Assurance-vie et contrats non dénoués : les incidences civiles et fiscales de la réponse Ciot

Publié le 07/06/2016

En rapportant la doctrine Bacquet, Bercy a supprimé les droits de succession dus par les héritiers d’un contrat d’assurance-vie non dénoué, souscrit par un époux et financé avec des fonds communs. Si la règle fiscale a évolué, la réponse Ciot confirme que ces contrats sont bien des actifs de communauté, et ouvre des opportunités fiscales à consolider par le partage des biens lors de la première succession.

Le 12 janvier dernier, Bercy rapportait par voie de communiqué de presse sa doctrine Bacquet. Le 23 février, une réponse ministérielle au député Ciot entérinait cette nouvelle position. Retour sur l’évolution d’une règle fiscale importante tant dans son principe qu’au regard du nombre de familles concernées.

Régime de la communauté et assurance-vie

Un contrat d’assurance-vie non dénoué alimenté par des fonds communs est considéré comme faisant partie de la communauté. Cette affirmation par la Cour de cassation en 1992 dans son arrêt Praslicka1 repose sur l’analyse des articles 1401 et 1498 du Code civil. La valeur de rachat du contrat non dénoué constitue un bien commun, plus précisément le capital un actif de communauté, et les intérêts des acquêts. Sur le plan fiscal et après plusieurs hésitations ministérielles, la conséquence de cette règle civile a été arrêtée en 2010, par la fameuse réponse dite Bacquet2 selon laquelle : « conformément à l’article 1401 du Code civil, et sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs fait partie de l’actif de communauté soumis aux droits de succession dans les conditions de droit commun ».

Une règle trop souvent méconnue, qui concerne pourtant un nombre de famille élevé. Près de 90 % des couples mariés le sont sous le régime légal, c’estàdire de la communauté réduite aux acquêts. Quant à l’assurance-vie, 36,5 % des Français en sont équipés, un taux de détention qui monte à 37,2 % chez les couples avec enfant et 40,7 % pour les couples sans enfant3.

Des droits à payer sur des biens pas véritablement reçus

Applicable aux successions ouvertes depuis le 29 juin 2010, cette règle, qui valorisait au jour du décès des contrats non dénoués dans la masse communautaire, conduisait à faire supporter aux héritiers autres que le conjoint survivant des droits de succession sur des biens qui ne leur étaient pas transmis. Pour mettre fin à ces difficultés, Bercy a entendu rétablir la neutralité fiscale attendue lors du premier décès. La réponse Ciot4 a ainsi posé qu’« afin de garantir la neutralité fiscale pour l’ensemble des héritiers lors du décès du premier époux, il est admis, pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016, qu’au plan fiscal la valeur de rachat d’un contrat dassurance-vie souscrit avec des fonds communs et non dénoué à la date du décès de l’époux bénéficiaire de ce contrat, ne soit pas intégrée à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé. Lors du dénouement du contrat suite au décès du second conjoint, les sommes versées aux bénéficiaires de l’assurance-vie resteront bien évidemment soumises aux prélèvements prévus, suivant les cas, aux articles 757 B et 990 I du Code général des impôts dans les conditions de droit commun ». Pour mémoire, l’article 990 I du CGI prévoit que les primes versées avant les 70 ans de l’assuré sont exonérées jusqu’à 152 500 euros par bénéficiaire, seuil au-delà duquel la taxation est de 20 % jusqu’à 700 000 euros, puis de 31,25 %. L’article 757 B du CGI prévoit, quant à lui, une taxation aux droits de succession pour les primes versées après les 70 ans de l’assuré, après un abattement global de 30 500 euros.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. 1re civ., 31 mars 1992, n° 90-16343, Praslicka.
  • 2.
    Rép. min. n° 26231 « Bacquet » : JOAN, 29 juin 2010, p. 7283.
  • 3.
    Insee, le Patrimoine des ménages 2015.
  • 4.
    Rép. min. n° 78192 « Ciot » : JOAN, 23 févr. 2016, p. 1648.