Le notariat adresse au législateur ses vœux de réformes en faveur des familles
Le notariat a adressé ses propositions de réformes aux nouveaux députés et sénateurs.
Solidarité familiale, transmission transgénérationnelle, organisation patrimoniale du pacs, droits du conjoint collaborateur ou encore droits à la retraite du couple : les pistes d’amélioration sont nombreuses.
Traditionnellement force de proposition en matière de réforme, notamment dans le cadre de leur congrès annuel1, le notariat français profite cette année des échéances électorales pour porter ses revendications de changement législatif. Après les candidats à l’élection à la présidence de la République, place aux nouveaux députés et aux futurs sénateurs.
Loin de poursuivre des visées corporatiste, leurs propositions de réformes visent le développement économique par la simplification du droit et l’allègement de la norme, la solidarité, pour plus de justice sociale et la sécurité et la paix des personnes. Passage en revue des principales propositions qui concernent les familles, tant dans leurs problématiques de solidarité, de transmission et d’organisation patrimoniale.
Inciter fiscalement à donner aux jeunes générations
Le notariat propose plusieurs mesures destinées à favoriser la transmission de patrimoine aux jeunes générations. Les professionnels estiment que ces donations doivent être favorisées, en raison de l’allongement de la durée de vie qui conduit à ce que les héritiers d’aujourd’hui reçoivent un patrimoine à un âge où ils sont déjà installés dans la vie, et ont moins de besoins pour investir. De plus, face à la crise de l’État providence, les donations constituent un instrument privilégié de solidarité familiale encore trop peu utilisé. Or, les donations aux jeunes générations leur permettent d’accéder à la propriété de leur logement, de créer une entreprise, de réaliser plus vite leurs projets patrimoniaux. En vue de faciliter la fluidité et la mobilité des patrimoines en faveur des jeunes générations, il y a lieu de favoriser fiscalement les donations dont les conséquences économiques seront très positives sur le marché du logement et la création d’entreprise. Dans ce contexte, ils proposent d’alléger le barème et de réduire les droits en fonction de l’âge du donataire. Pourraient être prises des dispositions spécifiques propres à faciliter les donations transgénérationnelles. Enfin, ils appellent à modifier les règles du rappel fiscal en réduisant le délai de reconstitution des abattements entre deux transmissions à titre gratuit tout en prévoyant leur reconstitution en fonction du temps écoulé entre deux opérations.
Un droit à récompense pour le conjoint collaborateur
Le notariat propose de reconnaître la force de travail comme un bien commun dans le domaine professionnel, autrement dit, de reconnaître au conjoint collaborateur d’une entreprise un droit à récompense au profit de la communauté dès lors que l’industrie personnelle d’un époux est déployée sur un bien propre.
Le droit actuel présente en effet des limites. En cours d’union, au titre de la rémunération de son activité, le conjoint collaborateur ne peut prétendre à aucun droit, car son statut de conjoint collaborateur le prive de toute rémunération. Si l’entreprise est personnelle à son conjoint, il ne peut revendiquer la plus-value apportée, alors qu’il contribue au développement du chiffre d’affaires. Lors de la rupture de l’union par divorce, hors le paiement d’une prestation compensatoire, il ne peut fonder aucun espoir de rémunération différée sur une action en enrichissement sans cause. En cas de décès, aucune action en règlement d’une créance de salaire différé ne lui est ouverte du fait du caractère commun des revenus de l’entreprise.
Les notaires jugent cette situation inéquitable. D’une part, parce qu’elle bouscule les prévisions économiques du couple. Le régime de retraite des indépendants prévoit des cotisations et prestations minimales au regard de la valeur du fonds qui constitue pour les époux un complément de retraite. En cas de séparation, le conjoint collaborateur est privé de la valeur du fonds et se trouve avec une retraite minime. D’autre part, elle vise uniquement les époux communs en biens.
Partager les droits à la retraite
Autre mesure proposée : instaurer un partage des droits à retraite des régimes obligatoires entre les époux au fur et à mesure de l’activité professionnelle et en supprimant corrélativement le droit à réversion. Les droits acquis à la retraite avant le mariage resteraient personnels et seraient partagés entre les époux en cours d’union.
Ce système remplacerait celui des pensions de réversion, dont le coût pèse lourdement dans les comptes des régimes de retraite, comme ne provenant pas de cotisations spécifiques.
De plus, le mécanisme actuel révèle des inégalités et une mauvaise répartition de ces droits dans le couple. Complexe et peu compréhensible pour les citoyens, ce régime, ne permet pas de partager la force de travail ayant permis la construction de ces droits avec le conjoint qui aura consacré plus de temps à la famille. Enfin, les droits à réversion peuvent cesser en cas de nouvelle union et se partagent entre les différents conjoints successifs. Le système de partage des droits à la retraite proposé par les notaires pourrait être automatique dans le régime légal et sur option pour les régimes contractuels. Il pourrait même être ouvert sur option aux couples pacsés.
