement attribués au CNOSF, l’article L. 141-5 du Code du sport disposant que celui-ci « est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux et dépositaire de la devise, de l’hymne, du symbole olympique et des termes “jeux olympiques” et “Olympiades” ». Cela étant, et même si la Cour de cassation a pu juger de manière un peu abrupte que cet article instituait une protection autonome6, les actions fondées sur l’existence de marques reposent sur les textes du Code de la propriété intellectuelle. Et notamment sur l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle qui, sans fonder une action en contrefaçon7, autorise le titulaire d’une marque renommée ou notoirement connue à engager la responsabilité civile de l’opérateur économique qui reproduit ou imite son signe, quand bien même cet usage aurait lieu pour désigner des produits ou services différents. Tel était le cas dans l’affaire ayant donné lieu au pourvoi examiné par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 17 janvier 2017. En l’espèce, à l’occasion des Jeux Olympiques de Londres de 2012, une société ayant pour activité la gestion de bars a reproduit le symbole des anneaux Olympiques sur 200 000 sous-bocks de bière et l’a diffusé sur son site internet pour informer sa clientèle de la retransmission sur écran des épreuves olympiques dans ses établissements. La cour d’appel de Paris, par un arrêt infirmatif du 14 octobre 2015, a condamné l’exploitant sur le fondement de l’article L. 713-5 aux motifs que « les supports publicitaires portent le sigle des cinq anneaux olympiques réservés au CNOSF, que cette marque est connue dans le monde entier et jouit d’un prestige et d’une renommée exceptionnelle, et que son utilisation a été faite à des fins commerciales pour attirer la clientèle ». La cour d’appel a également précisé que « le caractère dommageable de cette reproduction ou imitation ne nécessite en rien la démonstration d’un risque de confusion, une simple association à la marque ou évocation de celle-ci étant suffisante ». La Cour de cassation rejette le pourvoi en considérant qu’en statuant ainsi, les juges du fond ont caractérisé l’utilisation d’une marque notoire à des fins commerciales et non d’information, la protection de cette dernière sur le fondement de l’article L. 713-5 n’étant pas subordonnée, contrairement à ce que soutenait vainement le pourvoi, à la constatation d’un risque de confusion.

Claude-Albéric MAETZ

L’originalité des photographies de sportifs doit s’apprécier cliché par cliché ou, au besoin, en les regroupant selon leurs caractéristiques communes

Cass. 1re civ., 11 mai 2017, n° 15-29374. Il est constant que l’appréciation de l’originalité d’une création, qui est une question de fait, relève du pouvoir souverain des juges du fond8. C’est dire que les censures de la Cour de cassation sur la question de l’originalité ne sont pas légion et qu’elles ne peuvent porter, e tout état de cause que sur un vice qui touche à la motivation des juges du fond. Tel est précisément le reproche formulé dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 mai 2017. En l’espèce, un ancien reporter photographe du quotidien La Provence reprochait à une société d’édition d’avoir reproduit dans neuf ouvrages, sans autorisation, plusieurs dizaines de ses clichés. Le débat a alors naturellement porté sur l’originalité des photographies litigieuses. Originalité écartée par la cour d’appel aux termes d’un raisonnement circonstancié. Selon les juges du fond en effet, « les photographies litigieuses représentaient des joueurs du club de football l’OM, soit en portrait collectif soit en portrait individuel, tantôt de manière statique et tantôt en action ; qu’elles avaient été prises pour leur quasi-totalité dans des lieux publics même si, par sa profession de photographe, M. X avait accès à des lieux réservés à d’autres membres de cette profession ; que ces photographies démontraient de véritables qualités techniques et esthétiques, puisqu’un grand nombre concernait des footballeurs en action rapide ; que cependant elles captaient ces personnes et leurs mouvements en utilisant notamment la technique de la prise en rafale qui permettait une action très rapide du déclencheur, et où l’appareil photographique fonctionnait sans véritable choix du photographe ; que le processus de mise en scène et d’éclairage n’existait pas puisque l’attitude et le comportement des personnes photographiées ainsi que les lumières naturelles et artificielles n’étaient pas décidées par M. X lui-même ; que les cadrages et choix d’un angle de vue, vue la rapidité des actions de jeu en football, étaient en partie le fruit du hasard et ne démontraient pas une recherche qui portait l’empreinte de la personnalité et de la sensibilité de l’intéressé, lequel photographiait des footballeurs et des scènes de jeu de football, c’est-à-dire des sujets ordinaires sans faire de recherches personnelles ; qu’enfin les quelques modifications opérées après coup sur les photographies avaient amélioré ces dernières mais sans leur apporter une originalité ou l’empreinte de la personnalité de M. X ». La motivation peut, à première vue et du moins en apparence, sembler complète et donc inattaquable. Elle est néanmoins atteinte d’un défaut qui promet la cassation. En effet, en traitant ces dizaines de photographies d’un seul bloc, sans les distinguer, individuellement ou par groupe homogène de photographies, la cour d’appel n’a pas suffisamment motivé son arrêt. La Cour de cassation le constate sans surprise en jugeant « qu’en se déterminant ainsi, sans procéder à un examen distinct des photographies entre elles et sans apprécier leur originalité respective, en les regroupant, au besoin, en fonction de leurs caractéristiques communes, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Claude-Albéric MAETZ

