Fiscalité immobilière : une proposition de loi pour sécuriser les investisseurs expatriés
Scellier, Duflot, Pinel, de nombreux dispositifs fiscaux spécifiques successivement mis en place par les pouvoirs publics promettent à l’investisseur une réduction de sa facture fiscale. Une proposition de loi a été déposée afin de sécuriser la situation des expatriés qui louent leurs biens dans le cadre de ces dispositifs.
Les dispositifs d’investissement locatif permettent à un particulier souhaitant investir dans un logement, de déduire fiscalement une partie du montant de son investissement, à condition de le louer. Les dispositifs Scellier, Duflot et Pinel s’appliquent aux contribuables domiciliés fiscalement en France au sens de l’article 4 B du Code général des impôts (CGI). Sont ainsi visés les contribuables soumis en France à l’impôt sur l’ensemble de leurs revenus, de source française ou étrangère. Les contribuables fiscalement domiciliées hors de France qui perçoivent des revenus de source française et sont imposables à l’impôt sur ces revenus, conformément à l’article 4 A du CGI) ne peuvent bénéficier de ces avantages fiscaux. Une proposition de loi1 déposée par le député des Français d’Amérique du Nord, Frédéric Lefebvre vise à préciser que la condition de domiciliation permettant de bénéficier des dispositifs Scellier, Duflot et Pinel s’apprécie à la date d’acquisition du bien, afin de sécuriser la situation des contribuables expatriés après avoir investi dans le cadre d’un de ces régimes.
Les dispositifs Duflot et Pinel
Le dispositif Duflot, a été mis en place, en remplacement du dispositif Scellier (v. encadré Le dispositif Scellier), dans le cadre de l’article 80 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013. Ce nouveau dispositif en faveur de l’investissement locatif intermédiaire effectif au 1er janvier 2013 était destiné à recentrer l’offre de logement sur les zones tendues et les ménages modestes. Afin d’en accroître l’attractivité auprès d’un plus grand nombre d’investisseurs, l’article 5 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a réformé cette réduction d’impôt et l’a renommée dispositif Pinel, pour les investissements réalisés à compter du 1er septembre 2014. Codifiée sous l’article 199 novovicies du Code général des impôts (CGI), la réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire s’applique aux contribuables domiciliés en France qui acquièrent ou font construire des logements neufs ou assimilés du 1er janvier 2013 au 31 août 2014 pour le dispositif Duflot ou du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016 pour le dispositif Pinel. Les dispositifs Duflot et Pinel s’appliquent également aux contribuables qui acquièrent du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016 des parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) réalisant les mêmes investissements.
Un engagement locatif à respecter
Pour bénéficier de la réduction d’impôt, le propriétaire doit s’engager à donner le logement en location pendant une durée minimale de neuf ans dans le cadre du dispositif Duflot et sur option du contribuable pour une durée de six ou neuf ans dans le cadre du dispositif Pinel. Pour les investissements réalisés à compter du 1er septembre 2014 dans le cadre du dispositif Pinel, l’engagement initial de location peut être prorogé, selon le cas, pour une période triennale de location renouvelable une fois s’il était d’une durée de six ans et d’une seule période triennale s’il était d’une durée de neuf ans2. Pour les investissements réalisés du 1er janvier 2013 au 31 août 2014 (dispositif Duflot) et du 1er septembre au 31 décembre 2014 (dispositif Pinel), la location ne peut pas être conclue avec un membre du foyer fiscal, un ascendant ou un descendant du contribuable. Les modalités pratiques d’application du dispositif sont fixées par le décret n° 2012-1532 du 29 décembre 2012 : plafonds de loyer et de ressources des locataires, niveau de performance énergétique globale, plafond du prix de revient. En revanche, pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2015 (dispositif Pinel), la location peut être conclue, toutes autres conditions étant par ailleurs remplies, avec un ascendant ou un descendant du contribuable, sous réserve qu’il ne soit pas membre du foyer fiscal du contribuable. Pendant toute la période couverte par l’engagement de location, le loyer ne doit pas être supérieur à certains plafonds qui varient en fonction du lieu de situation du logement et de sa surface. Les locataires doivent, en outre, satisfaire à certaines conditions de ressources.
