Bilan de l’activité de Tracfin en 2017
Tracfin, la cellule française de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme a publié le bilan de ses activités en 2017. Il met notamment en lumière la mobilisation durable et croissante des professionnels en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, les fraudes aux finances publiques et le financement du terrorisme.
Tracfin constitue un service de renseignement placé sous l’autorité du ministère de l’Action et des Comptes publics. La cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme lutte contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Chargé de recueillir, analyser et enrichir les déclarations de soupçons que les professionnels assujettis sont tenus, par la loi, de lui déclarer, Tracfin n’est pas habilité à recevoir et traiter les informations transmises par des particuliers. Placé sous l’autorité du ministre de l’Action et des Comptes publics, le service comporte un département de l’analyse, du renseignement et de l’information (DARI), chargé du recueil des déclarations de soupçons, de leur orientation, de l’analyse du renseignement financier et des relations avec les professionnels déclarants ainsi que des relations internationales. Le DARI est l’interlocuteur privilégié des déclarants (C. mon. et fin. art. R. 561-23). Il est notamment compétent pour toutes les relations générales avec les professionnels déclarants (non liées à une affaire particulière), pour les questions relatives à l’émission d’une déclaration à Tracfin ou à son suivi au sein du service et pour les questions concernant la coopération institutionnelle ou opérationnelle internationale. Tracfin comporte également un département des enquêtes (DE), en charge des investigations approfondies menées sur les affaires traitées par le service. Dans le cadre des affaires soumises à ces investigations approfondies, les agents du département des enquêtes sont les interlocuteurs des professionnels, des administrations de l’État et de toute autre personne chargée d’une mission de service public, notamment pour l’exercice du droit de communication auprès des correspondants du service. Il comprend également un pôle juridique et judiciaire. Le conseiller juridique de Tracfin est un magistrat issu de la magistrature judiciaire. Il assure auprès de la direction et des départements une mission d’expertise et d’appui pour toutes les affaires relevant de leur compétence. Lorsqu’une affaire est susceptible d’être transmise à la justice, il doit donner un avis consultatif indépendant du directeur sur la caractérisation des faits susceptibles de constituer l’infraction de blanchiment. Le Département des affaires administratives et financières (DAAF) assure les fonctions supports du service, notamment l’informatique, le budget et la gestion des ressources humaines. Enfin, le service inclut également une cellule spécifique, dédiée au traitement des affaires de financement du terrorisme, une cellule d’analyse stratégique et comprend des officiers de liaison.
Les pouvoirs de Tracfin
Afin de remplir sa mission de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, Tracfin dispose de pouvoirs strictement encadrés par la loi et notamment un droit de communication auprès des professionnels impliqués dans la lutte antiblanchiment. Dans le but de reconstituer l’ensemble des transactions faites par une personne ou une société ayant fait l’objet d’un signalement, Tracfin peut demander que les professionnels concernés par le dispositif antiblanchiment lui communiquent les pièces (relevés de comptes, factures, etc.) utiles à son enquête. Tracfin exerce alors son droit de communication prévu à l’article L. 561-26 du Code monétaire et financier auprès des professions déclarantes. Ces pièces sont transmises à Tracfin quel que soit le support utilisé pour leur conservation. Tracfin peut également fixer au professionnel un délai pour la transmission de ces éléments. En ce qui concerne les organismes financiers, Tracfin peut également exercer cette prérogative en se rendant sur place selon les dispositions de l’article L. 561-25 du Code monétaire et financier. Les avocats bénéficient d’un régime dérogatoire, puisque Tracfin ne peut pas exercer directement auprès de ces derniers son droit de communication. La cellule antiblanchiment doit envoyer sa demande au bâtonnier de l’ordre auprès duquel l’avocat est inscrit. Tracfin dispose également d’un droit de communication auprès des administrations d’État, des collectivités territoriales et des établissements publics. Tracfin peut également demander des éléments auprès de toute personne chargée d’une mission de service public. Cette prérogative est prévue par l’article L. 561-27 du Code monétaire et financier. Enfin, la cellule de blanchiment dispose d’un droit d’opposition à la réalisation d’une opération financière douteuse. Lorsqu’une opération financière n’est pas encore réalisée, sur le fondement de toute déclaration de soupçon ou d’information reçue des déclarants, des administrations ou des CRF étrangères, et même, le cas échéant, sans déclaration de soupçon préalable du professionnel en charge de l’opération, Tracfin peut en effet s’opposer à la réalisation de cette opération. Le service met alors en œuvre son droit d’opposition prévu par l’article L. 561-24 du Code monétaire et financier. L’opposition peut durer 10 jours ouvrables. Ce délai peut être prorogé par le président du tribunal de grande instance de Paris sur requête de Tracfin ou du procureur de la République.
