Présentation de la loi de finances pour 2020
La loi n° 2018-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a été présentée par le gouvernement comme un « budget de pouvoir d’achat et de baisse d’impôt ». La baisse inédite de l’impôt sur le revenu de 5 Md€ qui concernera 17 millions de Français, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour 80 % des foyers fiscaux, et la poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés sont les principales mesures fiscales de la loi de finances pour 2020. Celle-ci introduit également de nouvelles mesures destinées à renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Elle s’attaque notamment à la fraude à la TVA dans le secteur du commerce en ligne.
Après l’échec de la commission mixte paritaire le 15 décembre 2019, le projet de loi de finances pour 2020 a été adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2019, puis rejeté par le Sénat le 18 décembre 2019. Il a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 19 décembre 2019.
Dans sa décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 20191, le Conseil constitutionnel a validé la quasi-totalité de ce texte qui comporte des mesures fiscales importantes concernant autant les ménages que les entreprises. La loi de finances pour 20202, qui intègre plusieurs mesures annoncées à l’issue du grand débat national organisé à l’initiative du président de la République de janvier à mars 2019, prévoit 9,3 Md€ de baisse d’impôts pour les ménages, et près d’1 Md€ de baisse d’impôts pour les entreprises.
S’agissant des particuliers, on relèvera notamment une baisse significative de 5 Md€ de l’impôt sur le revenu pour 17 millions de foyers, la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime forfaitaire davantage ciblée sur la performance énergétique et les ménages modestes, ainsi que la suppression totale de la taxe d’habitation sur les résidences principales à l’horizon 2023.
S’agissant des entreprises, on retiendra en particulier l’obligation de domiciliation fiscale en France des dirigeants des grandes entreprises françaises, la poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés et la suppression progressive de certaines « niches fiscales » accordées aux entreprises.
La loi de finances pour 2020 comporte une importante réforme du financement des collectivités territoriales qui devait initialement faire l’objet d’un projet d’une loi spécifique. Elle entend également garantir « l’équité fiscale » en renforçant les modalités de lutte contre la fraude. Enfin, comme la loi de finances pour 2019, elle présente des mesures de simplification de la fiscalité avec la suppression de taxes à faible rendement3 ainsi qu’un volet de mise en conformité avec le droit de l’UE.
Nous examinerons successivement les grandes orientations du budget 2020 (I), les principales mesures fiscales concernant les particuliers (II), les principales mesures fiscales à destination des entreprises (III) et les dispositions relatives à la lutte contre la fraude fiscale (IV).
I – Les grandes orientations du budget 2020
A – Les principales hypothèses et mesures du budget 2020
Le budget de l’État pour 2020 s’appuie sur une prévision de croissance de 1,3 % pour l’année 2020. Cette hypothèse de croissance est légèrement inférieure à celle figurant dans le programme de stabilité (PSTAB) 2019-2020 présenté le 10 avril 2019 (1,4 %).
Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2020, le haut conseil des finances publiques (HCFP) a considéré que la prévision de croissance du gouvernement pour 2020 est « plausible ».
Le déficit structurel de la France, c’est-à-dire le déficit calculé hors effets de la conjoncture, devrait se stabiliser à 2,2 % du PIB en 2020, après s’être amélioré de 0,1 point de PIB en 2019 par rapport à 2018.
Le déficit public qui avait franchi en 2019 le seuil des 3 % (3,1 %) du PIB exigé par les traités européens, à cause notamment de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité des entreprises (CICE) en baisse de charges pérennes pour les entreprises, devrait atteindre 2,2 % du PIB en 2020 (art. liminaire).
Si le déficit public doit connaître son niveau le plus faible depuis 2001, le déficit budgétaire de l’État devrait lui demeurer en 2020 à un niveau très élevé, à 93,1 Md€ (art. 96 et État A annexé).
L’Agence France Trésor (AFT) a prévu un besoin prévisionnel de financement de l’État de 230,5 Md€ en 2020, « du fait principalement d’un déficit budgétaire de 93,1 Md€ et de 136,4 Md€ d’amortissement de dette à moyen et long terme venant à échéance en 2020 ».
La loi de finances prévoit que le poids de la dépense publique (hors crédits d’impôts) représentera 53,4 % du PIB en 2020 contre 53,8 % en 2019. Elle prévoit également une baisse du taux de prélèvements obligatoires qui s’établira à 44,3 % en 2020, contre 44,7 % en 2019.
La dette publique devrait s’élever à 98,7 % du PIB en 2020, après avoir atteint 98,8 % du PIB en 2019 (98,4 % en 2018).
Par ailleurs, la contribution de la France au budget de l’UE, qui prend la forme d’un prélèvement annuel sur les recettes de l’État autorisé en loi de finances, s’élève pour 2020 à 21,48 Md€ contre 21,194 Md€ en 2019 (art. 95).
Enfin, le budget de l’État pour 2020 marque la poursuite du renforcement des effectifs dans les ministères régaliens (Armée, Intérieur, Justice). Le ministère des Comptes publics et celui de la Transition écologique font partie des ministères qui connaîtront les plus fortes baisses d’effectif.
B – Les avis du haut conseil des finances publiques et de la Commission européenne
Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 20204, rendu public le 23 septembre 2019, le HCFP a jugé que les prévisions d’inflation, d’emploi et de masse salariale retenues par le gouvernement pour 2020 sont « raisonnables ». Il a également estimé que les prévisions des prélèvements obligatoires sont « cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu » et que la prévision d’évolution des dépenses publiques est « plausible ».
Mais le HCFP a critiqué la trajectoire du déficit structurel prévue par le budget 2020. Il dénonce « un effort et un ajustement pratiquement nuls » sur le déficit structurel, lequel serait encore de 2,2 points de PIB en 2020, contre 1,6 point dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 (LPFP) du 22 janvier 2018.
