Les plus-values immobilières des non-résidents

Publié le 25/05/2016

Quel traitement fiscal appliquer aux Français installés à l’étranger qui mettent en vente leur résidence principale en France ?

Un contribuable non-résident peut-il bénéficier de l’exonération des plus-values immobilières réalisées au cours de la cession d’une résidence principale conformément à l’article 150 U du Code général des impôts (CGI) ? Telle était en substance la question posée par un couple de contribuables suisses devant le juge administratif. La réponse de la cour administrative d’appel de Paris, quelque peu sibylline, ne permet pas d’écarter définitivement une telle possibilité1, même si la doctrine de l’administration fiscale ne paraît pas l’admettre2.

Cession d’un bien situé en France

Dans cette affaire soumise au juge administratif, un couple de contribuables, M. et Mme C, qui résident en Suisse depuis le 15 novembre 2010, ont vu l’Administration procéder, conformément à leur déclaration, au prélèvement du tiers, prévu par l’article 244 bis A du CGI, qu’ils ont réalisée lors de la cession, au cours de l’année 2012, d’un bien immobilier situé à Douvaine (Haute-Savoie). Les époux C ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la décharge de ce prélèvement du tiers, à titre subsidiaire, sa réduction. Le tribunal administratif de Paris n’ayant pas répondu favorablement à leur demande3, M. et Mme C ont fait appel du jugement du 12 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Taxation des non-résidents, de nombreuses réformes

Le traitement fiscal d’une cession immobilière d’un bien situé en France, conformément au modèle conventionnel OCDE, qui évite toute double imposition possible, s’effectue en France. Les règles fiscales françaises applicables pour les personnes physiques qui ne sont pas domiciliées fiscalement en France au sens de l’article 4 B du CGI prévoyaient au moment des faits un prélèvement d’un tiers sur les plus-values immobilières réalisées au titre d’une telle cession. Le Conseil d’État a, en 2014, jugé que ce prélèvement d’un tiers applicable sur les plus-values immobilières des personnes physiques résidentes hors de l’Espace économique européen (EEE) était incompatible avec la liberté de circulation des capitaux4. Précisons que désormais, depuis le 1er janvier 20155, le taux applicable aux plus-values immobilières est fixé à 19 %, pour l’ensemble des contribuables résidents, non-résidents, y compris domiciliés hors de l’Union européenne (UE) ou de l’EEE.

Un autre sujet est venu compliquer la taxation des plus-values immobilières réalisées par les non-résidents lorsque l’article 29 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a étendu le champ d’application des prélèvements sociaux au taux de 15,5 % aux revenus provenant de la location d’immeubles sis en France et aux plus-values immobilières de source française perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France. Or, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne6 et du Conseil d’État7, les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un des pays entrant dans le champ d’application territorial des règlements communautaires ne peuvent pas être assujetties en France à des prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine. En effet, le produit de ces prélèvements est destiné à financer des prestations qui ne bénéficient qu’aux seules personnes assurées au régime français de sécurité sociale. Plutôt que d’amender la législation en vigueur et supprimer les revenus des non-résidents du champ d’application des prélèvements sociaux, le choix du Gouvernement a consisté, dans le cadre du projet de loi de financement de sécurité sociale pour 2016, à affecter ces prélèvements au financement de prestations non contributives identiques à celles financées par les autres impôts pour faire échec à la jurisprudence communautaire.

Un dispositif d’exonération spécifique

Les non-résidents fiscaux ne peuvent bénéficier ni de l’exonération pour cession de leur résidence principale (CGI, art. 150 U-II 1°), ni de celle pour première cession d’un logement autre que leur résidence principale (CGI, art. 150 U-II 1°bis), ni de celle en faveur des personnes qui résident dans un établissement d’accueil de personnes âgées ou d’adultes handicapés (CGI, art. 150 U-II 1° ter).

En revanche, les non-résidents qui cèdent un immeuble situé en France peuvent bénéficier d’une exonération spécifique codifiée à l’article 150 U II 2° du CGI. Deux, voire trois conditions doivent être remplies pour bénéficier d’une telle exonération. Le cédant doit posséder la nationalité d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative. Cette qualité s’apprécie à la date de la cession du bien pour laquelle l’exonération est sollicitée. Le cédant doit en outre pouvoir justifier d’un domicile fiscal en France pendant au moins deux années consécutives antérieurement à la cession en cause. Si la cession intervient après le 31 décembre de la cinquième année suivant celle du transfert par le cédant de son domicile fiscal hors de France, une troisième condition vient s’ajouter aux deux précédentes. Le bien cédé doit constituer l’habitation en France du non-résident. Il doit en avoir eu la libre disposition depuis le 1er janvier de l’année précédant celle de la vente. Si l’immeuble a été loué pendant cette période ou mis à la disposition d’un tiers, cette troisième condition n’est pas remplie. En tout état de cause, l’exonération est limitée à 150 000 € de la plus-value nette imposable réalisée par le cédant et il n’est possible de bénéficier de cette exonération que dans la limite d’une seule résidence par contribuable. L’exonération ne peut pas s’appliquer lorsque le bien est détenu au travers d’une personne morale comme par exemple une SCI. Cette exonération bénéficie également aux fonctionnaires et agents de l’État en poste à l’étranger qui sont domiciliés fiscalement en France.