2 – Paris sportifs en ligne

Information des utilisateurs sur les raisons de blocage de l’opérateur de jeux en ligne non autorisé

D. n° 2017-677, 28 avr. 2017 : JO, 30 avr. L’article 2 du décret 2017-677 du 28 avril 2017 rajoute un alinéa à l’article 1er du décret 2011-2122 du 30 décembre 2011 relatif aux modalités d’arrêt de l’accès à une activité de paris ou de jeux d’argent et de hasard en ligne non autorisée. Ainsi, lorsque l’arrêt de l’accès à une offre de paris ou de jeux d’argent et de hasard en ligne a été ordonné dans les conditions prévues par l’article 61 de la loi du 12 mai 20109 et que le public ne peut plus accéder à cette offre, les utilisateurs du site inaccessible sont désormais dirigés vers une page d’information de l’Autorité de régulation des jeux en ligne indiquant les motifs de la mesure de blocage. À l’instar de la mesure de blocage10, cette information conférée à l’internaute ne devrait pas s’apparenter à une sanction ayant le caractère d’une punition dans la mesure où les motifs portés à la connaissance du public ne sont que le rappel de la situation dans laquelle se trouve le site, à savoir l’interdiction qui lui est faite par le droit français de proposer en France des paris sportifs sur internet.

Didier PORACCHIA

Identification des « acteurs de la compétition » interdits de paris sportifs

D. n° 2017-1834, 28 déc. 2017 : JO, 30 déc. On se souvient que la loi du 1er mars 2017, modifiant l’article L. 131-16 du Code du sport, a étendu les interdictions faites aux acteurs des compétitions sportives de réaliser certains pronostics sportifs et de placer directement ou indirectement certains paris sportifs11. Alors qu’avant cette loi les acteurs des compétitions sportives ne pouvaient réaliser les actes précités que si ceux-ci portaient sur la compétition dont ils sont les acteurs, ces prohibitions sont désormais étendues aux compétitions de leur discipline. Restaient à savoir qui sont les acteurs des compétitions, catégorie pour le moins indéterminée, qui était définie jusqu’alors par les fédérations délégataires12 pour chaque discipline. La loi précitée de 2017 a fait cesser cette situation en précisant que les interdictions s’appliquent aux acteurs des compétitions sportives dont la liste est fixée par décret. Cette liste est l’objet du décret n° 2017-1834 du 28 décembre 2017 qui crée un nouvel article D. 131-36-1 du Code du sport aux termes duquel :

« Sont acteurs des compétitions sportives au sens de l’article L. 131-16 : 1° Les sportifs professionnels, les sportifs de haut niveau et les sportifs exerçant leur activité au sein d’une association sportive, d’une société sportive, de leur centre de formation ou d’une personne morale participant à une compétition sportive servant de support à des paris ;

2° Les personnes participant à l’encadrement sportif, médical et paramédical et exerçant leur activité dans le cadre des compétitions sportives servant de support à des paris ou auprès des acteurs mentionnés au 1° ;

