Contrôle fiscal : sécuriser les entreprises

Publié le 29/05/2020

Bercy se mobilise pour développer sa nouvelle relation de confiance qui vise les ETI et les grandes entreprises et pour fournir un accompagnement fiscal personnalisé à destination des PME.

À l’occasion de la consultation publique conduite auprès des entreprises à la suite de la loi pour un État au service d’une société de confiance, ces dernières ont exprimé une forte attente de sécurité juridique en matière fiscale. La prévisibilité des conditions d’application de la norme facilite en effet l’investissement et la vie des affaires, en minimisant une partie des aléas auxquels une entreprise est confrontée.

L’accompagnement fiscal personnalisé

Destiné aux petites et moyennes entreprises (PME) qui en font la demande, l’accompagnement fiscal a vocation à permettre le traitement des questions fiscales qu’elles rencontrent dans le cadre de leurs opérations économiques et qui présentent pour elles des enjeux et des risques élevés. La sélection des sujets à fort enjeu est faite au cas par cas, avec l’aide de l’administration fiscale, au vu des spécificités propres à chaque PME concernée. Les questions retenues par l’entreprise peuvent donner lieu à un rescrit, opposable à l’administration fiscale. L’accompagnement fiscal est une prestation de l’administration, personnalisée et qui s’inscrit dans la durée. L’entreprise peut bien entendu ne pas suivre l’avis de l’administration. Les problématiques fiscales ayant fait l’objet d’une prise de position écrite de la DGFiP ne peuvent pas donner lieu à des rappels pour le passé si la position de l’entreprise est conforme à la solution retenue par l’administration fiscale dans son avis et si les faits constatés sont identiques à ceux qui lui avaient été présentés. L’entreprise peut corriger les erreurs ou omissions éventuellement révélées dans le cadre de l’accompagnement fiscal. Ces rectifications ne donnent pas lieu à pénalité et l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI est réduit de moitié. Près de 3 000 entreprises ont déjà été approchées par l’administration fiscale afin de leur présenter cette nouvelle offre de service. Au 1er janvier 2020, 118 PME étaient entrées dans cette démarche. Bercy s’est fixé comme objectif de faire bénéficier 800 PME de ce dispositif d’ici 2022.

Les entreprises ciblées

S’agissant d’une offre nouvelle, l’administration est active pour la faire connaître et s’adressera de manière prioritaire aux entreprises « cœur de cible » pour la leur proposer. L’accompagnement fiscal est destiné aux PME au sens du droit de l’Union européenne (UE), c’est-à-dire aux entreprises de moins de 250 salariés et qui ont un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 M€ ou un total de bilan n’excédant pas 43 M€. Cette offre a vocation à bénéficier aux entreprises représentant un fort potentiel de croissance et de création d’emplois. Dans cet esprit, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) s’attache à proposer cette offre en particulier aux entreprises présentant le faisceau de caractéristiques suivantes : une phase de croissance en termes d’emplois et de chiffre d’affaires, un caractère innovant, une implication dans la recherche et le développement et une activité exercée dans un ou plusieurs secteurs stratégiques pour l’économie nationale. Une entreprise qui a fait l’objet de pénalités pour manquement intentionnel au cours des trois années précédentes n’est en principe pas éligible au bénéfice de l’accompagnement fiscal. Toutefois, les manquements ayant fait l’objet d’une régularisation spontanée ou d’un dégrèvement ne sont pas pris en compte pour l’application de cette condition. Les entreprises souhaitant bénéficier de l’offre d’accompagnement doivent en faire la demande auprès de leur service des impôts des entreprises (SIE) gestionnaire.

Gagner en sécurité juridique

L’objectif de l’accompagnement fiscal des PME consiste à répondre à leur attente de sécurité juridique et de permettre ainsi à ces entreprises de se concentrer le plus sereinement possible sur leur cœur de métier, sachant que le plus souvent, à la différence des entreprises de plus grande taille, elles n’ont pas en interne, toute l’expertise nécessaire pour s’assurer du correct traitement fiscal de leurs opérations. Afin de s’adapter au besoin de flexibilité et de réactivité des PME, ce service peut être mobilisé par les entreprises de manière ponctuelle ou donner lieu à plusieurs sollicitations successives, en fonction de leurs besoins. Son intérêt pour l’administration fiscale est réel. L’accompagnement fiscal des PME a pour but d’améliorer le contexte administratif de la vie économique et la relation de l’administration fiscale avec les entreprises. Il doit permettre une meilleure compréhension de l’activité des entreprises et des événements significatifs qui peuvent les affecter, et donc un traitement plus rapide des questions fiscales nécessitant une clarification, tout en prévenant les litiges. Il tend également à une utilisation plus rationnelle des ressources de Bercy.

