Le STDR va fermer ses portes

Publié le 12/10/2017

La cellule de régularisation de l’administration fiscale dédiée aux comptes à l’étranger devrait cesser son activité à la fin de l’année.

Afin de traiter les déclarations rectificatives des contribuables dans les conditions prévues par le ministre du Budget dans sa circulaire du 21 juin 2013, un service spécialisé dénommé Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), a été créé en août 2013 au sein de la Direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF). Le gouvernement a annoncé la fermeture de ce service à la fin de cette année. Les contribuables auront eu 4 ans et demi pour régulariser leur situation auprès du STDR. Les contribuables ont jusqu’au 31 décembre 2017 pour se mettre en conformité avec le droit français, au moyen de la procédure prévue par la circulaire du 21 juin 2013. Une mesure attendue, puisqu’en 2016, sous le gouvernement précédent, Bercy avait fait savoir qu’en raison de la mise en œuvre progressive de l’échange international automatique d’informations entre les administrations fiscales entre 2017 et 2018, la cellule n’aurait plus de raison d’être maintenue.

La nouvelle donne

Le ministre de l’Action et des Comptes publics appelle les redevables qui ne se seraient pas manifestés à régulariser leur situation avant le 31 décembre 2017, date à laquelle le STDR cessera d’opérer. Sont concernés les contribuables personnes physiques détenant des avoirs à l’étranger, qu’il s’agisse de comptes financiers, de contrats d’assurance-vie, de titres de sociétés, ou de biens immobiliers, etc., qu’ils n’avaient pas, jusqu’à présent, déclarés à l’administration fiscale. Ils peuvent rectifier spontanément leur situation fiscale passée sous réserve d’acquitter l’ensemble des impositions éludées et non prescrites et les pénalités et amendes correspondantes. Les contribuables qui font l’objet d’une procédure engagée par l’administration fiscale (examen de situation fiscale personnelle, demande d’informations portant sur les comptes étrangers…) ou par les douanes ou les autorités judiciaires et portant sur des actifs et comptes non déclarés détenus à l’étranger ne peuvent pas bénéficier de ce dispositif. Sont également exclus de cette procédure les avoirs à l’étranger provenant d’une activité occulte (exemple : activité d’intermédiaire non déclarée rémunérée par des commissions) ou d’une activité illicite. Le gouvernement français a fait savoir qu’il entendait lutter avec la plus grande fermeté contre la fraude et l’évasion fiscale et s’appuiera pour ce faire sur l’échange automatique d’informations bancaires qui est entré en vigueur le 30 septembre 2017, pour une coopération internationale plus efficace en matière fiscale. Jusqu’au 31 décembre 2017, seuls les dossiers complets accompagnés des déclarations rectificatives et des paiements correspondants seront encore acceptés. Les dossiers déposés avant le 1er janvier 2018 et non traités par les services au 31 décembre 2017 bénéficieront des conditions de régularisation fixées par la circulaire. À compter du 1er janvier 2018, les déclarations rectificatives qui seraient déposées seront traitées sans remise de pénalités.

Une série de circulaires

Le 21 juin dernier Bernard Cazeneuve, alors ministre délégué chargé du Budget, a lancé la campagne de régularisation applicable aux contribuables détenant des avoirs non déclarés à l’étranger et souhaitant se mettre en conformité avec la loi française par le biais d’une première circulaire dite circulaire Cazeneuve I. Cette circulaire Cazeneuve I prévoyait que les contribuables s’acquittent de l’intégralité des intérêts de retard au taux légal avec une majoration de 40 % pour manquement délibéré est revue à la baisse : 30 % pour les fraudeurs dits « actifs », et de 15 % pour les fraudeurs dits « passifs », qui ont, par exemple, hérité d’avoirs non déclarés à l’étranger. Le 12 décembre 2013, le ministre du Budget a pris une nouvelle circulaire (dite circulaire Cazeneuve II) durcissant les conditions de réduction des majorations et amendes appliquées aux détenteurs d’avoirs non déclarés à l’étranger qui souhaitent spontanément régulariser leur situation. Cette nouvelle circulaire tirait les conséquences de la promulgation de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale1. Le taux de la majoration pour manquement délibéré ou défaut déclaratif ISF au titre de l’ISF dû à compter du 1er janvier 2014 a été fixé à 15 % pour les avoirs reçus dans le cadre d’une succession ou d’une donation. Il en est de même pour les avoirs constitués par le contribuable lorsqu’il ne résidait pas fiscalement en France. Le taux de la majoration pour manquement délibéré ou défaut déclaratif d’ISF au titre de l’ISF dû à compter du 1er janvier 2014 a été fixé à 30 % dans tous les autres cas par exemple, pour les avoirs constitués par le contribuable lorsqu’il résidait fiscalement en France. Concernant l’amende plafonnée chaque année et pour chaque manquement déclaratif, dans la première hypothèse, l’amende a été fixée à 1,5 % de la valeur des avoirs au 31 décembre de l’année concernée et à 3,75 % lorsque le taux de 12,5 % est applicable. Dans la deuxième hypothèse, l’amende a été fixée à 3 % de la valeur des avoirs au 31 décembre de l’année concernée et à 7,5 % lorsque le taux de 12,5 % est applicable. Les autres conditions de la circulaire du 21 juin 2013 sont inchangées.

