Cession d’entreprise et départ à la retraite : plus qu’un an pour bénéficier de l’abattement de 500 000 €
Il reste une année aux chefs d’entreprise seniors qui envisagent de céder leur entreprise et de partir à la retraite pour bénéficier d’une fenêtre fiscale intéressante.
La loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a instauré un abattement exceptionnel de 500 000 € sur la plus-value de cession du dirigeant qui vend son entreprise et part à la retraite (CGI, art. 150-0, D ter). Ce dispositif, déjà prorogé de deux ans par la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, prend fin le 31 décembre 2024.
Des conditions strictes avant et après la cession
Le dispositif exceptionnel consiste en un abattement fixe de 500 000 euros sur la plus-value de cession des titres de l’entreprise. Son bénéfice est soumis au respect de nombreuses conditions ; certaines sont relatives à l’entreprise, d’autres au dirigeant cédant. L’entreprise doit répondre à la définition de la petite-moyenne entreprise (PME) européenne (moins de 50 salariés, et chiffre d’affaires annuel ou total bilan annuel n’excédant pas 10 millions d’euros).
Elle doit avoir son siège de direction effective dans un État de l’Espace économique européen, être soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) et avoir exercé au cours des cinq années précédant la cession une activité opérationnelle.
Les conditions relatives au cédant
Quant au cédant, il doit, pendant les cinq années précédant la cession avoir détenu 25 % des droits de vote ou droits aux bénéfices sociaux, directement ou non (par personne interposée, par l’intermédiaire de son groupe familial). Il doit également avoir exercé au sein de la société dont les titres sont cédés une fonction de direction pendant cette même période, et ce, sans interruption. Il s’agit des fonctions suivantes : gérant de SARL ou d’une société commandite par actions, associé en nom d’une société de personnes, ou encore président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions. L’administration fiscale est attentive au respect de l’ensemble de ces conditions. Un arrêt récent sur la condition de l’effectivité de la fonction de dirigeant en témoigne (CE, 25 oct. 2023, n° 470394). Le cédant avait délégué la gestion courante à d’autres sociétés. L’administration fiscale lui refusait le bénéfice de l’abattement de 500 000 euros. Comme l’indique la doctrine administrative, le cédant « doit consacrer à ses fonctions une activité et des diligences constantes et réelles », par exemple, dans les sociétés, avec animation effective de l’activité des directeurs fonctionnels salariés, signature des actes et documents essentiels, contacts suivis avec les représentants du personnel, les principaux clients ou fournisseurs, etc. (BOI-RPPM-PVBMI-20-40-10-40). La rémunération doit être considérée comme « normale », ce qui est le cas « lorsque son montant est en rapport avec la rémunération courante des personnes exerçant pleinement une des fonctions considérées, compte tenu de la nature et de l’importance de l’activité de l’entreprise ainsi que de ses résultats ».
Par ailleurs, cette rémunération doit représenter plus de la moitié des revenus professionnels du cédant.
La chronologie des opérations
Pour que le dispositif s’applique, lorsqu’il vend son entreprise, le cédant ne doit plus exercer aucune fonction de direction, ni aucune fonction salariée dans l’entreprise vendue. S’il vend son entreprise à une société, il ne doit pas détenir de parts ou actions dans la société cessionnaire, ni droits de vote, ni droits au bénéfice, directement ou non.
La cession de l’entreprise et le départ à la retraite du dirigeant doivent intervenir dans un délai maximal de deux ans, peu important le sens des opérations. La cession peut précéder le départ à la retraite, et vice versa. Pendant la crise de la Covid-19, pour tenir compte du ralentissement économique et des difficultés de trouver repreneur, ce délai avait été porté à trois ans pour le cédant qui avait fait valoir ses droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, et qui était parti à la retraite avant de vendre.
La réforme des retraites et le report de l’âge légal
Pour la loi, le départ à la retraite s’entend de la date d’entrée en jouissance des droits qu’il a acquis dans le régime obligatoire de retraite de base auquel il était affilié à raison de ses fonctions de direction ou, à défaut, dans le régime obligatoire auquel il a été affilié au titre de sa dernière activité.
Certains cédants peuvent n’être plus en mesure de respecter le délai de deux ans qui doit exister entre la cession et le départ à la retraite. En effet, la réforme des retraites intervenue au printemps dernier (L. n° 2023-270, 14 avr. 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, JORF n° 0089 du 15 avril 2023) allonge de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite. Certains dirigeants voient leur départ en retraite repoussé d’un trimestre, voire d’une année. Tel est le cas des personnes nées à partir du 1er septembre 1961.
Cette situation a poussé la sénatrice, Françoise Gatel, à interroger le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique sur ce point (Rép. min. n° 6476, JO Sénat, 28 sept. 2023) : « Le report de l’âge de départ à la retraite conduit à exclure du dispositif des personnes qui bénéficiaient du dispositif lors de la cession de leur entreprise antérieure à la réforme mais qui deviennent de fait dans l’incapacité de respecter le délai de deux années pour faire valoir leurs droits à la retraite ». La position de Bercy a été rassurante : « Le bénéfice de l’abattement ne sera pas remis en cause à l’égard des dirigeants ayant déjà cédé les titres de leur entreprise à la date de promulgation de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, qui dans le délai de deux ans suivant cette cession auraient atteint l’âge légal de départ en retraite applicable antérieurement à cette réforme et qui seront effectivement partis en retraite à l’âge légal relevé par cette même réforme ». Le ministère étend d’ailleurs cette tolérance au dispositif applicable aux entreprises individuelles soumises à l’impôt sur le revenu (CGI, art. 151 septies A).
Règle de non-cumul des dispositifs
L’abattement exceptionnel s’applique quel que soit le mode de taxation de la plus-value prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % ou au barème progressif de l’impôt sur le revenu. En revanche, il ne s’applique pas pour le calcul des prélèvements sociaux (actuellement de 17,2 %). Surtout, son application est exclusive de celle des abattements de droit commun pour durée de détention. Le cédant peut donc choisir le dispositif qui lui est le plus favorable.
Les abattements pour durée de détention
Lorsque les titres cédés ont été acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018, la plus-value est diminuée d’un abattement, dont le taux varie selon la durée de détention, par le cédant, des titres concernés. Il existe deux régimes selon l’ancienneté de l’entreprise.
Le premier concerne les sociétés (dont les titres sont cédés) qui avaient moins de dix ans au moment de leur acquisition. Tel est le cas si le cédant a créé son entreprise. Dans ce cas, le cédant bénéficie d’un abattement dit renforcé :
– 85 % du montant du gain net réalisé lorsque les titres sont détenus depuis au moins 8 ans,
– 65 % lorsqu’ils sont détenus depuis au moins 4 ans et moins de 8 ans,
– 50 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins un an et moins de 4 ans.
À défaut, si l’entreprise avait plus de dix ans au moment de son acquisition par le cédant, l’abattement s’élève à :
– 65 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins huit ans,
– 50 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans.
Une fois l’abattement appliqué, la plus-value est soumise au PFU, ou, sur option, au barème classique de l’impôt sur le revenu. Le cas échéant, le cédant peut être soumis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
Référence : AJU011u5