Le PLFR pour 2016 accentue la répression fiscale
Le projet de loi de finances rectificative pour 2016 contient un volet de mesures répressives destinées à renforcer la fraude fiscale. Au menu : avoirs à l’étranger non déclarés, retard de paiement ou de déclaration, pouvoirs d’audition de la DGFiP, procédure de visite domiciliaire, contrôle des comptabilité informatisées, de remboursement de crédit de TVA et de délivrance des reçus fiscaux.
Le PLFR pour 2016 adopté en 1re lecture par l’Assemblée nationale le 7 décembre dernier1 contient plusieurs mesures qui renforcent la lutte contre l’évasion fiscale. Elles se traduisent par un durcissement des sanctions et un élargissement des pouvoirs de l’Administration, de nouvelles procédures de contrôles spécifiques pour le remboursement des crédits de TVA et de délivrance de reçus fiscaux.
Comptes à l’étranger non déclarés : une majoration de 80 %
L’article 32 du PLFR pour 2016 tire les conséquences de la censure, par le Conseil constitutionnel, de l’amende proportionnelle aux avoirs détenus sur un compte à l’étranger non déclaré2, prévue à l’article 1736 du Code général des impôts (CGI). Depuis 2012, en effet, si le total de ces comptes est supérieur à 50 000 € au 31 décembre, l’amende peut être proportionnelle au solde de ces comptes. Elle est égale à 5 % de son solde créditeur, par compte non déclaré, sans pouvoir être inférieure à 750 €. L’amende est encourue même si les sommes figurant sur ces comptes ont bien été déclarées pour l’établissement de l’impôt en France. Ce point, contesté par les contribuables, a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, transmise par le Conseil d’État3. Dans une décision du 22 juillet, le Conseil constitutionnel a partiellement invalidé l’amende proportionnelle. Lorsqu’elle est appliquée à un simple manquement à une obligation déclarative, il a considéré la sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits que la loi a entendu réprimer. Dès lors, si les sommes portées sur le compte visé n’ont pas été soustraites frauduleusement à l’impôt, l’amende de 5 % n’a plus de fondement.
Le projet de loi réforme donc le régime des sanctions en cas de non-déclaration de comptes bancaires, contrats de capitalisation ou de trusts détenus à l’étranger. Selon l’exposé des motifs, en prévoyant deux types de sanctions selon que les avoirs ont été fiscalisés en France ou non. « Les dispositifs d’amendes proportionnelles seraient remplacés par un régime unique de majoration de 80 % de tous les rappels d’impôts liés à un compte bancaire, un contrat d’assurance-vie ou un trust non déclaré, exclusive dans ce cas de toute autre majoration ou amende forfaitaire », indique l’exposé des motifs. Lorsque les avoirs et revenus afférents ont été déclarés à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), impôt sur le revenu et droits de mutation à titre gratuit, « la seule non-déclaration d’un compte bancaire, d’un contrat d’assurance-vie ou d’un trust ne ferait donc l’objet que d’une amende forfaitaire », prévue par les articles 1736 et 1766 du CGI.
Il est précisé que le montant de la majoration de 80 % ne pourra être inférieur au montant de l’amende forfaitaire, et que cette majoration s’appliquera à tous les rappels d’impôts, à l’exclusion de ceux résultant de la mise en œuvre de l’article 755 du CGI qui prévoit de retenir le taux le plus élevé du barème des droits de mutation à titre gratuit (60 %) en cas d’absence de réponse aux demandes d’informations ou de justifications de l’Administration.
Retard de paiement ou de déclaration : sanctions renforcées
L’article 17 du projet de loi de finances pour 20174 étend la majoration de 10 % prévue par l’article 1730 du CGI aux situations de paiement tardif de sommes recouvrées en vertu d’avis de mise en recouvrement. La majoration pour retard de paiement de 10 % s’appliquera donc aux créances issues du contrôle fiscal des particuliers, qu’elles soient recouvrées par voie d’avis de mise en recouvrement (AMR) ou par voie de rôle.
