Le notariat s’invite dans la campagne présidentielle

Publié le 18/04/2017

Relation bailleur-locataire, prélèvements sociaux sur la plus-value de cession immobilière, cession d’entreprise, entreprise européenne, prestation compensatoire, protection des personnes vulnérables : le patrimoine est au cœur des propositions innovantes que le Conseil supérieur du notariat adresse aux candidats à l’élection présidentielle de mai prochain.

Observateur de premier rang des familles, des entrepreneurs et du dynamisme économique, le Conseil supérieur du notariat s’invite dans la campagne présidentielle. Revenant sur certaines réformes législatives, il en propose des aménagements. Le point sur ses propositions en matière de droit de la famille, environnement réglementaire de l’entreprise, immobilier, retraite et famille.

En matière de droit de la famille, le Conseil supérieur du notariat propose trois séries de mesures à destination des couples qui se séparent et des personnes vulnérables.

Contractualiser par l’avance la prestation compensatoire

Les notaires proposent que les époux qui le souhaitent puissent, avec les conseils de l’officier public, déterminer une méthode de calcul de la prestation compensatoire qui serait due en cas de divorce au sein même du contrat de mariage. Il s’agit donc de contractualiser, sécuriser et déjudiciariser la séparation des couples en anticipant les conséquences financières de cette désunion dans le contrat de mariage ou dans le contrat notarié de pacs.

Aujourd’hui, excepté en cas de divorce pour consentement mutuel, la procédure de divorce est soumise à un aléa sur les modalités de détermination de la prestation compensatoire, rendant imprévisibles les conséquences financières de la séparation. Il en est de même pour les couples pacsés, pour lesquels, lors de la séparation, il n’y a pas de contrôle judiciaire automatique des conditions personnelles et patrimoniales de la rupture.

Réduire le droit de partage à 0,5 %

Leur deuxième proposition concerne également le champ de la séparation des couples. Elle consiste à ramener le droit de partage à 0,5 %. Avec l’augmentation des désunions, le contentieux relatif aux situations d’indivision croît lui aussi. Ce phénomène encombre les tribunaux. Or l’État consent lui-même à autoriser des divorces par consentement mutuel sans la présence d’un juge. De la même façon, la « sortie » de l’indivision des couples désunis pourrait être favorisée. Or le coût du partage a été relevé par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011. Le droit de partage de l’article 746 du Code général des impôts (CGI), est passé de 1,10 à 2,50 %. Le notariat considère que le rôle de la fiscalité n’est pas d’ajouter au traumatisme de la séparation une taxation inadaptée mais, au contraire, d’accompagner et de favoriser son dénouement. Il propose donc de réduire le droit de partage en cas de divorce ou de séparation d’un couple en ramenant le taux à 0,5 %.

Favoriser la solidarité familiale : fiducie protection, fonds familial et prêt viager hypothécaire

Le Conseil supérieur du notariat préconise deux mesures permettant de faire jouer à plein la solidarité familiale : le fonds familial, la fiducie protection, et le prêt viager hypothécaire entre particuliers.

S’agissant de la première mesure, le notariat estime qu’il apporterait une solution juridique et fiscale permettant d’affecter un patrimoine ou une fraction définie d’un patrimoine à la solidarité interne à une famille. Certes, la loi du 5 mars 20071 et l’ordonnance du 15 octobre 20152 portant simplification et modernisation du droit de la famille organisent la protection juridique des majeurs, mais les difficultés liées à la dépendance ne sont pas résolues. La création d’un outil de solidarité familiale dénommé le « fonds familial » qui disposerait de la personnalité morale et d’une gouvernance familiale pourrait y répondre. Il aurait vocation à recueillir un patrimoine que tout membre de la famille déciderait d’y affecter, en bénéficiant d’une neutralité fiscale.

De plus, le notariat propose d’autoriser la constitution d’une fiducie de protection au bénéfice des personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique. Il est en effet nécessaire de planifier ses besoins de financement lorsqu’une personne qui n’est plus capable de gérer ses biens nécessite une protection particulière, un besoin qui s’accroît, au décès des parents d’une personne vulnérable. Les mesures de protection telles que le mandat à effet posthume, le mandat de protection future ou les libéralités ne répondent qu’imparfaitement aux exigences de gestion de certains biens. C’est pourquoi, il apparaît opportun d’autoriser la constitution d’une fiducie de protection au bénéfice des personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique.

Enfin, le Conseil supérieur du notariat souhaite que la loi autorise les prêts viagers hypothécaires entre particuliers. La mobilisation du foncier des seniors peut constituer un revenu complémentaire nécessaire. Cependant, l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés3 a réservé aux seuls établissements de crédit le droit de consentir des prêts viagers hypothécaires. Or le régime de ce prêt est plus protecteur que celui des prêts de droit commun, car le montant de la dette ne peut excéder la valeur du bien hypothéqué lors de l’échéance du terme.

À destination de l’entreprise, le Conseil supérieur du notariat propose deux séries de mesures dont deux d’ordre fiscal.