Un déséquilibre entre l’offre et la demande
Au titre d’une même année d’imposition, le contribuable ne peut bénéficier de la réduction d’impôt qu’à raison de l’acquisition ou de la construction d’au plus deux logements. La réduction d’impôt s’applique exclusivement au titre des logements situés dans les communes du territoire métropolitain classées dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés d’accès au logement sur le parc locatif existant. Elle s’applique également, sous certaines conditions, aux logements situés dans des communes du territoire métropolitain caractérisées par des besoins particuliers en logement locatif. Les communes concernées sont précisées par l’arrêté du 29 décembre 2012. Le classement des communes par zone a été révisé au 1er octobre 2014 par arrêté du 1er août 2014. Les investissements afférents à des logements situés dans les départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte) et les collectivités d’outre-mer (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint Pierre-et-Miquelon, Nouvelle Calédonie, Polynésie française, îles Wallis et Futuna) ouvrent également droit au bénéfice de l’avantage fiscal. Toutefois, conformément aux dispositions de l’article 199 undecies F du CGI, dans sa rédaction issue de l’article 6 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, et par délibération, les collectivités d’outre-mer peuvent, sur leurs territoires respectifs, écarter l’application de la réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire, prévue à l’article 199 novovicies du CGI, à compter du 1er janvier 2015. À l’exception des investissements afférents à des logements situés à Mayotte, le bénéfice de l’avantage fiscal est subordonné à la justification du respect d’un niveau de performance énergétique globale qui varie notamment en fonction du lieu de situation du logement.
Une réduction d’impôt significative
La réduction d’impôt est calculée sur la base du prix de revient du ou des logements, retenu dans la limite d’un plafond par mètre carré de surface habitable fixé par l’article 46 AZA octies B de l’annexe III au CGI à 5 500 €. En cas de souscription de parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), la réduction d’impôt est calculée sur 95 % du montant des souscriptions, pour celles réalisées du 1er janvier 2013 au 31 août 2014 dans le cadre du dispositif Duflot et 100 % du montant des souscriptions, pour celles réalisées du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016 dans le cadre du dispositif Pinel. Au titre d’une même année d’imposition et pour un même contribuable, la base de la réduction d’impôt, prix de revient du ou des logements et montant des souscriptions de parts de SCPI confondus, ne peut excéder 300 000 €.
Le taux de la réduction d’impôt Duflot est fixé à 18 % pour les investissements réalisés en métropole et à 29 % pour ceux réalisés outre-mer. Les taux de la réduction d’impôt Pinel sont fixés, pour les investissements réalisés en métropole, à 12 % pour les logements faisant l’objet d’un engagement initial de location de six ans et 18 % pour les logements faisant l’objet d’un engagement initial de location de neuf ans. Ces taux sont respectivement portés à 23 % et à 29 % pour les investissements réalisés en outre-mer.
La réduction d’impôt est, selon le cas, accordée au titre de l’année d’achèvement du logement ou de son acquisition si elle est postérieure, ou au titre de l’année de réalisation de la souscription de parts de SCPI, et imputée sur l’impôt dû au titre de cette même année, puis sur l’impôt dû au titre de chacune des huit années suivantes à raison d’un neuvième de son montant total au titre de chacune de ces années dans le cadre du dispositif Duflot ou de chacune des cinq ou huit années suivantes, selon la durée de l’engagement initial de location, à raison d’un sixième ou d’un neuvième de son montant total au titre de chacune de ces années dans le cadre du dispositif Pinel. Lorsque la fraction de la réduction d’impôt imputable au titre d’une année d’imposition excède l’impôt dû par le contribuable au titre de cette même année, le solde ne peut pas être imputé sur l’impôt sur le revenu dû au titre des années suivantes.
Enfin, pour les investissements réalisés à compter du 1er septembre 2014 dans le cadre du dispositif Pinel, à l’issue de la période couverte par l’engagement initial de location, lorsque le logement reste loué par périodes triennales dans les conditions de loyer et de ressources requises, le contribuable peut continuer à bénéficier de la réduction d’impôt pour une ou deux périodes triennales, en fonction de la durée de l’engagement initial, à la condition de proroger son engagement de location. Dans ce cas, le contribuable bénéficie d’un complément de réduction d’impôt égal à 6 % pour une première période triennale de prorogation et à 3 % pour la seconde période triennale, lorsque l’engagement initial de location était d’une durée de six ans ou 3 % pour la seule période triennale de prorogation autorisée, lorsque l’engagement initial de location était d’une durée de neuf ans.