L’article 1728 du CGI prévoit que le défaut ou le retard de déclaration est sanctionné par une majoration des droits dus de 10 %, portée à 40 % lorsque la déclaration n’a pas été déposée dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure. Une majoration spécifique à l’impôt sur le revenu, prévue par l’article 1758 A du CGI, a été créée par la loi de finances pour 2006, pour rééquilibrer le régime des sanctions consécutivement à l’intégration de l’abattement de 20 %, applicable à certains revenus dans le barème de calcul de l’impôt sur le revenu (IR). Ainsi, en matière d’IR, le dépôt tardif spontané est passible de la majoration de 10 % (CGI, art. 1728) et le dépôt tardif dans les trente jours d’une mise en demeure de la majoration de 10 % (CGI, art. 1728) et de la majoration de 10 % (CGI, art. 1728 A). Cette dernière majoration a été remise en cause par le Conseil d’État en janvier 2016. Celui-ci a jugé qu’elle ne peut être appliquée, compte tenu de l’assiette de la majoration définie par cet article, qu’à des impositions supplémentaires, à l’exclusion des impositions initiales établies en l’absence de déclaration. Bercy rétablit l’application de la majoration spécifique de 10 % dans tous les cas de défaut ou de retard de déclaration. D’autre part, il simplifie le dispositif en substituant une seule majoration de 20 % aux deux majorations de 10 %.
La lutte contre la fraude : pouvoirs d’audition élargis pour la DGFiP
Son article 15 aménage la procédure de visite et de saisie par l’administration fiscale, prévue par l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales (LPF) en matière d’impôts directs et de taxes sur le chiffre d’affaires en prévoyant le recours à une ordonnance unique, y compris lorsque les lieux à visiter ressortissent à la compétence de plusieurs juridictions, la simplification de la désignation de l’officier de police judiciaire et la possibilité, en cas d’urgence, d’obtenir une autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention par tout moyen lors de la découverte d’un nouveau lieu à visiter.
En matière de fraude internationale, l’article 16 PLFR pour 2016 renforce les pouvoirs de contrôle de la DGFiP, en dotant ses agents de catégories A et B d’un pouvoir d’audition étendu, à « toute personne, à l’exception du contribuable concerné, susceptible de leur fournir des informations utiles à l’accomplissement de leur mission ». Ce pouvoir pourrait s’exercer dans la recherche de manquements aux règles fixées à l’article 4 B du CGI relatif à la domiciliation fiscale, à l’article 39 2 bis du CGI sur la non-déductibilité des commissions d’exportation versées aux agents publics, ainsi qu’aux articles 57, 123 bis, 155 A, 209, 209 B ou 238 A du CGI relatifs à la répression de l’évasion fiscale internationale des personnes physiques et des personnes morales. En vertu de cette évolution législative, les agents pourraient interroger des tiers – clients, fournisseurs, environnement professionnel – pour démontrer la localisation en France de certaines activités prétendument localisées à l’étranger ou pour apporter la preuve de la domiciliation fiscale en France de certains contribuables.
Contrôle des comptabilités informatisées à distance
En matière de contrôle fiscal, l’article 13 du PLFR pour 2016 crée une procédure spécifique de contrôle des comptabilités informatisées à distance dit « examen de comptabilité », à partir des fichiers des écritures comptables communiqués par l’entreprise. Ce mode de contrôle n’aura pas vocation à s’appliquer aux entreprises qui présenteraient des risques élevés ou dont la taille et la complexité des sujets nécessiteraient un contrôle sur place.
À cette fin, l’Administration informera le contribuable du contrôle par l’envoi d’un avis d’examen de comptabilité qui précisera la période faisant l’objet de cet examen et qui mentionnera que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. Le contribuable adressera à l’Administration, sous dix jours, une copie des fichiers des écritures comptables conformes aux normes prévues à l’article A. 47 A-1 du LPF. L’Administration pourra alors interroger le contribuable et effectuer des tris, classements et tous calculs sur le fichier des écritures comptables. Elle pourra également effectuer des traitements informatiques sur des fichiers transmis par le contribuable. Le contribuable sera informé, dans les six mois au plus tard, des résultats de l’examen de comptabilité y compris en l’absence de rehaussement.
Le dialogue entre l’Administration et l’entreprise sera possible par des échanges écrits ou oraux au cours de la procédure. Aussi, le Gouvernement a indiqué que « la possibilité d’une régularisation par le contribuable de ses erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances, dès lors que sa bonne foi ne sera pas remise en cause, sera possible dans le cadre de cette procédure. En revanche, en l’absence de transmission des fichiers des écritures comptables ou si ceux transmis à l’Administration sont non conformes, le contribuable encourra une amende et cette procédure sera annulée. L’Administration pourra alors engager une vérification de comptabilité sur place portant sur la même période ». Enfin, lorsque cette nouvelle procédure sera achevée, l’Administration ne pourra pas procéder à une vérification de comptabilité générale sur la période examinée.