Instaurer un régime civil et fiscal unique de transmission d’entreprise

Le notariat propose d’harmoniser les règles de cession d’entreprise en rendant plus simples et plus performantes leurs garanties par la mise en place d’un régime primaire de toutes les cessions d’entreprises.

En France, chaque année, 60 000 entreprises changent de mains, selon les chiffres du Medef. Observateur et conseil des chefs d’entreprise, le notariat mesure les enjeux de ces mutations en termes d’emplois, de communication de savoir-faire, du maintien de l’économie. Il regrette que les opérations de cessions d’entreprises manquent de fluidité. Les distorsions juridiques et fiscales des modes de transmission en sont une des causes.

Par ailleurs, trop de contraintes pèsent sur le vendeur comme sur le repreneur. C’est pourquoi, le notariat alerte depuis de nombreuses années les pouvoirs publics sur la nécessité de faciliter les opérations de transmission, que ce soit à titre onéreux ou à titre gratuit.
Une unité de genre commande un socle de règles communes, pour les entreprises, quelle que soit la nature de l’activité. Ainsi, il préconise l’assujettissement des fonds de commerce, artisanaux, libéraux, ruraux, à un socle de règles communes, destiné à assurer un régime primaire de la cession d’entreprise et les garanties qui l’accompagnent ainsi qu’une harmonisation du régime fiscal de toute cession d’entreprise par un taux unique.

Créer une société européenne

Le Conseil supérieur du notariat regrette que le statut de société européenne « societas europaea », entré en vigueur en 2004, n’ait pas rencontré le succès escompté. Si des réflexions sont menées sur la société unipersonnelle professionnelle, les difficultés liées au contrôle soit des capitaux, soit de la capacité de l’associé unique freinent sa création. En pratique, une personne morale ne peut se déplacer dans l’Union européenne sans contraintes fiscales. Pourtant, une telle société européenne offrirait le cadre d’un outil de travail permettant aux chefs d’entreprise de circuler librement lorsque leur activité les conduit à installer leur entreprise dans un autre État membre de l’Union européenne en étant identifiés sur le plan juridique et fiscal. C’est pourquoi, le notariat propose que soit créée une véritable société de l’Union européenne, disposant d’une libre mobilité au sein de l’Union, en toute neutralité fiscale.

Instaurer un « droit au rebond »

Les notaires proposent que soit créé un véritable « droit au rebond » pour l’entrepreneur de bonne foi. Son constat : la France ne peut se passer du talent et de l’audace des entrepreneurs, créateurs de richesses et d’emplois, mais entreprendre, même avec beaucoup de compétences, n’exclut pas l’échec. Alors que dans de nombreux pays, l’échec entrepreneurial est valorisé pour n’en retenir que les aspects positifs, source d’expérience et de savoir, en France, l’entrepreneur qui a connu un échec peine à retrouver la considération et les moyens financiers pour une nouvelle création. À ce titre, l’indicateur de la Banque de France marque d’un opprobre social les entrepreneurs qui ont échoué, sans distinguer selon qu’une erreur de gestion a eu lieu ou non.

D’ailleurs, dans une recommandation du 12 mars 2014, la Commission européenne invite les États à donner une seconde chance aux entrepreneurs qui ont fait l’objet d’une mise en faillite, lesquels devraient être pleinement libérés de leurs dettes au-delà de trois ans4.

Pour inverser les paradigmes, préférer le « droit à une nouvelle chance » au « droit à l’oubli », le notariat propose que seul soit pris en compte le nouveau projet de l’entrepreneur, et non son échec passé. Cela se caractériserait par la mise en place, à l’intérieur du pôle financement de BPI France, d’un dispositif dédié au financement des entrepreneurs de bonne foi ayant subi un ou plusieurs échecs professionnels, ainsi qu’une réduction des délais et modalités de libération des entrepreneurs, tant ce qui concerne leurs dettes qu’en ce qui concerne leur marquage bancaire.

Sensibiliser les plus jeunes à l’entrepreneuriat

Le Conseil supérieur du notariat souhaite que soit favorisé le développement d’une culture entrepreneuriale auprès des plus jeunes. Partant du constat qu’il y a une méconnaissance très nette des Français sur les mécanismes économiques de base, que cette méconnaissance conduit à un manque d’esprit entrepreneurial, il demande que soit mise en place une pédagogie interactive, dès l’enseignement scolaire. Elle pourrait s’accompagner d’une sensibilisation à l’entrepreneuriat, vecteur d’épanouissement, d’indépendance, de création de richesses et de lutte contre le chômage. Par ailleurs, cette meilleure perception de l’entreprise sera de nature à faciliter le dialogue social.

Repenser l’accession à la propriété

L’immobilier est naturellement un autre chantier ouvert par le notariat.

