Abattement pour départ en retraite et professions libérales
Bercy vient de confirmer que les associés d’une structure d’exercice libérale exerçant leur profession au sein de la société mais qui ne sont pas titulaires de mandats sociaux ne peuvent pas bénéficier de l’abattement fixe de 500 000 euros sur les plus-values de cession de titres des dirigeants qui partent à la retraite.
Les dirigeants de PME qui cèdent leur entreprise et partent en retraite connaissent l’abattement spécifique de 500 000 euros sur les plus-values de cessions de titres que la loi leur accorde depuis 2006. À l’origine, le mécanisme a pour objectif d’encourager les transmissions d’entreprises détenues par la génération de « papy boomers », en en réduisant le coût fiscal.
Une première version du dispositif s’est appliquée de 2006 à 2013, et l’article 10 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 avait prorogé jusqu’au 31 décembre 2017. La version actuellement applicable est issue de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018. Le dispositif figure sous l’article 150-0 D ter du Code général des impôts (CGI).
Le dispositif incitatif s’applique également aux professionnels libéraux qui exercent au sein d’une structure soumise à l’impôt sur les sociétés. À leur égard, Bercy vient de confirmer qu’en sont exclus les praticiens qui ne sont pas titulaires d’une fonction dirigeante.
Départ à la retraite
Les gains nets de cession de titres ou droits de petites et moyennes entreprises (PME) européennes réalisés par les dirigeants en vue de leur départ à la retraite sont réduits, sous certaines conditions, d’un abattement fixe de 500 000 euros.
Parmi les conditions d’application du dispositif, le cédant doit cesser toute fonction dans la société dont les titres sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années qui suivent ou précèdent la cession. La nouvelle rédaction de l’article 150-0 D ter du CGI est applicable aux cessions et rachats réalisés du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2022 ainsi que, le cas échéant, aux compléments de prix afférents à ces mêmes opérations et perçus entre ces mêmes dates.
Flat tax ou barème progressif
Rappelons que depuis le 1er janvier 2018, ces gains sont imposés à l’impôt sur le revenu, de plein droit, au prélèvement forfaitaire unique (ou flat tax) de 12,8 % en application du 1 de l’article 200 A du Code général des impôts (CGI). S’y ajoutent les prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %. Les contribuables peuvent opter pour une imposition suivant le barème progressif de l’impôt sur le revenu. L’option est alors globale, express et irrévocable. L’abattement fixe de 500 000 euros est applicable quelles que soit les modalités d’imposition (prélèvement forfaitaire unique ou barème progressif) mais réservé aux titres détenus depuis au moins un an.
Abattement dirigeant ou abattement pour durée de détention
Il est possible de renoncer à l’application de cet abattement fixe dirigeant de 500 000 euros pour bénéficier de l’abattement de droit commun ou renforcé à la seule condition que les titres cédés aient été acquis avant le 1er janvier 2018. En effet, l’abattement dirigeant n’est plus cumulable avec les abattements pour durée de détention de droit commun, ni avec l’abattement renforcé.
L’abattement de droit commun est maintenu pour les titres éligibles acquis jusqu’au 31 décembre 2017. Applicable aux gains nets réalisés lors de la cession des titres, son taux est 50 % du montant du gain net lorsque les titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans, 65 % lorsqu’ils sont détenus depuis au moins huit ans.
L’abattement renforcé est aussi lui maintenu pour les titres de « PME nouvelle » acquis jusqu’au 31 décembre 2017. Si les titres cédés sont ceux d’une PME de moins de dix ans à la date de la souscription ou d’acquisition des titres cédés, l’abattement pour durée de détention renforcé est de 50 % du montant du gain net réalisé lorsque les titres sont détenus depuis au moins un an et moins de 4 ans, 65 % lorsqu’ils sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans, 85 % lorsqu’ils sont détenus depuis au moins 8 ans.
Professionnels libéraux et exercice en société
Une député a interrogé le ministre de l’Économie et des finances sur le caractère inégalitaire de la nouvelle rédaction de l’article 150-0 D ter du CGI dont les conditions d’application sont largement calquées sur celles prévues dans le cadre du dispositif venu à expiration le 31 décembre 2017. « Toutefois, il apparaît que l’exercice d’une profession libérale dans une société, dont les titres sont cédés, n’est désormais plus assimilé à une fonction de direction, pour l’application de cet abattement. Ainsi, au sein d’une même société d’exercice libéral, l’associé exerçant les fonctions de mandataire social bénéficierait de l’abattement fixe de 500 000 euros, tandis que son associé en serait privé, bien qu’il exerçât sa profession principale au sein de ladite société de manière continue, depuis les cinq années précédant la cession ».
Une disposition qui apparaît inéquitable à l’auteur de la question car « la forme juridique de certaines sociétés d’exercice libéral ne permet pas la nomination de tous les associés en qualité de dirigeants, au sens de l’article 150-0 D ter, II-2° a du CGI ». Le député a donc demandé au ministre les mesures qu’il entend prendre pour remédier à une telle situation préjudiciable pour les associés d’une structure d’exercice libéral.
Occuper une fonction de direction
Dans sa réponse du 18 juin, le ministre a bel et bien confirmé que le bénéfice de l’abattement est réservé aux professionnels libéraux qui occupent une fonction de direction (Rép. min. n° 6666, JOAN, 18 juin 2019, p. 5598, Quentin D.). « Le cédant est notamment tenu, pour bénéficier de cet abattement dérogatoire, d’avoir exercé de manière effective une fonction de direction au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession. Cette condition est applicable aux associés d’une société d’exercice libéral (SEL) comme aux autres cédants », rappelle Bercy.
« Si l’exercice d’une fonction de direction n’était pas exigé en cas d’exercice d’une profession libérale revêtant la forme d’une société anonyme ou d’une société à responsabilité limitée pour l’application le cas échéant de l’abattement en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017, la loi de finances pour 2018 a ainsi entendu, afin de garantir l’égalité de traitement par rapport aux autres professions, permettre le bénéfice de cet avantage fiscal aux dirigeants de l’ensemble des PME éligibles aux mêmes conditions ». Pour le législateur, l’égalité de traitement doit être appréciée non pas au niveau des associés de la société d’exercice libéral mais au regard des autres professions.
Les commentaires administratifs, datant de 2016, renvoient aux fonctions de direction mentionnées au 1° de l’article 885 O bis du CGI, alors applicable à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) devant être exercées par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés pour que celui-ci puisse bénéficier du dispositif. La fonction doit être effectivement exercée, elle doit donner lieu à une rémunération normale et cette rémunération de la fonction doit représenter plus de la moitié des revenus professionnels du cédant.
La doctrine prévoit que « l’exercice d’une profession libérale dans la société dont les titres ou droits sont cédés (société constituée sous la forme d’une société anonyme [SA], d’une société à responsabilité limitée [SARL] ou d’une société en commandite par actions [SCA]) est assimilé, pour l’application des dispositions de l’article 150-0 D ter du CGI, à l’exercice d’une fonction de direction, si :
– les actions ou parts de la société constituent, au regard de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), des biens professionnels pour leur détenteur ;
– et le cédant y a exercé sa profession principale de manière continue pendant les cinq années précédant la cession.