ISF des non-résidents : l’exonération des placements financiers valait quel que soit le niveau de participation

Publié le 31/10/2019

Les non-résidents pouvaient bénéficier d’une exonération d’impôt de solidarité sur la fortune à raison de leurs placements financiers en France, à l’exception des parts de sociétés à prépondérance immobilière. La Cour de cassation rappelle que la loi n’opérait aucune distinction entre les placements financiers et les titres de participation.

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt concernant feu l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) des non-résidents détenteurs d’un patrimoine financier (Cass. com., 3 juillet 2019, n° 17-26820). La Haute juridiction a précisé que le bénéfice de l’exonération d’ISF des placements financiers prévue à l’article 885 L. du Code général des impôts (CGI) vaut pour tous les placements sans distinction des placements purement passifs et des titres de participation.

Participation majoritaire

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, le couple M. et M. U., domiciliés en Andorre, avaient indiqué dans leurs déclarations des années 2004 à 2010 la valeur de leurs biens situés en France. Ils avaient exclu la valeur des parts détenues par l’époux dans une société A, depuis 1983, à hauteur de 80,8 % du capital. M. U en était le gérant depuis 2010 et était également administrateur du groupement d’intérêt économique (GIE) assurant des prestations administratives et de conseil pour le compte de cette société.

De son côté, l’administration fiscale avait estimé que ces biens ne pouvaient pas bénéficier de l’exonération prévue par l’article 885 L. du CGI, laquelle était, selon celle-ci, réservée aux placements purement financiers. Dès lors, l’administration fiscale avait notifié au couple une proposition de rectification en août 2010. Après mise en recouvrement et rejet de leur réclamation, ces derniers ont assigné l’administration fiscale en décharge du surplus d’imposition réclamé.

Dans son arrêt du 19 juin 2017, la cour d’appel de Paris avait donné raison à l’administration fiscale, validant le redressement fiscal. Les juges ont en effet considéré que la valeur des parts détenues par l’époux dans la société A ne pouvait bénéficier de l’exonération prévue par l’article 885 L du CGI. Ils ont jugé que seuls les placements financiers engendrant la perception de revenus de capitaux mobiliers peuvent bénéficier de l’exonération prévue par l’article susvisé. Ils avaient ajouté que les placements financiers sont des placements purement passifs qui doivent être distingués des titres de participation, lesquels impliquent un pouvoir de décision au sein de l’entreprise découlant de l’importance de la participation détenue.

Par conséquent, la cour d’appel en avait déduit que, compte tenu de l’importance et de la durée de la détention des titres par M. U. et de son pouvoir de décision dans la société, les parts qu’il détenait ne pouvaient s’analyser en de simples placements financiers au sens de l’article 885 L du CGI.

Ubi lex non distinguit

La Cour de cassation censure le raisonnement tenu par les juges de la cour d’appel de Paris. Elle juge que l’article 885 L du CGI « est d’interprétation stricte » et qu’il « n’opère aucune distinction entre les placements financiers et les titres de participation ». Ce faisant, la Cour de cassation fait une belle application de l’adage « Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus » (Là ou la loi n’a pas distingué, nous ne devons pas distinguer).

La notion de placement financier

L’ancien article 885 L du CGI qui a été abrogé par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 (JORF n° 0305 du 31 décembre 2017) disposait que : « Les personnes physiques qui n’ont pas en France leur domicile fiscal ne sont pas imposables sur leurs placements financiers ». Cette exonération avait pour objectif d’inciter les redevables domiciliés hors de France à maintenir ou à accroître leurs placements financiers en France.

Selon l’administration fiscale, l’exonération visait les dépôts à vue ou à terme en euros ou en devises, les comptes courants d’associés détenus dans une société ou une personne morale qui a en France son siège social ou le siège de sa direction effective, les bons et titres de même nature, obligations, actions et droits sociaux, des contrats d’assurance-vie ou de capitalisation souscrits auprès de compagnies d’assurances établies en France (BOI-PAT-ISF-30-40-50-20120912).

En revanche, les titres d’une société à prépondérance immobilière n’entraient pas dans le champ de l’exonération. Selon les termes de l’alinéa 2 de l’article 885 L du CGI, n’étaient pas « considérées comme placements financiers les actions ou parts détenues par ces personnes dans une société ou personne morale dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, et ce à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l’actif total de la société ».

Si la loi ne prévoyait que cette exclusion, l’administration, dans sa doctrine, en avait ajouté une autre : les titres représentatifs d’une participation. « Doivent être considérés comme des titres de participation ceux qui permettent d’exercer une certaine influence dans la société émettrice (…). En pratique, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune dont seules sont passibles les personnes physiques, il convient, par analogie avec les dispositions ci-dessus rappelées concernant les entreprises, de présumer titres de participation les titres représentant au moins 10 % du capital d’une entreprise ».

Face à cette condition, les actionnaires minoritaires pouvaient défendre leur droit à exonération en arguant que, compte tenu de leur faible niveau de participation dans le capital, ils ne disposaient pas de pouvoir de décision et que leur droit se résumant à un droit au dividende, leurs titres pouvaient être assimilés à un simple placement financier.

Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 3 juillet dernier, le contribuable résident d’Andorre était un actionnaire très largement majoritaire puisqu’il détenait 80,8 % du capital de la société française. La doctrine administrative lui refusait en effet le bénéfice de l’exonération. Mais la loi, qui n’exclut que les titres de sociétés à prépondérance immobilière, ne distinguait effectivement pas selon que les participations en question étaient minoritaires ou majoritaires. La Cour de cassation a su entendre cet argument.

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