Une circulaire ministérielle complémentaire datée du 10 décembre 2014 est venue préciser les délais dont disposent les contribuables souhaitant bénéficier de ce dispositif de régularisation pour déposer l’ensemble des déclarations rectificatives après l’envoi préalable d’une demande de mise en conformité et pour répondre aux questions de l’administration fiscale. La régularisation s’effectue en effet généralement en deux temps : un premier courrier destiné à lever l’anonymat puis l’envoi du dossier de régularisation proprement dit, entre deux et quatre mois après. Outre des renseignements exposant de manière précise et circonstanciée l’origine des avoirs détenus à l’étranger, le dossier de régularisation doit contenir des déclarations rectificatives couvrant l’ensemble de la période non prescrite (déclarations à déposer en matière d’ISF, d’impôt sur le revenu voire, le cas échéant, de droits de succession et de donation). Le premier courrier envoyé par le contribuable doit contenir, outre son identité (nom, prénom, date de naissance et adresse), le nom de la banque étrangère, les références du compte à l’étranger et l’estimation du montant des avoirs figurant sur ce compte. Seul le dépôt des déclarations rectificatives arrête le décompte des intérêts de retard dus en application de l’article 1727 du Code général des impôts.

En septembre 2016, Bercy a durci les pénalités applicables aux contribuables qui s’engagent dans une procédure de régularisation de leurs avoirs à l’étranger. La circulaire ministérielle du 14 septembre 2016 a durci le barème des pénalités fiscales pour les demandes de mises en conformités déposées à partir du 15 septembre 2016, date de publication de cette nouvelle circulaire. Désormais, la majoration applicable est portée de 15 % à 25 % pour les fraudeurs passifs, c’est-à-dire qui ont reçu ces avoirs dans le cadre d’une succession ou d’une donation, ou ceux ayant constitués ces avoirs alors qu’ils résidaient à l’étranger et de 30 % à 35 % pour les fraudeurs actifs, ayant organisé leur évasion fiscale. Cette mesure de durcissement s’applique aux demandes de régularisation déposées à compter du 15 septembre, date de publication de la circulaire. Ce remaniement est intervenu pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel. Les Sages de la rue de Montpensier ont, en effet, censuré la disposition législative permettant d’appliquer une amende proportionnelle de 5 % pour non-déclaration de compte détenu à l’étranger lorsque les avoirs dépassent 50 000 €2. Le Conseil constitutionnel a soulevé d’office un grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines. En effet, l’amende était encourue même dans l’hypothèse où les sommes figurant sur ces comptes n’ont pas été soustraites frauduleusement à l’impôt. Les dispositions contestées ont été censurées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. Le gouvernement a décidé de mettre en place un nouveau mécanisme se substituant à l’amende proportionnelle dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2016. Le texte distingue manœuvres frauduleuses et simple omission. Dans le premier cas, les contribuables se verront infliger une amende de 80 %, dans le deuxième cas, leur amende sera limitée à 40 %. S’y ajoutera l’amende forfaitaire de 1 500 € par compte non déclaré. Une amende qui atteint 10 000 € si le compte est localisé dans un État non coopératif, un paradis fiscal.

