Brexit : quelles conséquences fiscales pour les personnes physiques ?
Les contribuables ayant des intérêts patrimoniaux en France et les Français expatriés peuvent être impactés par le Brexit dès cette année, principalement au regard de certains dispositifs fiscaux de faveur.
Depuis le 1er janvier dernier, les relations avec le Royaume-Uni ne bénéficient plus des règles protectrices de l’Union européenne. Dès lors, de nombreux régimes de faveur ne peuvent plus s’appliquer.
Ces évolutions ne bouleversent pas pour autant les relations fiscales entre les deux États. La convention passée le 19 juin 2008 entre la France et le Royaume-Uni en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur les gains en capital, continue en effet de s’appliquer et de répartir la matière imposable. Quelles incidences pour les résidents de France ?
PEA : pas de sanction avant le 30 septembre 2021
Les plans d’épargne en actions (PEA) ainsi que les PEA-PME sont réservés aux sociétés de droit européen (CMF, art. L. 221-31). Précisément, cela concerne des titres émis par une société ayant son siège social dans un État membre de l’Union européenne ainsi que des parts d’organismes de placement collectif (OPC) détenant au moins 75 % de leurs actifs investis dans des titres de sociétés établies dans un État membre de l’UE ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (Islande, Liechtenstein, Norvège).
« Depuis le 1er janvier 2021, les titres des sociétés dont le siège est au Royaume-Uni, les OPC britanniques et les OPC détenant des titres britanniques pour le calcul du quota de 75 %, ne peuvent plus être détenus dans un PEA », indique Delphine Apostoly, ingénieure patrimoniale chez Banque Transatlantique.
En principe, le maintien dans le plan de titres ne répondant plus aux conditions d’éligibilité entraîne la clôture du plan à la date où le manquement aux conditions légales de fonctionnement a été commis (CGI, art. 1765). Sur le plan fiscal, les conséquences diffèrent selon la date à laquelle le manquement est intervenu. Ainsi, en cas de manquement après l’expiration de la 5e année, l’exonération d’impôt sur le revenu du gain réalisé dans le cadre du plan entre la date du premier versement et celle du manquement qui a entraîné la clôture du plan n’est pas remise en cause. À noter que les prélèvements sociaux sont dus sur le montant du gain net réalisé.
En revanche, si le manquement intervient avant l’expiration de la 5e année, il entraîne l’imposition immédiate à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux du gain net réalisé dans le cadre du plan entre la date du premier versement et celle du manquement qui a entraîné la clôture du plan. Cette imposition est établie au titre de l’année au cours de laquelle le manquement a été commis dans les conditions et selon les modalités prévues en cas de retrait ou de rachat.
Quant aux produits et plus-values, le régime fiscal de faveur cesse de s’appliquer aux produits encaissés à compter de la date du manquement. Ces produits deviennent imposables dans les conditions de droit commun tout comme les plus-values de cession réalisées à compter de cette date.
Pour épargner aux détenteurs de PEA ayant des titres de société britannique ou des parts de fonds devenus inéligibles la clôture immédiate du plan et ses effets fiscaux, le gouvernement leur a accordé par odonnance un délai de 9 mois pour régulariser leur situation (Ord. n° 2020-1595, 16 déc. 2020). « Ainsi, les contribuables ont jusqu’au 30 septembre 2021 pour vendre les titres et parts d’OPC non éligibles ou les transférer sur un compte-titre ordinaire », indique Delphine Apostoly. Quant aux OPC, ils ont également jusqu’au 30 septembre 2021 pour réajuster leur quota d’investissement à plus de 75 % de titres de l’Union européenne.
Acquisition et cession de titres de sociétés britanniques
Un autre dispositif incitant à l’investissement au capital des entreprises n’est désormais plus ouvert aux titres de sociétés britanniques. « La réduction d’impôt sur le revenu dite Madelin (CGI, art. 199 terdecies-0 A), ne peut plus bénéficier aux souscriptions au capital de PME situées au Royaume-Uni réalisées par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France, puisqu’elle est réservée aux PME ayant leur siège dans l’Union européenne », poursuit Delphine Apostoly.
Les investissements dans les entreprises britanniques se trouvent également pénalisés à la sortie. « En effet, en matière de plus-values de cession de valeurs mobilières, le CGI réserve l’abattement pour durée de détention renforcée en cas de cession de titres de PME acquis ou souscrits dans les 10 ans de leur création (CGI, art. 150-0 D quater) et l’abattement fixe de 500 000 € lorsque le dirigeant part à la retraite concomitamment à la cession de ses titres (CGI, art. 150-0 D ter) aux titres de sociétés ayant leur siège dans un État de l’Espace économique européen ». Par conséquent, ces abattements ne s’appliquent plus sur les plus-values réalisées pour les cessions de titres de sociétés britanniques. En revanche, l’abattement de droit commun (CGI, art. 150-0 D) reste applicable.
Philanthropie
Les dons effectués par les contribuables résidents fiscaux français au profit d’organismes sans but lucratif dont le siège est situé au Royaume-Uni n’ouvrent plus droit à la réduction d’impôt sur le revenu dite IR-don (CGI, art. 200) ni à la réduction d’impôt sur la fortune immobilière dite IFI-don (CGI, art. 978) puisque ces organismes doivent être établis dans l’Union européenne.
Rappelons que depuis l’arrêt Persche de la CJCE en 2009, les dons transfrontaliers entrent dans le champ des dispositifs fiscaux applicables au mécénat (CJCE, 27 janv. 2009, n° C-318/07, Hein Persche). Les dons et versements effectués aux organismes communautaires qui satisfont aux mêmes conditions d’intérêt général que les OSBL français sont éligibles aux régimes incitatifs.
Français expatriés : hausse des prélèvements sociaux en vue
De nombreux expatriés français au Royaume-Uni vont se trouver pénalisés par le Brexit en matière de prélèvements sociaux : ceux qui perçoivent des revenus fonciers de source française ou qui réalisent des plus-values immobilières en France. « Avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, ceux qui relèvent du régime de sécurité sociale d’un autre État de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse sont exonérés de CSG et de CRDS sur leurs revenus fonciers à compter du 1er janvier 2018 et sur leurs plus-values immobilières de source française depuis le 1er janvier 2019. Ils restent cependant redevables d’un prélèvement de solidarité au taux de 7,5 % », explique Delphine Apostoly. « En revanche, les personnes relevant d’un autre régime de sécurité sociale sont redevables de prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %. Les personnes soumises au régime de sécurité sociale britannique relèvent désormais de cette dernière catégorie ».
Exit tax : le statu quo ?
La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne peut interroger au regard de l’exit tax. Pour mémoire, ce dispositif désigne l’exigibilité immédiate de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux des plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits, des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix et de certaines plus-values en report d’imposition, des contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France (CGI, art. 167 bis). Toutefois, le contribuable peut bénéficier d’un sursis de paiement, lequel est de droit lorsque le domicile fiscal est transféré dans un État membre de l’Union européenne ou un État partie à l’accord sur l’EEE, et sur option du contribuable pour le transfert de domicile fiscal dans un État tiers.
La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne n’aura pas d’impact en matière d’exit tax. Les contribuables qui transfèrent ou ont transféré leur domicile fiscal de la France vers le Royaume-Uni continuent de bénéficier du sursis automatique de paiement de l’impôt sur les plus-values latentes constatées lors de leur départ.