Les QPC fiscales du début d’année 2017

Publié le 03/04/2017

Le flux de QPC fiscales ne faiblit pas, en témoigne le nombre de dossiers transmis au Conseil constitutionnel depuis la rentrée. Deux d’entre elles sont très attendues : l’une porte sur la régularisation des avoirs fiscaux appliquée à l’article 123 bis du CGI, l’autre sur la CSG des non-résidents.

Le droit fiscal continue de nourrir l’activité des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) adressées au Conseil constitutionnel par les contribuables, via le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Passage en revue des QPC du début de l’année 2017.

Rémunérations et avantages occultes : pas de majoration de 25 % des contributions sociales

Dans une décision du 10 février dernier1, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 136-6, paragraphe I, c, du Code de la sécurité sociale. Ce texte, issu de la loi de finances pour 20092 renvoie, pour la définition de l’assiette de ces contributions sociales, au « montant net retenu pour l’établissement de l’impôt sur le revenu » sur les revenus de capitaux mobiliers. Or, l’article 158, 7, alinéa 1er, du Code général des impôts (CGI) prévoit que certains de ces revenus, parmi lesquels les rémunérations et avantages occultes, font l’objet d’une assiette majorée : pour le calcul de l’impôt sur le revenu comme pour celui des contributions sociales, le montant de ces revenus est majoré de 25 %. Les requérants reprochaient donc au texte d’assujettir le contribuable à une imposition dont l’assiette inclut des revenus dont il n’a pas disposé, effet reconnu par le Conseil constitutionnel.

En second lieu, les Sages ont rappelé que la majoration de l’assiette prévue à l’article 158, 7, 2°, du CGI a été instituée à partir de 20063 en contrepartie de la baisse des taux du barème de l’impôt sur le revenu et à l’intégration dans ce barème de l’abattement de 20 % dont bénéficiaient certains redevables de cet impôt. Or il ressort des travaux préparatoires que cette majoration de l’assiette des revenus n’est justifiée pour l’établissement des contributions sociales ni par une telle contrepartie, ni par l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, ni par aucun autre motif. Par conséquent, l’application du coefficient multiplicateur de 1,25 pour l’établissement des contributions sociales assises sur les rémunérations et avantages occultes méconnaît le principe d’égalité devant les charges publiques.

En pratique, il n’est donc pas permis d’appliquer le coefficient multiplicateur de 1,25 prévu en matière d’impôt sur le revenu pour l’établissement des contributions sociales assises sur les rémunérations et avantages occultes.

Taxe foncière et logement vacant

Le Conseil constitutionnel s’est penché sur la constitutionnalité de l’article 1389 du CGI instituant le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties en cas de vacance d’une maison normalement destinée à la location ou d’inexploitation d’un immeuble utilisé par le contribuable lui-même4. Le texte subordonne le dégrèvement à la triple condition que la vacance ou l’inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu’elle dure au moins trois mois et qu’elle affecte la totalité de l’immeuble ou une partie susceptible de location ou d’exploitation séparée.

En premier lieu, la société requérante a tenté de se prévaloir de deux décisions du Conseil constitutionnel, rendues en 19985 et 20126, examinant les contours de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée sous l’article 232 du CGI. Dans ses décisions, le Conseil avait déclaré les dispositions examinées conformes à la Constitution sous réserve que ne soient pas assujettis à cette taxe des logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur, faisant obstacle à leur occupation durable, à titre onéreux ou gratuit, dans des conditions normales d’habitation, ou s’opposant à leur occupation, à titre onéreux, dans des conditions normales de rémunération du bailleur. Certes, l’autorité attachée à une décision du Conseil constitutionnel peut être utilement invoquée à l’encontre d’une autre loi lorsque les dispositions de cette loi ont un objet analogue à celui des dispositions législatives sur lesquelles le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé. Mais en l’espèce, le Conseil a considéré que la taxe annuelle sur les logements vacants et la taxe foncière sur les propriétés bâties n’ont pas le même objet.