Le HCFP souligne que le projet de loi de finances pour 2020 « s’écarte fortement de la trajectoire de la loi de programmation en vigueur » et traduit « un problème de cohérence entre le PLF 2020 et la LPFP ». Pour le haut conseil, « cela affaiblit la portée de l’exercice de programmation pluriannuelle en matière de finances publiques ».
Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2019, le HCFP avait déjà jugé faible le rythme de réduction du déficit public structurel.
Le 20 novembre 2020, la Commission européenne a estimé quant à elle que les prévisions budgétaires de la France pour 2020 présentaient « un risque de non-conformité » avec les exigences du pacte de stabilité et de croissance. « Un non-respect du critère de réduction de la dette est également pronostiqué »5. Le commissaire européen aux affaires économiques a souligné que « l’absence d’effort structurel » de la France « implique la stabilisation de la dette à un niveau très élevé, proche de 100 % du PIB »6.
II – Les principales mesures fiscales intéressant les particuliers
A – La baisse de l’impôt sur le revenu
Conformément aux engagements pris par le président Macron, le 25 avril 2019, à l’issue du grand débat national, la loi de finances prévoit une baisse de 5 Md€ de l’impôt sur le revenu afin d’alléger « substantiellement » l’effort fiscal des classes moyennes7. Cette mesure emblématique du budget 2020, qui sera notamment financée par la réduction de certaines « niches fiscales » dont bénéficient les entreprises, concernera 17 millions de foyers fiscaux.
Le taux de la première tranche imposable du barème progressif de l’impôt sur le revenu est abaissé de 14 à 11 % (art. 2). Les seuils d’entrée dans les deuxième et troisième tranches imposables sont abaissés respectivement à 25 669 € (au lieu de 27 794 €) et 73 369 € (au lieu de 74 517 €). Les ménages relevant des tranches les plus élevées du barème (taux de 41 % et 45 %) ne seront pas concernés par la baisse d’impôt.
Le mécanisme de la décote, qui permet de réduire voire d’annuler l’impôt des foyers faiblement imposés, est en outre renforcé.
Après l’entrée en vigueur du prélèvement à la source au 1er janvier 2019, la loi de finances pour 2020 poursuit l’effort de simplification des démarches administratives. Les foyers fiscaux dont la déclaration de revenus ne nécessite pas de compléments ou rectifications pourront bénéficier en 2020 d’une déclaration « tacite » (art. 155). Environ 12 millions de foyers fiscaux n’auront aucune démarche à effectuer.
B – La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et la réforme du financement des collectivités territoriales
Dans la lignée de la loi de finances pour 20188, la loi de finances pour 2020 a prévu la suppression totale et définitive de la taxe d’habitation. Après avoir bénéficié d’un allégement de leur cotisation de taxe d’habitation sur leur résidence principale de 30 % en 2018, puis de 65 % en 2019, 80 % des foyers ne paieront plus aucune taxe d’habitation sur leur résidence principale en 2020. Pour les 20 % des foyers fiscaux restants, l’allégement sera de 30 % en 2021, puis de 65 % en 2022. En 2023, plus aucun foyer fiscal ne paiera de taxe d’habitation sur sa résidence principale.
En revanche, la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et sur les logements vacants est maintenue. Cette taxe est rebaptisée « taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale » (THRS).
Par ailleurs, le législateur prévoit que le taux de la taxe d’habitation pour 2020 est gelé au niveau de celui de 2019 « afin de stabiliser la situation fiscale des contribuables pendant la suite de la réforme ». Il prévoit également la mise en œuvre d’une révision des valeurs locatives des locaux d’habitation en 2026 (art. 146).
Dans sa décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019, le Conseil constitutionnel a validé la réforme du financement des collectivités locales prévue par la loi de finances pour 2020 (art. 16) et a notamment écarté les griefs tirés de la méconnaissance des principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales.
À compter de 2021, la part de la taxe foncière sur les propriétés bâties affectée jusqu’ici aux départements sera affectée aux seules communes. Ce transfert permettra de compenser en grande partie, pour les communes, la suppression de la taxe d’habitation (TH) sur les résidences principales. Il renforcera la spécialisation de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en supprimant un échelon de collectivité bénéficiaire.
Le législateur instaure un mécanisme qui neutralisera les écarts de compensation liés au transfert de la part départementale de la TFPB aux communes. « Afin de garantir à toutes les communes une compensation égale à l’euro près au montant de TH sur la résidence principale supprimé, un mécanisme ad hoc prenant la forme d’un coefficient correcteur neutralisant les sur ou sous-compensations, via le compte d’avances des collectivités territoriales, sera mis en place »9.
Le coefficient correcteur ne s’appliquera pas aux communes pour lesquelles la surcompensation est inférieure ou égale à 10 000 €. Il « s’appliquera chaque année aux recettes de TFPB de l’année de la commune et le complément ou la minoration en résultant évoluera dans le temps comme la base d’imposition à la TFPB »10. « Il se traduira chaque année soit par une retenue sur le versement des recettes de TFPB pour les communes surcompensées, soit par le versement d’un complément pour les communes sous-compensées »11.
Pour les départements et les EPCI, les pertes de recettes seront intégralement compensées par l’affectation d’une recette dynamique, sous la forme d’une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Selon le Conseil constitutionnel, cette fraction de TVA « est pour les départements une ressource propre au sens du troisième alinéa de l’article 72-2 de la constitution »12.
Cette recette fiscale constitue pour le gouvernement « une ressource propre au sens des dispositions de l’article L.O. 1114-2 du Code général des collectivités territoriales, nonobstant le fait que les départements ne disposeront pas d’un pouvoir de taux à son égard »13. Le gouvernement a souligné le dynamisme particulier de la TVA, dont le produit a augmenté de 4,7 % en 2017 et 3,5 % en 201814.
