Avoirs à l’étranger : Bercy cible un nouveau schéma abusif

Publié le 05/01/2017

L’administration fiscale donne un nouvel exemple de montages révélés lors de contrôles fiscaux et contraires à la loi, avec pour objectif de dissimuler la détention d’avoirs à l’étranger. Le contribuable qui s’engage dans une démarche de régularisation entre dans le champ de l’article 123 bis du CGI.

La DGFiP vient à nouveau de mettre à jour sa cartographie des pratiques et montages abusifs destinée à assurer une plus grande transparence sur les schémas illégaux afin de prévenir les redressements1 en y ajoutant le montage consistant à dissimuler la détention d’avoirs à l’étranger.

La cartographie de Bercy

Dans le cadre du contrôle fiscal et de la lutte contre la fraude, Bercy a ajouté une nouvelle rubrique à son site, une carte des pratiques et montages abusifs. Cette nouvelle rubrique s’inscrit dans une démarche de prévention et de sécurité juridique apportée aux contribuables en les informant des risques qu’ils prendraient en mettant en place ou en conservant des montages destinés à réduire indûment l’impôt. Elle contient des exemples de montages révélés lors de contrôles fiscaux et contraires à la loi. Lorsque l’Administration découvre ces montages, elle les remet en cause après un examen attentif des faits et applique les pénalités appropriées. Pour l’avenir, les contribuables sauront que l’Administration redresse de tels schémas en cas de fraude, ce qui devrait les inciter à ne pas y recourir. Pour le passé, les contribuables sauront qu’ils sont susceptibles de faire l’objet de rectifications en cas de contrôle, ce qui devrait les inciter à renoncer à ces schémas et à régulariser leur situation par le biais d’une déclaration rectificative. L’Administration apprécie, en fonction des circonstances propres au dossier, les conséquences qu’il convient d’en tirer.

Une liste régulièrement mise à jour

La cartographie des pratiques et montages abusifs dressée par Bercy, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, est régulièrement complétée par les soins de l’administration fiscale. Elle comprend désormais 24 exemples de montages frauduleux, alors que dans sa version initiale présentée par Michel Sapin et Christian Eckert dans le cadre d’un train de mesures destinées à permettre aux entreprises d’investir et de fonctionner dans la transparence annoncé le 1er avril 2015, elle n’en comprenait que 17 (v. infra l’encadré « La liste de montages établie par Bercy »). L’administration fiscale a ainsi modifié cette cartographie en octobre dernier en y ajoutant trois nouvelles situations de pratiques frauduleuses. Le premier schéma vise les contribuables personnes physiques désireux de déposer des avoirs non déclarés dans un compte bancaire ouvert à l’étranger grâce à l’intervention d’intermédiaires. Les deux autres concernent les sociétés avec un schéma de contournement des règles de limitation de déduction des charges financières prévues au II de l’article 212 du Code général des impôts (CGI) et un schéma de contournement des règles de déduction du mali de fusion.

Montage visant à dissimuler la détention d’avoirs à l’étranger

En application des dispositions des articles 1649 A et suivant du CGI, les personnes physiques résidentes de France, sont tenues de déclarer en même temps que leur déclaration de revenus les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger. Elles sont par ailleurs tenues de déclarer les sommes correspondantes pour le calcul des diverses impositions dues qu’il s’agisse de l’impôt de solidarité sur la fortune, de l’impôt sur le revenu, etc.

Le schéma mis en œuvre et décrit par l’administration fiscale est le suivant. Monsieur A. réside en France, dispose de plusieurs comptes ouverts à l’étranger et n’a jamais déclaré ni ces comptes, ni les avoirs et revenus correspondants. Afin de masquer la détention de ces comptes, M. A. a créé plusieurs structures interposées pour ne plus être le titulaire apparent de ses avoirs financiers. Les comptes détenus directement par M. A. ont été clôturés et leurs avoirs ont été transférés sur des comptes détenus par les sociétés interposées qu’il contrôle et qui sont situées dans des États qui n’ont pas pris l’engagement de se joindre à l’échange automatique d’informations qui sera mis en place en 2017 sur les comptes détenus à l’étranger. Les éléments de preuve recueillis par l’Administration permettent de démontrer que les sociétés interposées n’ont été créées que dans le but de tenter d’échapper aux obligations déclaratives des comptes détenus à l’étranger, de dissimuler les avoirs correspondants et d’éluder les impositions y afférentes. Les rehaussements d’impôts consécutifs sont constitués de rappels d’impôt sur le revenu, voire d’impôt sur la fortune et de droits de mutation. Ils sont assortis de l’intérêt de retard et des majorations de 80 % pour manœuvres frauduleuses prévues à l’article 1729 du Code général des impôts.