Le Conseil supérieur lance plusieurs pistes pour encourager l’accession à la propriété, identifiant de nouvelles techniques juridiques et financières. La réduction des taux de crédit s’est faite au profit des prix de l’immobilier, qui ont augmenté. Pour autant, il ne faut pas négliger la partie « assurance » liée à l’emprunt immobilier, qui représente un aspect sécuritaire du logement très important pour les couples et les familles. Invitant les candidats à repenser l’accession à la propriété, le notariat propose que soient listés les obstacles qui s’opposent au développement de la location-accession et du crédit-bail au profit des particuliers. Ensuite, il préconise que soient reprises les expériences conduites en matière de dissociation du foncier et du bâti ou de démembrement usufruit/nue-propriété. Il préconise également que soit développé le bail réel immobilier, dont l’existence repose sur une dissociation des droits sur le sol, et que soient revus les critères de distribution des aides à la propriété pour les adapter aux besoins réels. Enfin, il invite à la mise en place de nouvelles techniques de financement, de nouvelles modalités de remboursement constant en capital et intérêts des emprunts bancaires, en répartissant mieux la période d’amortissement du capital, améliorant ainsi la mobilité des propriétaires.

Promouvoir la retraite immobilière

Le notariat propose de promouvoir la « retraite immobilière » en instaurant une politique de cession par les offices et sociétés d’HLM (offices publics de l’habitat, entreprises sociales pour l’habitat, coopératives) de leurs biens immobiliers au profit de leurs locataires. Son constat : les retraités ne sont pas tous propriétaires de leur logement.
Pour certains, leur pension est donc grevée d’une charge locative qui pèse sur leur budget. Les organismes HLM accueillent près de 9,8 millions de Français. Selon l’Union sociale pour l’habitat, les ménages habitant les logements sociaux disposent en moyenne de revenus inférieurs d’environ 20% à ceux des locataires du parc privé. Si les premiers ont besoin de sécuriser leur avenir en termes de logement, les seconds ont vocation à faciliter l’accession à la propriété et à se désengager pour mieux réinvestir dans de nouveaux projets sociaux. Le dispositif proposé permettrait aux occupants d’accéder à la propriété de leur résidence au plus tard au moment de leur retraite.

Alléger la taxation de la plus-value

Le notariat, qui participe au calcul de la plus-value et à son recouvrement et garantit ainsi à l’État un taux de recouvrement sans faille, prône une stabilité de la fiscalité relative à la plus-value de cession immobilière pour une meilleure lisibilité.

L’assiette de la plus-value imposable a toujours été réduite avec le temps, pour ce qui concerne les immeubles de rapport : plus le bien est conservé, moins il supporte une fiscalité lourde en matière de plus-value. Cependant, face à des régimes ne cessant d’évoluer, le contribuable peut hésiter à investir dans un produit immobilier dont la charge annuelle est assez lourde et la sortie fiscale incertaine. Sur ce point, le Conseil supérieur du notariat préconise d’harmoniser l’assiette de calcul de la plus-value et des prélèvements sociaux avec une réduction des délais à 15 ans.

Par ailleurs, dans le cadre de l’accès à la propriété des jeunes, le notariat invite à alléger la fiscalité de la plus-value lorsque, pour des questions d’emploi, il est devenu nécessaire de changer de ville ou de région. Pour favoriser cette mobilité, il pourrait être autorisé de déduire des nouveaux droits d’enregistrement à acquitter, ceux versés lors de l’achat précédent de la résidence principale.

Rééquilibrer la relation bailleur-locataire

Le notariat propose de réformer le bail d’habitation afin de rééquilibrer les droits du bailleur et ceux du locataire. Son constat : la relation entre le bailleur et son locataire est devenue déséquilibrée au fil de l’accumulation de règles protectrices du preneur, qui reposent souvent sur le parti pris que le bailleur serait l’adversaire, voire l’ennemi du locataire. Ce déséquilibre nuit aux locataires eux-mêmes, en détournant les propriétaires du marché français de la location. Ainsi le bailleur est tenu d’entretenir l’immeuble loué. Pour autant, la responsabilité de la qualité environnementale du bien ne doit pas peser exclusivement sur le bailleur, mais également sur l’occupant, car cette responsabilité est l’affaire de tous. En outre, en contrepartie des obligations mises
à la charge des bailleurs, il y a lieu de rendre plus de liberté aux acteurs par une fixation conventionnelle du loyer. Enfin, le notariat considère que le bailleur doit pouvoir reprendre plus rapidement son bien lorsque le locataire n’acquitte plus le loyer. Pour l’ensemble de ces raisons, il invite les candidats à repenser la relation entre bailleurs et locataires.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2007-293, 5 mars 2007, réformant la protection de l’enfance : JO, 6 mars 2007, p. 4215.
  • 2.
    Ord. n° 2015-1288, 15 oct. 2015, portant simplification et modernisation du droit de la famille : JO n° 0240, 16 oct. 2015.
  • 3.
    Ord. n° 2006-346, 23 mars 2006, relative aux sûretés : JORF n° 71, 24 mars 2006.
  • 4.
    Recomm. n° 2014/135/UE de la Commission, 12 mars 2014, relative à une nouvelle approche en matière de défaillances et d’insolvabilité des entreprises : JOUE L 74/65, 14 mars 2014.
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