H3C : Florence Peybernes dévoile sa vision des enjeux attachés à la profession de commissaire aux comptes

Publié le 09/11/2021

Dans le cadre de ses conférences, l’association IMA France recevait, mardi 19 octobre, Florence Peybernes, Présidente du Haut Conseil du Commissariat aux Comptes (H3C). Six mois après sa prise de fonction, la nouvelle Présidente a dressé un large panorama des enjeux de la profession. Cette conférence s’inscrivait dans un contexte marqué par l’application du code de déontologie post loi Pacte, la revue de la stratégie des contrôles des professionnels, le défi de l’information extra-financière et la réflexion engagée par la Commission européenne en vue du renforcement de la confiance des marchés dans l’information financière des émetteurs.

H3C : Florence Peybernes dévoile sa vision des enjeux attachés à la profession de commissaire aux comptes
Photo : ©Adobestock/CouloursPic

Déontologie de la profession

Florence Peybernes a tout d’abord précisé que la réflexion sur la déontologie du commissaire aux comptes s’inscrivait dans un contexte de déstabilisation de la profession post loi Pacte. Après avoir constaté que les exigences déontologiques qui lui sont applicables sont moins étendues que celles du magistrat dont l’exigence de dignité par exemple concerne tant la sphère privée que professionnelle, elle a relevé que le code de déontologie ne s’accompagnait pas d’un « matériel applicatif » similaire à celui du recueil des obligations déontologiques des magistrats permettant, au travers de l’expérience tirée d’écarts passés, d’illustrer l’application de certaines règles.

Le programme de travail de la commission paritaire placée auprès du H3C prévoit pour 2021 l’élaboration d’une norme de déontologie dont les contours restent à préciser. Il s’agit de répondre aux interrogations des professionnels en donnant du corps à l’approche risque sauvegarde et en adaptant les règles transverses applicables à leurs différentes missions et prestations.

Après avoir partagé le constat du nombre trop élevé de démissions insuffisamment motivées voire injustifiées, la Présidente s’est dite favorable à une adaptation des règles aux groupes dans le respect du triptyque intérêt public, souci de l’entité, préservation de l’indépendance du professionnel.

Quant à l’importance de la formation, il en va, selon elle, de la crédibilité de la profession. L’annonce de sanctions pécuniaires ressortant du communiqué conjoint CNCC/H3C du 15 octobre dernier vise à apporter une réponse proportionnée mais dissuasive face au déficit de formation constaté.

Contrôles des professionnels

La Présidente considère que la connaissance des risques attachés aux structures d’exercice et aux mandats, tirée des contrôles passés, permet au régulateur d’orienter ses prochaines campagnes. Désormais plus ciblés et plus agiles, les contrôles seront multiformes : examens complets – interventions centrées sur l’appréhension, par un panel de professionnels, de thématiques transverses – contrôles spot sur des questions ponctuelles d’actualité ou de sujets d’inquiétude exigeant une réaction rapide du régulateur.

Le rapport annuel du Haut Conseil s’accompagnera désormais d’un rapport spécifique sur les contrôles mettant l’accent tant sur les défaillances que les bonnes pratiques relevées.

S’agissant de la coopération avec d’autres autorités de supervision, la Présidente a réaffirmé que tout contrôle s’inscrivait dans un cadre précis (existence de conventions bilatérales, respect du secret professionnel du contrôlé, maîtrise des contrôles par le Haut Conseil).

Lorsqu’ils sont déclenchés à la demande d’une autorité étrangère, ces contrôles, auxquels assistent ses représentants, restent menés par le H3C. Ils pourraient se dérouler à distance dans le respect des règles fixées par le Code de commerce.

 Information extra financière

Après avoir rappelé la spécificité de la réglementation française qui prévoit l’intervention d’OTI[1] (une trentaine aujourd’hui dont plus de 20 commissaires aux comptes accrédités par le COFRAC), la Présidente a souligné l’effort d’adaptation et de formation lancé par la profession. Celle-ci devrait être au rendez-vous pour donner une assurance sur ces nouvelles informations très importantes pour les parties prenantes de l’entreprise et indissociables de ses données financières.

Se différenciant radicalement d’une communication « green washing », la publication d’informations financières de qualité constitue, en effet, un levier fort de la conversion de l’économie vers la durabilité, notion qui, au-delà des aspects environnementaux, englobe les droits humains et la gouvernance.

Selon la Présidente, le rejet récent, par le Conseil d’Etat, de questions prioritaires de constitutionalité sur la structure de la procédure de sanctions au sein du H3C, consacre le rôle de régulateur du Haut Conseil.

Si le législateur le décidait, tout est donc prêt pour intégrer la nouvelle mission de régulateur du développement durable après l’adaptation nécessaire du code de commerce pour une extension de son rôle au-delà de la certification des comptes.