C – La hausse temporaire du taux de la réduction d’impôt Madelin
Les députés ont adopté un amendement gouvernemental qui vise à mettre en conformité le dispositif Madelin avec la réglementation européenne. Il maintient la réduction d’impôt pour souscription au capital d’une PME (dite Madelin) à un taux de 25 % pour les investissements réalisés jusqu’au 31 décembre 2020 (art. 137).
La hausse de 7 points du taux de cette réduction d’impôt dite Madelin, de 18 % à 25 %, a été décidée par la loi de finances pour 2018 dans le contexte de la suppression de la réduction ISF-PME15. La loi de finances pour 2019 a prolongé ce dispositif pour les investissements réalisés jusqu’au 31 décembre 2019.
De plus, le taux spécifique de la réduction d’impôt pour les versements effectués par l’intermédiaire de fonds investis en Corse et dans les départements d’Outre-mer est ramené à 30 % au lieu de 38 %.
Un amendement adopté par le Sénat renforce la portée des clauses anti-abus existantes dans le cadre de la réduction d’impôt Madelin, en les appliquant aux activités de change et de courtage. Un autre amendement sénatorial ajoute les titres figurant dans un plan épargne-retraite, créé par l’article 71 de la loi PACTE, aux titres qui ne peuvent bénéficier de la réduction d’impôt Madelin.
Le gouvernement a précisé que « l’entrée en vigueur de ces dispositions est conditionnée par la réception de la réponse définitive de la Commission européenne dans le cadre de la procédure de notification de l’aide d’État ».
La réduction d’impôt sur le revenu Madelin pour les personnes physiques qui effectuent des souscriptions en numéraire au capital des PME fait l’objet depuis 2018 d’une notification auprès de la Commission européenne, conformément aux prescriptions de l’article 74 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
D – Les mesures concernant l’environnement
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La transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime
La loi de finances pour 2020 transforme le CITE en un système de prime qui sera à la fois « plus simple, plus performant et plus juste »16 (art. 15). Elle permet aux ménages modestes de bénéficier, pour les dépenses réalisées dès le 1er janvier 2020, au titre de la rénovation de leur logement, d’un nouveau mécanisme de prime contemporaine aux travaux. La gestion et le versement de cette prime de transition énergétique sont confiés à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Pour en bénéficier, les ménages devront respecter les plafonds de ressources applicables aux aides versées par l’ANAH. Cette prime sera fusionnée avec les aides versées par l’ANAH dans le cadre du programme Habiter mieux agilité.
La loi de finances pour 2020 proroge la période d’application du CITE pour une année, soit jusqu’au 31 décembre 2020, pour les ménages non éligibles à la nouvelle prime, mais en introduisant une condition de ressources.
« Les ménages les 20 % les plus aisés »17 (ménages relevant des déciles 9 et 10) ont été exclus du champ du CITE, sauf pour les dépenses pour les systèmes de charge pour véhicules électriques et celles relatives aux matériaux d’isolation thermique des parois opaques.
La loi de finances pour 2020 instaure un montant forfaitaire de prime et de crédit d’impôt spécifique à chaque équipement, tenant compte de l’efficacité et de la contribution des équipements aux objectifs environnementaux d’économies d’énergie et de rénovation des bâtiments.
Enfin, dans un délai de 3 mois à compter de la promulgation de la loi de finances, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport portant sur l’opportunité d’élargir la prime de transition énergétique aux propriétaires bailleurs pour lutter contre la location des passoires énergétiques.
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La modification du barème du malus automobile
Le dispositif de bonus-malus automobile, décidé en 2007 dans le cadre du Grenelle de l’environnement, se traduit par l’octroi d’aides à l’achat de véhicules neufs émettant peu de CO2 (« bonus ») et par l’application d’une taxe additionnelle perçue sur le certificat d’immatriculation des véhicules les plus polluants (« malus »).
La loi de finances durcit le barème du malus CO2. La taxe additionnelle graduelle sur le certificat d’immatriculation se déclenchera pour les véhicules émettant 110 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, contre 117 grammes actuellement (art. 69).
Le durcissement du barème du malus automobile de l’article 1011 bis du Code général des impôts au 1er janvier 2020 cherche à favoriser l’achat de véhicules neufs émettant le moins de CO2, à décourager l’achat de modèles plus polluants et à stimuler l’innovation technologique des constructeurs. Il vise aussi à accompagner la diminution des émissions de CO2 des véhicules de tourisme dans le cadre du régime d’obligation européen de réduction des émissions de CO2.
Le nouveau barème de malus devrait conduire à un surcroît de recettes pour l’État de 141 M€.
Par ailleurs, la loi de finances organise le passage du barème NEDC (nouveau cycle européen de conduite) vers le barème WLTP (procédure d’essai mondiale harmonisée pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers) qui se veut plus proche des conditions réelles d’utilisation du véhicule. Un second barème du malus automobile entrera en vigueur au plus tard le 1er juillet 2020 pour tenir compte du passage au nouveau protocole d’homologation dit WLTP. À cette date, le seuil de déclenchement du malus écologique passera de 110 à 138 g/km de C02 (art. 69).
Enfin, l’Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture un amendement du gouvernement prévoyant une augmentation du plafond du malus pour les véhicules à fortes émissions de dioxyde de carbone. Le plafond du malus pour l’achat des véhicules les plus polluants passe de 12 500 à 20 000 €. Le malus pour l’achat d’un véhicule émettant plus de 184 grammes de CO2 au kilomètre atteindra 20 000 € (art. 69).