En pratique

Afin de bénéficier de l’accompagnement fiscal, la PME intéressée formule sa demande auprès de son service de gestion (service des impôts des entreprises – SIE). Les parties observent les principes de coopération de transparence et de clarté dans l’échange d’information, de disponibilité et célérité, de pragmatisme et prise en compte des contraintes de chaque partie. Ces principes doivent alimenter la connaissance et la confiance mutuelles sur la base desquelles les deux parties pourront développer une relation de travail de plus en plus efficace. L’administration fiscale s’engage à désigner un référent, interlocuteur de l’entreprise, et mobiliser les compétences nécessaires au traitement des questions fiscales identifiées ainsi qu’à identifier et formaliser avec l’entreprise les questions sur lesquelles une prise de position formelle de l’administration serait utile, par exemple pour le traitement d’opérations récurrentes à fort enjeu financier ou d’opérations ponctuelles clés pour son développement (restructuration, valorisation d’actifs, création de filiales à l’étranger, etc.) ainsi qu’à faire preuve de réactivité et d’adaptation au calendrier des échéances économiques et fiscales de l’entreprise. Elle se déplace, le cas échéant, au sein de l’entreprise à son invitation pour assurer la bonne compréhension des questions posées, de son marché, de son activité et de son positionnement. Elle rend un avis écrit sur les problématiques fiscales identifiées sous la forme d’une prise de position formelle qui l’engage dans un délai de trois mois ou, si un dialogue plus long s’avère nécessaire, dans un délai fixé avec l’entreprise, selon le degré de complexité de ses préoccupations. Toutefois, l’esprit de cette offre d’accompagnement consiste aussi à avoir des échanges sans formalisme chaque fois que nécessaire. De son côté, l’entreprise doit fournir spontanément les informations, analyses et documents internes et externes dont elle dispose de nature à contribuer à la qualité et à l’efficience des travaux conduits aux fins d’identifier les problématiques fiscales à sécuriser et d’assurer leur traitement conforme à la législation applicable et à répondre aux demandes de l’administration permettant le traitement de ces sujets et lui communiquer les documents sollicités dans des délais compatibles avec le calendrier arrêté d’un commun accord. Les documents communiqués ne sont utilisés par l’administration fiscale qu’aux fins de l’accompagnement fiscal. En particulier, ils ne peuvent l’être dans le cadre d’un contrôle fiscal.

Contrôle fiscal : sécuriser les entreprises
Richard Villalon / AdobeStock

Partenariat fiscal à destination des grandes entreprises et des ETI

Pour les entreprises de taille plus importante la nouvelle relation de confiance prend la forme d’un partenariat fiscal, une offre d’accompagnement personnalisé : elle vise à établir une relation de travail au long cours entre la société participante et le référent dédié au sein de l’administration fiscale, dans le but de confirmer le traitement fiscal des points fiscaux à enjeux et à risques. Dans ce cadre, toutes les questions relatives aux impositions gérées et recouvrées par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) peuvent être abordées. Dans le cas d’un groupe fiscal, l’entreprise définit conjointement avec l’administration le périmètre du partenariat et l’interlocuteur désigné pour conduire les discussions en son nom. Le partenariat fiscal est adapté à des entreprises qui conduisent des activités et des opérations complexes et qui ressentent donc régulièrement le besoin de sécuriser le traitement de leurs problématiques fiscales.

Une relation de confiance avec 30 groupes

Le partenariat fiscal est ouvert aux entreprises de 250 salariés et plus et dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 50 millions d’euros ou le total de bilan supérieur ou égal à 43 millions d’euros. Une entreprise qui a fait l’objet de pénalités pour manquement intentionnel au titre de l’une des trois dernières années n’est pas éligible au partenariat fiscal. Toutefois, les manquements ayant fait l’objet d’une régularisation spontanée ou d’un dégrèvement ne sont pas pris en compte pour l’application de cette condition. Ces conditions sont appréciées au niveau de l’entreprise signataire. Dans le cas d’une intégration fiscale, les manquements d’une des entreprises membres de l’intégration sont toutefois retenus s’ils résultent d’une décision arrêtée par le groupe ou s’ils apparaissent d’un niveau significatif au regard de ce dernier. Les conditions d’éligibilité à ce dispositif doivent être respectées en continu pendant toute la durée du partenariat fiscal. En janvier 2020, une trentaine de groupes représentant plus de 2 000 sociétés, 665 000 emplois et 318 Md€ de chiffre d’affaires ont opté pour le partenariat fiscal.