3° Les arbitres et juges professionnels ou de haut niveau, les arbitres et juges d’une compétition sportive servant de support à des paris ainsi que toute personne qui participe, directement ou indirectement, à l’arbitrage ou au jury de ces compétitions ;

4° Les dirigeants, salariés et membres des organes de la fédération sportive et de ses organismes déconcentrés ainsi que ceux de la ligue professionnelle que la fédération a créée, le cas échéant ;

5° Les dirigeants, salariés, bénévoles et membres des associations sportives et des sociétés sportives participant à une compétition sportive servant de support à des paris ;

6° Les agents sportifs licenciés ou autorisés en prestation de service et les avocats mandataires sportifs ;

7° Les dirigeants, salariés, bénévoles, personnes accréditées ou prestataires des organisateurs d’une compétition sportive servant de support à des paris ;

8° Les dirigeants et salariés des organisations professionnelles représentatives des sportifs, arbitres, entraîneurs et clubs professionnels ».

La liste fixée par le nouvel article D. 131-36-1 est extrêmement large13 et manque selon nous en partie sa cible. Si la liste apparaît centrée sur à peu près toutes les personnes constituant les rouages du monde sportif pouvant être impliquées de près ou de loin dans une compétition ou une manifestation donnant lieu à des paris sportifs, il n’en reste pas moins vrai que nombre des personnes envisagées ne sont certainement pas placées en situation « privilégiée » pour parier sur des compétitions relevant de « leur discipline sportive ». Que penser par exemple des bénévoles d’une compétition sportive servant de support à des paris, qui, au moins pendant le temps où ils seront bénévoles de cette compétition ne pourront parier ni sur ladite compétition, ni sur toute compétition appartenant à la discipline sportive en cause ? Que penser encore des membres des associations sportives participant à une compétition sportive servant de support à des paris, sachant qu’au sein de cette association, il peut exister de très nombreuses équipes qui ne participent pas à la compétition en cause et qui n’ont absolument aucun lien avec elle ? Pour autant, leur qualité de membre de ladite association leur interdit désormais de parier sur toutes les compétitions appartenant à la discipline sportive à laquelle participe l’association14. De même, sont des acteurs de la compétition les avocats mandataires sportifs. Mais cette simple qualité suffit-elle pour que la prohibition s’applique de manière générale ou faut-il que l’avocat mandataire sportif exerce véritablement cette fonction, seule à même, semble-t-il, de déterminer les compétitions et la ou les disciplines sportives dans lesquelles il est un acteur ? En revanche, les avocats « simples » de sportifs professionnels, n’entrent pas dans le domaine des « acteurs de la compétition » et peuvent donc parier sur les compétitions auxquelles leurs clients participent. De même ne sont pas des acteurs de la compétition les sponsors et autres partenaires privilégiés des clubs participant15 à des compétitions objets de paris, ni leurs dirigeants ou salariés. Ces derniers, peuvent donc librement parier sur les compétitions auxquelles participent les clubs avec lesquels leur entreprise entretient une relation privilégiée… On notera enfin que la famille des sportifs n’est pas incluse dans la liste en cause… On l’aura compris, la liste, si elle a le mérite d’exister, laisse insatisfait au regard de l’objectif poursuivi par la loi qui est d’éviter que des personnes puissent parier alors qu’elles sont en situation soit d’influencer la compétition, soit détiennent sur elle des informations de nature à avoir une influence sur la cote finale du pari auquel elles participent.

Didier PORACCHIA

3 – Droits audiovisuels (…)

4 – Contrats de sponsoring (…)

5 – Contrats de transfert

Fiscalité et financement, les contrats de transfert font toujours l’actualité

CE, 10e et 9e ch. réunies, 6 déc. 2017, n° 401533 ; Trib. arb. sport, 9 mars 2017, n° 2016/A/4490, RFC Seraing c/ FIFA ; CA Bruxelles, 18e ch. civ., 11 janv. 2018, n° 2016/AR/2048, Sté Doyen Sports Investments Limited et Seraing United et a. c/ URBSFA et FIFA et alii ; Trib. féd., 1re cour de droit civ., 20 févr. 2018, n° 4A_260/2017, RFC Seraing c/ FIFA. Les opérations de transfert de footballeurs ont largement occupé l’année 2017. Deux points ont plus particulièrement intéressé les acteurs : leur traitement fiscal et leur financement au travers du third party ownership.