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Extension de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) aux sociétés de tiers financement situées en régions Île-de-France et Hauts-de-France
Le dispositif du prêt à taux zéro vise à permettre le financement des rénovations énergétiques. Ce mécanisme qui a été institué par la loi de finances pour 2009 a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2021 par la loi de finances pour 2019. « À cette occasion, l’éco-PTZ a été rendu plus opérationnel, simplifié et cohérent avec les autres dispositifs, afin qu’il soit davantage mobilisé et déclencheur de travaux de rénovation énergétique »18.
« Afin d’accélérer le rythme des rénovations énergétiques les plus performantes », l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un amendement ouvrant à titre expérimental, pour une durée de 2 ans, la possibilité pour les sociétés de tiers financement situées en régions Île-de-France et Hauts-de-France, dûment agréées pour exercer une activité de crédit en lien avec leur objet social, de distribuer l’éco-PTZ « performance énergétique globale » et « copropriétés » (art. 140).
E – Les mesures sociales
Le dispositif du prêt à taux zéro (PTZ) pour le financement des logements neufs sera maintenu jusqu’au 30 décembre 2020, dans les zones B2 et C, dites « détendues », c’est-à-dire là où l’offre de logements est jugée suffisante par rapport à la demande (art. 135). Le projet de loi de finances initial avait prévu de supprimer le PTZ, qui est l’une des principales aides à l’achat d’un logement, dans ces zones périurbaines et rurales. Mais l’Assemblée nationale a voté en première lecture un amendement permettant le maintien du PTZ sur tout le territoire, malgré l’avis négatif du gouvernement. Ce dernier n’est pas revenu ensuite sur cet amendement qui a été voté dans les mêmes termes par le Sénat.
Par ailleurs, la loi de finances pour 2020 prévoit une revalorisation limitée du montant de certaines prestations sociales. Elle indique que le montant des plafonds de ressources mensuelles ouvrant droit à la réduction du loyer de solidarité (RLS) ne sera pas « indexé sur l’évolution en moyenne annuelle de l’indice des prix à la consommation des ménages hors tabac constatée en 2018 » (art. 200).
Le texte budgétaire revalorise de 0,3 % les aides personnelles au logement (APL) à partir du 1er octobre 2020 et l’allocation aux adultes handicapés (AAH) à partir du 1er avril 2020. Il revalorise dans la même proportion, à partir du 1er avril 2020, le montant forfaitaire de la prime d’activité ainsi que le montant maximal de la bonification principale.
Pour tenir compte de « la hausse du taux de recours observée depuis le début de l’année 2019 »19, les crédits dédiés à la prime d’activité augmenteront de près de 10 % par rapport à la loi de finances initiale 2019 où elle était prévue à 8,8 Md€.
Il est également à noter que la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat introduite par la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économique et sociale est reconduite par l’article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Cette prime exceptionnelle, exonérée de l’ensemble des cotisations et contributions sociales et d’impôt sur le revenu dans la limite de 1 000 € par bénéficiaire, concerne les salariés dont la rémunération mensuelle est inférieure à 3 SMIC. L’exonération de toutes cotisations et impôts sera désormais conditionnée à la mise en place par l’entreprise d’un accord d’intéressement.
Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit de réindexer sur l’inflation les pensions des retraités les plus modestes. Les retraités dont les retraites brutes globales n’excèdent pas 2 000 € par mois seront concernés par cette mesure. Les pensions de retraite d’un montant supérieur à 2000 € seront quant à elles revalorisées de 0,3 %. Dans sa décision n° 2019-795 DC du 20 décembre 2019, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la constitution cette « revalorisation différentielle » des pensions de retraite.
III – Les principales mesures fiscales intéressant les entreprises
A – La domiciliation fiscale en France des dirigeants des grandes entreprises françaises
La loi de finances pour 2020 confirme les annonces faites par le ministre de l’Économie et des Finances le 27 janvier 2019 en complétant l’article 4 B du Code général des impôts qui détermine les règles de domiciliation fiscale en droit interne. Son article 13 introduit une présomption de domiciliation fiscale en France, au titre du critère professionnel, pour les dirigeants des entreprises dont le siège est situé en France et qui y réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 250 M€.
Ce seuil de 250 M€ de chiffre d’affaires qui, selon Gérald Darmanin, concerne 765 entreprises, soit environ 1 500 dirigeants20, est celui retenu par l’article 1668 du Code général des impôts relatif aux acomptes de l’impôt sur les sociétés. Le projet de loi initial avait, lui, retenu le seuil d’1 Md€. Il est précisé que pour les entreprises qui contrôlent d’autres entreprises dans les conditions définies à l’article L. 233-16 du Code de commerce, le chiffre d’affaires s’entend de la somme de leur chiffre d’affaires et de celui des entreprises qu’elles contrôlent.
Les dirigeants visés par le nouveau dispositif sont le président du conseil d’administration lorsqu’il assume la direction générale de la société, le directeur général, les directeurs généraux délégués, le président et les membres du directoire, les gérants et les autres dirigeants ayant des fonctions analogues.
Reprenant un amendement adopté par le Sénat, la loi de finances exclut du champ du nouveau dispositif les dirigeants qui peuvent rapporter la preuve que leur activité de dirigeant d’une société française ne constitue pas leur activité professionnelle à titre principal. « Cela prémunit le dispositif de toute rigidité excessive tout en garantissant que sa portée corresponde bien à l’ambition qui lui est attachée »21.
L’article 13 de la loi de finances est par ailleurs conforme à la jurisprudence administrative dans la mesure où le Conseil d’État a considéré que les mandataires sociaux d’une société ayant son siège social en France devaient être considérés comme y exerçant leur activité22.
L’évaluation préalable des articles du projet de loi indique que l’évolution du contexte économique rend nécessaire une adaptation « aux réalités économiques » des « règles de la domiciliation fiscale en France des dirigeants des grandes entreprises françaises »23.
