Retour sur le bilan d’activité de la Commission des infractions fiscales en 2020
Si la réforme du verrou de Bercy a impacté l’activité de la Commission des infractions fiscales, elle n’a pas transformé sa mission. L’activité de la Commission des infractions fiscales s’est réduite en dépit des nouvelles responsabilités qu’elle assume.
La Commission des infractions fiscales vient de publier son rapport d’activité pour 2020. La Commission des infractions fiscales a été créée dans les années 70 dans le cadre de la mise en application du verrou de Bercy prévoyant que par dérogation au droit commun de la procédure pénale, et en application de l’article L. 228 du Livre des procédures fiscales (LPF), les infractions fiscales ne peuvent être poursuivies par l’autorité judiciaire que suite à un dépôt de plainte de l’administration fiscale. Le verrou de Bercy, un mécanisme quasi centenaire, puisqu’institué en 1920 a été partiellement réformé en 2018, modifiant profondément l’activité de la Commission des infractions fiscales. Cependant cette réforme n’a pas affecté la nature de l’office de la Commission des infractions fiscales.
Une position singulière
Elle continue d’exercer les deux missions que lui a assignées le législateur en 1977, et que le législateur n’a pas entendu remettre en cause en 2018, à savoir apporter aux contribuables mis en cause la garantie d’un examen impartial et individualisé de leur situation par une commission administrative indépendante et filtrer, parmi les dossiers dont elle est saisie, ceux justifiant effectivement des poursuites pénales au-delà des sanctions fiscales déjà encourues par les contribuables concernés, hormis ceux nécessitant une transmission automatique ou ceux dont l’administration fiscale estime qu’il n’y a pas lieu d’aller au-delà des sanctions pécuniaires fiscales. « La Commission des infractions fiscales occupe une position assez singulière dans le paysage administratif français, entre l’administratif et le pénal », souligne le rapport. Elle est à la fois insérée dans un dispositif de dépôt de plaintes et son avis peut conduire ou non à la mise en mouvement de l’action publique. « Cette position singulière et l’indépendance que lui confèrent sa composition et la collégialité de son fonctionnement, lui permettent d’exercer depuis 1977 la mission que lui a assignée le législateur, à savoir garantir aux contribuables susceptibles d’être renvoyés devant le tribunal correctionnel, ce qui n’est jamais une décision anodine pour les personnes physiques ou morales mises en cause, que leur situation fera l’objet d’un examen personnalisé et impartial, tenant compte des circonstances propres à chaque affaire », conclut le rapport.
Une activité en baisse
La Commission des infractions fiscales élabore chaque année un rapport d’activité dans lequel figurent le nombre de dossiers reçus et examinés, le nombre d’avis favorables et défavorables émis, répartis par impôts et taxes, ainsi que par catégories socioprofessionnelles, en précisant le montant des droits visés pénalement. La Commission des infractions fiscales est actuellement en charge de 522 dossiers, dont 309 reçus en 2020. La Commission des infractions fiscales a tenu 34 séances et examiné 421 dossiers pendant l’année, concluant à 13 avis défavorables aux propositions de l’administration. En matière de TVA, la Commission des infractions fiscales a traité 270 dossiers ; en matière d’’impôt sur le revenu, elle en a traité 135 ; en matière d’impôt sur les sociétés, elle en a traité 125. L’activité est en baisse, notamment en raison de la réforme du verrou fiscal. L’érosion de l’activité de la Commission des infractions fiscales, manifeste depuis plusieurs années, a été accélérée par la réforme. Comme en 2019, la Commission des infractions fiscale a donné un avis favorable à un dépôt de plainte dans 97 % des dossiers qu’elle a examiné. « Tout impôt confondu, la moyenne des droits fraudés par affaire ayant reçu un avis favorable de la Commission des infractions fiscales s’élève en 2020 à 275 704 euros, déduction faite d’une affaire exceptionnelle », souligne le rapport annuel. « Ce chiffre élevé correspond au souci des pouvoirs publics de concentrer la lutte contre la fraude fiscale sur les cas les plus caractérisés », souligne le rapport. Les plaintes concernant des dirigeants de société sont en évolution sensible, pour atteindre 20 %, généralement dans le cadre de fraude sophistiquées faisant intervenir des montages complexes.