En outre, l’article 13 renforce les conditions de traitement du contrôle des comptabilités informatisées. Les agents de l’administration fiscale peuvent effectuer le contrôle des comptabilités informatisées en procédant à des traitements informatiques des données conservées. Le contribuable choisit le mode opératoire des traitements : par le vérificateur sur le matériel présent dans l’entreprise, par le contribuable, ou encore par le vérificateur, hors de l’entreprise, après remise par le contribuable d’une copie des fichiers informatiques nécessaires. La première option est retenue dans la majorité des cas (78 %). « Dans les cas minoritaires où l’entreprise choisit de procéder elle-même aux traitements, il n’est pas rare que ce choix soit effectué à des fins dilatoires et se révèle lourd pour l’entreprise : les traitements sont très longs à obtenir, coûteux et s’avèrent non pertinents », indique l’exposé des motifs. Ayant pour objectif d’éviter de telles manœuvres dilatoires, le projet de loi prévoit qu’à l’avenir lorsque le contribuable choisira d’effectuer lui-même les traitements informatiques, il devra remettre à l’Administration, à sa demande, une copie des fichiers sur lesquels il va effectuer les traitements. Dans ce cas, l’Administration pourra effectuer ces traitements sur les fichiers remis et les opposer au contribuable. À défaut de remise des copies des fichiers contrôlés ou en cas de non-conservation des données ou si ces données sont remises sous un format ne respectant pas les normes fixées par arrêté du ministre du Budget, le contribuable encourra une amende de 5 000 € ou, en cas de rectification et si le montant est plus élevé, une majoration de 10 % des droits (CGI, art. 1729 G).
Nouvelle procédure de contrôle sur place pour la TVA…
L’article 14 du collectif budgétaire prévoit la création d’une procédure d’instruction sur place des demandes de remboursement de crédits TVA. Près de 1 600 000 demandes de remboursement de crédit de TVA ont été souscrites en 2015 pour un total de 49,5 milliards d’euros. Lorsqu’il est nécessaire de procéder, avant le remboursement, à un contrôle dans l’entreprise, celui-ci prend la forme d’une vérification générale ou ponctuelle, souvent longue, qui pénalise l’entreprise et réduit la capacité globale de contrôle de la DGFiP. C’est pourquoi, le Gouvernement propose d’instituer une procédure d’instruction sur place rapide et efficace. En cas de doute sur la sincérité de la demande de remboursement de crédits de TVA, elle permettrait aux services de se rendre dans l’entreprise et de procéder à un contrôle rapide. Une décision de remboursement ou de rejet, partiel ou total, de la demande serait prise sous 60 jours et pourrait être contestée par l’entreprise devant le tribunal administratif.
Le champ de cette procédure, applicable aux demandes de remboursement de crédits de TVA déposées à compter du 1er janvier 2017, serait cantonné aux éléments concourant aux remboursements de crédits de TVA. Enfin, cette procédure n’empêcherait pas de mener ultérieurement une vérification de comptabilité.
… et de contrôle de la délivrance des reçus fiscaux
L’article 14 crée également une procédure spécifique de contrôle de la délivrance des reçus fiscaux par les organismes sans but lucratif (OSBL). À condition de remplir les conditions fixées par la loi, les dons reçus par les OSBL ouvrent droit pour les donateurs à une réduction d’impôt en matière d’impôt sur le revenu (CGI, art. 200), d’impôt sur les sociétés (CGI, art. 238 bis) et d’impôt de solidarité sur la fortune (CGI, art. 885-0 V bis A). Actuellement, le cadre dans lequel les OSBL peuvent être contrôlés, s’avère inadapté à la vérification factuelle que les montants portés sur les documents ouvrant droit à un avantage fiscal correspondent à ceux des dons et versements effectivement perçus par l’OSBL et ayant donné lieu à la délivrance de ces documents. Le PLF crée une procédure spécifique de contrôle sur place sous un nouvel article L. 102 E du LPF. Les OSBL auront l’obligation de conserver pendant un délai de six ans les pièces et documents en lien avec la nouvelle procédure proposée.
Enfin, l’article 29 du projet de loi prévoit de regrouper les commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires au niveau des tribunaux administratifs. Leur nombre passerait de 101 à 36.