Ce nouveau critère de domiciliation fiscale, qui « pourrait augmenter les recettes fiscales »24, s’appliquera pleinement sous réserve des dispositions des conventions fiscales internationales liant la France et d’autres États. Le principe de primauté de ces conventions est de nature à limiter ses effets. Seuls les dirigeants à qui une convention fiscale n’attribue pas la résidence fiscale à un pays autre que la France pourront être concernés par cette mesure évoquée dans le cadre du grand débat national, qui a été qualifiée par certains de symbolique.
Enfin, le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de l’article 13 de la loi de finances qui, selon lui, « se bornent au demeurant à expliciter des éléments qui pouvaient déjà être pris en compte pour apprécier la domiciliation fiscale d’un contribuable ».
B – L’aménagement de la réduction d’impôt en faveur du mécénat pour les grandes entreprises
La loi de finances tire les enseignements du rapport de la Cour des comptes sur le soutien public au mécénat des entreprises. Dans ce rapport de novembre 2018, la Cour des comptes a critiqué la forte augmentation de cette dépense fiscale, dont le coût s’est élevé en 2017 à 902 M€. Elle a souligné que le coût de cette dépense était concentré sur les très grandes entreprises.
Afin de contribuer à la maîtrise des dépenses publiques, le législateur a prévu de baisser de 60 % à 40 % le taux de défiscalisation pour les versements supérieurs à 2 M€ (art. 134). Selon Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, cette mesure « qui devrait générer 80 M€ d’économie à l’horizon de 2021 », ne concernera que « 78 grandes entreprises dont les dons excèdent aujourd’hui cette somme »25.
Les dons effectués au profit d’organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui fournissent gratuitement certains soins à des personnes en difficulté, seront toujours éligibles à une réduction d’impôt au taux de 60 %.
C – L’aménagement de la trajectoire de baisse du taux normal de l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises
La trajectoire de baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) qui sera réduit à 25 % en 2022 pour toutes les entreprises est maintenue. Elle a été prévue par la loi de finances pour 2018. Il s’agit de ramener progressivement pour l’ensemble des entreprises le taux normal de l’IS au niveau de la moyenne européenne.
Tout en confirmant la baisse du taux normal de l’IS pour la totalité des entreprises qui y sont assujetties, l’article 39 de la loi de finances aménage la trajectoire de baisse de ce taux pour les exercices ouverts en 2020 et 2021 par les plus grandes entreprises.
Ces entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 250 M€ seront imposées au taux de 31 % (au lieu de 28 %) au titre des exercices ouverts en 2020 et pour la fraction de bénéfice excédant 500 000 €. Elles seront imposées au taux de 27,5 % (au lieu de 26,5 %) au titre des exercices ouverts en 2021.
Cette modification de l’intensité de la baisse du taux normal de l’IS, qui sera concentrée sur les 765 plus grandes entreprises françaises, devrait rapporter à l’État un surcroît de recettes fiscales supérieur à 3 Md€, dont 2,2 Md€ en 2020 et 0,9 Md€ en 202126.
Enfin, la trajectoire de baisse du taux d’IS prévue par la loi de finances pour 2018 demeure inchangée pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 M€.
D – Exonérations possibles de CFE, TFPB et CVAE pour les petites entreprises commerciales
Les articles 110 et 111 de la loi de finances pour 2020 permettent aux collectivités territoriales d’instaurer une exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE), de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au profit des entreprises de moins de 11 salariés et de moins de 2 M€ de chiffre d’affaires annuel. Ces exonérations ne pourront s’appliquer que dans les territoires ruraux (petites communes comptant 10 commerces ou moins et non intégrées à une aire urbaine) et dans les communes ayant signé une convention ORT (opérations de revitalisation de territoire) et dont « le revenu médian par unité de consommation est inférieur à la médiane nationale ». Ces dispositifs de soutien en faveur du commerce de proximité pourront s’appliquer à compter du 1er janvier 2020 et cela jusqu’en 2023.
L’article 111 de la loi de finances pour 2020 vient compléter la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi ÉLAN) qui a donné aux élus locaux les moyens de revitaliser les centres-villes. La création des ORT a été l’une des mesures phares de la loi ÉLAN.
E – La fiscalité environnementale
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La réduction des allégements dans le domaine de la fiscalité énergétique
L’article 60 de la loi de finances pour 2020 vise à opérer une suppression progressive des tarifs réduits de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les carburants non routiers, dans le cadre de la rationalisation des aides fiscales en faveur des entreprises. Les tarifs réduits de TICPE dont bénéficie le gazole non routier (GNR) seront progressivement supprimés entre le 1er juillet 2020 et le 1er janvier 2022. Les entreprises agricoles et les entreprises ferroviaires ne seront pas concernées par cette mesure.
L’exposé des motifs de l’article 60 souligne que « la suppression de ces tarifs spécifiques permet de dégager des ressources supplémentaires pour le budget de l’État tout en supprimant une dépense fiscale non vertueuse sur le plan environnemental dès lors qu’elle conduit à minorer le coût d’énergies fossiles émettrices de dioxyde de carbone ».
Des mesures d’accompagnement ont été prévues pour les secteurs économiques les plus affectés par la hausse des tarifs de TICPE. Le texte budgétaire initial a introduit deux dispositifs de suramortissement qui seront utilisables jusqu’à la fin de l’année 2022 : l’un pour inciter les entreprises utilisatrices d’engins fonctionnant au GNR à acquérir des engins moins polluants, et l’autre pour aider les entreprises du réseau de distribution du GNR.
