Loi de finances pour 2022 : des mesures anti-fraude

Publié le 01/02/2022
Loi de finances pour 2022 : des mesures anti-fraude
©Frederic-Massard / AdobeStock

Présomption de détention de trusts situés dans un pays ou une zone à fiscalité privilégiée, sanctions en cas d’obstruction au cours de visites domiciliaires, transposition de la directive DAC 7 sur les revenus générés grâce aux plateformes : la loi de finances pour 2022 prévoit plusieurs mesures anti-fraude. La loi de finances pour 2022 (L. n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, JORF n°0304 du 31 décembre 2021), dont les mesures fiscales ont été validées par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 28 décembre 2021, n° 2021-833, JORF n°0304 du 31 décembre 2021) et ses 200 articles ne contiennent pas de grandes réformes fiscales. Focus sur les mesures concernant les procédures, sanctions et contrôles fiscaux ; les mesures relatives aux ménages, aux entreprises et à l’immobilier font l’objet de développements distincts.

Trust : présomption de détention

L’article 133 de la loi de finances pour 2022 institue une présomption de détention spécifique à l’égard des constituants ou bénéficiaires réputés constituants de trusts situés dans un pays ou une zone à fiscalité privilégiée au sens de l’article 238-0 A du Code général des impôts. Ainsi, à partir du 1er janvier 2022, les constituants ou bénéficiaires réputés constituants de tels trusts sont présumés satisfaire la condition de 10 % de détention posée à l’article 123 bis du Code général des impôts. Pour mémoire, cet article rend imposables à l’impôt sur le revenu les revenus réalisés par l’intermédiaire d’entités établies dans des États ou territoires situés hors de France et soumises à un régime fiscal privilégié. Ce dispositif concerne l’ensemble des personnes physiques, fiscalement domiciliées en France qui détiennent, directement ou indirectement, une participation ou des droits financiers d’au moins 10 % dans une telle entité établie hors de France, bénéficiant d’un régime fiscal privilégié et dont le patrimoine est principalement constitué d’actifs financiers et monétaires.

Dans les trusts discrétionnaires et irrévocables, la condition de détention est difficile à vérifier par les services de contrôle fiscal. L’évolution apportée par la loi de finances vise à dissiper le doute sur l’application de l’article 123 bis du CGI aux trusts stipulés discrétionnaires et irrévocables, en tenant compte de la difficulté particulière, inhérente aux trusts, de désigner la personne qui détient le contrôle des biens, droits ou produits mis en trust. Si le contribuable conserve la faculté d’apporter la preuve contraire, cette preuve ne saurait résulter de la stipulation du caractère irrévocable du trust et du pouvoir discrétionnaire de gestion de son administrateur.

Visites domiciliaires et pièces numériques

L’article 141 de la loi de finances pour 2022 alourdit les amendes encourues par les contribuables qui font obstacle à la saisie de pièces ou documents sur support informatique au cours d’une visite domiciliaire et ce, à partir du 1er janvier 2022 (CGI, art. 1735 quater). Lorsque l’obstacle est constaté dans les locaux occupés par le contribuable lui-même, ou dans les locaux occupés par le représentant en droit ou en fait du contribuable, l’amende passe de 10 000 euros à 50 000 euros. Lorsque l’obstacle est constaté dans les locaux d’un tiers, l’amende de 1 500 euros passe à 10 000 euros.

Comptes à l’étranger

L’article 140 de la loi de finances pour 2022 étend l’interdiction d’imputer les déficits et les réductions d’impôt en cas de manquement grave (CGI, art. 1731 bis) en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ainsi, à partir de l’imposition des revenus perçus en 2021 et de l’IFI 2022, dès lors que la majoration de 80 % est mise en œuvre à raison de la non-déclaration de comptes, contrats d’assurance-vie détenus à l’étranger ou de non-déclaration de trusts, les déficits constatés ne pourront pas être imputés sur les déclarations de revenus.

Traitement des dettes fiscales en cas de surendettement

L’article 130 de la loi de finances uniformise le traitement des dettes fiscales et des dettes sociales dans le cadre du surendettement des particuliers. Jusqu’à présent, les dettes fiscales pouvaient faire l’objet d’effacement, de remise et de rééchelonnement sans l’accord de l’administration fiscale, y compris lorsque ces dettes sont d’origine frauduleuse ou sanctionnent des inobservations graves et répétées aux obligations fiscales, ou des comportements gravement fautifs. Désormais, l’accord de l’administration fiscale sera toujours requis pour la remise, le rééchelonnement ou l’effacement de telles dettes.

Droit de communication

L’article 146 habilite les greffiers des tribunaux de commerce à communiquer à l’administration fiscale et aux douanes tous les renseignements ou documents recueillis à l’occasion de l’exercice de leurs missions, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant pour objet ou pour effet de frauder ou de compromettre un impôt (LPF, art. L. 101 A). L’article 145 limite le droit de communication de l’administration fiscale auprès des opérateurs de téléphonie et d’internet aux infractions fiscales les plus graves (LPF, art. L. 96 G).

Coopération administrative : transposition de la DAC 7

L’article 134 de la loi procède à la transposition de plusieurs règles de la directive dite DAC 7 (directive (UE) 2021/514 du Conseil du 22 mars 2021 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, JOUE L 104, 25 mars 2021) qui instaure un dispositif harmonisé de déclaration et d’échange automatique entre États membres d’informations relatives aux revenus générés grâce aux plateformes, à partir de 2024. La directive permet également aux États de réaliser des contrôles conjoints : les fonctionnaires (habilités et mandatés à cet effet) des administrations des autres États membres qui participent à un contrôle conjoint mené en France pourront interroger les contribuables français, examiner les documents et recueillir des éléments de preuves au cours des activités de contrôle.

Et également :

L’article 36 de la loi de finances prévoit que, dans le cadre de la télétransmission des déclarations de succession – obligatoire au plus tard le 1er juillet 2025 (CGI, art. 802 bis) –, chaque copie dématérialisée devra être certifiée conforme à l’original. Enfin, l’article 144 prolonge, jusqu’à fin 2023, le dispositif d’indemnisation des aviseurs fiscaux (LPF, art. L. 10-0 AC).

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