S’agissant de leur traitement fiscal, on ne fera qu’évoquer les propositions de lois que certains parlementaires émettent régulièrement pour tenter d’introduire une taxe spéciale sur les transferts dépassant un seuil jugé « indécent »16. On s’intéressera davantage à une décision du Conseil d’État par laquelle le juge de l’impôt constate que « les cessions de contrats de joueurs présentent désormais, de manière générale, pour les clubs de football professionnel, un caractère récurrent et génèrent une part significative voire structurelle des produits qu’ils réalisent », qu’elles « font ainsi partie du modèle économique de ces clubs et doivent, dès lors, être regardés, compte tenu de la spécificité de leur activité, comme ayant un caractère habituel, alors même que le transfert des joueurs n’interviendrait pas toujours au moment où les clubs pourraient en tirer le plus grand profit ». La conséquence de cette constatation est redoutable pour les clubs car les produits tirés des opérations de transferts doivent être comptabilisés au titre du chiffre d’affaires entendu comme le montant des produits réalisés dans le cadre de l’activité professionnelle, normale et courante de l’entreprise. Or le chiffre d’affaires constitue l’assiette de calcul de nombre de taxes et impôts. Rendue à propos de la taxe professionnelle qui, depuis, a disparu au profit de la cotisation foncière des entreprises, la décision conserve donc tout son intérêt. Elle implique a contrario que le produit des transferts de joueurs ne doit pas être comptabilisé au rang des produits financiers ni à celui des produits exceptionnels. À ce propos, on peut regretter que le Conseil d’État entérine pour l’ensemble des clubs un modèle économique que certains considèrent comme trop risqué et vecteur d’instabilité. Les gestionnaires de clubs les plus prudents, ceux, ils sont certes rares, qui se contentent d’une gestion en bon père de famille en ne comptant pas sur les mouvements de joueurs, pâtissent finalement de la pratique des plus spéculateurs. Cela n’aurait pas facilité le contrôle de l’administration fiscale mais le juge de l’impôt aurait pu, plutôt que de généraliser la qualification de produits habituels pour tous les clubs de football, distinguer, selon une fréquence annuelle de réalisation, les opérations récurrentes de celles restant exceptionnelles.

S’agissant du TPO, les décisions se succèdent sans pour l’instant que la saisine de la CJUE ne se dessine.

Du côté suisse, après avoir validé une sentence du TAS17 ayant considéré que les contrats de TPO n’étaient pas contraires à l’ordre public suisse18, le Tribunal fédéral vient d’entériner une sentence ayant validé la sanction infligée par la FIFA au club belge du RFC Seraing sur le fondement de l’interdiction des TPO introduite dans le règlement du statut et des transferts de joueurs en 201519. Le TAS avait considéré que le club belge sanctionné par la FIFA ne rapportait pas la preuve que la mesure d’interdiction ayant fondé la sanction avait un effet anticoncurrentiel sur le marché des transferts – qui était selon lui le marché pertinent – ni qu’elle était illégitime et disproportionnée20. Le raisonnement développé par le TAS est critiquable en ce qu’il délimite de manière très restrictive le marché pertinent (qui ne peut se réduire à celui des transferts entre clubs et doit plutôt être élargi à celui du financement des clubs sportifs) et qu’il renverse la charge probatoire en imposant au club de démontrer l’illégalité de la mesure critiquée alors que c’était à la FIFA, entreprise en position de « super dominance », qu’’il revenait logiquement de démontrer que sa mesure d’interdiction totale (présumée attentatoire) était justifiée et proportionnée. Faisant ainsi mine d’accepter l’application du droit de l’Union européenne, le TAS en a réduit considérablement les conséquences par une utilisation astucieuse, mais infondée si l’on s’en tient aux lignes directrices de la Commission et à la pratique de la CJUE, des règles relatives au fardeau de la preuve21.