La première est un impôt incitatif qui vise à encourager les redevables à proposer des logements à la location. La seconde frappe les propriétés bâties en raison de leur existence même et sans considération de leur utilisation.

En second lieu, le Conseil constitutionnel a considéré que la taxe et la jurisprudence du Conseil d’État ne méconnaissent pas le principe d’égalité, ni en ce qu’elles excluent les emplacements de stationnement du droit à dégrèvement en cas de vacance d’une maison normalement destinée à la location, ni en ce qu’elles subordonnent pour un immeuble à usage commercial ou industriel, le bénéfice du dégrèvement à une condition supplémentaire tenant à ce qu’il soit utilisé par le contribuable lui-même. Ces différences de traitement sont fondées sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l’objet de la loi. L’article 1389, paragraphe I, du CGI a donc été déclaré conforme à la Constitution.

Réforme du report en arrière des déficits et application dans le temps

Dans une décision du 17 janvier7, le Conseil constitutionnel a partiellement invalidé la réforme du régime du report en arrière pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés de l’article 220 quinquies du CGI, réalisée par la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 20118.

Les dispositions contestées prévoient que la réforme du régime du report en arrière des déficits s’applique non seulement aux déficits constatés au titre des exercices clos à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi du 19 septembre 2011, mais aussi aux déficits qui restaient à reporter à la clôture de l’exercice précédant le premier exercice clos à compter de cette même date. Le Conseil constitutionnel a considéré que la réforme a remis en cause les options exercées postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 19 septembre 2011 pour le report en arrière des déficits reportables à la clôture de l’exercice précédant le premier exercice clos à compter de cette entrée en vigueur. Or, en application de l’article 220 quinquies du CGI, l’exercice de l’option pour le report en arrière « fait naître au profit de l’entreprise une créance » sur l’État.

Dans la mesure où elles remettent en cause des créances dont le fait générateur est intervenu avant leur entrée en vigueur, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées portent atteinte à des situations légalement acquises. Dès lors que cette atteinte n’est pas justifiée par un motif d’intérêt général suffisant, le Conseil a considéré que ces dispositions méconnaissent la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789.

En conséquence, la réforme du régime du report en arrière des déficits s’applique aux seuls déficits constatés au titre des exercices clos à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi du 19 septembre 2011. Cette décision s’applique pour les instances en cours sans être toutefois rétroactive.

Crédit d’impôt « collection » réservé aux entreprises industrielles

Dans une QPC du 27 janvier dernier9, le Conseil constitutionnel a répondu à la question de savoir si, l’article 244 quater B du CGI issu de la loi de finances rectificative pour 200710 qui réserve le crédit d’impôt « collection » relatif aux dépenses d’élaboration de nouvelles collections aux seules entreprises industrielles, ne crée pas une différence de traitement injustifiée au détriment des entreprises commerciales.

L’article 244 quater B du CGI qui prévoit le crédit d’impôt énumère les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt. Parmi celles-ci, sont définies les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir.

Pour la société requérante, ces dispositions méconnaissent les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques du fait qu’elles réservent le crédit d’impôt aux seules entreprises industrielles. Selon le Conseil constitutionnel, le législateur a entendu, par l’octroi d’un avantage fiscal, soutenir l’industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections. En réservant le bénéfice de cet avantage aux entreprises industrielles, qui sont dans une situation différente des entreprises commerciales, le législateur s’est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l’objet de la loi. Il déclare donc conforme l’article 244 quater B du CGI.

