Cession d’entreprises : des précisions administratives utiles sur les régimes d’exonération
L’administration fiscale a mis à jour sa doctrine relative aux mesures prévues par la loi de finances pour 2022 qui modifie le régime de taxation des plus-values professionnelles et de l’exonération en cas de cession d’entreprise contemporain au départ à la retraite du cédant.
La loi de finances pour 2022 a aménagé les régimes d’exonération des plus-values professionnelles dans le cadre de la transmission des entreprises individuelles (loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, JORF n° 0304 du 31 décembre 2021).
En principe, en cas de cession ou de cessation totale ou partielle d’entreprise, il est en principe tenu compte des plus-values réalisées sur les éléments de l’actif immobilisé et des moins-values subies sur de tels éléments pour la détermination des bénéfices imposables de l’exercice en cours à la date de la cession ou de la cessation.
Toutefois, le législateur a prévu des règles particulières permettant, notamment, l’exonération des plus-values professionnelles réalisées lors du départ à la retraite du cédant ou à l’occasion de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité.
Ces mesures traduisent une partie du plan en faveur des indépendants annoncé le 16 septembre 2021 par Emmanuel Macron et les mesures inspirées par la crise sanitaire qui a invité le législateur à assouplir les conditions de délais qui séparent la cession de l’entreprise et le départ à la retraite. Dans sa mise à jour du Bofip du 11 mai 2022, l’administration fiscale en tire les conséquences dans ses commentaires.
L’exonération en cas de départ à la retraite
Lorsqu’ils font coïncider leur départ en retraite et la cession de leur entreprise, les entrepreneurs individuels et les associés de sociétés de personnes à l’impôt sur le revenu peuvent bénéficier d’une incitation fiscale de taille. En effet, l’article 151 septies A du Code général des impôts (CGI), prévoit l’exonération des plus-values professionnelles réalisées dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, exercée pendant au moins 5 ans.
L’entrepreneur doit cesser toute fonction dans l’entreprise et faire valoir ses droits à la retraite dans un délai de 24 mois avant ou après la date de cession effective de l’entreprise. Pour les entrepreneurs et les associés de sociétés de personnes qui ont fait valoir leur droit à la retraite en 2019, 2020 ou 2021, avant de vendre leurs entreprises ou leurs parts, la loi de finances pour 2022 a porté ce délai à trois ans. De plus, en cas de cession à titre onéreux à une société, le cédant ne doit pas contrôler directement ou indirectement la cessionnaire à plus de 50 %.
L’interprétation des délais entre les trois événements
Ainsi, en dehors de l’allongement exceptionnel du délai de cession, la doctrine administrative pose désormais que « la cessation des fonctions et le départ à la retraite peuvent intervenir indifféremment l’un avant la cession et l’autre après, pour autant qu’il ne s’écoule pas plus de 24 mois, appréciés de date à date, entre chacun de ces événements et la cession. Par conséquent, il ne peut donc pas s’écouler plus de 48 mois entre ces deux événements ». Auparavant, la doctrine admettait que le départ à la retraite et la cession ses fonctions interviennent indifféremment l’un avant la cession et l’autre avant la cession, mais sans qu’il ne s’écoule pas plus de 24 mois (BOI-BIC-PVMV-40-20-20-30).
L’administration assouplit son commentaire corollaire sur les cessions de part de sociétés de personnes lorsque ces cessions sont échelonnées dans le temps. Elle indique que pour apprécier le respect de la condition de cession dans un délai de deux ans toutes les cessions intervenues dans un délai de 24 mois avant la dernière cession peuvent être prises en compte, sous réserve que la cessation des fonctions et le départ à la retraite interviennent dans les 24 mois avant ou après cette dernière cession. À défaut, si plus de 24 mois se sont écoulés, l’exonération ne peut bénéficier à aucune cession.
Ensuite, l’administration articule cette nouvelle position avec les mesures d’allongement exceptionnel. Le délai de cession ne s’apprécie pas de la même façon selon que le premier événement est la cessation des fonctions ou le départ à la retraite.
S’il s’agit de la cessation des fonctions, l’administration fiscale admet que le délai maximum pour céder à compter du premier événement survenu entre la cession de fonctions et le départ à la retraite est porté à 36 mois car le départ à la retraite est intervenu préalablement à la cession, entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021.
Si le départ à la retraite est le premier événement à se réaliser, alors le délai maximum entre le départ à la retraite et la cession des fonctions est porté à 72 mois (délai maximum de 36 mois entre le départ à la retraite et la cession, et délai maximum de 36 mois entre la cession et la cession des fonctions).
Nouveau plafond d’exonération des plus-values professionnelles
Par ailleurs, la loi de finances pour 2022 a relevé les plafonds d’exonération des plus-values professionnelles réalisées lors de la transmission à titre onéreux ou gratuit d’une entreprise individuelle, d’une branche complète d’activité ou de l’ensemble des parts d’une société relevant de l’impôt sur le revenu (CGI, art. 238 quindecies, I). Dans ses commentaires mis à jour, l’administration a pris la peine de préciser que « cette exonération ne s’applique pas aux plus-values portant sur des biens immobiliers ou des droits ou parts d’une société à prépondérance immobilière ».
Pour mémoire, l’exonération totale s’appliquait lorsque la valeur vénale des éléments transmis était inférieure à 300 000 euros : ce seuil a été porté à 500 000 euros. L’exonération partielle s’appliquait lorsque la valeur vénale des éléments transmis était inférieure à 500 000 euros : ce seuil a été porté à million d’euros. Ces nouveaux seuils s’appliquent à l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2021 et des années suivantes, et à l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2021.
En outre, la loi a modifié la notion de valeur vénale des éléments cédés. Auparavant, il convenait de retenir la valeur servants d’assiette aux droits d’enregistrement. Désormais, il s’agit de retenir « le prix stipulé des éléments transmis, ou leur valeur vénale, auxquels sont ajoutées les charges en capital et les indemnités stipulées au profit du cédant ». À propos des charges en capital, l’administration précise qu’elles désignent « les montants supplémentaires au prix de vente mis à la charge de l’acquéreur, qui ont la nature de capital ». Elle donne l’exemple de l’acquéreur qui accepte de rembourser, pour le compte du cédant, le capital d’un emprunt qui grève les actifs cédés.
Quant aux indemnités, elles recouvrent, « toutes les autres charges augmentatives de prix ». Elle donne l’exemple des primes d’assurances échues au jour de la vente et payées par l’acquéreur en lieu et place du cédant.
Fonds donnés en location-gérance
Enfin, l’article 19 de la loi de finances pour 2022 avait ouvert le régime d’exonération aux cessions d’entreprise donnée en location-gérance à une personne autre que le locataire gérant sous réserve que la cession porte sur l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation de l’activité, et dans le respect des stipulations du contrat. La doctrine administrative s’est donc adaptée à cette évolution. Concernant la première condition, elle précise que ces éléments s’entendent de ceux affectés à l’exercice de l’activité professionnelle. De même, est applicable aux cessions de fonds donnés en location-gérance à un tiers, la mesure d’allongement temporaire de deux à trois ans du délai prévu à l’article 151 septies A du CGI lorsque le cédant ou l’associé fait valoir ses droits à la retraite, préalablement à la cession, entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021.
Référence : AJU005d7