De son côté, la Commission européenne a décidé de ne pas procéder à une enquête approfondie sur la question de l’interdiction du TPO et a ainsi rejeté la plainte déposée par Doyen sport22. Parmi les raisons invoquées, on notera que la Commission, qui estime prima facie que la probabilité d’établir l’existence d’une infraction est faible, considère que les juridictions nationales sont bien placées pour traiter les questions soulevées par l’interdiction des TPO par la FIFA. Elles sont en mesure de réunir les éléments de faits et d’apprécier elles-mêmes si ladite interdiction est contraire au droit de l’UE et elles peuvent saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle.

On attend donc que les juridictions belges, qui connaissent justement du contentieux opposant le club de Seraing à la FIFA se prononcent. Mais pour l’instant, la cour d’appel de Bruxelles23, saisie d’un recours contre le jugement d’incompétence rendu par le tribunal de commerce de Bruxelles24, a pris le parti de rouvrir les débats afin d’obtenir les explications des parties sur la légalité de la clause d’arbitrage ayant fondé l’intervention du TAS dans le litige. Elle souhaite notamment aborder la question de sa rédaction dans termes très généraux25 et celle de sa combinaison avec une clause interdisant de saisir les tribunaux étatiques. C’est remarquable car elle met en exergue la question de la légitimité du TAS quelques semaines avant que le Tribunal fédéral suisse, saisi justement de la sentence rendue dans l’affaire Seraing, n’y réponde pour sa part en considérant, comme il en a l’habitude, que « le Tribunal fédéral, en tant qu’autorité judiciaire appelée à statuer sur les recours en matière d’arbitrage international qui lui sont adressés, n’a pas pour mission de réformer lui-même cette institution [le TAS], ni de refondre les règlements qui la gouvernent, mais doit uniquement veiller à ce qu’elle atteigne le niveau d’indépendance requis pour pouvoir être assimilée à un tribunal étatique. Or, tel est assurément le cas (…) » du TAS qui, selon le juge suisse, est structurellement indépendant de la FIFA.

Jean-Michel MARMAYOU

6 – Contrats de billetterie (…)

7 – Exploitation de l’image des sportifs (…)

8 – Publicité

Illégalité des arrêtés de la maire de Paris autorisant l’installation de bannières « UEFA EURO 2016 » à l’occasion du Championnat d’Europe de football

TA Paris, 15 juin 2017, n° 1609703/4-1. Les dispositifs d’affichage disséminés dans la ville de Paris afin de promouvoir le championnat d’Europe de Football UEFA sont des publicités au sens de l’article L. 581-3 du Code de l’environnement. Telle est la première constatation du jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 15 juin 2017 après qu’il a été saisi par la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France. Le tribunal relève ainsi que les dispositifs d’affichage litigieux ont eu pour objet de promouvoir le tournoi, que le contenu de ces affichages est essentiellement constitué de la marque déposée « UEFA Euro 2016 » et de ceux des marques sponsorisant l’événement. Et les juges de constater également que « la ville de Paris ne soutient pas que la maire de Paris aurait autorisé certains de ces affichages au titre des dispositifs publicitaires de dimensions exceptionnelles liés à des manifestations temporaires au sens de l’article L. 581-9 du Code de l’environnement ». La suite n’est que la conséquence de cette qualification : les décisions ayant autorisé l’apposition de bannières sur des installations d’éclairage public et sur certains quais sont illégales comme contraires au règlement local de publicité de la ville de Paris. Les arrêtés qui ont autorisé la mise en place de ces bannières sur un monument historique et sur un site classé sont quant à eux illégaux comme contraires à l’article L. 584-1 du Code de l’environnement.

