Les délais pour la saisine de la CDI

Publié le 05/07/2016

Le Conseil d’État précise les délais applicables en matière de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires.

Dans le cas d’une demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires (CDI), le retour de ce pli à l’expéditeur avec la mention « non réclamé » a toujours pour effet d’ouvrir à ce dernier un nouveau délai de trente jours pour demander la saisine de la commission, vient de juger de façon inédite le Conseil d’État1. Cette solution ne vaut pas, bien entendu, dans le cas où le défaut d’acheminement du pli recommandé contenant cette demande de saisine est imputable au contribuable lui-même. Ce nouveau délai, au cours duquel l’Administration ne peut procéder à la mise en recouvrement des impositions contestées, court à partir de la date de retour du pli.

Dans l’affaire soumise au Conseil d’État, un couple de contribuables, M. et Mme A., ont fait l’objet d’un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2003 et 2004. À l’issue de ce contrôle fiscal, l’Administration leur a notifié des redressements par une proposition de rectification du 12 décembre 2006. Dans le délai de trente jours à compter de la réponse de l’Administration à leurs observations, ils ont demandé à l’administration fiscale, par lettre recommandée avec accusé de réception libellée à l’adresse exacte du service, de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Or ce pli leur a été retourné le 22 mars 2007 avec la mention « non réclamé, retour à l’envoyeur », accompagné d’un avis de réception ne comportant ni date de présentation et de distribution, ni signature ou cachet de l’administration fiscale destinataire, ainsi que de l’avis de passage du facteur, demeuré attaché à cet avis de réception vierge. L’administration fiscale a soutenu qu’elle n’avait pas reçu le pli litigieux ni même été informée de sa mise en instance et qu’elle n’a ainsi pas été en mesure de le retirer. Les deux contribuables, M. et Mme A., ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement du 14 janvier 2010, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande2. Le 19 avril 2013, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par M. et Mme A. contre ce jugement3. Les contribuables ont donc formé un recours devant le Conseil d’État pour obtenir l’annulation de cet arrêt.

La saisine de la CDI

Présidée par un magistrat du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel et composée de deux membres de l’administration fiscale et de trois représentants des contribuables, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires est compétente pour l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices non commerciaux et bénéfices agricoles, pour l’impôt sur les sociétés, pour la TVA et les taxes assimilées et pour les taxations d’office consécutives à un ESFP. Elle n’intervient pas, en revanche, en matière de plus-values des particuliers, de revenus fonciers, de revenus mobiliers, de traitements et salaires, de charges déductibles du revenu global.

Aux termes de l’article L. 76 du Livre des procédures fiscales (LPF), lorsque le contribuable est taxé d’office en application de l’article L. 69 du LPF à l’issue d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l’article L. 59 du LPF. En effet, le contribuable a le droit de saisir la commission départementale à l’issue d’un ESFP même quand il n’a pas répondu à une demande d’éclaircissements ou de justifications.

Conformément au premier alinéa de l’article L. 59 du LPF, lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l’Administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l’avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires prévue à l’article 1651 du Code général des impôts (CGI), soit de la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires prévue à l’article 1651 H du CGI, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l’article 667 du CGI. Le contribuable dispose d’un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l’Administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l’article L. 59 du LPF.

Un nouveau délai de trente jours

Pour juger que M. et Mme A. ne pouvaient se prévaloir du défaut de saisine de la commission départementale pour demander la décharge des impositions mises à leur charge, la cour a relevé que les contribuables n’établissaient pas que le défaut d’acheminement de leur pli était dû à un dysfonctionnement du service postal et n’avaient pas, sur cette base, réitéré leur demande de saisine de cette commission. Pour le Conseil d’État, en subordonnant la possibilité de saisir à nouveau la commission à l’établissement, par les contribuables, d’un dysfonctionnement du service postal, la cour a commis une erreur de droit. En effet, hormis le cas où le défaut d’acheminement du pli recommandé contenant la demande prévue par ces dispositions est imputable au contribuable lui-même, le retour de ce pli à l’expéditeur avec la mention « non réclamé » a toujours pour effet d’ouvrir à ce dernier un nouveau délai de trente jours pour demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Ce nouveau délai court à partir de la date de retour du pli. Par ailleurs, dans le cas où le contribuable établirait que l’Administration a été régulièrement avisée, par la délivrance d’un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont elle relève et n’a été retourné à l’expéditeur qu’à l’expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation postale, le défaut de saisine de la commission départementale entraîne l’irrégularité de la procédure d’imposition, à la condition que la commission eût été compétente pour se prononcer sur la demande du contribuable. En l’espèce, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que les contribuables n’avaient pas formé de nouvelle demande de saisine de la commission dans le délai de trente jours à compter du 22 mars 2007, date à laquelle ils ont eu connaissance du défaut d’acheminement de leur courrier. Pour le Conseil d’État, il y a lieu de substituer ce motif, qui repose sur des faits non contestés, au motif erroné en droit retenu par l’arrêt attaqué dont il justifie le dispositif. Dès lors, le moyen tiré de ce que ce motif erroné serait entaché d’insuffisance de motivation est inopérant. Le moyen présenté par les contribuables est donc rejeté. M. et Mme A. ne sont donc pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CE, 18 nov. 2015, n° 369502.
  • 2.
    TA Marseille, 14 janv. 2010, n° 0807433.
  • 3.
    CAA Marseille, 19 avr. 2013, n° 10MA01130.
X