Assurance-vie et fonds structurés

Publié le 15/01/2018

Les fonds à formules sont bien éligibles aux contrats d’assurance-vie, précise la Cour de cassation pour qui la qualification d’obligation n’est pas subordonnée à la garantie de remboursement du nominal du titre.

La Cour de cassation vient de juger, dans une décision très attendue, que des fonds structurés peuvent être valablement souscrits dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie (Cass. 2e civ., 3 nov. 2017, n° 16-22620). La Cour de cassation infirme l’arrêt de la cour d’appel de Paris (CA Paris, 21 juin 2016, n° 15-00317). Cette décision est importante car les avocats du cabinet Lecoq-Wallon et Feron-Polloni, un cabinet spécialisé dans la défense des épargnants, emprunteurs et investisseurs, qui intervenaient pour le requérant ont soutenu avec succès devant la cour d’appel de Paris qu’un produit structuré ne figure pas dans la liste des produits éligibles à l’assurance-vie au titre des unités de compte et ne peut être assimilé à une obligation en l’absence de remboursement du capital à l’échéance. Cette décision avait raisonné comme un coup de tonnerre pour le secteur de l’assurance-vie au regard de l’importance des sommes investies. La souscription de ces produits est en effet prisée dans les contrats d’assurance-vie. On évoque des chiffres allant de 40 à 55 milliards d’euros investis en jeu.

Les contrats d’assurance-vie

L’encours des contrats d’assurance-vie dépasse 1 682 milliards d’euros à fin octobre. Il s’agit toujours du placement préféré des Français. Ils sont 45 % à détenir au moins un contrat de ce type. Les raisons qui poussent les épargnants à se tourner vers l’assurance-vie sont nombreuses. Il s’agit d’un excellent outil d’épargne qu’il s’agisse de préparer un projet immobilier ou de se constituer un revenu complémentaire pour la retraite. C’est également un très bon outil de transmission du patrimoine avec une fiscalité favorable notamment pour ceux qui envisagent de transmettre un capital à des proches. Pour le mois d’octobre 2017, la collecte nette s’est établie à 1,8 milliard d’euros. Au cours des dix premiers mois de 2017, le montant des cotisations collectées par les sociétés d’assurances est de 109,1 milliards d’euros. Les versements sur les supports unités de compte représentent 30 milliards d’euros, soit 27 % des cotisations à fin octobre.

Une tendance à la diversification

Les fonds en euro ont longtemps représenté le placement phare en matière d’assurance-vie grâce à leurs atouts réels. Le capital est garanti par l’assureur et les intérêts crédités annuellement définitivement acquis. Cependant, depuis quelques années, leur rendement moyen net de frais de gestion et hors prélèvements sociaux est à la baisse. Il a quasiment été divisé par deux en deux ans, passant de 4,5 % en 2003 à 2,3 % en 2015, selon les chiffres de la Fédération française de l’assurance (FFA). Dès lors, les épargnants en quête de rendement ont opté pour une plus grande diversification de leurs actifs en panachant leurs contrats d’assurance-vie entre fonds euros et unités de compte. Actions, obligations, immobilier, fonds flexibles ou encore fonds structurés, les unités de comptes offrent une palette très large de sociétés de gestion et de classes d’actifs au profil de risque et de rendement variés. Les unités de comptes séduisent les investisseurs en quête de rendement. En revanche, elles ne bénéficient pas de garantie et peuvent varier aussi bien à la hausse qu’à la baisse. Une perte en capital est donc possible.

Les fonds structurés

Dans cette recherche de diversification, les fonds structurés ou fonds à formules séduisent. Ces fonds constituent des solutions d’investissement sur mesure, combinant plusieurs produits financiers. Les produits structurés fonctionnent en effet comme des enveloppes dans laquelle on peut insérer plusieurs types de placements. Ils couplent des placements financiers traditionnels, comme des actions ou des obligations à des produits dérivés, afin d’obtenir des performances plus élevées. Le rendement d’un produit dérivé dépend d’une variable : le sous-jacent : un indice, un actif ou encore un panier de valeurs, par exemple. À l’échéance du produit structuré, qui peut varier entre quelques trimestres et plusieurs années, l’investisseur recouvre son capital, minoré ou majoré en fonction des performances du sous-jacent. Ces produits, commercialisés pendant une durée limitée, peuvent présenter des potentiels de gains élevés mais ne sont pas sans risques, car le capital n’est généralement pas garanti. Cependant, certains produits structurés offrent une garantie partielle ou totale du capital à échéance.