Le dispositif de suramortissement a été élargi par les députés en première lecture aux entreprises du secteur du bâtiment et aux véhicules hybrides rechargeables qui ne fonctionnent pas exclusivement au gaz naturel, à l’énergie électrique ou à l’hydrogène. Il a été également renforcé pour les petites et moyennes entreprises qui bénéficieront d’un taux de suramortissement de 60 %.
Par ailleurs, l’article 71 de la loi de finances pour 2020 modifie l’article 265 septies du Code des douanes afin de diminuer de 2 € par hectolitre le remboursement partiel de TICPE dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises. Cette diminution du remboursement de TICPE, qui s’appliquera aux carburants acquis à compter du 1er janvier 2020, vise notamment à assurer une meilleure participation des transports routiers de marchandises au financement des infrastructures routières nationales non concédées qu’ils empruntent. Cette mesure qui a été annoncée à l’occasion du conseil de défense écologique du 9 juillet 2019 devrait rapporter 70 M€ en 2020. La hausse du produit de la TICPE sera affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).
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L’écocontribution sur le transport aérien
L’article 72 de la loi de finances instaure une écocontribution sur les billets d’avion qui avait été annoncée lors du conseil de défense écologique du 9 juillet 2019. Son produit, qui devrait représenter 180 M€, sera affecté au financement des infrastructures de transport. Son montant variera de 1,50 € par billet, sur un vol intérieur ou intra-européen en classe économique, à 18 € pour un vol hors Union européenne en classe affaire.
Cette écotaxe s’appliquera à toutes les compagnies au départ de la France, quelles que soient leur nationalité. Elle s’appliquera « pour les vols au départ de la France, à l’exception des vols en correspondance, des vols intérieurs au départ ou vers la Corse, les Outre-mer, et des liaisons d’aménagement du territoire, qui sont des dessertes aériennes essentielles au désenclavement ou à la continuité territoriale, pour lesquels le transport aérien est incontournable ».
F – La modification des modalités du forfait des dépenses de fonctionnement pour le calcul du crédit d’impôt recherche et du crédit impôt innovation
Le crédit d’impôt recherche (CIR) est une mesure fiscale de soutien aux activités de recherche et développement (R&D) des entreprises qui leur permet de bénéficier d’un crédit d’impôt proportionnel aux dépenses de R&D. Le crédit d’impôt innovation (CII) est quant à lui un dispositif d’aide aux entreprises innovantes instauré par la loi de finances pour 2013. Le CII complète le CIR et a pour objectif de soutenir les PME qui engagent des dépenses spécifiques pour innover.
La loi de finances pour 2020 modifie les modalités de calcul du forfait des dépenses de fonctionnement du CIR et du CII en abaissant le taux de prise en compte des dépenses de personnel de 50 % à 43 % (art. 130). Préconisée par la Cour des comptes27, cette mesure vise à mieux ajuster l’assiette du CIR à la réalité des dépenses effectuées, sans nuire à l’objectif du CIR et du CII.
Par ailleurs, le seuil de dépenses de recherche au-delà duquel il est fait obligation aux sociétés de remplir l’état annexe à la déclaration de CIR, décrivant la nature des travaux de recherche en cours, est à nouveau porté à 100 M€. La loi de finances pour 2019 avait abaissé ce seuil de 100 M€ à 2 M€.
Ce relèvement du seuil d’assujettissement à l’obligation documentaire complémentaire est motivé « par le souci d’éviter de grever les petites entreprises d’une charge administrative jugée potentiellement trop lourde »28.
G – La création d’une taxe forfaitaire sur les contrats à durée déterminée dits d’usage
La loi de finances institue une taxe forfaitaire de 10 € due par tout employeur pour chaque contrat à durée déterminée dit d’usage (CDDU) conclu en application du 3° de l’article L. 1242-2 du Code du travail (art. 145). Cette taxe forfaitaire est instaurée afin d’inciter les entreprises à limiter le recours aux contrats conclus pour de courtes durées. Le produit de cette taxe qui poursuit un objectif de lutte contre la précarité salariale sera affecté à l’UNEDIC.
La taxe forfaitaire ne s’appliquera pas aux CDDU conclus avec des intermittents du spectacle, aux CDDU conclus avec les ouvriers dockers occasionnels et aux CDDU conclus par les associations intermédiaires d’insertion par l’activité économique. La loi de finances exonère également du paiement de la taxe forfaitaire les CDDU conclus dans les secteurs d’activité qui ont déjà prévu par accord de limiter le recours abusif à ce type de contrat, en encadrant leur utilisation par l’instauration de durée minimale de contrat et par l’obligation de transformation des CDDU en CDI au terme d’une durée de travail effectif en CDDU déterminé par l’accord29.
Le gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er juillet 2022, un rapport sur les effets de la taxe en matière de recours aux CDDU. Ce rapport indiquera l’évolution, depuis 2020, du nombre de contrats conclus, de leur durée et de la part des reconductions successives avec le même travailleur par le même employeur. Il fera également état de l’impact financier de la taxe sur le régime d’assurance chômage.
H – Le recentrage de l’aide à la création et à la reprise d’entreprise (ACRE)
Le dispositif d’exonérations de cotisations et contributions sociales des créateurs et repreneurs d’entreprises est recentré sur le public initialement visé, c’est-à-dire les créateurs et repreneurs d’entreprise donnant lieu à une activité économique nouvelle (art. 274). Par ailleurs, le bénéfice de l’ACRE est étendu au conjoint collaborateur afin que « la déclaration de l’activité du conjoint ne soit pas un frein à la création d’activité du fait du coût des cotisations sociales à acquitter ».
I – La réforme de la taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie (TCCI)
La loi de finances 2020 modifie les articles 1600, 1602 A et 1639 A du Code général des impôts pour tirer les conséquences de la modification des modalités de financement du réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) introduites par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises (loi PACTE). Cette loi PACTE a fait de l’établissement CCI France le seul affectataire de la TCCI et le répartiteur de son produit entre les chambres de commerce et d’industrie de région (CCIR). La TCCI est constituée de deux contributions : une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE) et une taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE).