La demande des contribuables

Les contribuables demandaient à bénéficier de l’exonération de la plus-value litigieuse, tant au regard de la loi fiscale, soit l’article 150 U II 1° du CGI, que de la doctrine administrative référencée8, car ils estimaient que l’immeuble litigieux devait être regardé comme leur résidence principale au jour de la cession dès lors que la mise en vente avait été effectuée en mai 2010. Si la vente n’était intervenue qu’en juin 2012, le délai devait être considéré comme normal eu égard aux difficultés du marché immobilier à l’époque considérée.

Les contribuables demandaient à titre subsidiaire à se voir imposés au taux de 19 % en application de l’article 15.4 de la convention fiscale franco-suisse9. En l’espèce, au vu des nouveaux justificatifs fournis en cours d’instance, par lesquels les époux C établissaient qu’ils étaient fiscalement domiciliés en Suisse en 2012, année au cours de laquelle a eu lieu la cession litigieuse, le ministre des Finances et des Comptes publics a fait droit aux conclusions subsidiaires des époux C tendant à la réduction du prélèvement litigieux, ramené au taux de 19 % en application des stipulations de l’article 15 de la convention fiscale franco-suisse et, en conséquence, une décision de dégrèvement du 19 août 2015, postérieure à l’introduction de la requête, a été prise à leur profit pour un montant de 5 740 euros. La cour administrative d’appel de Paris s’est donc limitée à examiner le bien-fondé de leur demande principale.

Exonération pour vente d’une résidence principale

L’article 150 U du CGI, qui organise l’exonération de toute plus-value réalisée lors de la cession d’une résidence principale, vise les immeubles ou parties d’immeubles constituant la résidence habituelle du propriétaire depuis l’acquisition ou l’achèvement ou pendant au moins cinq ans. Aucune condition de durée n’est en revanche requise lorsque la cession est motivée par des impératifs d’ordre familial ou un changement de résidence. Il est précisé qu’un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du fait que son propriétaire libère les lieux avant la date de sa vente, dès lors que le délai pendant lequel l’immeuble était demeuré inoccupé peut être regardé comme normal. C’est sur ce dernier point que se fondait l’argumentation des contribuables. En effet, l’Administration met comme condition à cette tolérance que le délai entre la mise en vente et la vente ne soit pas excessif. Ce délai doit s’apprécier compte tenu des circonstances de fait qui ont entouré la vente, précise le Conseil d’État10. La notion de délai normal doit s’apprécier, précise l’Administration, « au regard de l’ensemble des circonstances de l’opération, et notamment des conditions locales du marché immobilier, des caractéristiques particulières du bien cédé et des diligences exposées par le contribuable pour la mise en vente de ce bien (annonces dans la presse, démarches auprès d’agences immobilières, etc.) ». En tout état de cause, lorsque le délai excède la durée normale de vente, le seul fait que l’immeuble ait été mis en vente n’est pas considéré comme de nature à justifier l’exonération de la plus-value, notamment s’il apparaît que le prix demandé ne correspond pas aux prix pratiqués sur le marché immobilier local. Pour le Conseil d’État, aucun délai maximum pour la réalisation de la cession ne pouvant être fixé a priori, il convient donc sur ce point de faire une appréciation circonstanciée de chaque situation, y compris au vu des raisons conjoncturelles qui peuvent retarder la vente, pour déterminer si le délai de vente peut ou non être considéré comme normal. Lorsque le propriétaire a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l’immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu, le délai de vente doit être considéré comme normal. Au regard de cette tolérance, les prétentions des justiciables pouvaient-elles être fondées ? Si les requérants soutenaient que ce délai devrait, en l’espèce, compte tenu des difficultés du marché de l’immobilier, être tenu pour normal, c’est en se bornant à produire, tant en première instance qu’en cause d’appel, un courriel du 28 mai 2010 d’un agent immobilier, relatif à la perspective de la signature d’un mandat de mise en vente de l’immeuble en cause. Ainsi, précise la cour administrative d’appel de Paris, ils n’établissent pas, comme ils seraient seuls à même de le faire, avoir accompli les diligences nécessaires pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais, comme l’ont estimé avec raison les premiers juges. Ils ne sont, donc, pas fondés à demander le bénéfice de l’exonération prévue par les dispositions précitées.

De façon assez surprenante, le juge administratif rejette le recours des contribuables au motif que ceux-ci n’établissent pas avoir accompli les diligences nécessaires pour vendre le bien dans un délai normal sans examiner leur éligibilité à une telle exonération, alors qu’au regard de la doctrine administrative, l’exonération applicable en cas de cession d’une résidence principale ne s’applique pas aux contribuables domiciliés hors de France, ladite résidence fiscale s’appréciant au jour de la cession.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CAA Paris, 2 févr. 2016, n° 15PA01016.
  • 2.
    BOI-RFPI-PVINR-10-10-20150701, n° 20.
  • 3.
    TA Paris, 12 nov. 2014, n° 1305304/1-1.
  • 4.
    L. n° 2014-1655, 29 déc. 2014, de finances rectificative pour 2014 : JO 30 déc. 2014.
  • 5.
    CE, 20 oct. 2014, n° 367234, SCI Saint-Étienne.
  • 6.
    CJUE, 26 févr. 2015, n° C-623/13, Min. c/de Ruyter.
  • 7.
    CE, 27 juill. 2015, n° 334551.
  • 8.
    BOI-RFPI-PVI-10-40-10-20120912.
  • 9.
    Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée.
  • 10.
    CE, 6 oct. 2010, n° 308051.
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