Une contestation d’arbitrages

Le 21 février 1997, Monsieur François X a souscrit, par l’intermédiaire de son courtier, la société Espace Patrimoine, un contrat d’assurance-vie auprès de la société Fédération Continentale, aux droits de laquelle se trouve la société Generali. Il a versé une prime initiale de 3 000 000 francs répartie sur trois supports en unités de comptes : 40 % sur l’unité de compte Fidelity Selection Internationale, 10 % sur l’unité de compte Invesco Actions Françaises et 50 % sur l’unité de compte Équilibre Monde. Entre 1997 et 2001, il a réalisé de nombreux arbitrages, procédé à des rachats partiels et utilisé son contrat en garantie de différents emprunts. À compter du 16 mai 2000, la société Horizon Patrimoine est devenue son courtier puis, le 12 décembre 2006, il a procédé à l’arbitrage de l’ensemble de sa prime vers le support Optimiz Presto 2. Contestant l’information remise lors de cet arbitrage, Nicolas X a, par actes des 7 et 11 décembre 2012, assigné la société Horizon Patrimoine et la société Generali devant le tribunal de grande instance de Paris. Dans un jugement du 16 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à verser aux sociétés Generali Vie et Horizon Patrimoine la somme de 1 000 euros chacune, par application de l’article 700 du Code de procédure civile. Nicolas X a interjeté appel devant la Cour d’appel de Paris pour obtenir l’annulation de cet arrêt et demander que les sociétés Generali et Horizon Patrimoine, dans la mesure où elles ont manqué à leurs obligations de conseil et de mise en garde, soient condamnées in solidum au paiement, par crédit du contrat Xaélidia, de la somme de 567 238,03 euros au titre de la perte de valeurs des titres Optimiz Presto 2 et de celle de 248 244,14 euros (subsidiairement 123 755,96 euros) au titre de la perte en rendement subie, outre 20 000 euros de dommages et intérêts et 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Une obligation ?

Devant la cour d’appel Nicolas X. avance que la société Generali a commis une faute pour avoir proposé à la souscription une unité de compte qui n’est pas conforme aux exigences fixées par le Code des assurances. Il avance en effet, que Optimiz Presto 2 n’est pas une obligation mais un produit structuré, qui ne remplit aucune des deux conditions mentionnées à l’article L. 131-1 du Code des assurances qui précise qu’ « en matière d’assurance sur la vie ou d’opération de capitalisation, le capital ou la rente garantis peuvent être exprimés en unités de compte constituées de valeurs mobilières ou d’actifs offrant une protection suffisante de l’épargne investie et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d’État ». Il soutient également que ce produit ne répond pas au critère de négociation sur un marché reconnu tel qu’imposé par les articles R. 131-1-1° et R. 332-2-2° du Code des assurances. La société Generali n’a donc pas satisfait à ses obligations légales en vérifiant que l’actif présentait une protection suffisante de l’investissement, analyse le requérant. La société Generali répond, quant à elle, que le produit Optimiz Presto 2 est un emprunt obligataire, qui avait toutes les qualités pour être éligible au contrat et que, s’agissant des garanties libellées en unités de compte, l’assureur ne s’engage que sur le nombre d’unités et non sur leur valeur. En l’espèce, il lui incombe uniquement de vérifier que l’actif qu’il souhaitait référencer comme support d’adossement à une unité de compte faisait partie de la liste dressée à l’article R. 131-1 du Code des assurances et de prendre en compte les éventuelles règles d’investissement attachées à cet actif, ce qui a été fait.

La qualité de produit obligataire

L’éligibilité du produit Optimiz Presto 2 à l’assurance-vie dépend de sa qualification de produit obligataire. Aux termes de l’article L. 213-5 du Code monétaire et financier « les obligations sont des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale. Une obligation constitue un titre de créance représentatif d’un emprunt et dont le détenteur, outre la perception d’un intérêt, a droit au remboursement du nominal à l’échéance. Le prospectus commercial du produit litigieux rappelle, au titre des inconvénients de ce produit, qu’« il n’y a pas de garantie en capital » et que « si le mécanisme de maturité anticipée ne s’est jamais déclenché, l’investisseur reçoit 100 % de valeur du panier de référence constatée à l’échéance des 8 ans. Dans ce cas, la valeur de remboursement sera inférieure à 60 % du nominal ». Le détenteur n’ayant pas droit au remboursement du nominal, le produit litigieux ne peut être qualifié d’obligation et n’est donc pas éligible à un contrat d’assurance-vie, conclut la cour d’appel. Au regard du non-respect des obligations légales de l’assureur au regard de l’article L. 131-1 du Code des assurances, celui-ci doit réparer le préjudice résultant d’un investissement que l’assuré ne peut légalement pas faire. Le préjudice subi est égal à la prime versée lors de l’arbitrage déduction faite de la valeur du contrat à l’échéance et des rachats partiels, soit 416 238,03 euros.

La solution de la Cour de cassation

La Cour de cassation commence par préciser que le prospectus commercial du produit litigieux agréé par l’autorité de contrôle luxembourgeoise rappelle, au titre des inconvénients de ce produit, qu’« il n’y a pas de garantie en capital ». Or, juge la Cour de cassation, « la qualification d’obligation n’est pas subordonnée à la garantie de remboursement du nominal du titre ». En jugeant que la qualification d’obligation suppose que le souscripteur bénéficie d’une véritable garantie de remboursement du capital apporté, la cour d’appel, a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas. L’arrêt est annulé. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Paris.

 

 

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