Relations avec les comités d’audit

La Présidente a rappelé que le code de commerce donne au H3C un pouvoir de sanctions sur l’activité des comités d’audit dans leurs relations avec les commissaires aux comptes.

En préparation de son rapport triennal sur le marché de l’audit et le fonctionnement des comités d’audit à adresser en 2022 à la Commission, un questionnaire a été élaboré par le CEAOB[2], organisme chargé de la coordination des régulateurs européens. Il sera transmis à 60 comités d’audit d’émetteurs français qui bénéficieront, si besoin, du support du H3C.

Très pédagogique, ce questionnaire devrait permettre de mieux comprendre le fonctionnement des travaux des comités interrogés. Une restitution officielle et publique, préservant la confidentialité des informations reçues, est prévue.

Actualisation de la réforme de l’audit

La Commissaire européenne, Mairead McGuinness, dans son adresse du 27 mai dernier, a souligné les 3 piliers de la fiabilité de l’information financière (gouvernance, auditeurs, superviseurs) et indiqué le lancement prochain d’une consultation sur l’actualisation des dispositions de 2016 (réforme européenne de l’audit).

Sur le volet gouvernance, la Présidente s’est montrée favorable à une plus grande transparence des conseils d’administration ou des comités d’audit sur la qualité du contrôle interne et la sincérité des comptes.

Dans son courrier du 23 juillet adressé à la commissaire européenne, le Haut Conseil a affirmé des convictions fortes que la Présidente a souhaité faire partager.

Elle a ainsi réaffirmé que le co-commissariat aux comptes, notamment par le double regard qu’il permet, avait fait ses preuves en France et permis le maintien d’une pluralité d’acteurs au contraire de la situation existant dans de nombreux pays.

Les pistes d’amélioration, proposées par le groupe de travail constitué par le H3C au printemps dernier, permettront de clarifier certaines dispositions de la NEP 100 « Audit des comptes réalisés par plusieurs commissaires aux comptes ».

Forte de ces constats, la Présidente a annoncé la tenue prochaine à Paris d’un évènement international, le « joint audit day », destiné à promouvoir la pratique française et celle d’autres pays qui la mettent en œuvre pour certaines catégories d’entités.

Une meilleure harmonisation de la réglementation est une autre proposition forte. La réforme de 2016 laisse trop d’options à la main des Etats membres, telles la diversité des règles de durée des mandats (de 1 an à 24 ans), l’absence de généralisation de comités d’audit[3], la souplesse des règles relatives aux services non audit.

Une telle disparité, insatisfaisante au niveau européen, est source de dysfonctionnements. Le dispositif français (Normes d’Exercice Professionnel, travail des professionnels, sérieux du régulateur,…) a permis d’éviter, à ce jour, un scandale financier d’ampleur. La France peut ainsi porter haut sa voix pour une simplification et une harmonisation des règles.

De même, une forte coordination entre régulateurs européens s’avère nécessaire pour l’harmonisation des normes d’audit et de l’interprétation de la législation européenne. Cette exigence passe par le renforcement des moyens du CEAOB, actuellement présidé par un représentant du H3C, en vue de l’élaboration des normes européennes pour les missions d’assurance portant sur l’information extra financière.

S’agissant de la publicité des résultats des contrôles, la Présidente a constaté la diversité, entre les Etats, des modes actuels de communication des conclusions. Favorable à une évolution de la pratique française envisageant, par exemple, une transmission directe aux comités d’audit ou aux conseils d’administration, elle a précisé que toute modification devra veiller à garantir la confidentialité des informations ainsi transmises.

Enfin, s’agissant des enquêtes, la Présidente a fait état d’une étude comparée du Conseil d’Etat portant sur les autorités de contrôle nationales et plaidant pour la simplification et la clarification de leurs rôles. Pour sa part, la Présidente réfléchit à une évolution de l’éventail des sanctions. S’interrogeant sur la pertinence, dans certains cas, de l’interdiction d’exercice, elle note que la sanction pécuniaire mais surtout la publication officielle de la sanction apparaîtrait plus adaptée.

En conclusion, deux initiatives novatrices, portant sur le fonctionnement des comités d’audit et la promotion du co-commissariat aux comptes, ont été lancées par le Haut Conseil.

Plus globalement, ce dernier porte haut la voix de la France dans les réflexions de la Commission sur l’amélioration de la qualité des audits.

Espérons que cet appel à la promotion du double commissariat aux comptes ainsi qu’à l’harmonisation et la simplification des dispositions existantes soit entendu à l’heure où la profession fait face à un nouveau défi, celui de l’information extra-financière !

 

 

[1] Organismes Tiers Indépendant en charge de la revue actuelle des informations figurant dans la Déclaration de Performance Extra Financière (DPEF)

[2] Committee of European Auditing Oversight Bodies

[3] La société Wirecard ne disposait pas de comité d’audit ainsi que le législateur allemand lui en avait laissé la possibilité.