Fiscalité locale : les conclusions du rapport Richard-Bur

Publié le 29/06/2018

La suppression de la taxe foncière impose de trouver des solutions de compensation des pertes financières subies par les collectivités locales.

La mission présidée par Alain Richard et Dominique Bur a remis le 9 mai dernier son rapport très attendu sur les pistes de refonte de la fiscalité locale au Premier ministre Édouard Philippe. La lettre de mission du 12 octobre 2017 demandait à cette mission de réfléchir à une révision d’ensemble de la fiscalité locale dans l’éventualité d’une suppression intégrale de la taxe d’habitation. En effet cette mesure était initialement réservée à 80 % des contribuables situés sous un plafond de ressources et constituait un engagement pris par le président de la République lors de la campagne présidentielle afin de favoriser le pouvoir d’achat des classes moyennes.

Cette réforme sera mise en œuvre dès l’année 2018, sous la forme d’un dégrèvement partiel qui sera achevé en 2020. Cependant, lors de son discours au congrès des maires le 23 novembre 2017, le président de la République a annoncé la suppression complète, à moyen terme, de la taxe d’habitation et la nécessité de proposer un schéma de refonte de la fiscalité locale en prévision du projet de loi de finances (PLF) pour 2020. C’est donc 26 milliards d’euros, d’après les chiffres avancés par le Comité des finances locales (CPL) qui doivent être trouvés en 2020 pour compenser cette perte de recettes.

La mission a donc dû examiner l’ensemble des ressources issues de la fiscalité locale directe et indirecte des différentes catégories de collectivités territoriales, communes, départements et régions, afin de proposer des scénarios pertinents et équilibrés tant pour les contribuables que les collectivités, qui tiennent compte des inégalités de ressources entre les territoires.

Premier scénario

Alain Richard et Dominique Bur proposent deux scénarios. Le premier consiste à transférer au bloc communal la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) (15,1 milliards d’euros en 2020). Cette ressource serait affectée aux communes et regroupements de communes au prorata de leurs anciennes recette de taxe d’habitation. Elle serait complétée par une attribution d’impôt national, vraisemblablement, une part de TVA représentant 9,2 milliards d’euros. Cette solution serait d’ailleurs en cohérence avec les pistes de réflexion du CPL. Autre alternative : transférer aux communes l’intégralité de la TFTB, y compris la part intercommunale, soit 1,3 milliards d’euros en 2016. Dans les deux hypothèses, un mécanisme de garantie individuelle des ressources communal et intercommunal devrait être mis en place. Dans la première hypothèse, les communes rurales et une partie des petites villes sont mieux compensées que les autres car le taux de TFPB de leurs départements est souvent élevé alors que leurs recettes de TH résultent d’un taux local faible. La mise en place d’un mécanisme de garantie individuelle des ressources est nécessaire aux deux niveaux, communal et intercommunal, précisent les auteurs du rapport qui ajoutent que comme la ressource transférée est partagée entre les EPCI et les communes, des compléments sous forme d’impôt national partagé sont nécessaires pour les deux niveaux.

Dans la deuxième hypothèse, 72 % des communes de moins de 5 000 habitants recevraient un produit de TFPB supérieur à leur ancien produit de TH. Les EPCI seraient, quant à eux, compensés de la perte de la taxe d’habitation par un impôt national partagé, vraisemblablement une fraction de la TVA. Ces solutions impliquent une compensation des départements, qui perdent la TFPB, par un impôt national partagé.

Si les départements perdaient également les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) dans l’hypothèse également évoquée par le présent rapport où ces DMTO, une ressource de 10 milliards d’euros en 2016, seraient transférés à l’État, cette compensation devrait être revue à la hausse. Pour la mission, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), à l’évolution imprévisible et répartie très inégalement selon les départements, ne sont pas adaptés au financement des dépenses sociales de ces derniers. En outre, ils freinent la fluidité du marché immobilier et la mobilité résidentielle des travailleurs.

Deuxième scénario

Le second scénario n’impacte pas les ressources des départements. La compensation attribuée aux communes et intercommunalités à fiscalité propre est effectuée par l’allocation d’une part d’impôt national non territorialisé perçue par l’État, probablement la TVA et le cas échéant une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. La mission Richard-Bur précise que les collectivités locales ne détiendront pas de pouvoir de taux dans cette hypothèse. Pour chaque commune et EPCI et sur la base de la recette globale de l’impôt national retenu, la « fraction de produit » transférée correspondrait, l’année n de la suppression de la TH, au montant de recette fiscale de TH perçue l’année n-1 de la réforme, auquel s’ajouterait la dynamique, entre l’année n-1 et l’année n, propre à l’impôt national que l’on aura choisi de partager. La part d’impôt national évoluerait ensuite comme le produit national de cet impôt et le pouvoir de taux continuerait de s’appliquer sur la part communale et intercommunale de TFPB.