Or ce type de montage a de plus en plus de chances d’être révélé en raison de la progression constante des échanges d’informations grâce au développement de l’assistance administrative internationale. Le réseau conventionnel de la France comporte aujourd’hui 125 conventions bilatérales et 29 accords d’échanges de renseignements. En application de ces accords, l’Administration sollicite de manière croissante les administrations fiscales étrangères pour connaître selon les cas la situation fiscale d’un contribuable résident de cet État, déterminer si une personne y détient un compte bancaire non déclaré, etc. Les progrès en termes d’échange automatique d’informations y concourent également (application de la norme OCDE relative à l’échange d’informations en matière fiscale, échange automatique d’informations au sein de l’Union européenne, accord FATCA avec les États-Unis, etc.). D’ici 2018, 101 États et juridictions seront engagés dans le process d’échange automatique d’informations financières. Les nouveaux outils d’aide à la programmation du contrôle fiscal comme Sirius Part, qui s’enrichit d’un traitement automatisé d’appariement de données à caractère personnel relatives aux départs à l’étranger des personnes redevables de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), dénommé « Statistiques Sirius Part », devraient également faciliter les contrôles de l’Administration2.

Procédure de régularisation

L’administration fiscale conclut la description de ce montage en précisant que les personnes qui ont réalisé de telles opérations peuvent prendre contact avec l’administration fiscale pour se mettre en conformité. Les contribuables personnes physiques détenant des avoirs à l’étranger, qu’il s’agisse de comptes financiers, de contrats d’assurance-vie, de titres de sociétés, ou de biens immobiliers, etc., qu’ils n’avaient pas jusqu’à présent déclarés à l’administration fiscale, peuvent rectifier spontanément leur situation fiscale passée, sous réserve d’acquitter l’ensemble des impositions éludées et non prescrites et les pénalités et amendes correspondantes. Les contribuables qui font l’objet d’une procédure engagée par l’administration fiscale (examen de situation fiscale personnelle, demande d’information portant sur les comptes étrangers…) ou par les douanes ou les autorités judiciaires et portant sur des actifs et comptes non déclarés détenus à l’étranger ne peuvent pas bénéficier de ce dispositif. Sont également exclus de cette procédure les avoirs à l’étranger provenant d’une activité occulte (exemple : activité d’intermédiaire non déclarée rémunérée par des commissions) ou d’une activité illicite. Pour traiter ces dossiers, Bercy a mis en place un service spécifique, le Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), spécialement chargé de traiter les demandes de régularisation. Le STDR est seul compétent pour traiter les régularisations d’avoirs dissimulés à l’étranger par l’intermédiaire d’une structure interposée.

Des conditions de régularisation récemment durcies

Dans le cadre de la procédure de régularisation spontanée créée par la circulaire du 21 juin 2013, les impositions éludées doivent être intégralement réglées, de même que les intérêts de retard au taux légal. Il s’agit de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, les droits de donation ou de succession, avec des prescriptions allongées spécifiques de dix années dans les conditions prévues par les articles L. 169 du Livre des procédures fiscales (impôt sur le revenu et prélèvements sociaux) et L. 181-0 A (impôt de solidarité sur la fortune et droits d’enregistrement) et des intérêts de retard au taux légal annuel de 4,8 % (CGI, art. 1727). En revanche, afin de tenir compte du caractère spontané de la démarche de régularisation, le taux des majorations ainsi que celui des amendes sont réduits.

