Fiscalité immobilière : des mesures exceptionnelles dans la loi de finances pour 2021

Publié le 19/04/2021

La loi de finances pour 2021 prévoit de rétablir l’étalement de la taxation des plus-values immobilières issues des opérations de vente sale and lease back, de neutraliser les conséquences fiscales de la réévaluation d’actifs ainsi que plusieurs mesures conduisant à la baisse des impôts sur la production.

Afin d’améliorer les capacités de financement des entreprises dans le contexte de la pandémie de Covid-19, la loi de finances pour 2021 actionne le levier fiscal à travers deux mesures temporaires.

Sale and lease back : rétablissement de l’étalement de la taxation des plus-values immobilières

La loi de finances pour 2021 rétablit de façon temporaire une mesure mise en œuvre pendant la crise de 2008 par l’article 3 de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009 et qui figurait sous l’article 39 novodecies du Code général des impôts (CGI). La mesure consiste à autoriser l’entreprise à étaler ses plus-values immobilières issues de la cession d’un actif immobilier, lorsque la cession est immédiatement suivie de la conclusion d’un contrat de crédit-bail portant sur cet actif. « Cette opération dite de sale and lease back permet aux entreprises de dégager du cash en vendant leurs actifs immobiliers tels que des bureaux, des entrepôts, des surfaces de vente, tout en conservant leur outil de travail, moyennant un loyer, grâce à l’option d’achat prévue dans le contrat de crédit-bail », explique Franck Llinas, avocat associé au cabinet Arsene.

Pour inciter les entreprises à utiliser cette technique sans avoir à supporter la taxation sur les plus-values l’année de la cession, la loi permet aux entreprises cédantes de différer l’imposition qui en résulte. L’imposition de la plus-value de cession peut être étalée sur la durée du crédit-bail, sans pouvoir excéder 15 ans. Chaque année pendant 15 ans, l’entreprise serait donc taxée sur 1/15e de la plus-value, l’imposition étant partiellement compensée par la prise en compte des loyers comme charge minorant le résultat imposable.

Le bénéfice de cette mesure serait entouré de deux conditions : la vente doit avoir acquis date certaine à compter du 28 septembre 2020 et au plus tard le 31 décembre 2022 ; le bien immobilier ainsi cédé doit être affecté par le crédit-preneur à son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. « Si cette mesure est parfaitement bienvenue car elle a fait les preuves de son efficacité, elle présente actuellement deux limites qu’il conviendrait de dépasser », regrette toutefois Franck Llinas.

Premièrement, le dispositif exceptionnel ne s’applique pas aux immeubles affectés par l’entreprise à des activités de gestion de son propre patrimoine. « En conséquence, les foncières en tant qu’entreprises cédantes en sont expressément exclues, contrairement à son application en 2008 », indique l’avocat. « Le dispositif a été centré sur les entreprises industrielles et commerciales dont l’immobilier n’est pas le cœur de métier. Pourtant, les foncières en ont tout autant besoin. Il serait cohérent que le législateur répare cet oubli ».

Ensuite, la loi de finances pour 2021 réserve le bénéfice de cette mesure aux opérations de sale and lease back conclus avec des établissements financiers. « Or ces opérations sont extrêmement répandues tant auprès des établissements financiers que des investisseurs de l’industrie immobilière. La réalité de la pratique réclamerait de prendre en compte les opérations réalisées avec ces opérateurs », indique Franck Llinas. « Cet élargissement offrirait également les conditions pour une meilleure concurrence du marché ».

Immeubles de plus en plus hauts avec une courbe
Lozz / AdobeStock

Neutralisation de la réévaluation libre d’actifs

La loi de finances pour 2021 prévoit une mesure destinée à faciliter le financement d’entreprises. Elle consiste à neutraliser les conséquences fiscales de la réévaluation des actifs, opération comptable permettant aux entreprises d’offrir une image plus fidèle de leur patrimoine en actualisant la valeur des éléments actifs immobilisés, inscrits en principe à leur bilan à leur valeur historique.

« Mécaniquement, l’opération permet à l’entreprise d’avoir de meilleurs capitaux propres et donc d’améliorer les bilans qu’elle présente dans ses demandes de financement auprès des banques qui n’aiment pas constater une dette supérieure à la valeur historique », explique Stéphanie Hamis, avocat associée au cabinet Arsene. « Or de telles opérations peuvent générer une imposition immédiate de l’accroissement de valeur des actifs constaté, les plus‑values latentes ainsi matérialisées constituent un produit imposable. L’imposition peut constituer un frein à cette réévaluation qu’il est opportun de lever ».

Pour les entreprises, les actifs concernés sont les actifs corporels dont les actifs immobiliers (construction, terrain), ainsi que les actifs financiers (titres de participation dans nos filiales). En pratique, la mesure serait optionnelle, certaines entreprises pouvant avoir intérêt à inclure immédiatement leurs plus‑values latentes dans leur résultat imposable.

Pour les immobilisations amortissables, les dotations aux amortissements et aux provisions constatées au titre d’exercices postérieurs à celui au cours duquel est intervenue la réévaluation seront calculées à partir des valeurs réévaluées, ce qui est cohérent avec le régime d’étalement de l’imposition de la plus‑value. Pour les immobilisations non amortissables, les provisions constatées ultérieurement en vue de faire face à la dépréciation des immobilisations réévaluées seront calculées à partir des valeurs non réévaluées, les plus‑values de réévaluation afférentes à ces immobilisations bénéficiant d’un régime de sursis d’imposition. « Ce tempérament permet donc un décalage de trésorerie bien venu dans le cadre de la crise actuelle », conclut Stéphanie Hamis.

La mesure trouverait à s’appliquer aux réévaluations constatées au terme d’un exercice clos à compter du 31 décembre 2020 jusqu’au 31 décembre 2022.

Baisse des impôts de production

Par ailleurs, la loi de finances pour 2021 procède à un coup de pouce immédiat pour les entreprises en baissant les impôts grevant la production. Le gouvernement rappelle que ces impôts sont plus nombreux et que leur montant est plus élevé en France que dans la moyenne des pays de l’Union européenne. En 2018, ils représentaient en France 3,2 % du PIB, contre 1,6 % en moyenne dans l’Union européenne. Les entreprises industrielles supportent presque 20 % de ce poids.

Ainsi, la loi de finances prévoit la réduction de moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). En matière de taxe foncière sur les propriétés bâties acquittées par les entreprises (TFPB) et de cotisation foncière des entreprises (CFE), les paramètres de la méthode comptable d’évaluation servant au calcul des impôts fonciers de la plupart des établissements industriels seraient modernisés.

Corrélativement à ces deux mesures, le taux de plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) en fonction de la valeur ajoutée, sera abaissé de 3 à 2 %, pour garantir que toutes les entreprises, y compris celles qui sont éligibles à ce dispositif de plafonnement, bénéficient de la baisse de la CVAE et de la CFE. Enfin, l’exonération de CFE en cas de création ou d’extension d’établissements, sur délibération des collectivités locales serait prolongée de 3 ans.

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