Claude-Albéric MAETZ

9 – Tabacs et alcools

Conventions de prestation de services entre une fédération sportive et des entreprises liées au tabac

Cass. crim., 11 juill. 2017, nos 16-84648, 16-84647 et 16-84655. Les sociétés Philip Morris, British American Tobacco France et Davidoff of Genova France avaient conclu avec la fédération française de tennis (FFT) des contrats commerciaux leur octroyant, pour le tournoi de Roland Garros, des prestations de relations publiques, notamment la mise à disposition de loges et d’espaces privatifs. En 2013, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) a engagé contre ces sociétés, sur le fondement de la violation des articles L. 3511-3 et L. 3511-4 du Code de la santé publique (devenus respectivement les articles L. 3512-4 et L. 3512-5 du même code) une procédure pénale du chef de délit de publicité illicite en faveur du tabac. Relaxées par le tribunal, les trois sociétés ont été condamnées en appel au motif qu’elles avaient démontré leur volonté d’utiliser leur loge à des fins de propagande. Les arrêts sont cassés par la haute juridiction qui considère que l’exécution d’un contrat de relations publiques portant sur la location, pendant la durée d’une compétition sportive, d’une loge au nom de la société selon une signalétique commune à toutes les loges et ne comportant pas de signe distinctif lié à l’identité du locataire, ainsi que sur un accès privilégié à certains services, constitue une simple convention de prestation de relations publiques et non pas une opération de parrainage au sens de l’article L. 3511-3 du Code de la santé publique.

Le parrainage est un contrat d’affaires, synallagmatique par essence. Il organise le soutien matériel apporté à une manifestation, à une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct26. Les dépenses engagées par le parrain sont destinées à promouvoir son image de marque et s’inscrivent dans une démarche commerciale explicitement calculée et raisonnée. Leurs retombées doivent être quantifiables et proportionnées à l’investissement initial27. Les accords conclus entre la FFT et les sociétés Philip Morris, British American Tobacco France et Davidoff of Genova France ne correspondent absolument pas à des actions de sponsoring. La FFT ne réalisant aucune démarche visant à promouvoir l’image ou les signes distinctifs de ses cocontractants, ses obligations contractuelles ne sont pas celles d’une entreprise parrainée. Comme l’avait relevé le tribunal correctionnel de Paris, dont le raisonnement a été confirmé par la Cour de cassation, il s’agissait de simples conventions de location d’espaces privatifs associées à des services supplémentaires à la charge de l’organisateur du tournoi.