Une circulaire administrative datée du 14 septembre 2016 a récemment durci ces règles. La décision de Bercy intervient à la suite de la décision du Conseil constitutionnel de censurer la possibilité d’appliquer une amende proportionnelle de 5 % pour non-déclaration de compte détenu à l’étranger lorsque les avoirs dépassent 50 000 €3. Les pouvoirs publics ont estimé que les conditions dans lesquelles les contribuables détenant des avoirs non déclarés à l’étranger peuvent se mettre en conformité avec le droit étant déséquilibrées par les effets de la décision du Conseil constitutionnel, elles devaient donc être revues. Dès lors, en contrepartie de l’amende proportionnelle de 5 % qui ne sera plus appliquée, le barème des pénalités fiscales appliquées est augmenté : les pénalités fiscales sont portées de 15 % à 25 % pour les fraudeurs dits « passifs » et de 30 % à 35 % pour les fraudeurs dits « actifs ». Les nouvelles règles s’appliquent aux demandes de régularisation déposées à compter du 14 septembre 2016.

Application de l’article 123 bis

En cas de présence de structures interposées, la circulaire du 21 juin 2013 prévoit expressément l’application de l’article 123 bis du CGI. Ce dispositif anti-abus s’applique lorsque le contribuable détient directement ou indirectement 10 % au moins des droits dans une entité établie dans un pays ou territoire où elle bénéficie d’un régime fiscal privilégié et dont l’actif est principalement composé d’actifs financiers et monétaires. La condition de détention de 10 % est présumée satisfaite lorsque la personne physique a transféré des biens ou droits à l’entité juridique.

La détention indirecte vise les cas de détention par l’intermédiaire d’une chaîne de participations ou par l’intermédiaire d’une communauté d’intérêts à caractère familial (conjoints, ascendants, descendants ou partenaire lié par un pacs). Le pourcentage de titres ou droits détenus s’apprécie dans ce cas en multipliant entre eux les taux de détention successifs. Lorsqu’il y a plusieurs niveaux d’interposition, l’administration fiscale applique l’article 123 bis du CGI exclusivement à la structure la plus proche du contribuable.

Depuis janvier 2010, ce dispositif ne s’applique pas lorsque l’entité juridique est établie ou constituée dans un État de l’Union européenne et si l’exploitation de l’entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de cette entité juridique par la personne domiciliée en France ne peut être regardée comme constitutive d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française.

Les titres ou droits concernés comprennent les actions ou parts dans les sociétés de capitaux, les actions, parts ou droits dans les OPCVM, les parts d’intérêt possédées dans les sociétés de personnes et organismes assimilés, les droits dans des fiducies, trusts ou institutions comparables et les droits résultant du démembrement de ces titres ou droits.

Le contribuable est imposable en France au titre des revenus de capitaux mobiliers, même en l’absence de toute distribution, sur les bénéfices ou revenus positifs de la structure étrangère dans la proportion des droits qu’il détient sur la structure d’interposition. Ce montant doit être reporté dans la rubrique « revenus des valeurs et capitaux mobiliers », ligne « revenus des structures soumises hors de France à un régime fiscal privilégié » (ligne GO) de la déclaration d’ensemble des revenus n° 2042 après déduction éventuelle de l’impôt étranger prévue au premier alinéa du 3 de l’article 123 bis du CGI.

Si cette structure interposée est établie ou constituée dans un État ou territoire n’ayant pas conclu de convention d’assistance administrative avec la France, le revenu imposable ne peut pas être inférieur au produit de l’actif net ou de la valeur nette des biens de cette structure revenant au contribuable par le taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués pour les établissements de crédit pour les prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans (CGI, art. 39, 1, 3°). Les revenus ainsi calculés sont imposés sur 125 % de leur montant (CGI, art. 158, 7, 2°).

Notes de bas de pages

  • 1.
    www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgfip/controle_fiscal/montages_abusifs.
  • 2.
    A., 1er sept. 2016 : JO, 1er nov. 2016.
  • 3.
    Cons. const., 22 juill. 2016, n° 2016-554 QPC.
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