Vivre autrement qu’en couple
Les notaires constatent que de nombreuses personnes vivent « à deux », en dehors d’une dimension conjugale et/ou familiale mais pour lutter contre l’isolement ou pour partager les frais d’un logement. Frères et sœurs, parent survivant et un enfant vivant ensemble, ou deux personnes veuves, ce modèle se développe sous l’effet de la solitude, de la vulnérabilité et de la dépendance. Or, compte tenu du vieillissement accéléré de la population, la solidarité nationale va très prochainement montrer ses limites en ce qui concerne les moyens financiers et techniques. Le notariat préconise de reconnaître à cette communauté articulée autour d’une communauté d’intérêts, le droit à une organisation conventionnelle, de type « contrat d’union civile », dénuée de toute dimension sexuelle.
Exonérer la plus-value immobilière des personnes âgées placées
Le notariat propose une mesure fiscale en faveur des personnes âgées amenées à quitter leur résidence principale pour raison de dépendance. Le plus souvent pour régler les dépenses afférentes à sa nouvelle résidence adaptée à sa dépendance, la personne âgée doit louer son ancienne résidence principale, puis la vendre. Or, lorsque la vente intervient, elle n’est plus éligible à l’exonération fiscale de plus-value, car le bien n’est plus considéré comme sa résidence principale. L’article 150-U-II ter du Code général des impôts (CGI) prévoit des dispositions d’exonération pour les personnes âgées ou handicapées qui résident en maisons d’accueil de personnes âgées dépendantes (MAPAD), à condition que le bien n’ait pas été loué et que la cession intervienne dans les deux ans. La proposition des notaires vise à ce que toute personne âgée ou handicapée placée en résidence pour situation de dépendance et amenée à louer puis à céder son habitation principale avant son placement en maison spécialisée, bénéficie d’une totale exonération de plus-value immobilière, tant au titre de la fiscalité que des prélèvements sociaux, et ce, sans contrainte de délai.
Ramener le droit de partage à 0,5 %
Les notaires préconisent de ramener le taux du droit de partage de 2,5 à 0,5 %.
Depuis son relèvement en 2011, les notaires constatent que les situations dans lesquelles les indivisaires préfèrent rester dans l’indivision ont augmenté, au détriment d’une gestion économiquement active et dynamique des patrimoines. Une évolution contraire aux mesures prises par les pouvoirs publics en vue de limiter les situations d’indivision, inévitables sources de conflit entre les indivisaires.
Ce taux proportionnel fragilise également la situation des époux devant partager leurs biens à l’occasion d’un divorce. Contraints de mettre fin rapidement à leurs relations patrimoniales en vue de « refaire leur vie », les époux, se trouvant déjà dans une situation délicate, sont alors soumis à une ponction fiscale importante.
Moduler l’indivision pacsimoniale
Les notaires proposent d’améliorer le régime de l’indivision au sein du pacs. Ils constatent que l’indivision pacsimoniale est rarement retenue par les partenaires en raison de son caractère systématique et global. Ils adoptent alors le régime de la séparation de biens, choix qui annihile tout partage des richesses. Les améliorations à l’indivision permettraient d’offrir une solution plus souple comme la possibilité de faire emploi de fonds provenant de la vente d’un bien personnel ou la possibilité de délimiter conventionnellement le périmètre de l’indivision à la baisse. Ces évolutions permettraient aux partenaires d’organiser leur patrimoine en trouvant un juste milieu entre la séparation des biens et le régime de l’indivision.
Pacs : un acte notarié en présence d’une indivision
Les notaires proposent de mieux informer les partenaires de pacs lorsqu’ils optent pour l’indivision. Depuis la loi du 23 juin 2006 qui a réformé le pacs, le régime de la séparation de biens constitue le régime légal des partenaires pacsés. Les couples peuvent toutefois opter pour le régime communautaire d’« indivision des acquêts », un régime qui confère des avantages exceptionnels et dérogatoires au régime du droit commun de l’indivision. Ainsi, à l’occasion de l’acquisition d’un bien immobilier, il exclut tout recours pour contribution inégale dans cet achat, de la part des pacsés. Cette situation qui peut ne pas avoir été souhaitée ni comprise des pacsés eux-mêmes, est souvent source de conflit. Pour la bonne compréhension des engagements pris par les membres du couple, le notariat propose que la rédaction ou la modification d’un pacs soit réalisée par acte notarié dès lors que le contrat n’est pas séparatiste.
Notes de bas de pages
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1.
Le prochain congrès des notaires (113e) aura lieu le du 17 au 20 septembre 2017 à Lille, sur le thème : familles, solidarités, numérique : le notariat au cœur des mutations de la société.