L’application des dispositifs pour les Français expatriés
Les réductions d’impôt sur le revenu prévues dans le cadre des dispositifs Scellier, Duflot et Pinel s’appliquent aux contribuables, personnes physiques, fiscalement domiciliés en France au sens de l’article 4 B du CGI. La circonstance que le contribuable qui bénéficie de la réduction d’impôt transfère son domicile fiscal hors de France au cours de la période de l’engagement de location, qu’il s’agisse de la période de location initiale ou de la période de location prorogée n’est pas de nature à entraîner la remise en cause de l’avantage fiscal obtenu jusqu’à la date de ce transfert. Pour l’administration fiscale, pendant les périodes d’imposition au cours desquelles le contribuable n’est pas considéré comme fiscalement domicilié en France au sens de l’article 4 B du CGI, la réduction d’impôt ne peut être imputé et ne peut faire l’objet d’aucune imputation ultérieure. Ainsi, lorsque le contribuable rétablit son domicile fiscal en France après la période initiale ou prorogée d’engagement de location, l’impôt sur le revenu dû au titre des années postérieures à cet engagement ne peut pas être diminué des fractions de réduction d’impôt ou de la réduction d’impôt complémentaire non imputées. Toutefois, lorsque le contribuable rétablit son domicile fiscal en France pendant la période initiale ou prorogée d’engagement de location, la réduction d’impôt s’impute à hauteur, selon le cas, d’un neuvième de son montant ou de la réduction d’impôt complémentaire, sur l’impôt dû au titre des années d’imputation restant à courir à la date du rétablissement du domicile fiscal en France. Ainsi, si on prend l’exemple d’un investisseur ayant acquis un bien en mars 2010 et achevé en 2011 dans le cadre du dispositif Scellier, ce dernier peut compter sur une réduction d’impôt étalée sur neuf ans, qui court jusqu’en 2020. Si ce contribuable quitte la France en 2013 et revient en 2017, il pourra donc bénéficier de la réduction d’impôt à concurrence de 1/9e de son montant total au titre de 2011 et 2012 et pour les années 2017 à 2020, mais pas pour les années 2013 à 2016.
Une proposition de réforme sur mesure
Cette situation d’expatriation n’a pas pour effet de prolonger la période d’imputation de la réduction d’impôt qui reste fixée, selon le cas, à neuf, douze ou quinze ans. Elle n’étend pas non plus la période initiale ou prorogée d’engagement de location exigée pour le bénéfice de l’avantage fiscal. Au regard de cette situation, le député Frédéric Lefebvre souligne que les fractions de réduction d’impôt correspondant aux années de non-domiciliation fiscale en France sont donc perdues, bien que l’engagement de location demeure. La perte de cette réduction se cumule pour les Français qui ont décidé de s’établir hors de France après avoir investi, par la soumission de leurs revenus locatifs à la CSG et à la CRDS à hauteur de 15,5 %. La perte des avantages prévue dans ces trois dispositifs défiscalisant constitue pour ces contribuables une « véritable double peine fiscale », selon la formule retenue par le parlementaire. Le député propose donc de compléter le dernier alinéa du I de l’article 199 septvicies du Code général des impôts par deux phrases ainsi rédigées : « La condition de domiciliation s’apprécie à la date d’acquisition du bien. Dans le cas où le contribuable bénéficiaire établit son domicile fiscal hors de France pour des raisons professionnelles, le bénéfice de la réduction d’impôt continue à être imputé sur ses revenus locatifs ». Le I de l’article 199 novovicies du Code général des impôts serait complété par un G ainsi rédigé : « G. – La condition de domiciliation s’apprécie à la date d’acquisition du bien. Dans le cas où le contribuable bénéficiaire établit son domicile fiscal hors de France pour raisons professionnelles, le bénéfice de la réduction d’impôt continue à être imputé sur ses revenus locatifs ». « La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du Code général des impôts ».