La réforme du verrou de Bercy
Il s’agit de la deuxième année de mise en œuvre de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude qui fait désormais obligation à l’administration de transmettre automatiquement au procureur de la République, sans dépôt de plainte préalable de l’administration, et donc sans consultation de la Commission des infractions fiscale, les faits de fraude fiscale les plus graves. Le nouveau texte prévoit un mécanisme de transmission automatique au parquet pour les seules affaires dans lesquelles les droits appliqués atteignent 100 000 euros. Ce seuil est réduit à 50 000 euros pour les dossiers relatifs aux personnes soumises à une déclaration auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), comme les ministres. Si le principe du verrou demeure, il a donc été profondément réaménagé. Cependant, aucun véritable examen conjoint des dossiers par Bercy et le parquet n’a été prévu. Ces dispositions nouvelles ont eu des répercussions sur l’activité de la Commission, même si celle-ci a été amenée à examiner, au moins jusqu’au début du second semestre 2019, des dossiers présentés sous l’empire des dispositions antérieures. L’impact de cette réforme est notable puisqu’en 2020 elle a entraîné une baisse sensible de l’activité de la Commission des infractions fiscales. Avec le dispositif automatique de dénonciation au procureur de la République des dossiers de fraude caractérisée, la Commission a perdu entre 40 à 50 % des dossiers dont elle était saisie habituellement.
L’impact de la pandémie
L’effet mécanique de la réforme sur l’activité de la Commission des infractions fiscales paraît avoir été modifié par le contexte particulier de l’année 2020. « Les difficultés de gestion rencontrées au sein des services de l’administration fiscale du fait de la crise sanitaire les ont conduits à concentrer prioritairement leur action sur les dossiers de fraude les plus graves et présentant un caractère d’exemplarité particulièrement marqué, qui sont précisément ceux qui doivent donner lieu à une dénonciation directe auprès de l’autorité judiciaire », souligne le rapport.
Autre facteur à prendre en compte : la déconcentration de l’action pénale qui a modifié le circuit de saisine de la Commission des infractions fiscales. Elle est désormais saisie, par délégation du ministre chargé du Budget, par les directeurs et leurs adjoints des directions nationales et directions spécialisées de contrôle fiscal, alors qu’elle l’était précédemment par l’administration centrale de la DGFiP. Cette déconcentration qui s’est accompagnée de la création de pôles pénaux inter-régionaux a nécessité un temps d’adaptation de la part de ces directions par ailleurs mobilisés par la transmission des dossiers de dénonciation obligatoire.
Enfin, la pandémie qui sévit actuellement a laissé un impact sur l’activité de la Commission des infractions fiscales. En mettant à l’arrêt les opérations de contrôle fiscal jusqu’à l’été 2020, elle a de facto réduit le nombre de dossier en l’état d’être transmis pour avis à la Commission au cours du second semestre 2020.
Si le législateur a confié deux nouvelles missions consultatives à la Commission des infractions fiscales, celles-ci n’ont pas permis de pallier la réduction générale de son activité. La Commission des infractions fiscales est désormais chargée de donner un avis à l’administration fiscale lorsque cette dernière envisage de rendre publiques des sanctions administratives pécuniaires, en application de l’article 1729 A bis du Code général des impôts, ainsi que lorsqu’elle prévoit de publier la dénomination commerciale d’un opérateur de plateforme sur une liste des opérateurs de plateformes non coopératifs, en application de l’article 1740 D du même code. « Dans les deux cas, la Commission des infractions fiscales doit émettre un avis conforme et motivé », précise le rapport.
Référence : AJU001g8