Pas de contribution citoyenne

En mars dernier, lors de son audition par la commission des finances de l’Assemblée nationale, le sénateur du Val-d’Oise, Alain Richard, interrogé sur l’avancée des travaux et des pistes de la mission qu’il codirige avec Dominique Bur avait fait une annonce très commentée, celle de la recréation d’un impôt local citoyen.

Cette annonce avait d’autant plus étonné que la création de tout nouvel impôt avait dès le début été expressément écartée par le gouvernement qui souhaitait que la réforme soit avant tout financée par des économies budgétaires. « Il n’y aura pas de tour de passe-passe où l’on supprime des milliards pour aller les chercher ailleurs. L’idée générale du gouvernement et du président est de baisser les impôts », a ainsi affirmé Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien.

L’objectif pour le gouvernement consiste à financer la réforme notamment grâce à une refonte de la fiscalité locale. Celle-ci permettra, pour le ministre, de « simplifier au maximum la tuyauterie fiscale des collectivités ».

Alain Richard avait précisé que cette piste était privilégiée par une majorité de maires et qu’elle avait le mérite de faire porter la fiscalité locale sur les citoyens non propriétaires et non uniquement sur les propriétaires. Afin de ne pas neutraliser l’impact de la suppression de la taxe d’habitation pour les contribuables, il était envisagé que cette contribution, assise sur les revenus des habitants de la commune ou de l’EPCI avec un barème simplifié, soit égale à un quart ou d’un cinquième de la taxe d’habitation. Cette piste est désormais abandonnée. Il n’y aura pas d’impôt nouveau durant le quinquennat. Le maintien des taxes d’habitation sur les logements sous-occupés et sur les résidences secondaires, la contribution additionnelle à la taxe sur le foncier bâti pourrait, quant à lui générer un produit de 2,8 à 3 milliards d’euros en 2020. Cette ressource ne permettrait pas de compenser le coût de la suppression de la taxe d’habitation. Le surcroît de recettes fiscales que l’amélioration de la conjoncture économique laisse entrevoir sera également insuffisant, estime la mission, qui propose d’autres pistes de réflexion comme la renonciation à certains allègements fiscaux déjà intégrés à la trajectoire des finances publiques ou la suppression ou la réduction de certaines niches existantes en matière de TVA.

D’autres chantiers à ouvrir

La révision des valeurs locatives des locaux d’habitation a été prévue par le législateur dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2013. Des expérimentations ont été menées dans plusieurs départements afin d’actualiser les bases de calcul des taxes foncières, d’habitation et d’enlèvement des ordures ménagères, inchangées depuis les années 1970. Pour la mission Richard-Bur, la suppression de la taxe d’habitation ne réduit pas l’intérêt d’une révision des valeurs locatives pour les 43 millions de locaux d’habitation concernés par une telle réforme.

Si elle est engagée d’ici fin 2018, cette révision pourrait entrer en application au plus tôt à l’automne 2024. La mission s’est également intéressée au devenir des taxes additionnelles à la taxe d’habitation.

La contribution à l’audiovisuel public, aujourd’hui recouvrée avec la taxe d’habitation pourrait ainsi être collectée à l’occasion de la campagne de déclaration de l’impôt sur le revenu.

Concernant la taxe facultative pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) qui est entrée en vigueur au début de l’année, encore peu mobilisée par les EPCI à fiscalité propre, la mission a estimé qu’elle présentait un certain nombre de difficultés et a préconisé de poursuivre la concertation avec les élus afin de réfléchir à une autre solution de financement.

Autre évolution préconisée par la mission, repenser l’exonération totale de taxe sur le foncier bâti de 25, voire 30 ans, dont bénéficient aujourd’hui 20 % du parc de logements sociaux.

La mission préconise également, pour une meilleure lisibilité de la fiscalité locale, de réduire le nombre de petites taxes et de généraliser le régime de l’intercommunalité à fiscalité professionnelle unique.

Une refonte de la péréquation devrait également être envisagée afin d’atténuer les inégalités territoriales et mieux tenir compte de « la dynamique de l’ensemble des ressources des collectivités territoriales ».

Pour la mission, les premières mesures pourraient être votées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.

L’essentiel de la réforme devrait, quant à elle, figurer dans un projet de loi de finances rectificative adopté au premier semestre 2019.

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