Une mobilisation croissante des professions concernées
Dans le cadre de ses missions, Tracfin ne peut s’autosaisir. Régi par le Code monétaire et financier, le service est habilité à recevoir différents types d’informations nécessitant une analyse du service : les déclarations de soupçon émanant des professionnels assujettis au dispositif LCB/FT, les informations transmises par les services de l’État et les informations en provenance des cellules de renseignement financier (CRF) étrangères. Au cours de la dernière décennie, l’accroissement des missions de Tracfin a eu pour conséquence une progression significative de son activité. Sur cette période, le nombre d’informations reçues a été multiplié par plus de 3 et le nombre de transmissions à l’autorité judiciaire et aux administrations partenaires a quadruplé, passant de 347 en 2004 à 1 395 en 2014. Et depuis 5 ans, le nombre d’informations reçues a doublé. Pour le service de renseignements, « ces chiffres témoignent d’une prise de conscience et d’une mobilisation continue, année après année, des professionnels déclarants, soit une quarantaine de professions financières (banques, établissements de paiement, assurances, etc.) et non financières (notaires, secteur immobilier, casinos, administrateurs judiciaires, experts-comptables, commissaires aux comptes, etc.), en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, les fraudes aux finances publiques et le financement du terrorisme ». La hausse de l’activité de la cellule de renseignements est également la conséquence de la mise en place de nouveaux instruments juridiques notamment avec l’accès direct à certaines bases de données, dont les fichiers transporteurs, passagers aériens (PNR), le traitement d’antécédents judiciaires et l’utilisation de techniques de renseignement. Elle est également le fruit de la mise en œuvre de nouvelles méthodologies de travail facilitant le partage de l’information. Tracfin a notamment mis en place le traitement prioritaire et rapide de certaines informations permettant l’externalisation de « rapports flash » et l’approfondissement des techniques d’analyse par la montée en puissance du pôle Data science de Tracfin.
L’année 2016 a été marquée par une hausse sans précédent du nombre d’informations reçues par Tracfin : 64 815 informations (+ 43 % par rapport à 2015 et + 69 % par rapport à 2014), soit la plus forte hausse constatée depuis la création de la cellule de renseignements. En 2017, les chiffres d’activité de Tracfin démontrent encore la forte mobilisation des professions assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le nombre de déclarations de soupçon émanant des professions financières et non financières, leur nombre a encore augmenté de 10 % par rapport à 2016 et de 59 % par rapport à 2015. En 2017, c’est 68 661 déclarations de soupçons qui ont été reçues par Tracfin. À ces déclarations transmises par les professions assujetties, il faut ajouter les informations transmises par les services de l’État et les informations en provenance des cellules de renseignement financier (CRF) étrangères. Au total, Tracfin a reçu et analysé 71 070 informations en 2017 (+ 10 % en 1 an, + 57 % en 2 ans et de + 160 % en 5 ans). Pour Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, « les chiffres 2017 de l’activité de Tracfin, témoignent d’une collaboration active de l’ensemble des partenaires du service, et démontrent la mobilisation permanente des professionnels assujettis au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la fraudes aux finances publiques », conclut le ministre.
Des enquêtes moins nombreuses
En 2016, le service a réalisé 13 592 enquêtes (+ 28 % par rapport à 2015) débouchant sur l’externalisation de 448 notes. En 2017, le service n’a réalisé que 12 518 enquêtes, soit une baisse de 8 % par rapport à l’année 2016. Ces enquêtes sont issues d’informations reçues en 2017 ou antérieurement. Le service s’est également chargé d’actes d’investigations. Les types d’informations adressés à Tracfin, nécessitant une analyse du service, sont les déclarations de soupçon émanant des professionnels assujettis au dispositif LAB/FT, les informations transmises par les personnes publiques ou chargées de mission de service public et les informations en provenance des cellules de renseignement financier (CRF) étrangères. Les professionnels assujettis sont tenus de déclarer à Tracfin les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction possible d’une peine privative de liberté supérieure à 1 an ou participant au financement du terrorisme. Ces enquêtes ont débouché sur l’externalisation de 2 616 notes, soit 891 notes à l’autorité judiciaire (dont 468 notes portant sur une présomption d’une ou plusieurs infractions pénales permettant d’initier une enquête policière) et 1 725 notes aux administrations partenaires (administrations fiscale, sociale, douanière et services de renseignement) soit une hausse de 38 % de notes d’informations diffusées à ses partenaires. À titre de comparaison, en 2016, la cellule de renseignements avait transmis 1 441 notes aux administrations partenaires, soit une augmentation de + 16 % par rapport à l’année 2015.