Un service qui a pris de l’ampleur

Bercy a opté pour un traitement centralisé et harmonisé des dossiers de régularisation via un service dédié baptisé Service des traitements des déclarations rectificatives (STDR). Ce service, installé place de l’Argonne à Paris dans le XIXe arrondissement, chargé de centraliser l’ensemble des demandes de régularisation a été rattaché à la Direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF). Après 8 mois d’activité, fort d’un peu plus de 20 fonctionnaires, le STDR recevait plus de 150 demandes par semaine. Compte tenu de l’afflux de demandes, son effectif a été augmenté de 50 % avec 12 agents supplémentaires pour être porté à 37. Le service comprenait initialement 25 agents, soit 20 agents de catégorie A chargés du traitement des déclarations rectificatives, 3 agents de collaboration chargés de la gestion administrative et 2 responsables les encadrant. Les effectifs du STDR ont été augmentés de 50 % en février 2014 afin de tenir compte de l’augmentation significative des dossiers déposés depuis la création de ce service. Ces effectifs ont été doublés par la suite. Au 1er septembre 2014, les effectifs ont été portés à 60 agents au total pour atteindre une centaine d’agents début 2015. Il a également été décidé d’ouvrir des antennes décentralisées du STDR à partir du 1er juin sur trois sites en Île-de-France (Paris, Nanterre, Versailles) et quatre en province (Marseille, Lyon, Bordeaux, Strasbourg). Ces services instruisent les dossiers les moins complexes affichant un montant inférieur à 600 000 €, un mode de détention directe et non pas indirect comme par le biais d’un trust ou d’une société holding par exemple. Le recouvrement des impositions supplémentaires et pénalités résultant de cette mise en conformité a été centralisé au pôle de recouvrement spécialisé (PRS) de Paris Sud-Ouest. Face à l’afflux des demandes de régularisation des comptes à l’étranger auprès du STDR, trois nouveaux pôles (Ermont, Lille et Nantes) disposant d’une compétence géographique nationale, ont été mis en service en juin 2016. Outre ce traitement centralisé des déclarations rectificatives auprès du STDR, le recouvrement des impositions supplémentaires et pénalités résultant de cette mise en conformité a été centralisé au pôle de recouvrement spécialisé (PRS) de Paris Sud-Ouest. L’accroissement du volume de dossiers traités par le STDR a conduit à augmenter les effectifs de ce PRS d’une dizaine d’agents dans les mêmes délais que pour le renforcement du STDR.

D’excellents résultats

Depuis sa création, plus de 50 000 demandes ont été déposées auprès du STDR et des pôles de régularisation déconcentrés pour plus de 32 milliards d’euros d’avoirs. Alors que les recettes encaissées ne représentaient que 0,1 milliards d’euros en 2013, elles ont atteint 1,9 milliards d’euros en 2014 et la prévision de 2,6 milliards d’euros pour 2015 et celle de 2, 4 milliards d’euros pour 2016. Les sommes encaissées, tous impôts et pénalités confondus par l’État depuis l’origine du dispositif en juin 2013 s’établissaient à 7,8 milliards d’euros au 31 août 2017. Pourquoi un tel succès ? La pression exercée par les établissements bancaires suisses ou luxembourgeois qui n’ont pas tardé à adresser à leurs clients résidents français détenteurs de comptes dans ces États, une demande visant à justifier de la régularité de leur situation au regard du droit interne français menaçant, à défaut, de clore automatiquement lesdits comptes pour le 1er janvier 2014 y a été pour beaucoup. Le nouveau standard d’échange automatique de renseignements qui se développe et auquel ont souscrit des États comme la Suisse, le Luxembourg, Singapour ou les îles Anglo-Normandes les y oblige et a changé radicalement la donne pour leurs clients. La fermeté affichée par l’administration fiscale a fait le reste. Le durcissement de la loi fiscale a marqué les esprits, notamment le vote de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière du 6 décembre 2013 qui a complété les dispositions des deux dernières lois de finances rectificatives pour 2012 afin d’élargir l’arsenal répressif de Bercy. Le recours à des comptes ouverts ou des contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger constitue une circonstance aggravante du délit de fraude fiscale (CGI, art. 1741). La fraude aggravée est alors passible d’une peine de 7 années d’emprisonnement et d’une amende de 2 millions d’euros. La communication gouvernementale musclée qui a accompagné le vote de ce texte et le lancement de la procédure de régularisation a encore contribué à inciter à la régularisation.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2013-1117, 6 déc. 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière : JORF n° 0284, 7 déc. 2013, p. 19941.
  • 2.
    Cons. const., 22 juill. 2016, n° 2016-554 QPC.
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