Fabrice RIZZO

Notes de bas de pages

  • 1.
    Comm. com. électr. 2017, chron. 12, « Un an de sport dans le droit de la communication », obs. Marmayou J.-M.
  • 2.
    CJCE, 28 sept. 1998, n° C-39/97, Canon : Rec. CJCE 1998, I, p. 5507, pt 29.
  • 3.
    CJCE, 22 juin 1999, n° C-342/97, Lloyd : Rec. CJCE 1999, I, p. 3819, pts 20 et 21 – CJCE, 28 sept. 1998, Canon, préc., pts 18 et 19.
  • 4.
    CJCE, 11 nov. 1997, Sabel : Rec. CJCE 1997, I, p. 6191, pt 24. V. pour des applications du critère de notoriété comme facteur pertinent du risque de confusion par les juges européen et français : CJCE, 22 juin 2000, n° C-425/98, Marca Mode.
  • 5.
    Sur cette question, v. not. Maetz C.-A., La notoriété. Essai sur l’appropriation d’une valeur économique, 2010, PUAM, spéc. nos 45 et s.
  • 6.
    Cass. com., 15 sept. 2009, n° 08-15418 : Comm. com. électr. 2010, n° 11, chron. 10, n° 6, obs. Marmayou J.-M. ; ibid. 2009, comm. 99, note Caron C. ; Cah dr. sport 2009, n° 18, p. 131, note Marmayou J.-M. ; Propr. intell. 2010, n° 34, p. 663, obs. Sabatier M.
  • 7.
    La transposition de la directive UE n° 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 entraînera une modification sur ce point, le titulaire de la marque pouvant à l’avenir agir en contrefaçon en pareille hypothèse (art. 10, § 2, c)).
  • 8.
    Cass. req., 27 juin 1910 : DP 1910, 1, p. 296. Et depuis, par ex. : Cass. 1re civ., 10 mai 1995, n° 93-14767 : RIDA oct. 1995, p. 291 – Cass. 1re civ., 11 mars 1997, n° 95-12749 : RIDA juill. 1997, p. 295.
  • 9.
    Comm. com. électr. 2014, chron. 12, n° 6, obs. Poracchia D.
  • 10.
    Cass. com., 18 juin 2013, nos 12-28488, 12-28489, 12-28490, 12-28491 et 12-28492 : Comm. com. électr. 2013, chron. 10, p. 18, obs. Poracchia D. ; ibid., comm. 114, Debet A. – Cass. com., 21 janv. 2014, nos 13-11704 et 13-15548 : Comm. com. électr. 2014, chron. 10, n° 6, obs. Poracchia D.
  • 11.
    Plus précisément, l’article L. 131-16 impose aux fédérations délégataires d’édicter des règles ayant pour objet d’interdire aux acteurs des compétitions sportives de réaliser, notamment, ces actes.
  • 12.
    Pour une critique : Buy F., Marmayou J.-M., Poracchia D. et Rizzo F., Droit du sport, 4e éd., 2015, LGDJ.
  • 13.
    V. Chevret S., « Liste élargie des acteurs des compétitions sportives concernés par les interdictions en matière de paris sportifs », Lettre d’actualité droitdusport.com, janv. 2018, n° 52, p. 23
  • 14.
    En outre, une association peut être multisport et avoir des équipes qui participent à plusieurs compétitions de disciplines différentes objets de paris sportifs…
  • 15.
    Ou des fédérations ou organisateurs privés organisant ces compétitions.
  • 16.
    Prop. loi AN n° 248, 3 oct. 2017, visant à instaurer une taxe sur les transferts de sportifs professionnels (rejetée le 7 déc. 2017) et Prop. loi Sénat n° 150, 8 déc. 2017, visant à instaurer une taxe sur les transferts de sportifs professionnels.
  • 17.
    Trib. arb. sport, 21 déc. 2015, nos 2014/O/3781 et 2014/O/3782, Sporting clube de Portugal futebol SAD c/ Doyen Sports Investment Limited, sentence non publiée.
  • 18.
    Trib. féd., 1re cour de droit civ., 13 déc. 2016, n° 4A_116120 16, Sporting clube de Portugal futebol SAD c/ Doyen Sports Investment Limited.
  • 19.
    Trib. féd., 1re cour de droit civ., 20 févr. 2018, n° 4A_260/2017, RFC Seraing c/ FIFA.
  • 20.
    Trib. arb. sport, 9 mars 2017, n° 2016/A/4490, RFC Seraing c/ FIFA.
  • 21.
    Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux art. 81 et 82 du traité, 27 avr. 2004 : JOUE C 101/07, 27 avr. 2004, p. 81 ; lignes directrices sur l’applicabilité de l’art. 101 du TFUE aux accords de coopération horizontale : JOUE C 11, 14 janv. 2011, p. 1 ; lignes directrices concernant l’application de l’art. 101, § 3, du TFUE : JOUE C 101, 27 avr. 2004, p. 97.
  • 22.
    Lettre datée du 15 septembre 2017 de Johannes Laitenberger (directeur général de la DG Concurrence) à Doyen Sports Investments Ltd. et au club belge du RFC Seraing.
  • 23.
    CA Bruxelles, 18e ch. civ., 11 janv. 2018, n° 2016/AR/2048, Société Doyen Sports Investments Limited et Seraing United et a. c/ URBSFA et FIFA et a.
  • 24.
    Trib. francophone de commerce Bruxelles, 16 ch., 17 nov. 2016, n° A/15/03153, Société Doyen Sports Investments Limited et Seraing United et a. c/ URBSFA et FIFA et a.
  • 25.
    Le droit belge de l’arbitrage semble interdire de compromettre de manière générale sur tous litiges sans distinction de nature : Linsmeau J., L’arbitrage volontaire en droit privé belge, préf. Keutgen G., 1991, Bruxelles, Bruylant ; Keutgen G. et Dal G.-A., L’arbitrage en droit belge et international. Le droit belge, t. 1, 3e éd., Bruylant, p. 117.
  • 26.
    A., 6 janv. 1989, relatif à la terminologie économique et financière ; Marmayou J.-M. et Rizzo F., Les contrats de sponsoring sportif, 2014, Lextenso, coll. « Les intégrales », n° 3.
  • 27.
    Marmayou J.-M. et Rizzo F., Les contrats de sponsoring sportif, op. cit., n° 4.