En pratique

Ce partenariat se concrétise par la signature d’un protocole entre l’administration et l’entreprise qui instaure une relation de travail au long cours. Il lui offre l’accès à un service dédié, le dervice partenaire des entreprises (SPE), ayant pour mission de répondre à ses principales questions fiscales au fur et à mesure qu’elles se présentent, de manière à ce qu’elle puisse s’acquitter de ses obligations déclaratives au vu d’une prise de position opposable de l’administration fiscale. Pour Bercy, ces partenariats doivent améliorer ses relations avec les entreprises, lui offrir une meilleure compréhension de l’activité des entreprises et des événements significatifs qui peuvent les affecter, et donc un traitement plus rapide des questions fiscales nécessitant une clarification, tout en prévenant les litiges. Ils doivent également permettre une utilisation plus rationnelle des moyens de l’administration fiscale. Les entreprises souhaitant s’inscrire dans cette offre de partenariat doivent en faire la demande auprès de la Direction des grandes entreprises (DGE), au sein de laquelle est placé le SPE.

Le service de mise en conformité fiscale

Le service de mise en conformité fiscale des entreprises (SMEC) a été créé dans le prolongement de la loi ESSOC. Il a pour objet de permettre aux entreprises, quelle que soit leur taille, ou à leurs dirigeants, de se mettre spontanément en conformité avec la législation fiscale. Au 31 janvier 2020, seuls 17 dossiers de mises en conformité fiscale ont été déposés. Le champ de compétence de ce service couvre toutes les anomalies fiscales découvertes par les nouveaux détenteurs et repreneurs d’une entreprise. Il s’étend également à un certain nombre de problématiques complexes : une activité en France non déclarée, constitutive d’un établissement stable, la déduction de tout ou partie des intérêts d’un prêt consenti par une société étrangère en violation des dispositions prévues par l’article 212 du CGI, des montages faisant l’objet d’une fiche publiée sur le site « economie.gouv », comme par exemple les schémas de délocalisation de profits à la suite d’une restructuration, les abus de convention fiscale ou la double déduction d’intérêts d’emprunt) et, d’une manière générale, les montages impliquant des structures à l’étranger, les opérations susceptibles d’encourir l’application de majorations de 80 %. Les dirigeants peuvent également mettre en conformité leur situation personnelle avec les règles en vigueur en s’adressant au SMEC dans un certain nombre de cas : régime fiscal des impatriés prévu à l’article 155 B du CGI, non-respect des conditions d’un pacte « Dutreil » (CGI, article 787 B), non-assujettissement à tort d’une plus-value de cession de titres, montages publiés sur le site « economie.gouv », notamment les schémas de management package et les utilisations abusives de PEA. La démarche doit revêtir un caractère spontané. Sont donc exclues du dispositif les entreprises ou les dirigeants pour lesquels un contrôle fiscal est en cours, qui ont reçu un avis de vérification ou qui font l’objet d’une procédure d’enquête administrative ou judiciaire.

Modulation des majoration et intérêts de retard

Au sein de la DGFiP, ce service dépend de la DGE. Les demandes de mise en conformité  doivent être présentées auprès de cette direction, le point d’entrée unique pour toutes les entreprises et leurs dirigeants. Outre une explication détaillée de la problématique concernée, le dossier doit contenir des déclarations rectificatives couvrant toute la période non prescrite et des justificatifs des montants concernés et permettant leur calcul pour s’assurer de l’exactitude des données chiffrées ainsi que d’une attestation du contribuable selon laquelle le dossier est sincère. Le caractère spontané de la démarche est pris en compte par une modulation, effectuée par voie transactionnelle, du taux des majorations éventuellement applicables ainsi que celui des intérêts de retard. Le service de mise en conformité fiscale applique une grille de pénalités connue à l’avance et non négociable. Par exemple, dans les situations de manquements délibérés soumises au SMEC, le taux de la majoration peut être ramené de 40 % à 15 % et les intérêts de retard réduits de 40 %. Lorsque seuls les intérêts de retard sont exigibles, ceux-ci sont réduits de moitié dans le cadre du droit à l’erreur, conformément aux dispositions de l’article 1727 V du CGI. Les contribuables doivent s’acquitter du paiement intégral des impositions supplémentaires mises à leur charge ou s’engager à les acquitter selon un échelonnement convenu avec l’administration. La transaction peut être remise en cause et déclarée caduque s’il s’avère ultérieurement que les déclarations rectificatives et le dossier déposé ne sont pas sincères.

Mise en place de la garantie fiscale

À l’issue des contrôles fiscaux, l’administration se prononce désormais sur les points examinés au cours du contrôle fiscal et qui, n’ayant pas donné lieu à rectification, peuvent être considérés comme conformes. Cette mesure s’applique aux contrôles engagés à partir du 1er janvier 2019. Cette nouvelle garantie renforce la sécurité juridique des contribuables sur le long terme et les conforte dans leurs décisions de gestion, en leur apportant une prise de position de l’administration fiscale sur l’ensemble des points examinés lors d’un contrôle, y compris en l’absence de rectification. Ces points sont énumérés dans les documents de procédure et le contribuable pourra se prévaloir des positions ainsi prises par l’administration lors d’un contrôle ultérieur.

LPA 29 Mai. 2020, n° 152f6, p.6

Référence : LPA 29 Mai. 2020, n° 152f6, p.6

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