La loi de finances 2020 prévoit un taux unique national de TA-CFE en remplacement des taux multiples votés sur une base annuelle par les CCIR (art. 59). Il atteindra 0,89 % à compter de 2023. Pendant une période transitoire de 3 ans, des taux différenciés continueront à s’appliquer dans chaque région afin de converger vers le taux national en 2023. Par ailleurs, le texte aligne les frais de gestion applicables à la TA-CVAE sur ceux appliqués à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Selon le gouvernement, « ces nouvelles dispositions constituent une mesure de simplification structurante, se traduisant par la suppression d’un dispositif complexe et peu lisible de répartition de la TCCI, et par un allégement des prélèvements sur les entreprises ».
IV – Le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale
La loi de finances comporte plusieurs dispositifs susceptibles de renforcer l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale.
A – Les dispositions concernant les plates-formes en ligne
L’article 148 de la loi de finances cherche à répondre au développement de la fraude à la TVA sur les ventes de biens réalisées par le biais de plates-formes numériques. Il prévoit que les entrepôts présents sur le territoire national devront tenir à la disposition de l’administration fiscale les informations nécessaires pour identifier les propriétaires des biens vendus, et pour définir la nature, la provenance, la destination et le volume des flux des biens importés. Ces informations devront être conservées jusqu’au 31 décembre de la 6e année suivant celle durant laquelle a eu lieu l’opération d’importation. « La communication à l’Administration, sur sa demande, des informations relatives aux propriétaires des biens stockés par les centres logistiques et vendus en ligne lui permettra d’identifier les redevables non établis en France et non immatriculés à la TVA »30.
Par ailleurs, les plates-formes électroniques seront redevables de la TVA due sur toutes les ventes qu’elles facilitent, dès lors que le vendeur est établi dans un pays tiers (art. 157). Elles devront conserver pendant 10 ans un registre, « suffisamment détaillé », afin de permettre aux États membres où ces opérations sont imposables de « vérifier que la TVA a été correctement acquittée ».
Enfin, la loi de finances pour 2020 s’inscrit dans la logique de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude31 en créant une procédure permettant la publication sur internet de l’identité des plates-formes qui ne respecteraient pas, de manière réitérée, leurs obligations de coopération avec l’administration fiscale (art. 149). Cette nouvelle sanction permettra d’informer les consommateurs du nom des plates-formes les moins respectueuses des obligations auxquelles les astreint le droit fiscal français. Ce mécanisme de name and shame vient s’inspirer de celui prévu à l’article 1729 A bis du Code général des impôts pour les manquements graves32.
La décision de publication prise par l’Administration sera notifiée à l’opérateur de plate-forme. Le nouvel article 1740 D du Code général des impôts précise que la notification mentionnera à ce dernier « la sanction que l’Administration se propose d’appliquer, les motifs de la sanction et la possibilité dont dispose l’intéressé de présenter ses observations dans un délai de 60 jours à compter de la notification ». La publication sera effectuée sur le site internet de l’administration fiscale pendant une durée qui ne peut excéder 1 an. Lorsque l’opérateur de plate-forme aura acquitté l’intégralité des impositions ou amendes ayant motivé la publication, celle-ci sera retirée sans délai du site internet de l’administration fiscale.
B – L’indemnisation des aviseurs fiscaux
Le dispositif d’indemnisation des informateurs en matière de fiscalité internationale ou « aviseurs fiscaux », qui était initialement prévu à titre expérimental pour une durée de 2 ans, a été institué par l’article 109 de la loi de finances pour 2017. Ce dispositif créé pour lutter contre la grande fraude fiscale internationale a ensuite été pérennisé par la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude. La loi de finances pour 2020 permet de codifier ce dispositif au sein d’un nouvel article L. 10-0 AC du Livre des procédures fiscales qui indique que le gouvernement peut autoriser l’administration fiscale à indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques, dès lors que cette personne lui a fourni des renseignements ayant amené à la découverte d’un manquement à une obligation fiscale (art. 175). Elle étend également ce dispositif aux opérations de fraude à la TVA, laquelle constitue un vecteur de fraude très important33.
C – La collecte des données publiées sur les réseaux sociaux et les sites des opérateurs de plate-forme
Afin d’améliorer la détection de la fraude fiscale, l’article 154 de la loi de finances autorise, à titre expérimental et pour une durée de 3 ans, les administrations fiscale et douanière à collecter et exploiter, « au moyen de traitements informatisés et automatisés n’utilisant aucun système de reconnaissance faciale », les données personnelles accessibles publiquement sur les sites internet de certains opérateurs de plate-forme. Cette possibilité sera ouverte dans le seul but de rechercher les manquements les plus graves. Après les réserves émises par la Cnil dans son avis rendu le 12 septembre 2019 sur l’article 154 du projet de loi de finances, l’Assemblée nationale a souhaité restreindre le champ de l’expérimentation aux activités occultes, aux domiciliations fiscales frauduleuses, à certains manquements sur les alcools, le tabac et des métaux précieux, et à certains délits douaniers.
Les « données sensibles » au sens de l’article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et les autres données manifestement sans lien avec les infractions recherchées seront détruites au plus tard 5 jours ouvrés après leur collecte.
Lorsqu’elles seront de nature à concourir à la constatation des manquements et infractions recherchées, les données collectées strictement nécessaires seront conservées pour une période maximale d’1 an à compter de leur collecte et seront détruites à l’issue de cette période. Cependant, lorsqu’elles seront utilisées dans le cadre d’une procédure pénale, fiscale ou douanière, ces données pourront être conservées jusqu’au terme de la procédure.