QPC en instance : l’article 123 bis du CGI

Le 16 décembre dernier, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une QPC portant sur l’article 123 bis du CGI11. Cet article, qui vise à imposer les artistes et sportifs à raison des résultats d’une structure basée à l’étranger même en l’absence de distribution a été contesté devant le Conseil d’État dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir. Un document mis en ligne par l’administration fiscale en décembre 2015, intitulé : « Déclarations rectificatives des avoirs détenus à l’étranger et non déclarés – modalités pratiques et conséquences fiscales », rédigé sous la forme d’une foire aux questions rappelant les cas d’interposition de structures étrangères visées par l’article 123 bis du CGI. Ces dispositions n’ont pas été soumises à l’examen de constitutionnalité. Or, selon le Conseil d’État dans son arrêt du 15 décembre 201612, la question de leur constitutionnalité présente un doute sérieux. En cause : « elles n’autorisent pas le contribuable à apporter la preuve de ce qu’une structure établie hors de l’Union européenne n’a ni pour objet ni pour effet, dans un but de fraude fiscale, de lui permettre d’appréhender des produits ou bénéfices dans un État soumis à un régime fiscal privilégié ». De plus « elles prévoient s’agissant d’un État non coopératif ou n’ayant pas signé de convention administrative avec la France, une valeur plancher au revenu imposable calculée de façon théorique en fonction de l’actif net de la structure et d’un taux d’intérêt ».

QPC en instance : la CSG des non-résidents

Enfin, une autre QPC transmise le 16 décembre 2016 par le Conseil d’État est attendue. Elle porte sur la CSG des non-résidents13. La question porte sur la différence de traitement entre les résidents d’États tiers à l’EEE et les résidents d’États membres de l’EEE, au regard de l’article L. 136-6 du Code de la sécurité sociale. Une personne relevant d’un régime de sécurité sociale d’un État membre autre que la France ne peut être soumise à la CSG sur les revenus du patrimoine. En revanche, le règlement du 29 avril 2004 n’étant pas applicable en dehors de l’Union européenne, sauf accord international le prévoyant, ses dispositions ne font pas obstacle à ce qu’une personne relevant d’un régime de sécurité sociale d’un État tiers à l’Union européenne soit assujettie à la CSG sur les revenus du patrimoine. Selon le Conseil d’État14, le moyen qui évoque une différence de traitement présente un caractère sérieux. Rappelons que la question, qui s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de Ruyter, fait l’objet d’une question préjudicielle devant la CJUE, transmise par le Conseil d’État le 25 janvier 201715.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cons. const., 10 févr. 2017, n° 2016-610 QPC, Époux G.
  • 2.
    L. n° 2008-1425, 27 déc. 2008, loi de finances pour 2009 : JO n° 0302, 28 déc. 2008.
  • 3.
    L. n° 2005-1719, 30 déc. 2005, loi de finances pour 2006 : JO n° 304, 31 déc. 2005.
  • 4.
    Cons. const., 24 févr. 2017, n° 2016-612 QPC, SCI Hyéroise.
  • 5.
    Cons. const., 29 juill. 1998, n° 1998-403 DC, rendue dans le cadre de l’examen de loi n° 98-657, du 29 juillet 1998, d'orientation relative à la lutte contre les exclusions : JO n° 175, 31 juill. 1998.
  • 6.
    Cons. const., 29 déc. 2012, n° 2012-662 DC, rendue dans le cadre de l’examen de la loi n° 2012-1509, du 29 décembre 2012, de finances pour 2013 : JO n° 0304, 30 déc. 2012.
  • 7.
    Cons. const., 17 janv. 2017, n° 2016-604 QPC, Société Alinéa.
  • 8.
    L. n° 2011-1978, 28 déc. 2011, de finances rectificative pour 2011 : JO n° 301, 29 déc. 2011.
  • 9.
    Cons. const., 27 janv. 2017, n° 2016-609 QPC, Société Comptoir de Bonneterie Rafco.
  • 10.
    L. n° 2007-1824, 25 déc. 2007, de finances rectificative pour 2007 : JO n° 301, 28 déc. 2007.
  • 11.
    Cons. const., 16 déc. 2016, n° 2016-614 QPC.
  • 12.
    CE, 15 déc. 2016, n° 404270.
  • 13.
    Cons. const., 16 déc. 2016, n° 2016-615 QPC.
  • 14.
    CE, 15 déc. 2016, n° 401716.
  • 15.
    CE, 25 janv. 2017, n° 395314.
LPA 03 Avr. 2017, n° 124u6, p.4

Référence : LPA 03 Avr. 2017, n° 124u6, p.4

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