Cession d’entreprise : l’abattement renforcé s’applique en cas de reprise d’activités préexistantes
Bercy admet que l’abattement renforcé puisse s’appliquer aux plus-values dégagées par la cession de titres de PME de moins de 10 ans ayant repris un fonds de commerce préexistant, sous réserve du respect des autres conditions.
Dans une réponse ministérielle, Bercy autorise l’application de l’abattement renforcé en matière de plus-value mobilière lorsque l’entreprise dont les titres sont cédés était préalablement exploitée sous forme individuelle.
Régime ordinaire des plus-values mobilières
La loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a profondément réformé les modalités d’imposition des gains nets de cession de valeurs mobilières et droits sociaux par les particuliers. Depuis le 1er janvier 2018, les plus-values de cession de valeurs mobilières sont imposées à l’impôt sur le revenu de plein droit au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8 % (CGI, art. 200 A 1), auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 17,2 %, pour une imposition totale de 30 %. Rappelons que le contribuable conserve la possibilité d’opter pour une taxation au barème progressif de l’impôt sur le revenu ; l’option est globale, expresse et irrévocable (CGI, art. 200 A 1).
En cas d’option pour le barème progressif, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France peuvent bénéficier des abattements pour durée de détention, si les titres cédés ont été acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018.
Pour mémoire, l’abattement de droit commun, qui figure à l’article 150-0-D-1 quater du CGI, prévoit 2 taux : un taux de 50 % du montant du gain net, applicable lorsque les titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans. Lorsqu’ils sont détenus depuis au moins huit ans, le taux s’élève à 65 %.
L’abattement pour durée de détention est renforcé si les titres cédés sont ceux d’une PME de moins de dix ans à la date de la souscription ou d’acquisition des titres cédés. Il s’élève à 50 % du montant du gain net réalisé lorsque les titres sont détenus depuis au moins un an et moins de 4 ans, 65 % lorsqu’ils sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans, 85 % lorsqu’ils sont détenus depuis au moins 8 ans.
Transmission d’entreprise
Pour l’application de l’abattement renforcé, la loi prévoit que la société doit être « créée depuis moins de dix ans et ne doit pas être issue d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes. Cette condition s’apprécie à la date de souscription ou d’acquisition des droits cédés ».
Dans une question écrite adressée au ministre de l’Économie et des Finances, le 5 décembre 2017 et renouvelée trois fois, le député Mohamed Laqhila fait valoir qu’un fonds de commerce figurant à l’actif du bilan, par achat ou apport, de la société dont les titres sont cédés fait normalement obstacle à l’application de l’abattement renforcé. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer si l’abattement renforcé prévu à l’article 150-0-D 1 quater du CGI est néanmoins applicable, toutes conditions étant par ailleurs remplies, « dans l’hypothèse où le cédant était finalement le créateur du fonds de commerce figurant à l’actif du bilan de la société dont les titres sont cédés ; fonds de commerce qu’il a ensuite apporté ou vendu à la société qu’il a créée et dont les titres sont aujourd’hui cédés, titres qu’il a souscrits dans les 10 ans de sa création ».
Activités préexistantes
Dans sa réponse parue cet été (Rép. Laqhila n° 3501, JOAN, 13 août 2019, p. 7471), le gouvernement a rappelé ce que recouvrent les opérations de concentration ou de restructuration qui excluent l’application de l’abattement renforcé.
Il s’agit de « celles qui permettent d’exercer des activités préexistantes dans le cadre de structures juridiques nouvelles. Tel est le cas notamment des sociétés constituées à l’occasion d’un apport d’actifs ».
Il confirme par ailleurs que « les entreprises créées pour la reprise d’une activité préexistante, par exemple par acquisition d’un fonds de commerce existant, sont exclues » et qu’en conséquence, notamment, la circonstance qu’une PME soit constituée par apport d’une entreprise individuelle préexistante est de nature à priver le contribuable cédant ses titres du bénéfice de l’abattement pour durée de détention renforcé.
Le ministre rappelle que cette exclusion vise notamment, en cohérence avec l’objectif poursuivi par cet avantage fiscal ciblé sur les PME créées peu avant l’investissement réalisé par le contribuable, à exclure de son champ d’application les titres de sociétés qui, bien que créées moins de 10 ans avant la souscription ou l’acquisition des titres cédés, sont issues d’une activité exercée antérieurement, par l’intermédiaire notamment d’une entreprise individuelle, depuis au moins 10 ans avant cette date.
Toutefois au regard de cet objectif, dans l’hypothèse évoquée par le parlementaire, il y a lieu d’admettre que cette circonstance ne fasse pas obstacle à l’application de l’abattement renforcé, toutes autres conditions étant par ailleurs remplies, « lorsque, d’une part, l’apport par le contribuable de son entreprise individuelle est intervenu moins de 10 ans après qu’il a créé cette entreprise, qui constituait elle-même une PME à la date de l’apport et n’était pas issue d’une activité préexistante à sa création, et, d’autre part, la société bénéficiaire de l’apport (société émettrice des titres cédés) est créée par le contribuable lors de celui-ci avec pour objet exclusif la poursuite de l’activité de son entreprise individuelle sans extension ni création d’activité nouvelle ».
Bercy avait déjà instauré une telle tolérance pour l’application de l’abattement renforcé dans sa rédaction en vigueur avant la loi de finances pour 2018 (Rép. Deromedi n° 00039, JO Sénat 7 sept. 2017, p. 2806). Le ministère avait en effet affirmé que « la circonstance qu’une PME, remplissant par ailleurs toutes les autres conditions d’éligibilité prévues par la loi, ait acquis un fonds de commerce préexistant plusieurs années après sa constitution, dans le cadre d’une opération de croissance externe, n’est en principe pas de nature à priver le contribuable cédant du bénéfice du régime des abattements pour durée de détention renforcés ».