Les traitements de données ne pourront être mis en œuvre que par des agents des administrations fiscale et douanière « ayant au moins le grade de contrôleur et spécialement habilités ». Un bilan définitif de l’expérimentation sera communiqué au Parlement ainsi qu’à la Cnil au plus tard 6 mois avant son terme.
Dans sa décision du 27 décembre 2019, le Conseil constitutionnel a jugé que l’article 154 relève du domaine des lois de finances alors que certains requérants soutenaient qu’il s’agissait d’un « cavalier budgétaire ». Il a considéré que le législateur a assorti ce nouveau dispositif de contrôle pour le recouvrement de l’impôt « de garanties propres à assurer, entre le droit au respect de la vie privée et l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, une conciliation qui n’est pas déséquilibrée ».
Le Conseil constitutionnel a souligné que ne pourront être collectés et exploités que les contenus se rapportant à la personne qui les a, délibérément, divulgués.
En outre, pour garantir que la mise en œuvre des traitements de données « soit proportionnée aux finalités poursuivies », il reviendra au pouvoir réglementaire « de veiller, sous le contrôle du juge, à ce que les algorithmes utilisés par ces traitements ne permettent de collecter et de conserver que les données strictement nécessaires à ces finalités ».
Si le juge constitutionnel a validé l’essentiel de ce dispositif controversé, il a toutefois censuré les dispositions permettant de collecter et d’exploiter automatiquement des données « pour la recherche du manquement sanctionnant d’une majoration de 40 % le défaut ou le retard de production d’une déclaration fiscale dans les 30 jours suivant la réception d’une mise en demeure ». Il a estimé que « dans une telle situation, l’Administration, qui a mis en demeure le contribuable de produire sa déclaration, a déjà connaissance d’une infraction à la loi fiscale, sans avoir besoin de recourir au dispositif automatisé de collecte de données personnelles ».
Enfin, pour apprécier s’il convient de pérenniser ce dispositif expérimental, il appartiendra au législateur de tirer les conséquences de son évaluation. « À la lumière de cette évaluation, la conformité à la constitution de ce dispositif pourra de nouveau être examinée ».
Notes de bas de pages
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1.
Cons. const., 27 déc. 2019, n° 2017-7796 DC : JO n° 0302, 29 déc. 2019, texte n° 3.
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2.
L. n° 2019-1479, 28 déc. 2019 : JO n° 0302, 29 déc. 2019, texte n° 1.
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3.
C’est le cas par exemple de la taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière qui avait été créée par la loi de finances pour 2001 (art. 21).
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4.
Avis n° HCFP-2019-3, 23 sept. 2019, relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2020 : JO n° 0226, 28 sept. 2019, texte n° 75.
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5.
Comm. UE, communiqué de presse, 20 nov. 2019, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_19_6296.
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6.
V. Honoré R., « Bruxelles s’inquiète de la dette de la France », Les Échos, 21 nov. 2019.
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7.
AN, proj. L. n° 2272, 27 sept. 2019, p. 37.
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8.
V. Zarka J.-C., « Quel budget pour la première année du quinquennat Macron ? », LPA 22 févr. 2018, n° 133j7, p. 6.
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9.
AN, proj. L. n° 2272, 27 sept. 2019, p. 70.
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10.
AN, proj. L. n° 2272, 27 sept. 2019, p. 71.
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11.
AN, proj. L. n° 2272, 27 sept. 2019, p. 71.
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12.
Cons. const., 27 déc. 2019, n° 2017-7796 DC.
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13.
Obs. du gouvernement sur la loi de finances pour 2020, 23 déc. 2019.
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14.
Obs. du gouvernement sur la loi de finances pour 2020, 23 déc. 2019.
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15.
Le dispositif ISF-PME est un régime de défiscalisation en faveur de l’investissement dans les PME créé en 2007 dans le cadre de la loi TEPA (Travail emploi pouvoir d’achat). Il a été supprimé par la loi de finances pour 2018.
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16.
Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2020, p. 37.
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17.
V. rapp. AN, 13 déc. 2019, vol. I, p. 106, n° 2504.
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18.
V. amendement n° II-3011 sur le projet de loi de finances déposé le 9 novembre 2019 par la députée (LREM) Barbara Pompili (http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2272C/AN/3011).
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19.
AN, proj. L. n° 2272, 27 sept. 2019, p. 19.
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20.
Darmanin G., séance publique AN, 17 oct. 2019.
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21.
V. rapp. AN, 13 déc. 2019, vol. I, p. 91, n° 2504.
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22.
V. CE, 10 août 2007, n° 292577, Sté USG France.
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23.
Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2020, p. 27.
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24.
V. rapp. AN, 10 oct. 2019, t. II, p. 104, n° 2301.
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25.
Entretien au journal Les Échos, 29 août 2019.
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26.
V. rapp. AN, 10 oct. 2019, t. II, p. 484, n° 2301.
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27.
C. comptes, Rapport sur l’évolution et les conditions de maîtrise du crédit d’impôt en faveur de la recherche, 11 sept. 2013.
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28.
V. rapp. AN, 13 déc. 2019, vol. I, p. 584, n° 2504.
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29.
V. amendement n° II-2539 sur le projet de loi de finances déposé le 8 novembre 2019 par le député (LREM) Joël Giraud (http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2272C/AN/2539).
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30.
AN, proj. L. n° 2272, 27 sept. 2019, p. 216.
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31.
V. Zarka J.-C., « La loi relative à la lutte contre la fraude », LPA 16 nov. 2018, n° 140a4, p. 7.
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32.
V. rapp. AN, 13 déc. 2019, vol. I, p. 684, n° 2504.
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33.
V. rapp. de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les aviseurs fiscaux, n° 1991, 5 juin 2019.